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Décisions

ADLC, 23 juillet 2012, n° 12-DCC-100

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite par Vivendi et Groupe Canal Plus

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Iratxe Gurpegui, de MM. Charles Bertin, Antoine Errera, Simon Genevaz, Jean-Christophe Mauger, l'intervention de Mme Nadine Mouy, rapporteure générale adjointe, par M. Bruno Lasserre Président, présidant la séance, Mmes Françoise Aubert, Elisabeth Flüry-Hérard, vice-présidentes, , M. Patrick Spilliaert, vice-président, Mmes Laurence Idot, Carol Xueref, MM. Emmanuel Combe, Jean-Bertrand Drummen, membres.

ADLC n° 12-DCC-100

23 juillet 2012

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 24 octobre 2011 et déclaré complet le 21 février 2012, relatif à la prise de contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite par Vivendi SA et Groupe Canal Plus ; Vu la décision du ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie du 30 août 2006, autorisant l'acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus sous réserve de l'ensemble des engagements pris par ces sociétés le 24 août 2006, ensemble l'avis n° 06-A-13 émis sur l'opération par le Conseil de la concurrence le 13 juillet 2006 ; Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-D-12 du 20 septembre 2011 relative au respect des engagements figurant dans la décision autorisant l'acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DEX-01 du 27 mars 2012 d'ouverture d'un examen approfondi en application du dernier alinéa du III de l'article L. 430-5 du Code de commerce ; Vu l'avis n° 2012-0518 du 26 avril 2012 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ; Vu l'avis n° 2012-10 du 2 mai 2012 du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; Vu les observations en réponse au rapport présentées par les groupes Vivendi et Canal Plus en date du 5 juin 2012 ; Vu les lettres en date du 22 juin 2012 et du 29 juin 2012 adressées par le président de l'Autorité de la concurrence aux groupes Vivendi et Canal Plus ; Vu les engagements présentés le 26 juin 2012 par les parties notifiantes, puis complétés le 10 juillet 2012 ; Vu les observations présentées par les groupes Vivendi et Canal Plus en date du 18 juillet 2012 en réponse à la communication du projet de décision ; Vu les observations présentées par le groupe France Télécom-Orange en date du 18 juillet 2012 en réponse à la communication de la partie de la décision relative à la cession de la participation de Groupe Canal Plus dans Orange Cinéma Séries-OCS ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, et les représentants des groupes Vivendi et Canal Plus entendus au cours de la séance du 11 juin 2012 ; Les représentants de la Ligue de Football Professionnel et du Bureau de liaison des organisations du cinéma, ainsi que des groupes Al Jazeera Sport France, France Télécom Orange, AB, TF1 et Numericable entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 430-6, alinéa 3 du Code de commerce ;

Adopte la décision suivante :

I. Présentation de l'opération, de la procédure et des entreprises concernées

1. Après un rappel de la procédure (A) et une présentation des entreprises concernées (B), les principes guidant l'Autorité de la concurrence dans son appréciation de la nouvelle notification de la prise de contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite par les groupes Vivendi et Canal Plus après le retrait de l'autorisation délivrée en 2006 seront exposés (C).

A. L'OPÉRATION ET LA PROCÉDURE

2. L'acquisition de TPS et CanalSatellite par le groupe Vivendi et le groupe Canal Plus a été autorisée par décision du ministre de l'Economie du 30 août 2006 (1). Cette autorisation ayant été retirée par l'Autorité de la concurrence le 20 septembre 2011 (2), l'opération a été notifiée à nouveau auprès de l'Autorité le 24 octobre 2011 (3).

1. L'ACQUISITION DE TPS ET CANALSATELLITE PAR LE GROUPE VIVENDI ET GROUPE CANAL PLUS EN 2006

3. Par lettre du 30 août 2006 (1), le ministre de l'Economie a autorisé, après avis du Conseil de la concurrence n° 06-A-13 du 13 juillet 2006, le regroupement des activités de télévision payante de TPS et du groupe Canal Plus ("GCP"), c'est-à-dire les deux bouquets satellitaires CanalSat et TPS, la chaîne Canal+ et les chaînes thématiques de Multithématiques, au sein de la société Canal+ France.

4. La création de Canal+ France résultait de deux opérations. En vertu du protocole d'accord "Ceres", signé le 6 janvier 2006, les sociétés TF1 et Métropole Télévision ont d'abord cédé les actifs et activités de leur filiale TPS à Vivendi Universal en contrepartie de participations minoritaires de 9,9 % et 5,1 % respectivement au sein de la nouvelle société Canal+ France. En vertu d'accords signés le 14 mars 2006 avec Vivendi Universal et GCP, la société Lagardère SCA a ensuite apporté sa participation de contrôle conjoint de 34 % dans CanalSat en échange d'une participation minoritaire de 20 % dans Canal+ France.

5. Cette opération a conféré à GCP et à Vivendi Universal (le "groupe Vivendi"), dont il est la filiale, le contrôle des deux plateformes satellitaires françaises intégrant l'ensemble des métiers de la chaîne de valeur de l'audiovisuel payant, de la maîtrise des contenus jusqu'à l'accès aux téléspectateurs. L'acquisition a apporté à GCP les chaînes éditées et commercialisées par TPS et CanalSat ainsi que leurs activités de distribution et de commercialisation de bouquets de chaînes. L'opération a donc significativement renforcé les bouquets de chaînes de GCP et sa base d'abonnés.

