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Décisions

CA Nancy, 1re ch. civ., 9 février 2009, n° 06-00517

NANCY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sunrise Médical (SAS)

Défendeur :

Poillot, Martin, Axa France Iard, Royal International Insurance Holdings (SA), AMS 88 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dory

Conseillers :

Mme Roubertou, M. Jamet

Avoués :

SCP Merlinge, Bach.Wassermann, Faucheur-Schiochet, SCP Millot Logier Fontaine, Me Grétéré

Avocats :

Mes Baker, Guidot, Baum, Gasse

TGI Epinal; du 26 janv. 2006

26 janvier 2006

FAITS ET PROCÉDURE :

Madame Poillot Michèle a loué un lit médicalisé à relevage électrique pour sa mère âgée de 90 ans vivant avec elle, fourni et installé par la SARL AMS 88, exerçant sous l'enseigne Parapharm 88, le 26 mars 2001. Ce lit a été vendu à la société AMS 88 par le fabricant, la SAS Sunrise Médical, le 18 novembre 1999.

Le 21 avril 2001, un incendie s'est déclaré au domicile des dames Poillot, à l'origine du décès de Madame Poillot Paulette.

L'enquête effectuée a permis d'établir que le feu a trouvé son origine au niveau du lit médicalisé, après mise en contact des fils électriques du câble d'alimentation générale du lit avec l'un de ses châssis métalliques, que les fils du câble ont été mis à nu en raison du cisaillement progressif du câble par le jeu du longeron mobile permettant le relevage du lit.

Par actes d'huissier du 11 décembre 2002, Madame Poillot Michèle, Monsieur Martin Jean-Charles, petit-fils de Madame Poillot Paulette, et la compagnie Axa Assurances, assureur de Madame Poillot Michèle, qui l'a indemnisée du préjudice matériel, ont fait assigner la société Sunrise Médical et son assureur la SA Royal International Insurance Holdings, prise en son établissement principal en France, Royal Et Sun Alliance Global, devant le Tribunal de grande instance d'Epinal, et par acte d'huissier du 9 juillet 2003, ils ont fait assigner la société AMS 88 devant la même juridiction.

Ils ont demandé de déclarer la société Sunrise Médical responsable du sinistre du 21 avril 2001 sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil, de condamner solidairement ladite société avec son assureur à payer au titre du préjudice matériel la somme de 166 801,79 euro à la compagnie Axa France Iard, et à Madame Poillot la somme de 2 660,54 euro, au titre des préjudices moraux la somme de 18 000 euro à Madame Poillot et celle de 6 000 euro à Monsieur Martin, au titre des frais irrépétibles une somme de 2 300 euro à chacun, et subsidiairement, de déclarer la société AMS 88 responsable du sinistre, et de la condamner à leur payer les mêmes sommes.

La société Sunrise Médical a conclu au débouté des demandes, et subsidiairement à une diminution des indemnités réclamées, demandé de condamner son assureur et la société AMS 88 in solidum, ou l'un à défaut de l'autre, à la garantir des condamnations pouvant intervenir contre elle au profit des demandeurs, et de condamner ces derniers à lui payer une somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles.

La société Royal International Insurance Holdings a conclu au débouté des demandes et subsidiairement à la réduction des indemnités réclamées, à la condamnation des demandeurs à lui payer une somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles.

La société AMS 88 a demandé de dire qu'elle n'est pas responsable du sinistre et de la dire hors de cause, de débouter les demandeurs de leurs demandes et de les condamner à lui payer une somme de 1 500 euro au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 26 janvier 2006, le tribunal a :

- déclaré la société Sunrise Médical responsable du sinistre survenu le 21 avril 2001, qui a entraîné la mort de Madame Poillot Paulette, sur le fondement des dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil,

- condamné in solidum la société Sunrise Médical et la compagnie Royal International Insurance Holdings, prise en son établissement Royal et Sun Alliance à payer:

* à la compagnie d'assurances Axa France Iard la somme de 166 801,79 euro,

* à Madame Poillot Michèle la somme de 2 660,54 euro au titre des frais d'obsèques et la somme de 18 000 euro au titre du préjudice moral, à Monsieur Martin, la somme de 5 000 euro au titre du préjudice moral,

