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Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ. A, 21 mars 2012, n° 11-00795

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Axa France (Sté), Faivre, Chapuzot

Défendeur :

Fagor Brandt (SAS), Co-pro (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bollet

Conseillers :

Mmes Gauthier, Schlumberger

Avocats :

SCP Leroux, SCP Dumont Pauthier, Mes Rosselot Hennemann, Carlot

TGI Besançon, du 8 février 2011

8 février 2011

Faits et prétentions des parties

Le 28 janvier 2008, un incendie s'est produit dans un appartement occupé par Alexandre Faivre et Maud Chapuzot, assurés auprès de la société Axa France.

Par ordonnance de référé en date du 3 juin 2008, une expertise a été ordonnée aux fins de déterminer les causes du sinistre.

Selon le rapport de l'expert, Jean-Claude Vuillemey, en date du 8 décembre 2008, un congélateur de marque Brandt installé dans la cuisine des consorts Faivre-Chapuzot est à l'origine de l'incendie.

Ce congélateur avait été acheté le 10 avril 2004 au magasin Vam'da de Franois (Doubs). L'exploitant du magasin l'avait lui-même acquis de la société Fagor Brandt. Le fabricant de l'appareil est une société de droit italien, la société Co-pro Spa.

Par jugement en date du 8 février 2011, le Tribunal de grande instance de Besançon a :

- mis hors de cause la société Fagor Brandt,

- déclaré la société Co-pro Spa responsable des dommages subis par Alexandre Faivre et Maud Chapuzot,

- condamné la société Co-pro Spa à payer à la société Axa France les sommes de 24 888 euro et de 2 840,506, avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2010,

- débouté Alexandre Faivre et Maud Chapuzot de leur demande de paiement de la somme de 172 euro au titre de la franchise demeurée à leur charge, débouté la société Axa France de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile dirigée contre la société Fagor Brandt,

- condamné Alexandre Faivre, Maud Chapuzot et la société Axa France à payer à la société Fagor Brandt la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Co-pro Spa à payer à la société Axa France la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Co-pro Spa aux dépens, comprenant les frais de l'expertise judiciaire.

Ayant régulièrement interjeté appel de ce jugement, Alexandre Faivre, Maud Chapuzot et la société Axa France demandent à la cour, à titre principal, de condamner la société Fagor Brandt à payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation :

- 30 562 euro à la société Axa France,

- 172 euro à Alexandre Faivre et Maud Chapuzot, correspondant à la franchise restée à leur charge,

- 2 500 euro à la société Axa France, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de leur recours, les appelants font valoir que, contrairement à ce qu' a jugé le tribunal, la société Fagor Brandt a la qualité de producteur au sens de l'article 1386-6 du Code civil, dès lors qu'elle a apposé sa marque sur le produit, et qu'elle a importé celui-ci dans la Communauté européenne. Ils en déduisent qu'ils sont fondés à exercer leur recours, à titre principal, contre la société Fagor Brandt.

A titre subsidiaire, les appelants demandent que les sommes ci-dessus soient mises à la charge de la société Co-pro Spa.

La société Fagor Brandt conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause.

A titre subsidiaire, elle conteste sa responsabilité en faisant valoir que le rapport d'expertise judiciaire n'a pas rapporté la preuve d'un départ de feu à l'intérieur du congélateur.

A titre plus subsidiaire, la société Fagor Brandt demande à être relevée et garantie de toute condamnation par la société Co-pro Spa.

Elle réclame une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Selon actes d'huissier en date des 28 avril et 6 juillet2011, la déclaration d'appel et les conclusions des appelants ont été transmis, conformément aux dispositions du règlement européen du 13 novembre 2007, à l'autorité compétente en Italie, en vue de leur notification à la société Co-pro Spa.

Cette société n'a pas constitué avoué. La preuve n'étant pas rapportée qu'elle ait eu connaissance des actes qui lui étaient destinés, le présent arrêt sera rendu par défaut, en application des dispositions de l'article 473, alinéa premier, du Code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions des appelants déposées le 25 juin 2011 et à celles de la société Fagor Brandt déposées le 29 août 2011.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2012.

