CA Nancy, 1re ch. civ., 20 octobre 2009, n° 07-02531
NANCY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
CNH France (SA)
Défendeur :
Groupama Grand Est , Brocard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dory
Conseillers :
M. Schamber, Mme Roubertou
Avoués :
SCP Millot-Logier & Fontaine, SCP Leinster, Wisniewski & Mouton
Avocats :
Mes Lagrange, Girard
Faits et procédure :
L'EARL de la croix a acheté à la société Favier l'Hullier, concessionnaire de la SA CNH France, un tracteur agricole de marque Case IH modèle MX 285, vendu par la société CNH France le 21 mai 2003, que l'EARL de la Croix indique avoir mis en circulation en juillet 2003.
Le 12 septembre 2005, un salarié de l'EARL de la Croix a constaté que le tracteur faisait un bruit anormal à l'occasion du freinage, et il est apparu que le nez de pont avant présentait des dommages importants.
L'EARL de la Croix a effectué une déclaration de sinistre auprès de la compagnie Groupama, son assureur, qui a missionné un expert. Les premières constatations ont conduit à une seconde réunion à laquelle ont été conviés le vendeur du tracteur et la société CNH France.
La réparation du tracteur a cependant été effectuée par l'EARL de la Croix du 13 septembre au 30 septembre 2005 par la société Favier l'Hullier, avant la mise en œuvre de l'expertise, et ce sont des pièces détachées qui ont été présentées à la société CNH France, avisée le 29 décembre du litige, et convoquée aux opérations d'expertise du 13 février 2006.
La compagnie Groupama a indemnisé l'EARL de la Croix à hauteur de 12 516, 41 euro.
Par acte d'huissier du 16 août 2006, la compagnie Groupama Grand Est, agissant tant à titre personnel qu'en qualité de subrogée dans les droits de l'EARL de la Croix, et l'EARL de la Croix, ont fait assigner la SA CNH France devant le tribunal de grande instance de Nancy afin de la voir condamnée à payer :
- à la compagnie d'assurances la somme de 12 516, 41 euro, correspondant à l'indemnité versée à son assurée, et la somme de 141 euro au titre des frais d'expertise, outre intérêts de droit à compter du 13 février 2006, date de l'expertise, et la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, avec intérêts de droit à compter de l'assignation,
- à l'EARL de la Croix la somme de 401,86 euro, avec intérêts de droit à compter du 13 février 2006, et la somme de 300 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive avec intérêts de droit à compter de l'assignation,
- conjointement aux demanderesses, la somme de 1 500 euro au titre des frais irrépétibles.
La société CNH France a conclu à la nullité de l'assignation, à défaut au débouté des demandes, et à la condamnation solidaire des demanderesses à lui payer la somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 19 octobre 2007, le tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'exception de nullité de l'assignation, a dit que le tracteur de l'EARL de la Croix a présenté un vice caché dont est responsable la société CNH France, condamné celle-ci à payer à la compagnie Groupama Grand Est la somme de 12 516, 41 euro outre 141 euro de frais d'expertise, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, condamné la même à payer à l'EARL de la Croix la somme de 410, 86 euro correspondant au montant de la franchise restée à sa charge, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et à payer à chacune des demanderesses la somme de 800 euro au titre de l'article 700 du NCPC, ordonné l'exécution provisoire, condamné la société CNH France aux dépens.
Il a rappelé que c'est le Juge de la Mise en Etat qui était compétent pour statuer sur la demande de nullité de l'assignation. Il a sur le fond, pris en compte le rapport d'expertise établi le 27 février 2006 à la demande de la compagnie Groupama, pour affirmer qu'il est incontestable que la cause de la panne est un vice du matériel, indiqué que si la société CNH France conteste l'expertise au motif que les pièces examinées étaient démontées et ont pu être endommagées lors de leur démontage, l'expert a sans aucun doute vérifié que les pièces présentées étaient susceptibles d'être celles du tracteur de l'EARL de la Croix et qu'il n'y a aucune raison de douter que ce soient les pièces du tracteur, que la panne étant localisée il n'y avait pas lieu de conserver le tracteur dans son intégralité chez le concessionnaire, mais seulement la partie susceptible d'être à l'origine de la panne, ce qui supposait son démontage, que la cause de la panne n'est susceptible d'aucune interprétation à savoir la destruction du nez du pont avant, que l'expertise reconstitue très précisément le déroulement de la panne avec les conséquences sur les autres pièces, ce qui exclut que la destruction du roulement ait pu avoir lieu au moment du démontage, que l'entretien du tracteur n'est pas remis en cause par l'expertise et ne peut contredire les constatations des vices, qu'aucune explication autre que celle d'un vice du roulement n'est évoquée par l'expertise et par le constructeur du tracteur, qu'aucun doute n'existe ainsi sur l'origine de la panne.