- ordonné l'exécution provisoire de ces condamnations,

- débouté la société Sunrise Médical de sa demande contre la société AMS 88,

- condamné la société Sunrise Médical à payer à la société AMS 88 la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC,

- condamné la société Sunrise Médical aux dépens de l'intervention de la société AMS 88,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Sunrise Médical et la compagnie Royal International Insurance Holdings, à payer à Madame Poillot, à Monsieur Martin et à la compagnie Axa France la somme globale de 1 500 euro au titre de l'article 700 du NCPC et aux dépens.

La société Sunrise Médical a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe le 17 février 2006.

Elle a demandé par dernières conclusions déposées le 22 septembre 2008 :

Vu les articles 1386-1 et suivants du Code civil,

- de la dire recevable et bien fondée en son appel, d'y faire droit et d'infirmer en conséquence le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

A titre principal:

- de dire que sa responsabilité ne peut être engagée dans le cadre du dommage subi par Madame Poillot Michèle, Monsieur Martin et leur assureur, la compagnie Axa Assurances, et de débouter les intéressés de l'intégralité de leurs demandes,

A titre subsidiaire:

- de la dire recevable et bien fondée en son appel en garantie contre la société AMS 88, et d'y faire droit,

- de réduire à de plus justes proportions les sommes réclamées à titre de dommages et intérêts, et de condamner la société AMS 88 à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

- de condamner Madame Poillot, Monsieur Martin et la compagnie Axa Assurances à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC et aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Merlinge Bach Wassermann, avoués, conformément à l'article 699 du NCPC.

Elle a rappelé qu'il appartient à la victime qui invoque l'application de l'article 1386-1 du Code civil, de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, et que le produit n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, qui doit s'apprécier in abstracto, au regard des conditions normales d'utilisation ou dans des conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, et reproché au tribunal d'avoir déduit sa responsabilité du seul fait de la survenance du sinistre sans qu'une faute de sa part et son lien de causalité avec le sinistre n'aient été établis, et de ne pas avoir pris en compte l'installation du lit et l'usage qui peut en être raisonnablement attendu alors que le fabricant n'est pas responsable des erreurs de manipulation et d'usage du produit, souligné qu'il n'est pas établi que la présence de clips aurait permis d'exclure de manière définitive toute mauvaise installation ou manipulation des câbles.

Elle a indiqué apporter la preuve que son produit est dépourvu de défaut et que toutes les précautions et mesures ont été prises pour assurer la sécurité de son produit, par des tests sur le type de lit concerné, correctement installé, réalisés par le Laboratoire Central des Industries Electriques, qui a écarté la possibilité d'un coincement éventuel d'un câble, lesquels tests confirment que l'incendie résulte probablement d'une mauvaise installation du lit, d'un mauvais positionnement du câble entre la partie fixe et la partie mobile, qui a provoqué son cisaillement et la mise à feu. Elle a ajouté que le lit a été fabriqué conformément aux normes existantes à la date de sa mise en circulation, et que le fait que des clips aient été ajoutés ultérieurement sur ce type de lit ne peut être retenu comme preuve de la défectuosité du produit, comme l'indique l'article 1386-4 alinéa 3 du Code civil. Elle a précisé que la notice du lit a été fournie lors de la vente, qui invite les utilisateurs à bien lire les instructions qu'elle donne.

Elle s'est interrogée sur l'usage qui a été fait du lit entre sa vente et son installation chez Madame Poillot, deux ans après, et sur son état lors de son installation, et indiqué que l'employé de la société qui a installé le lit n'a pas remis la notice à son utilisateur, et n'a pas indiqué qu'il ne faut pas passer le câble d'alimentation dans le croisillon du châssis, que Madame Poillot et son concubin ont affirmé ne pas avoir touché au câble d'alimentation électrique, de sorte que c'est l'employé de la société AMS 88 qui a mal positionné ce câble en le coinçant dans le croisillon du châssis, que si ce n'est pas le cas, il y a eu déplacement du câble lors de l'utilisation du lit et que dans ces deux hypothèses il y a défaut d'installation du fait d'un tiers ou de la victime qui l'exonère de sa responsabilité.