Motifs de la décision

Attendu qu'aux termes de l'article 1386-1 du Code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime;

Attendu que l'article 1386-6 du même Code dispose qu'est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, et qu'est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel :

1° qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif

2° qui importe un produit dans la Communauté européenne ;

Attendu qu'en l'espèce, il ressort clairement du rapport d'expertise judiciaire que l'incendie, a été causé par le congélateur Brandt, modèle C 105 N2E, dont les connections électriques, implantées à proximité du compresseur, se sont désolidarisées sous l'effet des vibrations du compresseur, et ont provoqué un échauffement important par effet Joule, suivi d'un départ de feu à la base de l'appareil ;

Attendu qu'il apparaît au vu de la facture d'achat du congélateur que celui-ci était de marque Brandt ; que l'expert judiciaire, malgré les dommages causés par le feu à l'appareil, a identifié celui-ci comme étant de marque Brandt et correspondant au modèle visé dans la facture d'achat ; qu'il est ainsi établi que la société Fagor Brandt a apposé sa marque Brandt sur le produit dont la défectuosité est à l'origine du sinistre ;

Attendu que le jugement déféré doit donc être réformé en ce qu'il a mis la société Fagor Brandt hors de cause et condamné la société Co-pro Spa à indemniser les appelants ; qu'en effet, dès lors que ceux-ci dirigent leurs prétentions à titre principal contre la société Fagor Brandt, et à titre subsidiaire seulement contre la société Co-pro Spa, c'est la société Fagor Brandt qui doit être condamnée à réparer les dommages causés aux victimes de l'incendie ;

Attendu que le recours de la société Fagor Brandt en garantie contre la société Co-pro Spa doit être accueilli, cette dernière étant responsable, en dernier ressort, du sinistre, à raison de la défectuosité du produit qu'elle a fabriqué ;

Attendu qu'au vu des justificatifs produits par les appelants, il apparaît de la société Axa France a versé les sommes suivantes :

- délégation du 1 février 2008 en faveur de la société AAD Phenix (déménagement et nettoyage) : 2 840,50 euro

- délégation du 29 janvier 2008 en faveur de la société Acces-Net Pressing (nettoyage de vêtements et linge de maison) : 1 588,30 euro

- quittance subrogative du 23 février 2009: 24 888,00 euro total : 29 316,80 euro

Attendu que le contrat d'assurance souscrit par Alexandre Faivre et Maud Chapuzot auprès de la société Axa France comprend une franchise égale à "0,23 indice" ; qu'il est dès lors établi que les victimes ont conservé à leur charge cette franchise, d'un montant de 172 euro ;

Attendu que la société Fagor Brandt doit donc être condamnée à payer la somme de 29 316,80 euro à la société Axa France et celle de 172 euro à Alexandre Faivre et Maud Chapuzot ;

Attendu que les intérêts de retard sur ces sommes doivent être calculés, conformément à l'article 1153-1 du Code civil, au taux légal, à compter du présent arrêt, et non à compter de La date de l'assignation ;

Attendu que la société Fagor Brandt, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 euro au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les appelants, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de la société Fagor Brandt tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles ;

Attendu que la société Co-pro Spa devra garantir la société Fagor Brandt des condamnations prononcée contre cette dernière.au titre des dépens et des frais non compris dans les dépens, et payer en outre à la société Fagor Brandt la somme de 1 500 euro surie fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant par défaut, après débats en audience publique et après en avoir délibéré, Déclare l'appel d'Alexandre Faivre, Maud Chapuzot et de la société Axa France recevable et partiellement fondé; Infirme le jugement rendu le 8 février 2011 par le Tribunal de grande instance de Besançon ; Statuant à nouveau, Condamne la société Fagor Brandt à payer à la société Axa France la somme de 29 316,80 euro (vingt-neuf mille trois cent seize euro et quatre vingts centimes), avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Condamne la société Fagor Brandt à payer à Alexandre Faivre et Maud Chapuzot la somme de 172 euro (cent soixante-douze euro) avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Condamne la société Fagor Brandt à payer à la société Axa France la somme de 1 500 euro (mille cinq cents euro) au titre des frais non compris dans les dépens ;

Condamne la société Fagor Brandt aux dépens de première instance (y compris les dépens du référé et le coût de l'expertise judiciaire) et d'appel, avec droit pour la SCP Leroux de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Condamne la société Co-pro Spa à relever et garantir la société Fagor Brandt de toutes les condamnations ci-dessus en principal, frais, intérêts et dépens ; Condamne la société Co-pro Spa à payer à la société, Fagor Brandt la somme de 1 500 euro (mille cinq cents euro) au titre des frais non compris dans les dépens.