Il a relevé que si la défenderesse met en cause les conditions dans lesquelles l'EARL utilisait le tracteur, ses allégations ne sont corroborées par aucun autre élément du dossier, qu'il lui appartenait en outre dans le cadre de l'expertise contradictoire de soumettre à l'expert la question de savoir si les conditions d'utilisation du tracteur étaient susceptibles de générer ce type de panne, ce qu'elle n'a pas fait alors que c'est sur elle que pèse la charge de la preuve d'un élément susceptible d'exonérer sa responsabilité.
La société CNH France a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe le 29 octobre 2007.
Elle a demandé par dernières conclusions déposées le 28 février 2008, d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de débouter l'EARL de la Croix et la société Groupama Grand Est de toutes leurs demandes, fins et conclusions, de condamner l'EARL de la Croix à lui rembourser la somme de 1 210, 86 euro, majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2007, versée au titre de l'exécution du jugement, de condamner la société Groupama Grand Est à lui rembourser la somme de 13 457, 41 euro, majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2007, versée au titre de l'exécution du jugement, de condamner solidairement et à défaut in solidum les intimées à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens, dont ceux d'appel seront recouvrés par la SCP Millot-Logier & Fontaine, avoués associés, en application de l'article 699 du NCPC.
Elle a rappelé qu'il incombe à l'acquéreur d'établir que la chose vendue était affectée d'un vice caché antérieur à la vente, fait valoir que les défectuosités non établies contradictoirement sont inefficaces à déclencher la garantie du vendeur, souligné que le seul élément de preuve est un rapport d'expertise extrajudiciaire commandé et payé par la compagnie Groupama, demanderesse à la procédure, reposant sur des constatations non contradictoires, dont les conclusions sont fondées sur un examen de pièces dont il n'est pas établi qu'elles proviennent du tracteur litigieux, ni, si ces pièces proviennent du tracteur, qu'elles n'ont pas été endommagées lors du démontage ou pour des causes imputables à l'acquéreur, déclaré que le rapport d'expertise ne lui est pas opposable, que les opérations d'expertise réalisées n'ont été ni organisées en temps utile, ni de façon contradictoire et ne prouvent pas de manière certaine l'existence du sinistre pas plus que son origine ou son imputabilité.
Elle a relevé que c'est à tort que le tribunal a jugé en renversant la charge de la preuve, qu'il lui appartenait d'apporter la preuve de l'existence d'un élément susceptible de l'exonérer de sa responsabilité. Elle a insisté sur le fait que son absence à la première réunion d'expertise a mis obstacle à toute possibilité pour elle de constater l'état précis du tracteur, de procéder de façon plus générale à toutes constatations, questions et réponses qui doivent être effectuées contradictoirement.
Elle a précisé que le tribunal ne peut lui reprocher de ne pas avoir cherché une autre cause du sinistre alors qu'elle a contesté les conditions de réalisation de l'expertise hors tout débat contradictoire l'empêchant de faire véritablement et dans des conditions équitables valoir ses droits.
Elle a déclaré que les jurisprudences citées par l'EARL de la Croix dont elle tire notamment que son action est recevable quand bien même la cause exacte de la rupture de l'arbre ne serait pas connue, ne sont pas transposables en l'espèce.
Elle a souligné que la destruction du nez du pont avant n'est pas la cause, comme l'indique le jugement entrepris, mais la conséquence de la panne, dont la cause peut résider non dans l'existence d'un vice caché, mais dans une utilisation non conforme du tracteur, avancé que seule une analyse de la dureté des billes de roulement aurait pu établir que le sinistre survenu pouvait provenir d'un prétendu vice.