Elle a conclu, si sa responsabilité est retenue, à la garantie de la société AMS 88 puisque c'est l'erreur d'installation du câble qui est la cause du sinistre, que l'intéressée n'a pas remis la notice et n'a prodigué à la famille Poillot aucun conseil d'utilisation de nature à lui permettre de manipuler le lit en toute sécurité.

Elle a souligné que le procès-verbal de constatation des dommages matériels produit est sommaire et dépourvu de justificatif et a demandé de réduire le montant des dommages et intérêts pour le préjudice matériel, ainsi que celui accordé pour préjudice moral.

La société Royal International Insurance Holdings a demandé par dernières conclusions déposées le 29 janvier2008 d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société Sunrise Médical et son assureur responsables du sinistre, subsidiairement de condamner la société AMS 88 à la garantir des condamnations pouvant être prononcées à son encontre, de dire que la société Axa ne rapporte pas la preuve du montant du préjudice réellement subi par son assurée et de rejeter sa demande en paiement, de rejeter l'appel de Monsieur Martin, en tout état de cause, de condamner Madame Poillot, Monsieur Martin et la compagnie Axa Assurances à lui payer la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC et aux dépens.

Elle a relevé que si le tribunal a fait état de ce que l'accident est résulté d'une mauvaise installation du câble d'alimentation générale du lit, il a néanmoins retenu la responsabilité exclusive de la société Sunrise Médical, rappelé les dispositions des articles 1386-1 et 1386-9 du Code civil sur la nécessité d'un défaut du produit et d'un lien de causalité entre celui-ci et le dommage, indiqué que le demandeur ne rapporte pas la preuve d'un défaut du produit et que le sinistre a été exclusivement causé par un défaut d'installation du lit, que la société Sunrise Médical a rapporté la preuve de la conformité de son produit à l'ensemble des normes de sécurité existantes lors de sa mise sur le marché et que la conformité du lit médicalisé avec ces nonnes constitue une présomption d'absence de défaut que le tribunal n'a pas prise en compte, que ce dernier a fondé sa décision sur l'évolution du lit après le sinistre en violation de l'article 1386-4 alinéa 3 du Code civil selon lequel un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre plus perfectionné a été mis postérieurement en circulation.

Elle a relevé que rien ne permet d'affirmer qu'en présence d'un autre système de câblage, le sinistre ne se serait pas produit alors que quelle que soit la conception du produit, une mauvaise installation peut conduire à un accident.

Elle a soutenu que c'est l'intervention défectueuse de la société AMS qui est à l'origine du sinistre, parce que le sinistre s'est déclaré trois semaines après l'installation du lit, que Madame Poillot et son concubin ont indiqué n'avoir jamais touché au système électrique du lit et que l'employé de la société AMS a indiqué ne plus se souvenir de la façon dont il a effectué le branchement, et que l'installateur parfaitement conscient de la nécessité d'installer le câble d'une manière précise n'en n'a pas informé l'utilisateur.

Elle a conclu si la responsabilité de la société Sunrise Médical est retenue, à la garantie de la société AMS sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, la position du câble étant issue de l'installation faite par elle, et la société AMS n'ayant pas averti l'utilisateur de la nécessité de positionner le câble d'une manière bien précise.

Elle a indiqué que la compagnie Axa a produit une quittance subrogatoire et un procès-verbal d'évaluation des dommages sans document justificatif, qu'aucun élément ne permet de vérifier que l'indemnité versée correspond au préjudice matériel réellement subi par Madame Poillot, de sorte que la demande en paiement de la compagnie doit être rejetée.

Elle a déclaré l'estimation par le tribunal du préjudice moral de Madame Poillot et de Monsieur Martin juste et équitable et a conclu au rejet de la demande de réévaluation du préjudice de Monsieur Martin.

Madame Poillot, Monsieur Martin et la compagnie Axa France Iard ont demandé par dernières conclusions déposées le 4 septembre 2008 :

- de déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé l'appel interjeté par la société Sunrise Médical,

- les recevant dans leur appel incident et provoqué, de confirmer le jugement en ses dispositions relatives à la responsabilité de la société Sunrise Médical, à la condamnation au profit de la compagnie Axa France Iard et au profit de Madame Poillot, mais de condamner in solidum la société Sunrise Médical et la compagnie Royal International Insurance Holdings à payer à Monsieur Martin la somme de 6 000 euro au titre du préjudice moral,

Subsidiairement, en cas d'exonération de toute responsabilité de la société Sunrise Médical,

- de déclarer la société AMS 88 responsable du sinistre survenu le 21 avril 2001 qui a causé la mort de Madame Poillot Paulette,

- de la condamner à payer à la compagnie Axa France Iard, subrogée dans les droits de Madame Poillot Michèle, la somme de 166 801,79 euro, avec intérêts légaux à compter de la décision ,à intervenir, correspondant à l'indemnité versée au titre du préjudice matériel,

- de la condamner à payer à Madame Poillot Michèle les sommes de 18 000 euro en réparation du préjudice moral et de 2 660,54 euro au titre des frais d'obsèques,

- de la condamner à payer à Monsieur Martin la somme de 6 000 euro au titre du préjudice moral,

- de débouter la société Sunrise Médical, la compagnie Royal International Insurance Holdings et la société AMS 88 de toutes demandes, fins et conclusions contraires,

- de condamner la société Sunrise Médical et la compagnie Royal International Insurance Holdings, à leur payer la somme de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel,

- subsidiairement, de condamner la société AMS 88 à leur payer la somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du NCPC,

- de condamner la société Sunrise Médical et la compagnie Royal International Insurance Holdings, subsidiairement la société AMS 88, aux dépens d'instance et d'appel, avec autorisation pour Maître Grétéré, avoué, de les recouvrer conformément aux dispositions des articles 696 et 699 du NCPC.

Ils ont fait valoir qu'un système de maintien du câble d'alimentation sur le châssis fixe hors du croisillon du châssis mobile aurait permis d'éviter le sinistre, que le lit n'en comportait pas et qu'il est dès lors manifeste qu'il n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre.

Ils ont rappelé que l'article 1386-4 du Code civil indique que dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation, développé que le produit est défectueux lorsqu'il risque de porter atteinte à la santé, l'intégrité physique ou psychique des individus ou de provoquer la destruction ou la dégradation des biens, que le défaut du produit doit s'apprécier uniquement au regard de la sécurité, que le défaut du produit doit être compris de façon large, qu'il ne s'agit pas seulement d'un défaut de conception, de fabrication, qu'un produit peut se révéler défectueux au regard de la sécurité en raison d'autres circonstances, que le défaut peut résulter notamment de sa présentation, que selon l'article 1386-10 du Code civil le producteur est responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou des normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative, que le défaut du lit est rapporté puisque le départ du feu trouve son origine dans la mise en contact des fils électriques du câble d'alimentation générale du lit avec l'un des châssis métalliques, que le câble a été cisaillé progressivement par le jeu du longeron mobile permettant le relevage du lit, qu'un système de maintien du câble d'alimentation sur le châssis fixe hors du croisillon mobile aurait permis d'éviter le sinistre, de maintenir le câble d'alimentation en dehors du croisillon même en cas d'erreur de montage du lit, que le simple fait que l'installateur a pu procéder à un montage dangereux sans modifier le lit implique la réalité du défaut de sécurité affectant le lit.

Ils ont prétendu qu'il n'est pas nécessaire d'établir un lien de causalité entre le défaut et le dommage, mais que ce lien est établi puisque c'est parce que le câble a été cisaillé qu'il a provoqué l'incendie, que les essais réalisés sur le lit n'ont pas d'incidence sur la responsabilité de la société Sunrise Médical, que peu importe l'état du lit lorsqu'il a été livré, qu'il y a un défaut de conception patent qui ne permet pas à la société Sunrise d'échapper à sa responsabilité.

Ils ont subsidiairement demandé dans le cas où la responsabilité de l'intéressée ne serait pas retenue en raison de la faute de l'installateur, de retenir la faute de ce dernier consistant en une faute d'installation et en un défaut d'information.

Ils ont indiqué que le procès-verbal contradictoire des dommages a été signé par l'ensemble des parties, qu'ils produisent une estimation détaillée du chiffrage, et insisté sur le préjudice moral subi du fait des circonstances du décès de Madame Poillot.

La société AMS 88 a demandé par dernières conclusions déposées le 11 août 2008, de déclarer l'appel interjeté par la société Sunrise mal fondé et de l'en débouter, de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, de condamner l'appelante à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC, de débouter les autres parties de toutes demandes dirigées contre elle, subsidiairement de réduire à de plus justes proportions les demandes de réparation au titre du préjudice moral et du préjudice matériel, de condamner la société Sunrise aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Millot Logier Fontaine, avoués.

Elle a précisé que son préposé a effectué l'installation du lit en respectant les prescriptions de la notice technique qui ne contient aucune disposition particulière pour le positionnement du fil d'alimentation électrique, aucune mise en garde, que le branchement du fil ne fait pas partie au sens technique d'un montage qui aurait été réalisé, qu'il s'agit d'un fil relié à une prise qui est susceptible d'être branché et retiré lors de chaque manipulation du lit, que ce dernier est mobile et monté sur roulettes et donc susceptible de déplacements, et ce quotidiennement compte tenu de son positionnement dans la pièce contre un mur, que le positionnement du fil entre l'installation du lit et l'accident ne peut être rattaché à son intervention, qu'il y a une erreur de conception qui permet au fil de se déplacer à la faveur des déplacements du lit, que le fait qu'elle n'a pas remis la notice à la famille Poillot est sans incidence puisque cette notice n'informe pas l'usager, qu'il n'est pas rapporté que le matériel qui a fait l'objet de tests correspond au matériel loué et que la fiabilité des constatations du laboratoire ne peut être reconnue, que le fabricant n'a pas rempli son obligation de renseignement, de conseil et de sécurité lors de la distribution de son produit en 1999, que c'est l'absence de dispositif adapté qui a exposé l'utilisateur du lit au risque qui s'est réalisé, qu'il n'y a pas de montage fixe du câble, que selon la position de la prise dans la pièce et de la place donnée au lit, le passage du fil s'effectue d'un côté ou d'un autre, qu'il s'agit d'un élément laissé à la disposition de l'usager.

Elle a soutenu qu'il n'est pas rapporté de faute à son encontre et de son lien de causalité avec le dommage, que l'erreur ou la mauvaise exécution de son préposé ne peut être retenue sur la base d'une supposition, que la société Sunrise est mal placée pour lui reprocher un manquement à son devoir de conseil compte tenu de la rédaction de sa notice, qu'elle ne pouvait délivrer plus d'information qu'elle n'en n'a fournie elle-même, que le vice de conception est la cause exclusive du sinistre.

Elle a demandé subsidiairement de ramener à de plus justes proportions l'indemnisation accordée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2008.

SUR CE:

Attendu qu'il résulte du rapport de l'expertise effectuée dans le cadre de l'enquête de gendarmerie qui a suivi l'incendie et le décès de Madame Poillot Paulette, du 24 avril 2001, que l'accident qui a entraîné la mort de Madame Poillot est dû à une erreur d'installation du câble d'alimentation générale du lit médicalisé; que ce câble a été mis en place au-dessus des deux longerons qui supportent l'ensemble du lit, que le longeron mobile permettant d'élever l'ensemble du lit a joué un rôle de cisaille, entraîné la destruction partielle de la gaine plastique entourant le câble jusqu'à la mise en contact de l'un des deux câbles en cuivre multi-brins qui a provoqué un appel de courant important sur le câble, la fusion de sa gaine en plastique puis l'inflammation des produits de pyrolyse de cette gaine, inflammation qui s'est propagée aux couvertures ou à la couverture recouvrant le corps de Madame Poillot et a entraîné un embrasement général de la pièce où elle était installée ;

Attendu que le décès de Madame Poillot résulte de l'usage du lit ; que cet usage a été tout à fait conforme à la destination du lit ; que ce sont les manœuvres effectuées pour relever puis rabaisser une partie du lit qui ont entraîné la dégradation du câble d'alimentation générale et le sinistre ;

Attendu que selon les articles 1386-1 et suivants du Code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ;

Attendu qu'en l'espèce le producteur du lit médicalisé est la société Sunrise Médical en qualité de fabricant ;

Attendu que l'on peut légitimement s'attendre à ce que l'usage d'un lit médicalisé, sa manipulation, n'entraîne pas un incendie à l'origine de blessures ou du décès de la personne qui l'occupe et de dégâts matériels ;

Attendu qu'il n'est pas rapporté que le lit n'était pas conforme à ce qu'il était lors de sa mise en circulation ;

Attendu que c'est le fait que le câble d'alimentation générale du lit s'est trouvé entre les longerons qui a provoqué sa dégradation et l'incendie ; que cette situation a pu se produire en raison d'une absence de système imposant un certain positionnement du câble ou d'un système de protection du câble, et en raison d'un défaut d'information sur le positionnement du câble et de mise en garde contre le risque de cisaillement en cas de mauvais positionnement ;

Que le sinistre est donc bien lié à un défaut de sécurité du produit ;

Attendu que le fait que le type de lit loué à Madame Poillot a fait l'objet de tests satisfaisants, et qu'il a été construit conformément aux normes existantes à la date de sa mise en circulation est indifférent puisque l'article 1386-10 du Code civil énonce que le producteur est responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans les règles de l'art ou de normes existantes et qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative ;

Attendu que l'on ne peut reprocher de faute à la victime ou sa famille à l'origine du dommage alors qu'elles n'ont pas été informées du risque de cisaillement du câble d'alimentation générale en cas de mauvaise position et de la nécessité de le placer d'une certaine façon pour éviter un tel risque ;

Qu'il ne peut en conséquence y avoir exonération de la responsabilité de la société Sunrise Médical en application de l'article 1386-13 du Code civil ;

Attendu que l'article 1386-14 énonce que la responsabilité du producteur envers la victime n'est pas réduite par le fait d'un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage ; que la société Sunrise Médical ne peut en conséquence se prévaloir d'une faute de la société AMS 88 pour voir exclure ou atténuer sa responsabilité ;

Attendu que le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a déclaré l'intéressée responsable du sinistre ;

Attendu que la société Royal International Insurance Holdings ne conteste pas garantir la société Sunrise Médical ;

Attendu que les dommages matériels ont été établis de façon contradictoire par les experts et représentants des parties, lors d'une réunion d'expertise du 31 juillet 2001 ; qu'ils ont été évalués à la somme de 1 094 148 francs, soit de 166 801,78 euro, vétusté déduite ; que le procès-verbal qui les chiffre mentionne que les experts sont d'accord sur la description et l'évaluation des dommages ; qu'il y a lieu compte tenu de l'accord intervenu sur l'évaluation des différents postes de préjudice qui ont nécessairement été discutés, de prendre en compte cette somme ;

Attendu que la compagnie Axa a versé cette somme à Madame Poillot Michèle selon quittance subrogatoire fournie ;

Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Sunrise Médical et la société Royal International Insurance Holdings, prise en son établissement en France, Royal Sun Alliance Global, à lui payer ladite somme ;

Attendu que Madame Poillot rapporte selon facture des Pompes Funèbres Thomas du 24 avril 2001, avoir supporté des frais d'obsèques de 17 452 francs, soit de 2 260,54 euro ;

Que la société Sunrise Médical et son assureur doivent lui rembourser cette dépense née du sinistre ;

Attendu que le préjudice moral de Madame Poillot a été justement apprécié par les premiers juges compte tenu des circonstances du décès de sa mère, des liens affectifs qui les unissaient et de leur cohabitation, et qu'il convient de confirmer l'indemnité qui lui a été allouée ; qu'il convient en revanche de porter à la somme de 6 000 euro l'indemnisation du préjudice moral de Monsieur Martin compte tenu des circonstances particulièrement dramatiques dans lesquelles est décédée sa grand-mère ;

Attendu qu'il ne peut être affirmé à la lecture des déclarations recueillies lors de l'enquête de gendarmerie, que le mauvais positionnement du câble résulte de l'installation effectuée par la société AMS 88 alors qu'il ressort des dires de son employé qui a procédé à l'installation du lit qu'il a une parfaite connaissance des conséquences d'un positionnement du câble dans le croisillon du châssis, qu'il agit par réflexes et qu'il a forcément passé le câble en dessous du châssis fixe, et des indications données par Madame Poillot Michèle, que le lit a été déplacé à plusieurs reprises, notamment pour être fait ;

Attendu que le document d'accompagnement du lit médicalisé établi par la société Sunrise Médical ne donne aucune indication sur la façon dont il convient de positionner le câble d'alimentation générale du lit, ne précise pas qu'il convient de faire en sorte qu'il ne se trouve pas entre les deux longerons, n'attire pas l'attention sur le fait que ce positionnement est de nature à entraîner sa dégradation ;

Attendu que le fait que la société AMS 88 n'a pas donné à Madame Poillot une copie du document d'accompagnement n'a ainsi pas eu d'incidence sur la réalisation du sinistre ;

Attendu que la société Sunrise Médical et la société Royal International Insurance Holdings ne peuvent reprocher à faute à la société AMS de ne pas avoir attiré l'attention de Madame Poillot sur la nécessité de ne pas positionner le câble d'alimentation générale entre les deux longerons dans la mesure où cela la cisaille, alors que le document d'accompagnement du lit ne donne lui-même aucune information sur le positionnement du câble, que la société Sunrise Médical est elle-même défaillante dans l'information à donner sur le positionnement du câble ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Sunrise Médical de son action en garantie contre la société AMS, et de débouter la société Royal International Insurance Holdings de son action en garantie contre la même ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du CPC au profit de la société Sunrise Médical et de la société Royal International Insurance Holdings ; qu'il convient de condamner ces dernières à payer au titre des frais irrépétibles d'appel, à Madame Poillot, à Monsieur Martin et à la compagnie Axa une indemnité de 2 000 euro, et à la société AMS 88 une indemnité de 1 500 euro.

Par ces motifs : LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement : Confirme le jugement du Tribunal de grande instance d'Epinal du 26 janvier 2006, sauf en ce qu'il a condamné in solidum la société Sunrise Médical et la société Royal International Insurance Holdings, prise en son établissement en France, Royal Sun Alliance Global, à payer à Monsieur Martin Jean-Charles la somme de cinq mille euro (5 000 euro) au titre du préjudice moral ; Et statuant à nouveau de ce seul chef : Condamne in solidum la SAS Sunrise Médical et la SA Royal International Insurance Holdings, prise en son établissement en France, Royal Sun Alliance Global, à payer à Monsieur Martin la somme de six mille euro (6 000 euro) au titre du préjudice moral ; Déboute la SA Royal International Insurance Holdings, prise en son établissement en France, Royal Sun Alliance Global, de son action en garantie contre la SARL AMS 88 ; Déboute la SAS Sunrise Médical et la SA Royal International Insurance Holdings, prise en son établissement en France, Royal Sun Alliance Global, de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SAS Sunrise Médical et la SA Royal International Insurance Holdings, prise en son établissement en France, Royal Sun Alliance Global, à payer à Madame Poillot Michèle, à Monsieur Martin Jean-Charles et à la compagnie Axa France Iard la somme de deux mille euro (2 000 euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SAS Sunrise Médical et la SA Royal International Insurance Holdings, prise en son établissement en France, Royal Sun Alliance Global, à payer à la SARL AMS 88 la somme de mille cinq cents euro (1 500 euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SAS Sunrise Médical et la SA Royal International Insurance Holdings, prise en son établissement en France, Royal Sun Alliance Global, aux dépens d'appel, Maître Grétéré, avoué, et la SCP Millot Logier Fontaine, avoués associés, étant autorisés à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.