6. En 2006, le ministre de l'Economie a considéré que l'opération entraînait des effets significatifs sur les marchés amont d'acquisition de droits audiovisuels, sur les marchés intermédiaires d'édition et de commercialisation de chaînes thématiques payantes, ainsi que "le renforcement de la position dominante de Groupe Canal Plus" sur le marché aval de la distribution de télévision payante, "en raison de la forte addition de parts de marché, de la disparition d'un concurrent potentiel et de l'existence d'effets verticaux significatifs" (2).

L'opération avait notamment pour effet de conférer à GCP : (i) une puissance d'achat considérable, en éliminant son concurrent le plus significatif pour l'acquisition des contenus ; (ii) un monopole en matière d'édition de chaîne premium ; (iii) une position dominante en matière d'édition de chaînes de cinéma ; (iv) une position de nature à entraîner un risque d'assèchement de l'accès aux chaînes cinéma, sportives et jeunesse pour les distributeurs concurrents ; et (v) une position incontournable pour la distribution de chaînes thématiques étant donné le renforcement de la base d'abonnés de CanalSat.

7. Afin de remédier à ces problèmes de concurrence, l'autorisation a été délivrée sous condition de la mise en œuvre de cinquante-neuf engagements souscrits par le groupe Vivendi et GCP le 24 août 2006. Pour remédier au monopole de la nouvelle entité dans l'édition et la commercialisation de chaînes premium, et permettre à des opérateurs tiers de distribuer de telles chaînes, GCP s'était notamment engagé à mettre la chaîne TPS Star à disposition de distributeurs concurrents et à en maintenir la qualité. De la même manière, pour éviter que la nouvelle entité n'évince ses concurrents en asséchant le marché des chaînes thématiques, GCP s'était engagé à mettre à disposition de distributeurs tiers trois chaînes de cinéma (Cinéstar, Cinéculte et Cinétoile), une chaîne de sport (Sport+) et deux chaînes destinées à la jeunesse (Piwi et Télétoon), en garantissant également le maintien de leur qualité. De plus, pour remédier au risque de dépendance des chaînes vis-à-vis de GCP, celui-ci s'était engagé à définir des conditions de distribution transparentes, objectives et non-discriminatoires, notamment en matière de rémunération. Enfin, GCP s'était engagé à conclure des contrats séparés pour la distribution commerciale et les prestations de transport des services de télévision payante.

2. LE RETRAIT DE L'AUTORISATION DE CONCENTRATION PAR L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE LE 20 SEPTEMBRE 2011

8. Par décision n° 11-D-12 du 20 septembre 2011, l'Autorité de la concurrence (ci-après "l'Autorité") a constaté l'inexécution, par le groupe Vivendi et GCP, de dix des engagements souscrits en 2006, relatifs notamment à la mise à disposition de chaînes auprès de distributeurs tiers, à la garantie du maintien de la qualité de celles-ci, et aux conditions de distribution des chaînes indépendantes. L'Autorité a relevé que les engagements inexécutés par GCP étaient déterminants et se trouvaient au cœur du dispositif destiné à remédier aux restrictions de concurrence résultant de l'opération de concentration. Les manquements constatés étaient donc susceptibles de "faire échec aux objectifs poursuivis par la décision d'autorisation, à savoir le rétablissement et le maintien d'une concurrence suffisante sur le marché de la télévision payante" (paragraphe 228).

9. L'Autorité a par conséquent retiré, sur le fondement des dispositions du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce, l'autorisation de concentration délivrée en 2006 et ordonné aux parties, à moins de revenir à l'état antérieur à la concentration, de notifier à nouveau l'opération dans un délai d'un mois à compter de la date de la notification de la décision de retrait.

3. L'EXAMEN DE L'OPÉRATION A LA SUITE DE LA NOUVELLE NOTIFICATION DÉPOSÉE PAR VIVENDI ET GROUPE CANAL PLUS

10. Le 24 octobre 2011, le groupe Vivendi et GCP ont de nouveau notifié l'opération. Plusieurs éléments nécessaires à l'instruction du dossier n'ayant été transmis qu'à une date ultérieure, ce n'est que le 21 février 2012 que la notification a été déclarée complète.

11. L'Autorité a estimé que l'opération soulevait des doutes sérieux d'atteinte à la concurrence et a engagé, par sa décision n° 12-DEX-01 du 27 mars 2012, un examen approfondi en application du dernier alinéa du III de l'article L. 430-5 du Code de commerce.

12. Sollicités par l'Autorité de la concurrence, les avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ("ARCEP") et du Conseil supérieur de l'audiovisuel ("CSA") ont été adoptés respectivement le 26 avril 2012 (avis n° 2012-0518 relatif à une demande de l'Autorité de la concurrence portant sur les concentrations constituées par l'acquisition du contrôle exclusif des sociétés TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal dans le secteur de la télévision payante - "avis de l'ARCEP") et le 2 mai 2012 (avis n° 2012-10 sur la nouvelle notification de l'acquisition des sociétés TPS et CanalSatellite par les sociétés Vivendi Universal et Groupe Canal Plus - "avis du CSA").

B. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. GROUPE VIVENDI ET GROUPE CANAL PLUS

13. Vivendi SA est la société mère d'un groupe actif dans les secteurs de la télévision payante et du cinéma, via sa filiale Groupe Canal Plus, de la musique, des jeux interactifs et des communications électroniques via sa filiale SFR, devenue le deuxième opérateur français de téléphonie mobile et de l'Internet à la suite de l'acquisition en 2007 et 2008 des opérateurs de télécommunications Télé 2 France et Neuf Cegetel.