Elle a indiqué qu'une utilisation non conforme du tracteur est corroborée par les éléments du dossier, qu'il n'a jamais été sérieusement contesté que le tracteur n'a pas été utilisé par l'EARL de la Croix dans des conditions conformes à sa destination, que celle-ci n'a ainsi pas contesté avant le 22 janvier 2007 avoir utilisé le tracteur pour effectuer le transport de lourdes charges sur des chantiers de travaux publics, soumettant le matériel à des contraintes excessives ayant pour conséquence de raccourcir la durée d'utilisation du tracteur, et que le respect du poids total roulant autorisé ne peut suffire à démontrer que l'utilisation du tracteur a été conforme à son usage. Elle a fait valoir que les efforts de traction du véhicule sont considérablement plus élevés dans le cadre de chantiers de travaux publics, dans la mesure où le sol est instable, déformé par les engins, et où les efforts sont d'autant plus importants que la vitesse de déplacement est faible, que les tracteurs agricoles ne sont pas conçus ni dimensionnés techniquement pour une utilisation sur des chantiers de travaux publics. Elle a ajouté que l'EARL de la Croix utilisait pour le véhicule un carburant non conforme à ses préconisations. Elle a retiré de ces indications que la cause de la panne procède d'une mauvaise utilisation du tracteur et de la soumission de celui-ci à des efforts de traction incompatibles avec sa structure.
La compagnie Groupama Grand Est et l'EARL de la Croix ont demandé par dernières conclusions déposées le 2 juin 2008, de débouter la société CNH France de son appel mal fondé, de confirmer la décision entreprise, de condamner l'appelante à leur payer à chacune la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du CPC, et aux dépens d'instance et d'appel, qui seront recouvrés par la SCP Leinster Wisniewski Mouton, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.
Elles ont précisé qu'à la suite de l'incident, elles ne pouvaient être en mesure de deviner que les dommages étaient la conséquence d'un vice, et que c'est pour cela que la société CNH France n'a pas été convoquée lors des premières investigations de l'expert, soutenu qu'il n'est pas sérieux d'alléguer que les pièces litigieuses soumises à l'appréciation de la société CNH France ne provenaient pas du tracteur de l'EARL de la Croix et que le dommage a été commis lors du démontage, en soulignant que la société Favier l'Hullier qui a en charge l'entretien du tracteur est une des concessionnaires de la société CNH et que dès lors les pièces mécaniques examinées sont bien celles que la société CNH impose, sauf à douter de la probité du concessionnaire. Elles ont ajouté que la société CNH France n'a pas formulé d'observations lors des opérations d'expertise sur l'origine des pièces, et qu'elle a admis lors de l'expertise que les dommages n'étaient pas une conséquence du démontage.
Elles ont indiqué que la cause du litige a été mise en exergue en présence des parties lors de l'expertise, que le rapport d'expertise est explicite en ce qu'il précise que la cause de la panne est la rupture du roulement extérieur de l'arbre pignon et qu'il apparaît anormal que le roulement se soit détruit, que c'est ainsi à juste titre que le tribunal a reconnu l'existence d'un vice caché dont la société CNH est responsable, l'appelante étant bien en peine d'établir une utilisation non conforme du tracteur.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2009.
SUR CE :
Attendu que le tracteur de l'EARL de la Croix a été immatriculé par elle en août 2003, et qu'il y a lieu d'en déduire qu'il a été mis en circulation à cette période ;
Attendu que l'EARL de la Croix invoque une panne du 12 septembre 2005 ; que selon facture du 30 septembre 2005, la société Favier l'Hullier a entrepris la réparation du nez de pont avant du tracteur le 13 septembre 2005, terminée le 30 septembre 2005 ;
Que l'EARL de la Croix a déclaré le sinistre à son assureur, la compagnie Groupama Grand Est, pour obtenir la garantie "bris de machine", que celle-ci a mandaté le cabinet Allex pour réaliser une expertise, qui selon un compte rendu de suivi de mission du 21 septembre 2009, a examiné le matériel le 19 septembre 2005, fait état d'une rupture du roulement de l'arbre d'entrée du pont avant et chiffré les dommages à 10 000 euro HT ;
Attendu que ces éléments rapportent l'existence du sinistre ;
Attendu que la société CNH France a été avisée le 29 décembre 2005 par le cabinet Allex de l'incident du 12 septembre 2005, suite à l'examen réalisé par celui-ci l'ayant conduit à mettre en cause sa responsabilité en raison de l'année de mise en service et du nombre d'heures du matériel ;
Que la société CNH France n'a pu examiner le tracteur, étant précisé qu'il n'est pas rapporté qu'elle a demandé à le voir, notamment par le procès-verbal de constatations et circonstances du cabinet Allex du 13 février 2006 sur lequel elle aurait pu faire inscrire une mention, mais a pu examiner des pièces détachées ayant un lien avec la cause de la panne avancée ;
Attendu que la société Favier l'Hullier, qui a démonté partie du tracteur, est le concessionnaire de la société CNH France, et que cette dernière lui accorde donc une certaine confiance et reconnaît sa compétence par rapport aux véhicules qu'elle lui fournit ; que selon facture du 30 septembre 2005, elle est intervenue uniquement au niveau du nez de pont avant pour remplacer le pilier soutien et un joint ; qu'elle a conservé et mis à disposition des parties les pièces retirées du véhicule ; qu'il est suffisamment rapporté par le fait qu'elle a présenté ces pièces comme étant celles du tracteur de l'EARL de la Croix, que ce sont bien des pièces dudit tracteur ; que la société CNH France ne précise pas quelle autre pièce ou quelle partie du tracteur il aurait été utile d'examiner pour découvrir l'origine des dommages ; qu'elle ne démontre pas qu'elle n'a pas été mise en présence de tous les éléments utiles pour déterminer la cause du dommage ;
Attendu par ailleurs qu'elle n'établit pas que les pièces présentées ont été endommagées lors de leur démontage, invoque seulement cette possibilité, mais n'explique pas techniquement comment le démontage effectué a pu les altérer, ce qui dans leur présentation lui permet d'émettre cette hypothèse ;
Attendu que dès lors qu'il est considéré que les pièces présentées et examinées en sa présence sont bien celles du tracteur de l'EARL de la Croix, quelles n'ont pas été endommagées lors du démontage et que leur examen a été réalisé en présence d'un représentant que la société CNH France a délégué pour assister aux opérations d'expertise menées par le cabinet Allex, ces opérations du 13 février 2006 lui sont opposables ;
Attendu que le procès-verbal de constatations et circonstances établi le 13 février 2006 par le cabinet Allex, en présence des parties, mentionne :
1. dans un paragraphe "constatations" :
- pas de traces d'échauffement sur les parties conservées (disques, contre disques, roulements, pignon...),
- destruction du roulement du pignon d'attaque côté extérieur, portée du roulement endommagée, joint d'étanchéité détruit, mauvaise portée des dents du pignon d'attaque, moyeu du roulement a tourné sur le pignon d'attaque (sur sa portée),
- impact des dents sur carter de blocage du pont avant,
2. dans un paragraphe "causes et circonstances" :
Après avoir effectué des travaux de labour Monsieur Brocard perçoit un bruit anormal au freinage et exclusivement au freinage ; le 13 septembre 2005 le tracteur est déposé chez Favier l'Hullier à Raucourt qui démonte le nez de pont avant et constate les dommages ; défaillance du roulement extérieur du pignon d'attaque du pont avant,
Cause retenue : défaillance du roulement extérieur du pignon d'attaque du pont avant,
3. dans un paragraphe "évaluation des dommages" :
12 218,27 euro HT, selon facture du 30 septembre 2005 des établissements Favier l'Hullier,
4. dans un paragraphe "observations" :
Monsieur Brocard précise qu'il n'y avait pas de signe avant coureur (fuite d'huile ou bruit anormal). L'entretien est assuré par ses soins sauf les gros travaux, il se charge des vidanges et de certains travaux mécaniques sur des modèles moins spécifiques, le lubrifiant utilisé est de marque Total.
Monsieur Rollin Jean-Marie, chef d'atelier chez Favier l'Hullier précise que lors du démontage ...(première phrase illisible), l'huile était en quantité suffisante dans le pont, il n'y a pas de plan d'entretien sur la transmission qui est d'ailleurs non visible sans démontage car protégé par un carter de protection, il ne connaît pas d'autre cas similaire sur les tracteurs avec le même montage, la périodicité des vidanges de pont est toutes les 1000 heures, il n'ajoute plus d'additif dans l'huile du pont avant lors des vidanges pour ce type de tracteur ;
Que le rapport d'expertise du même cabinet du 27 février 2006, rappelle l'absence de trace d'échauffement des pièces, la destruction du roulement pignon d'attaque, fait état d'un arrachement de métal au niveau de l'arbre et carter du nez de pont, de la mauvaise portée des dents du couple conique, de la mauvaise portée des dents du pignon d'attaque, d'un impact des dents sur carter de blocage de différentiel du pont avant, de l'absence d'accès prévu pour l'entretien ;
Qu'il précise qu'en l'absence de trace d'échauffement et d'odeur d'huile brûlée sur les pièces conservées, les dommages ne peuvent être imputées à un manque d'huile dans le pont avant et que le chef d'atelier de la société Favier l'Hullier l'a confirmé en indiquant que l'huile dans le pont avant était en quantité suffisante lors de la réparation ;
