CA Bastia, ch. civ. B, 16 décembre 2009, n° 07-00979
BASTIA
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Mercedes Benz France (Sté)
Défendeur :
Damiani, Noria (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Conseillers :
Mme Dezandre, M. Belletti
Avoués :
SCP Jobin, Jobin, Me Albertini, SCP Ribaut-Battaglini
Avocats :
SCP Uggc & Associes, Mes Bourgeot, Orabona, de la Foata
Vu le jugement rendu le 12 novembre 2007 par le Tribunal de grande instance de Bastia, dont le dispositif est le suivant :
"Ordonne la résolution de la vente ;
Condamne la SARL Noria à payer avec intérêts au taux légal à Pascal Damiani les sommes de :
- 50 000 euro au titre de la restitution du prix de vente,
- 20 733,60 euro pour le financement du prêt,
- 1 105,10 euro représentant la location d'un véhicule,
- 95,84 euro pour l'extension de la garantie,
- 1 200 euro pour frais irrépétibles ;
Dit que la SAS Daimler Chrysler France garantira la SARL Noria du montant de ces condamnations ;
Condamne la SAS Daimler Chrysler France à payer à la SARL Noria, M. René Keirsblick, la SA des pétroles Shell et Generali France Assurance la somme de 1 000 euro à chacun pour frais non taxables ;
Ordonne l'exécution provisoire ;
Laisse les entiers dépens à la charge de la SAS Daimler Chrysler France en ceux compris le coût du rapport d'expertise judiciaire".
Vu la déclaration d'appel de la SAS Mercedes-Benz France, anciennement dénommée Daimler Chrysler France déposée au greffe le 19 décembre 2007.
Vu les dernières conclusions déposées le 7 avril 2009 par la SAS Mercedes-Benz France, tendant à infirmer le jugement entrepris, constater que l'existence d'un vice caché n'est pas rapportée, que le véhicule est réparable et dire n'y avoir lieu à résolution de la vente, en conséquence condamner Monsieur Damiani à lui restituer la somme de 73 134,54 euro versée au titre de l'exécution provisoire, ou, subsidiairement, constater que Monsieur Damiani a été indemnisé au-delà de son préjudice, infirmer le jugement sur la condamnation à payer la somme de 20 733,60 euro et condamner Monsieur Damiani à restituer la somme de 15 000 euro versée au titre de l'exécution provisoire, dire que la demande au titre des frais de location n'est pas justifiée et en débouter Monsieur Damiani, constater que la SARL Noria n'avait pas sollicité la garantie de la société Mercedes-Benz France et dire qu'en cas de résolution judiciaire, cette société ne peut pas être tenue de garantir le paiement d'une somme qu'elle n'a pas reçue, enfin constater que les demandes relatives au préjudice de jouissance et aux intérêts du prix de vente à compter de mars 2003 sont nouvelles en cause d'appel et donc irrecevables, condamner en toute hypothèse Monsieur Damiani à payer à la SAS Mercedes-Benz France la somme de 2 500 euro au titre de l' article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.
Vu les dernières conclusions déposées le 9 juin 2009 par Monsieur Pascal Damiani demandant de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le quantum des sommes allouées, et condamner la SARL Noria et la société Mercedes-Benz conjointement et solidairement (sic) à :
- restituer le prix de vente à hauteur de la facture d'achat soit 51 000 euro,
- payer à titre de dommages et intérêts :
* 575 euro au titre du contrat de garantie,
* 5 733,60 euro au titre des intérêts et accessoires du contrat de prêt, selon tableau d'amortissement,
* 9 004,42 euro au titre des intérêts du prix de vente payé comptant le 11 mars 2003,
* 1 105 euro au titre des frais de location de véhicule,
* 20 000 euro au titre de la perte de jouissance et tracasseries générées par la présente procédure depuis plus de cinq années.
Il demande aussi d'assortir les condamnations ci-dessus des intérêts de droit à compter du 28 juin 2004, date de l'exploit introductif d'instance, ainsi que de condamner la SARL Noria et la société Mercedes-Benz à lui payer 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.
Vu les dernières conclusions déposées le 10 juin 2009 par la SARL Noria, demandant de prononcer sa mise hors de cause, en retenant que, selon les hypothèses évoquées par l'expert, le désordre est intervenu soit à la suite d'un essai d'étanchéité en usine, soit d'une mauvaise manipulation lors du montage, soit d'une défaillance d'un joint de goulotte ou de son bouchon, ou encore d'un lavage haute pression ou d'une malveillance, et donc infirmer le jugement entrepris en ce qu'il prononce la résolution de la vente à ses torts. Subsidiairement, elle demande de confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Mercedes-Benz à la relever indemne de toutes condamnations pouvant intervenir à son encontre.