14. Groupe Canal Plus, contrôlé par le groupe Vivendi, est le principal acteur du secteur de la télévision payante en France. Le groupe est particulièrement présent dans l'édition de chaînes de télévision payante et dans la distribution en France de ses offres Canal+ et CanalSat, cette présence ayant été significativement renforcée par l'acquisition de son concurrent TPS en 2006. Le groupe commercialise des services de vidéo à la demande à l'acte et par abonnement (CanalPlay et CanalPlay Infinity) et un service de télévision de rattrapage de la chaîne Canal+, associé à l'offre "Les Chaînes Canal+". GCP distribue ses offres par satellite, par le câble, la TNT payante, sur les réseaux Internet haut débit (ADSL) et très haut débit (FTTx) et par la téléphonie mobile. Le groupe est également présent dans le secteur de la production et de la distribution de films de cinéma via sa filiale StudioCanal.

15. Canal+ France, société issue de l'opération notifiée, est actuellement détenue à 80 % par GCP, TF1 ayant cédé au groupe Vivendi les parts qu'il détenait en 2009, et Métropole Télévision ayant fait de même en 2010. Lagardère SCA, qui détient aujourd'hui 20 % du capital de Canal+ France est également engagé dans un processus de cession de ses parts.

16. GCP et le groupe Vivendi ont notifié le 5 décembre 2011 à l'Autorité la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia, opération qui se traduirait par une extension des activités du groupe à la télévision gratuite ainsi que par un renforcement de son intégration verticale.

17. Par ailleurs, GCP et France Télécom-Orange (ci-après, "Orange") ont conclu le 12 avril 2012 une série d'accords par lesquels GCP acquiert le tiers du capital et le contrôle conjoint de la société Orange Cinéma Séries-OCS, à laquelle Orange apporte les chaînes de son bouquet dénommé Orange Cinéma Séries.

2. TPS

18. En 2006, TPS, détenue à 66 % par TF1 et à 34 % par Métropole Télévision (M6), était principalement active dans l'édition et de la commercialisation de chaînes thématiques et de services et dans la distribution et la commercialisation de bouquets de chaînes, de services et de radios alors diffusées par satellite, par ADSL et sur la TNT. Les sociétés TPS SNC et TPS Gestion ont été dissoutes à la suite de leur acquisition par GCP et le groupe Vivendi et n'ont plus aujourd'hui d'existence légale.

C. L'APPRÉCIATION D'UNE NOUVELLE NOTIFICATION DE CONCENTRATION APRÈS UN RETRAIT DE LA PRÉCÉDENTE AUTORISATION

19. L'examen du présent dossier correspond à une situation inédite dès lors que les autorités de concurrence n'avaient, avant la décision n° 11-D-12, jamais encore prononcé le retrait d'une décision autorisant la réalisation d'une opération de concentration en application du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce. Il convient donc de préciser de quelle manière la méthode habituelle d'examen des opérations de concentration, telle qu'exposée dans les dispositions du Code de commerce éclairées par les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, s'applique au contexte spécifique de la notification à nouveau d'une opération dont l'autorisation a été retirée mais qui n'a, en pratique, pas été défaite à la suite de ce retrait.

20. L'opération à examiner est celle qui a été notifiée au ministre de l'Economie en 2006, dans la même consistance que celle décrite dans cette notification. L'analyse de l'Autorité porte donc sur les effets de l'acquisition par GCP des activités de TPS telles qu'elles existaient à la date de la première notification, alors que TPS était un concurrent indépendant de GCP sur les marchés de la télévision payante. Le fait que TPS n'ait plus d'existence légale à ce jour est sans incidence sur le champ de l'examen à mener.

21. Ainsi que l'a exposé l'Autorité dans sa décision n° 11-D-12, celle-ci doit toutefois examiner l'opération en prenant en compte l'ensemble des données de fait existant à la date à laquelle elle statue (3). L'examen de l'opération concernée peut donc s'appuyer non seulement sur une analyse de nature prospective des effets attendus de la concentration, mais également, dans une large mesure, sur une analyse de nature rétrospective des effets réellement observés sur le marché de la télévision payante depuis le 1er janvier 2007. L'Autorité doit ainsi tenir compte de l'évolution de la concurrence depuis cette date, aussi bien au stade de la délimitation des marchés pertinents que dans le cadre de l'analyse concurrentielle de l'opération, qui doit permettre d'apprécier la pression concurrentielle telle qu'elle s'exerce aujourd'hui sur les marchés de la télévision payante.

22. Une telle analyse rétrospective a notamment été effectuée par le Conseil de la concurrence et le ministre de l'Economie en 2004 lors de leur second examen de la demande de reprise par Seb des activités de Moulinex sur le marché français, après l'annulation contentieuse de la décision ministérielle d'autorisation délivrée initialement le 5 juillet 2002 (4). Les autorités de concurrence ont alors examiné in concreto les conséquences de cette concentration sur les évolutions du marché du petit électroménager sur la période 2002-2003. Le Conseil d'Etat a validé la méthode d'examen adoptée dans cette affaire (5). De même, la Commission européenne a procédé à une analyse similaire dans ses décisions Seb/Moulinex du 11 novembre 2003 et Sony/BMG du 3 octobre 2007, qui déclarent les opérations de concentration en cause compatibles avec le marché commun dans le cadre d'un nouvel examen après l'annulation des décisions d'autorisation initiales par le Tribunal de première instance des Communautés européennes (6).

23. De plus, l'appréciation des mesures correctives nécessaires pour remédier ou compenser les atteintes à la concurrence qui auraient été constatées dans le cadre de cette analyse doit être effectuée en tenant compte de la situation concurrentielle actuelle sur les marchés, telle qu'elle résulte notamment de l'opération de concentration effectivement réalisée.

24. A cet égard, il convient de préciser que l'évolution des circonstances de fait depuis l'examen de l'opération par le Conseil de la concurrence et le ministre de l'Economie en 2006 fait obstacle à ce que les analyses concurrentielles développées par ces autorités à la date de la première décision d'autorisation lient l'Autorité à la date à laquelle elle statue sur le présent dossier.

25. Enfin, l'Autorité est fondée, dans le cadre du présent examen, à remédier à toute atteinte à la concurrence qui découlerait de l'opération. Contrairement aux prétentions des parties notifiantes, qui soutiennent que l'Autorité n'est fondée à agir qu'au titre des engagements dont l'inexécution a été constatée précédemment, il résulte des dispositions du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce que, lorsque l'Autorité constate l'inexécution d'engagements, elle peut "retirer la décision ayant autorisé la réalisation de l'opération", sans que ces dispositions restreignent d'aucune manière ni le champ de ce retrait, ni celui du réexamen de l'opération.

II. Définition des marchés concernés par l'opération

26. Lors de l'examen de l'opération notifiée en 2006, le Conseil de la concurrence et le ministre de l'Economie ont été conduits à définir une série de marchés pertinents aux différents niveaux de la chaîne de valeur du secteur de la télévision payante. Pour la plupart, ces distinctions ont été validées tant par la pratique décisionnelle ultérieure des autorités de concurrence que par l'instruction du présent dossier.

27. Après avoir brièvement présenté le secteur de la télévision payante en France (A), les marchés concernés par l'opération seront définis, au stade amont de l'acquisition de droits de diffusion

(B), au stade intermédiaire de l'édition de chaînes (C) et au stade aval de la distribution d'offres de télévision payante (D), en examinant s'il y a lieu de préciser ou de faire évoluer sur ce point l'analyse suivie par le Conseil de la concurrence et le ministre de l'Economie en 2006 au vu des circonstances de fait existant à la date de la présente décision.

A. PRÉSENTATION DU SECTEUR DE LA TÉLÉVISION PAYANTE

28. Le secteur de la télévision payante recouvre plusieurs activités à différents stades de la chaine de valeur :

- à l'amont, les détenteurs de droits de diffusion de contenus audiovisuels (tels que les œuvres cinématographiques, les évènements sportifs, les séries télévisées, etc.) commercialisent ceux-ci auprès des éditeurs de chaînes de télévision ou de services de télévision non linéaires (tels que la vidéo à la demande) ;

- au stade intermédiaire, les éditeurs commercialisent les chaînes qu'ils ont constituées à partir de programmes produits en interne ou acquis sur le marché amont des droits de diffusion. La rémunération des éditeurs provient de la publicité, des redevances versées par les distributeurs et des abonnements ;

- en aval, les distributeurs commercialisent des offres de télévision payante auprès des téléspectateurs sous forme de chaînes, vendues en bouquets ou à la carte, ou de services non linéaires ;

- enfin, le transport consiste dans l'acheminement du signal d'une chaîne jusqu'au téléspectateur, qui peut être assuré par différents modes de transmission (câble, satellite, Internet haut débit/très haut débit, télévision numérique terrestre).

29. Le secteur de la télévision payante était historiquement structuré autour des deux opérateurs du satellite, TPS et Canal+/CanalSat, verticalement intégrés sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Lors de l'examen de l'opération de concentration entre ces deux acteurs en 2006, le Conseil de la concurrence et le ministre de l'Economie avaient relevé l'émergence de nouveaux modes de diffusion et de distribution des contenus audiovisuels, à savoir l'Internet haut débit (ADSL), la télévision numérique terrestre ("TNT"), la télévision sur terminaux mobiles ou encore la vidéo à la demande ("VàD") (7). Depuis 2006, le développement de l'ADSL s'est confirmé, puisqu'il est devenu le premier mode de réception des offres de télévision payante, représentant 52 % des foyers recevant une offre payante de télévision en mode numérique au premier semestre 2011 (8).

B. LES MARCHÉS AMONT DE L'ACQUISITION DES DROITS DE DIFFUSION DE CONTENUS AUDIOVISUELS

30. Après avoir exposé les principaux axes de segmentation des marchés amont des droits de diffusion de contenus audiovisuels (1), les différents marchés des droits relatifs aux œuvres cinématographiques (2) et les marchés des droits sportifs (3) seront définis.

1. LES PRINCIPAUX AXES DE SEGMENTATION

a) Rappel de la pratique décisionnelle

31. En 2006, le Conseil de la concurrence et le ministre de l'Economie ont considéré qu'il n'était pas pertinent de faire une distinction entre l'acquisition des droits de diffusion selon les plateformes de distribution concernées (satellite, hertzien, câble et ADSL). Les autorités ont en revanche retenu une segmentation des marchés amont en fonction du type de contenus, conformément à la pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence (9).

32. L'instruction du dossier n'a pas conduit à remettre en cause cette segmentation, approuvée par les parties notifiantes. Compte tenu de l'évolution du secteur de la télévision payante depuis 2006, il convient toutefois d'examiner la pertinence de l'identification d'un marché de l'acquisition de droits destinés à une diffusion en télévision de rattrapage (b) et d'une segmentation entre les droits acquis pour une diffusion télévisuelle et une diffusion sur terminaux mobiles (c).

b) S'agissant de la télévision de rattrapage

33. Les autorités de concurrence ne s'étaient pas prononcées en 2006 sur l'offre de services de télévision de rattrapage, qui ne faisaient pas encore l'objet d'une commercialisation à cette date.

34. Selon les parties notifiantes, les "services de télévision de rattrapage constituent exclusivement le prolongement de la chaîne diffusée en linéaire dans la mesure où ils sont uniquement composés de programmes diffusés en mode linéaire par la chaîne à laquelle ils se rattachent". Elles considèrent donc qu'"on ne saurait considérer qu'il y a une distinction dans la délimitation des marchés entre l'acquisition de droits pour une diffusion linéaire, et l'acquisition de droits pour une diffusion en télévision de rattrapage" (10).

35. Le CSA partage ce point de vue dans la mesure où les droits relatifs à la télévision de rattrapage sont généralement commercialisés de manière indissociée des droits relatifs à la télévision linéaire (11).

36. De même, la très grande majorité des acteurs interrogés dans le cadre du test de marché considère qu'il n'est pas pertinent de distinguer les droits relatifs à une diffusion en télévision de rattrapage des autres droits.

37. Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu, pour l'examen de la présente opération, d'isoler un marché distinct de l'achat de droits destinés à une diffusion sur télévision de rattrapage.

c) S'agissant des droits destinés à une diffusion sur terminaux mobiles

38. En 2006, le ministre de l'Economie avait distingué un marché émergent relatif à l'acquisition de droits de diffusion de contenus audiovisuels sur terminaux mobiles, distinct des droits acquis pour une diffusion sur téléviseur.

39. Selon les parties notifiantes, cependant, il n'y a pas lieu de segmenter le marché de l'acquisition des droits selon le type de plateforme utilisée dans la mesure où les contenus vendus pour une diffusion sur terminaux mobiles sont globalement les mêmes que ceux vendus pour une diffusion télévisuelle. Les parties relèvent également que l'acquisition des droits de diffusion se fait globalement pour l'ensemble des modes de diffusion y compris les terminaux mobiles et que les contrats d'acquisition prévoient généralement une redevance globale qui couvre la totalité des modes de diffusion (12).

40. Le CSA partage cette analyse et observe que "le secteur audiovisuel se caractérise depuis plusieurs années par une diversification croissante des terminaux (ordinateurs, téléphones mobiles, consoles de jeu portables ou non, tablettes). La possibilité offerte par les distributeurs à leurs abonnés de consommer des services sur des terminaux différents incite les chaînes à acquérir des droits permettant une exploitation des contenus sur l'ensemble des plateformes. De manière générale, les chaînes de télévision et les éditeurs de services de VàD sont présents sur l'ensemble des plateformes et des terminaux, fixes et mobiles, et l'acquisition de droits s'effectue aujourd'hui pour l'ensemble des modes de diffusion" (13).

41. De même, la très grande majorité des acteurs interrogés dans le cadre du test de marché considère qu'il n'est pas pertinent de définir un marché distinct des droits pour une diffusion des contenus audiovisuels à destination des terminaux mobiles.

42. Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de retenir une telle segmentation pour l'examen de la présente opération.

2. MARCHÉS DES DROITS RELATIFS AUX œUVRES CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUX SÉRIES TÉLÉVISÉES

a) Rappel de la pratique décisionnelle

43. La pratique décisionnelle distingue les marchés d'acquisition de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques du marché des acquisitions de droits de séries récentes.

44. S'agissant des œuvres cinématographiques, la pratique décisionnelle effectue traditionnellement une double segmentation en fonction des fenêtres et modes de diffusion et en fonction de l'origine des œuvres. Par ailleurs, les autorités de concurrence considèrent que l'ensemble des marchés relatifs aux droits cinématographiques sont de dimension nationale, dans la mesure où les droits sont acquis uniquement pour le territoire national ou, tout au plus, pour une même zone linguistique (14).

45. S'agissant des séries, la pratique décisionnelle a défini un marché des séries américaines récentes qui revêtent "un caractère de contenu attractif autonome" (15), distinct des droits relatifs aux œuvres cinématographiques et des programmes de stock.

46. De manière générale, l'instruction du dossier n'a pas conduit à remettre en cause cette segmentation, approuvée par les parties notifiantes ainsi que par la majorité des acteurs interrogés dans le cadre du test de marché. Ainsi, le constat effectué par les autorités de concurrence à l'occasion de l'examen de l'opération en 2006 et selon lequel la diffusion des œuvres cinématographiques est soumise à une stricte chronologie, reste valable à ce jour.

L'accord du 6 juillet 2009 pour le réaménagement de la chronologie des médias, dont les dispositions pertinentes sont rendues obligatoires par arrêté du ministre de la culture, prévoit ainsi les délais aux termes desquels une œuvre cinématographique peut être diffusée par les différents services audiovisuels. L'ouverture de chaque fenêtre de diffusion pour les différents supports télévisuels (exploitation en salle, en vidéo, en vidéo à la demande à l'acte, en télévision payante, etc.) entraîne généralement la fermeture de la précédente. La pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence distingue donc chacun de ces modes de diffusion comme constituant autant de marchés pertinents, ceux-ci présentant en effet de fortes différences en termes de demande, de réglementation applicable ou encore de prix.

47. En revanche, la pratique décisionnelle relève que les séries ne font pas l'objet d'un encadrement normatif des fenêtres de diffusion, et à la différence des droits relatifs aux œuvres cinématographiques récentes qui ne peuvent être acquis que par des opérateurs de télévision payante, la concurrence pour l'achat de séries récentes est simultanément animée par les opérateurs de télévision à péage et les opérateurs de télévision en accès libre (16).

48. De plus, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence distingue habituellement, s'agissant de la vidéo à la demande, du Pay Per View ("PPV") et de la télévision payante, les droits relatifs aux œuvres américaines de ceux relatifs aux œuvres d'expression française en raison de différences en termes de prix, d'attractivité, d'identité, de capacité de négociation des offreurs, de négociation commerciale et, enfin au regard des obligations spécifiques pesant sur les demandeurs, en matière d'investissements dans le cinéma français.

49. Compte tenu de l'évolution du secteur de la télévision payante depuis 2006, il convient toutefois d'étudier la pertinence d'une segmentation du marché en fonction de la fenêtre de diffusion (b) et de préciser la délimitation des marchés de l'achat de droits relatifs aux films de catalogue (c), pour une exploitation en vidéo à la demande par abonnement (d) et pour une exploitation en PPV (e).

b) Sur une segmentation en fonction de la fenêtre de diffusion

50. Le CSA rappelle, dans son avis, que l'exploitation d'une première fenêtre de diffusion sur une chaîne de télévision payante de cinéma est permise en France après un délai de 10 mois à compter de la date de sortie en salles lorsque l'éditeur de la chaîne a conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma et de 12 mois dans les autres cas ("première fenêtre"). Les dispositions réglementaires et les conventions conclues avec le CSA limitent à 12 mois la durée des premières fenêtres de diffusion des films financés par GCP. S'agissant des films américains, la durée des fenêtres est également d'une durée de 12 mois.

51. Ensuite, l'exploitation d'une seconde fenêtre de diffusion est autorisée à l'expiration d'un délai de 22 mois à compter de la date de sortie en salles lorsque l'éditeur de la chaîne a conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma et de 24 mois dans les autres cas ("deuxième fenêtre").

52. Sans trancher définitivement la question, le Conseil de la concurrence, suivi par le ministre de l'Economie (17), avait envisagé en 2006 d'opérer une distinction entre les droits relatifs à la première fenêtre de diffusion et ceux relatifs à la deuxième fenêtre de diffusion des œuvres cinématographiques.

53. Les parties considèrent cependant qu'une telle segmentation n'est pas pertinente. Elles relèvent que "la seconde fenêtre payante fait partie intégrante du cycle d'exploitation des œuvres cinématographiques par les services contribuant le plus substantiellement au financement de la production cinématographique en vertu de la réglementation, c'est-à-dire les services de télévision payante dits de cinéma. L'arrêté (...) du 9 juillet 2009 comme les décrets d'application de la loi du 30 septembre 1986 modifiée dissocient très clairement le régime des services de cinéma des autres services de télévision" (18).

54. Le CSA considère également que "les vendeurs sur les marchés français de l'achat de droits portant sur des films récents pour la télévision payante sont les mêmes. En outre, le Conseil émet des réserves sur l'utilisation du caractère inédit pour justifier une définition de marchés amont distincts dans le secteur de la télévision payante. En effet, pour un abonné aux chaînes de cinéma du groupe Canal Plus (19) qui ne serait pas abonné à la chaîne Canal+ mais à une offre CanalSat, la diffusion d'un film, même en deuxième fenêtre, est susceptible de présenter un caractère de nouveauté" (20).

55. En tout état de cause, la question d'une segmentation spécifique du marché de l'achat de droits cinématographiques relatifs à une diffusion sur la télévision payante linéaire en fonction de la fenêtre de diffusion peut demeurer ouverte, les conclusions de l'analyse restant inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue.

c) S'agissant de l'achat de droits relatifs à des films de catalogue

56. Les parties notifiantes font valoir que la notion de films dits "de catalogue" recouvre les films "qui ont déjà fait l'objet d'un premier cycle d'exploitation à compter de l'ouverture de la fenêtre d'exploitation concernée (ce premier cycle d'exploitation étant successivement constitué de la VàD, du PPV, de la 1ère et 2ème fenêtre payante sur un service de cinéma, puis de la 1ère fenêtre de télévision en clair) et qui constituent ainsi des films de rediffusions" (21).

57. Le CSA partage cette analyse et considère qu'il convient de "définir un marché de l'achat de droits portant sur les films diffusés de manière inédite par les chaînes en clair distinct du marché de l'achat de droits portant sur les films de catalogue" (22). Une telle segmentation avait d'ailleurs déjà été envisagée par l'Autorité dans sa décision n° 10-DCC-11 (23).

58. L'instruction a montré que les œuvres cinématographiques d'expression originale française ("EOF") inédites sont en effet acquises majoritairement dans le cadre de contrats de préachat de droits de diffusion et de parts de coproduction avant la période de prises de vues. Ce type d'investissement fait l'objet d'une réglementation spécifique qui impose aux chaînes de télévision d'investir un montant minimum dans l'achat d'œuvres cinématographiques EOF avant leur exploitation en salles. Les "œuvres inédites" d'origine américaine sont quant à elles acquises dans le cadre d'"output deals" ou "volume deals", par lesquels les chaînes de télévision achètent auprès des studios les droits de diffusion télévisuelle de leur production et, dans le cas des séries, des "droits de premiers choix" sur les séries à produire qui leur permet de sélectionner en priorité les séries de leur choix parmi l'ensemble de la production d'un studio pour une année donnée.

59. En ce qui concerne les films de catalogue, les œuvres cinématographiques EOF sont acquises après une première diffusion sur la télévision gratuite, majoritairement auprès de détenteurs de catalogues tels que StudioCanal. Lorsqu'il s'agit d'œuvres américaines, les vendeurs sont principalement les studios américains et, dans certains cas, leurs mandataires.

60. Compte tenu de ces éléments, il convient de distinguer les droits relatifs aux films inédits d'une part et les droits relatifs aux films de catalogue d'autre part, cette notion recouvrant les films ayant déjà fait l'objet d'un premier cycle d'exploitation.

d) S'agissant de l'achat de droits pour une exploitation en vidéo à la demande par abonnement

61. Le CSA rappelle dans son avis que le marché de la vidéo à la demande payante comprend trois types de modèles tarifaires : la location à l'acte (en flux continu, plus généralement appelé "streaming", ou en téléchargement temporaire), location par abonnement (24) et achat à l'acte (téléchargement définitif). Le principe de mise à disposition des œuvres cinématographiques sur un service de vidéo à la demande à l'acte est fixé à 4 mois (ou 3 mois pour certains films) à compter de la date de sortie en salle par l'accord du 6 juillet 2009 pour le réaménagement de la chronologie des médias. Cet accord, qui a fait l'objet d'un arrêté d'extension du ministre de la Culture, a également fixé la possibilité d'exploiter des films en vidéo à la demande par abonnement à compter du 36ème mois suivant la sortie en salle. Il s'ensuit que les éditeurs de vidéo à la demande par abonnement ne peuvent acquérir de droits relatifs aux films récents. Les éditeurs de vidéo à la demande à l'acte comme à l'abonnement sont en revanche actifs sur les marchés de l'achat de droits relatifs aux films de catalogue, aux séries récentes et non récentes.

62. Les autorités de concurrence ne s'étaient pas prononcées en 2006 sur l'offre de services de vidéo à la demande par abonnement, dont la première offre a été lancée en France en 2008.

63. Dans leur formulaire de notification, les parties notifiantes considèrent qu'il est prématuré d'opérer une analyse concurrentielle spécifique à la vidéo à la demande par abonnement dans la mesure où cette activité serait encore en phase de démarrage.

64. Sur ce point le CSA observe que "l'acquisition des droits relatifs à la VàDA repose sur un modèle de rémunération proportionnelle au nombre d'abonnés au service, quelle que soit la consommation réelle des programmes (25). Cette rémunération par abonné peut dans certains cas augmenter par palier en fonction du nombre d'abonnés. Ces caractéristiques sont ainsi proches de celles du modèle de rémunération des droits pour la télévision payante". Toutefois, le Conseil estime "qu'à l'exception des droits sur les films récents, qui ne peuvent être achetés par des éditeurs de services de VàDA, les droits relatifs à la VàDA appartiennent aux mêmes marchés pertinents des droits relatifs à la VàD à l'acte" (26).

65. Dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la délimitation retenue, la question d'une telle segmentation peut demeurer ouverte pour l'examen de la présente opération.

e) S'agissant de l'achat de droits pour une exploitation en PPV

66. Sans remettre en cause la pertinence d'une segmentation propre à l'achat de droits pour une exploitation en PPV (visionnage à la carte) telle qu'elle a été définie par la pratique décisionnelle, il peut être noté que ce marché se caractérise par un important déclin. GCP ne détient plus de droits relatifs à des œuvres cinématographiques pour une exploitation exclusive en PPV, son chiffre d'affaires relatif à cette activité ayant par ailleurs chuté de plus de 50 % entre 2007 et 2010 (27). Selon les informations fournies par les parties notifiantes, certains studios américains ne commercialisent d'ailleurs plus de droits PPV, ce segment ayant été remplacé par la vidéo à la demande, à l'acte et par abonnement.

67. Compte tenu de cette dynamique qui voit la vidéo à la demande remplacer le PPV, ce dernier étant en voie de disparition, il n'y a pas lieu d'analyser ce marché de manière plus détaillée.

f) Conclusion

68. Conformément aux analyses effectuées par les autorités de concurrence en 2006 qui ont été confirmées par la présente instruction et les développements ci-dessus, les marchés de droits cinématographiques suivants, tous de dimension nationale, seront retenus pour l'analyse concurrentielle :

- l'achat de droits relatifs aux films américains récents (qui comprennent essentiellement les films produits par les grands studios hollywoodiens) pour la télévision payante ;

- l'achat de droits relatifs aux séries américaines récentes ;

- l'achat de droits relatifs aux films EOF récents pour la télévision payante ;

- la vente et l'achat de droits de films de catalogue ;

- l'achat de droits relatifs aux films américains récents pour l'exploitation en vidéo à la demande, à l'acte et par abonnement ;

- l'achat de droits relatifs aux films EOF récents pour l'exploitation en vidéo à la demande, à l'acte et par abonnement.

3. MARCHÉS DES DROITS SPORTIFS

69. S'agissant des droits relatifs aux évènements sportifs, la pratique décisionnelle distingue habituellement les droits sportifs en fonction du mode de diffusion et du type de contenus concernés (28). Dans sa décision de 2006, le ministre de l'Economie a ainsi écarté une segmentation du marché en fonction d'une diffusion en clair ou en télévision payante et retenu une segmentation entre les droits acquis pour une diffusion en paiement à l'acte et les autres modes de diffusion.

70. Au sein des droits sportifs, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère ainsi que les droits portant sur le football constituent des contenus premium, susceptibles de générer des taux d'audience élevés (lors d'une diffusion en clair) ou de constituer des moteurs d'abonnements (lors d'une diffusion cryptée) et distincts d'autres contenus.