Qu'il indique que la destruction du roulement extérieur du pignon d'attaque est la cause de la panne retenue et confirmée par l'ensemble des parties ; que le roulement à l'intérieur du carter de nez de pont ne présente aucun dommage démontrant qu'il n'y a eu aucun desserrage de l'empilement roulement, cale etc... sur le pignon d'attaque, ce que le chef d'atelier a confirmé dans la mesure où l'écrou était correctement serré lors du démontage ;
Qu'il souligne que le constructeur n'ayant prévu aucun entretien au niveau du nez de pont hormis la vidange effectuée périodiquement par le propriétaire du matériel, il paraît anormal que le roulement soit détruit à 2588 heures ;
Qu'il ajoute que l'arrachement de métal au niveau de l'arbre et du carter de nez de pont a été provoqué par la destruction du roulement dont les galets se sont mis de travers, bloquant ainsi la cage intérieure du roulement ; que la mauvaise portée des dents du pignon d'attaque a été provoquée par le désalignement de l'arbre du nez de pont ; que cela est confirmé par l'arrachement de métal présent sur le carter de blocage de différentiel du pont avant ;
Qu'il précise en conclusion qu'au vu du nombre d'heures (2588) et de l'année du matériel (2003), il apparaît anormal que le roulement se soit détruit ;
Attendu qu'au terme des opérations d'expertise, la cause des dommages n'est pas un défaut d'entretien ;
Attendu que la société CNH France ne rapporte pas par ailleurs que l'EARL de la Croix a fait une utilisation du tracteur non conforme à sa destination, qu'elle a soumis le tracteur à des efforts de traction incompatibles avec sa structure ; que celle-ci a d'ailleurs dès la procédure de première instance, et selon les extraits de conclusions produits par la société CNH France, soutenu que le matériel était utilisé conformément à son usage, qu'il n'a jamais été utilisé à d'autres usages que ce pourquoi il a été conçu, même si elle a mentionné que la société Favier l'Hullier a vendu cinq autres tracteurs en sachant qu'ils allaient être utilisés sur des chantiers de travaux publics ;
Que par courrier du 23 novembre 2005 adressé à Monsieur Brocard, gérant de l'EARL de la Croix, antérieur à l'introduction de la procédure, le responsable de la Région Nord Est de la société CNH France a fait état de leur rencontre le 27 octobre 2005 au cours de laquelle il a pris bonne note de ses remarques concernant l'utilisation de son tracteur, et indiqué qu'ils ont plus particulièrement discuté de l'incident survenu sur le nez de pont avant en août dernier et des performances du tracteur ; qu'il n'a pas contesté l'utilisation du tracteur, a regretté l'incident rencontré sur le pont avant et a envisagé un geste commercial dans le cadre d'un futur investissement ;
Attendu que l'appelante n'établit pas davantage que l'EARL de la Croix utilisait un carburant non conforme à ses préconisations ; que dans le courrier du 23 novembre 2005, le représentant de la société CNH France précise en effet "Nous pensons que les performances des moteurs sont étroitement liées à la qualité de gasoil utilisé. Aussi nous vous encourageons à employer un carburant répondant à nos recommandations" ; qu'il ne remet pas en cause le carburant utilisé comme étant préjudiciable au tracteur, invite seulement l'EARL de la Croix à utiliser un carburant qui répond à ses recommandations pour de meilleures performances ;
Attendu qu'en l'état des éléments fournis, il convient de retenir que s'il est anormal que le roulement extérieur du pignon d'attaque s'est détruit, compte tenu du nombre d'heures d'utilisation du tracteur et de son ancienneté, c'est, par élimination d'autres causes possibles des dommages, dont une mauvaise utilisation à l'origine d'une usure prématurée, en raison d'un vice caché qui affectait le tracteur, d'un vice de construction qui l'a rendu impropre à sa destination normale ;
Attendu que le jugement querellé sera ainsi confirmé en ce qu'il a retenu la garantie de la société CNH France sur le fondement du vice caché, par application des articles 1641 et suivants du Code Civil ;
Attendu que la société CNH France n'a pas fait de développements sur le montant des condamnations prononcées en première instance ; qu'elles seront en conséquence également confirmées ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du CPC au profit de la société CNH France ;
Qu'il convient de la condamner à payer à chacune des intimées, qui ont présenté une défense commune, une somme de 800 euro au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement : Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Nancy du 19 octobre 2007 en toutes ses dispositions ; Déboute la SA CNH France de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ; Condamne la SA CNH France à payer à la compagnie Groupama Grand Est et à l'EARL de la Croix, à chacune, la somme de huit cents euro (800 euro) au titre des frais irrépétibles d'appel ; Condamne la SA CNH France aux dépens d'appel, la SCP Leinster Wisniewski Mouton, avoués associés, étant autorisée à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.