Enfin, elle sollicite la condamnation de Monsieur Damiani et de la société Mercedes-Benz à lui payer une somme de 3 000 euro au titre de l' article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.
Motifs de la décision :
Attendu qu'aux termes de l' article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;
Que l'article 1644 du même Code dispose qu'en pareil cas, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts ;
Attendu qu'il appartient à celui qui invoque l'existence d'un vice caché d'en rapporter la preuve, ce qui suppose qu'il ne subsiste pas de doute quant à l'origine de l'état défectueux de la chose vendue ;
Attendu en l'espèce que Monsieur Damiani soutient que la panne subie le 17 avril 2003 par le véhicule Mercedes Benz 320 cdi avant garde, acheté neuf le 17 mars 2003 auprès de la SARL Noria, résulte d'un vice caché et sollicite en conséquence la résolution de la vente ;
Qu'il est constant que cette panne, consistant en un arrêt complet du moteur après un parcours d'une quarantaine de kilomètres suivant un ravitaillement en gasoil à une station-service Shell, puis un redémarrage difficile et un nouvel arrêt après une quarantaine de kilomètres supplémentaires, est dû à la saturation en eau du filtre à gasoil rendant nécessaire la remise en état du circuit gasoil ;
Que bien que le véhicule soit sous garantie, le concessionnaire faisait savoir à Monsieur Damiani par lettre du 22 mai 2003 que la garantie constructeur ne pouvait pas couvrir la réparation chiffrée à la somme de 8 383,96 euro, dans la mesure où les dégâts étaient dûs selon lui à l'utilisation d'un carburant présentant une teneur en eau trop élevée ;
Que l'analyse du carburant présent dans le réservoir montre en effet une teneur en eau excessive ;
Que, toutefois, l'expert judiciaire exclut que cet excès puisse avoir provoqué à lui seul la saturation en eau du filtre à carburant, d'autant que d'autres véhicules s'étant ravitaillés à la même station-service que Monsieur Damiani juste avant la panne, et donc avec le même carburant, n'ont pas connu de panne semblable ;
Qu'il indique que la cause peut être recherchée dans les ravitaillements précédents, "une décantation pouvant s'effectuer dans les organes moteur arrêté et être prisonnier du contenant", mais qu'aucune investigation sur la teneur en eau des autres carburants achetés n'a pu être entreprise utilement ;
Qu'en conclusion de son rapport, l'expert évoque une liste "non exhaustive" de causes possibles de la saturation en eau du filtre à gasoil ;
Que toutefois, celles de ces hypothèses tenant au constructeur ne sont pas vérifiées par les opérations expertales ;
Qu'ainsi, la société Mercedes, sans être contredite sur ce point, affirme ne pas réaliser d'essai d'étanchéité en usine ;
Que l'existence d'une 'mauvaise manipulation lors du montage' évoquée par l'expert sans autre précision n'est pas vérifiée dans le cours du rapport, étant observé que l'expert ne fait pas connaître quel défaut de manipulation serait susceptible de se traduire par une entrée d'eau dans le réservoir ou le filtre à gasoil ;
Que s'il est enfin évoquée une possible défaillance du joint de goulotte ou de son bouchon, laissant l'eau pénétrer dans le réservoir, son existence n'a pas été établie par l'expert ayant dûment examiné le joint et le bouchon, sans constater de défaillance ;
Attendu que les autres hypothèses permettant d'expliquer un excès d'eau dans le carburant ont une origine extérieure et postérieure à la vente (introduction d'eau dans le réservoir par inadvertance ou malveillance, lavage du véhicule sous haute pression...) et qu'elles ne sont pas exclues ;
Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces constatations que la preuve n'est pas rapportée d'un vice affectant le véhicule antérieurement à la vente et à l'origine de la panne du 17 avril 2003 ;
Que par voie de conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré qui a ordonné la résolution de la vente, avec toutes conséquences de droit ;
Attendu qu'en application de l'article 696 du Code de procédure civile, les dépens doivent être mis à la charge de Monsieur Damiani qui succombe ;
Par ces motifs, LA COUR : Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Déboute Monsieur Pascal Damiani de toutes ses demandes, Rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre qui permet à la SAS Mercedes-Benz France de poursuivre Monsieur Pascal Damiani en restitution des sommes versées en exécution provisoire du jugement infirmé, Dit n'y avoir lieu à condamnation de quiconque sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur Pascal Damiani aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel conformément aux dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile.