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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 4 mai 2009, n° 07-00084

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

VGC Distribution Vogica (SA)

Défendeur :

Chevarin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Landoz

Conseillers :

Mmes Kueny, Klajnberg

Avoués :

SCP Calas, Selarl Dauphin & Mihajlovic, Me Brasseur

TI Grenoble, du 14 déc. 2006

14 décembre 2006

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 10 mai 2005, Jocelyne Grenier épouse Chevarin a signé un bon de commande d'un ensemble de meubles de cuisine auprès de la SA VGC Distribution moyennant la somme de 8 000 euro et a remis à cette société un chèque de 4 000 euro à titre d'acompte.

Après avoir vainement tenté d'annuler ce contrat, elle a le 4 novembre 2005 assigné la SA VGC devant le Tribunal d'instance de Grenoble en résolution de la vente et restitution de son acompte.

Par jugement du 14 décembre 2006 le tribunal a :

"- Prononcé la résolution de la vente conclue le 10 mai 2005 entre Jocelyne Grenier Chevarin et la société VGC Distribution ;

- condamné la société VGC Distribution à restituer à Jocelyne Grenier Chevarin le chèque d'acompte de 4 000 euro ;

- condamné la société VGC Distribution à payer la somme de 500 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 700 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société VGC Distribution aux entiers dépens."

La société VGC Distribution a interjeté appel de cette décision et demande par voie d'infirmation de :

"- Dire que Jocelyne Chevarin sera tenue d'exécuter le contrat de vente signé le 10 mai 2005.

- Condamner Jocelyne Chevarin à lui payer le prix de vente, soit la somme de 8 000 euro et ce avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2005 date de la première mise en demeure.

- La débouter de toutes ses demandes reconventionnelles.

- La condamner au paiement de la somme de 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile."

Au soutien de son recours elle fait valoir en substance que :

- aucune condition suspensive ne figure dans le bon de commande,

- elle n'est tenue que d'une obligation de délivrance d'un matériel conforme au bon de commande,

- Jocelyne Chevarin fait preuve de mauvaise foi,

- c'est sur la base des déclarations données par la cliente que le bon de commande a été rédigé,

- à aucun moment d'ailleurs elle ne démontre en quoi l'implantation de la cuisine serait impossible.

Jocelyne Chevarin sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de la SA VGC à lui payer 3 000 euro de dommages et intérêts et 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle conclut pour l'essentiel que :

- tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services est tenu lors de la conclusion du contrat, d'une obligation de renseignements (article L. 111-1 du Code de la consommation), ainsi que d'une obligation de conseils à l'égard du consommateur (articles 1135 et 1604 du Code civil),

- faute d'avoir pris les mesures, malgré ces obligations préalables, VGC a conçu un projet qui ne peut être réalisé,

- compte tenu de la nullité du contrat, ou subsidiairement de sa résiliation pour impossibilité d'exécution, elle est bien fondée à solliciter le remboursement des sommes versées.

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu que Jocelyne Chevarin a signé le 10 mai 2005 un bon de commande d'un ensemble de meubles de cuisine et d'appareils prévoyant également la pose desdits meubles et l'installation d'appareils électroménagers par la SA Vogica chargée d'aménager la cuisine ;

Qu'un tel contrat implique nécessairement la réalisation d'un plan technique qui figure très précisément l'implantation des meubles et appareils constituant la cuisine, approuvé et signé par les clients, permettant à ces dernier de donner à ce contrat un consentement éclairé ;

Qu'à cet égard la société VGC professionnelle de la vente et de l'installation de cuisine, ne saurait s'exonérer de l'obligation essentielle qui lui incombe de prendre personnellement connaissance des mesures exactes de la pièce à aménager, avec la localisation des ouvertures comme des arrivées de réseaux ;

Qu'en effet tout vendeur professionnel de meubles destinés à être posés et installés dans un lieu spécifiquement défini et auquel ils doivent être adaptés, doit par application de l' article L. 111-1 du Code de la consommation, s'informer des besoins de l'acquéreur non professionnel et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose qu'il se propose d'acquérir et de son aptitude à atteindre le but recherché, de sorte qu'il puisse s'engager en toute connaissance de cause ;

Or attendu qu'en l'espèce, l'examen des documents contractuels produits, révèle que d'une part le plan d'implantation partie intégrante du contrat, est en réalité une simple ébauche de plan sans aucune cote, totalement impropre à servir de base à une étude d'implantation sérieuse et précise, d'autre part le bon de commande ne mentionne pas la dimension de certains meubles (fileur, retour d'élément bas et plan de travail) ;

Que ce plan manifestement surdimensionné ne correspond pas à la dimension réelle de la cuisine telle qu'elle figure sur le plan du permis de construire versé aux débats, et ne permet ni d'établir la faisabilité du projet qui sous-tend la vente, ni en tout cas l'implantation des meubles prévus ;

Qu'il s'ensuit que la SA Vogica ne s'est pas sérieusement informée sur les besoins de Jocelyne Chevarin laquelle n'occupait pas encore au jour de la commande son nouveau logement (...), et qu'elle ne l'a pas avertie des contraintes techniques nécessaires à la pose des divers éléments objet du bon de commande ;

Attendu que Jocelyne Chevarin est dès lors fondée à soutenir, qu'étant susceptible d'être remis en cause une fois connues les mesures et caractéristiques exactes de la cuisine à aménager, le bon de commande qu'elle a signé sur la base d'un plan d'implantation purement virtuel élaboré à partir d'indications sommaires ne pouvait constituer un contrat de vente ferme et définitif de nature à engager les deux parties de façon irréversible, d'autant que la SA VGC qui le savait parfaitement, prévoyait aux termes du contrat, de vérifier et valider après signature de la commande et passage d'un technicien métreur "les détails techniques" de la commande ;

Que dans de telles circonstances, Jocelyne Chevarin n'a pu valablement donner son accord sur la chose vendue et sur son prix, de sorte que le contrat litigieux doit être considéré comme nul par application de l'article 1583 du Code civil ;

Attendu que le jugement qui a par conséquent condamné la SA VGC Distribution à restituer à Jocelyne Chevarin le chèque d'acompte de 4 000 euro remis à la commande, sera confirmé par substitution de motifs ;

Que le manque total de professionnalisme de la SA VGC Distribution a occasionné un préjudice à Jocelyne Chevarin qui depuis quatre années est restée engagée dans les liens d'un contrat, l'empêchant d'engager d'autres projets ;

Que la SA VGC sera donc condamnée à lui payer une somme de 1 000 euro de dommages et intérêts qui s'ajoutera à la somme de 500 euro allouée en première instance à ce titre ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré sauf à dire que le contrat conclu le 10 mai 2005 entre la SA VGC Distribution et Jocelyne Chevarin est nul, et ajoutant, Condamne la SA VGC Distribution à payer à Jocelyne Chevarin 1 000 euro de dommages et intérêts, Condamne en cause d'appel la SA VGC Distribution à payer à Jocelyne Chevarin une indemnité de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SA VGC Distribution aux dépens de la procédure d'appel, avec application de l'article 699 au profit de la Selarl Dauphin Mihajlovic qui en a demandé le bénéfice.