71. Au sein des droits du football, la pratique décisionnelle distingue également l'acquisition des droits portant sur les compétitions régulières qui se déroulent chaque année et sur les compétitions régulières qui ne se déroulent pas chaque année en raison de différence dans leur périodicité et leurs caractéristiques de programmation. En 2006, les autorités ont également segmenté le marché des droits portant sur les compétitions régulières qui se déroulent toute l'année en distinguant les seuls droits de la Ligue 1 de football, en raison de particularités tenant aux caractéristiques de ce championnat, comme son attractivité et le prix auquel ses droits de diffusion sont vendus. La pratique décisionnelle distingue également entre les compétitions régulières auxquelles participent des clubs français et les championnats nationaux étrangers, les droits relatifs à certains championnats étrangers de football jouissant du caractère de contenu attractif autonome, permettant de considérer qu'ils constituent un marché pertinent distinct (29).

72. En ce qui concerne plus particulièrement les acquisitions de droits relatifs aux championnats étrangers de football attractifs, le ministre de l'Economie avait défini en 2006 un marché comprenant notamment les championnats anglais, espagnol, italien et allemand. Dans son avis, le Conseil avait également englobé, dans cette catégorie, les championnats d'autres pays (Pays-Bas, Argentine, Brésil, Écosse) (30), définition élargie que les parties notifiantes reprennent à leur compte (31).

73. Toutefois, par la suite, la pratique décisionnelle a mentionné un nombre plus limité de championnats étrangers de football attractifs. La décision n° 11-D-12 de l'Autorité distingue ainsi les cinq premiers championnats européens de l'indice UEFA (indice qui permet d'établir le classement des performances des différentes associations de football membres de l'UEFA) à savoir, outre la France, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie (32).

74. Outre l'indice UEFA, différents éléments permettent d'envisager un marché des championnats étrangers de football les plus attractifs aux contours restreints, limité aux championnats anglais, espagnol, italien et allemand. Il existe en effet de nettes différences entre ces quatre championnats et les autres, tant du point de vue des prix des droits de diffusion, de l'identité des acheteurs que des audiences réalisées par la diffusion des matches de ces championnats. De plus, selon le CSA, "les parties notifiantes incluent dans le périmètre du marché des championnats qui sont peu attractifs, soit en raison de leur classement à l'indice UEFA (Écosse), soit en raison de contraintes liées au décalage horaire (Brésil, Argentine), qui diminuent l'attractivité de la programmation en direct" (33).

75. Le périmètre proposé par les parties notifiantes ne peut donc être retenu et le marché des droits de diffusion des championnats étrangers attractifs doit être défini comme comportant les droits relatifs aux championnats anglais, allemand, espagnol et italien.

76. Enfin, s'agissant des autres contenus sportifs, les autorités de concurrence ont relevé, en 2006, que ceux-ci s'articulent autour de deux axes, les événements d'importance majeure, listés par décret, et les autres événements attractifs non qualifiés d'événements d'importance majeure (34).

77. Par ailleurs, la pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence considère que l'ensemble des marchés relatifs aux droits sportifs est de dimension nationale (35).

78. Ainsi, l'instruction du dossier ne conduit pas à remettre en cause la segmentation retenue par le ministre de l'Economie en 2006, approuvée par les parties notifiantes ainsi que la majorité des acteurs interrogés dans le cadre du test de marché. Seront donc retenus pour l'analyse concurrentielle de la présente opération les marchés pertinents suivants, de dimension nationale :

- les droits acquis pour une diffusion en paiement à l'acte ;

- les droits relatifs à la Ligue 1 de football ;

- les droits autres que ceux relatifs à la Ligue 1 portant sur les compétitions régulières de football qui ont lieu chaque année et auxquelles participent des équipes françaises ;

- les droits relatifs aux championnats de football étrangers les plus attractifs ;

- les droits relatifs aux autres compétitions de football ;

- les droits relatifs aux événements d'importance majeure autres que footballistiques ;

- les droits relatifs aux compétitions sportives, autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure.

C. LES MARCHÉS INTÉRMÉDIAIRES DE L'ÉDITION ET DE LA COMMERCIALISATION DE

CHAÎNES DE TÉLÉVISION PAYANTE

a) Rappel de la pratique décisionnelle

79. En matière d'édition et de commercialisation de chaînes de télévision payante, la pratique décisionnelle considère qu'il n'est pas pertinent de distinguer différents marchés en fonction des plateformes de distribution des chaînes. La pratique décisionnelle retient en revanche une segmentation des marchés intermédiaires en fonction des thématiques des chaînes.

80. Premièrement, conformément à la pratique décisionnelle, tant nationale qu'européenne (36), il convient de distinguer un marché des chaînes premium, qui proposent une offre mixte portant sur les contenus cinématographiques et sportifs les plus attractifs. En effet, de telles chaînes ont "la particularité d'être jugées indispensables pour tout distributeur souhaitant proposer un bouquet attractif", constituant "le principal moteur d'abonnement aux offres payantes les plus chères", et dont le "coût de constitution, en raison du caractère onéreux [des] contenus, les distingue (...) des autres chaînes" (37). S'agissant de l'offre de cinéma, le ministre de l'Economie a considéré qu'"en ce qui concerne les contenus cinématographiques d'une chaîne premium, la délimitation des programmes les plus attractifs est claire : il s'agit des films de première exclusivité" (38). Cette qualification renvoie à celle utilisée par le CSA, qui distingue d'une part les chaînes de "première exclusivité", qui sont contraintes de diffuser un certain nombre de films récents et proposent donc essentiellement des premières fenêtres de télévision payante (39), et, d'autre part, les chaînes de "première diffusion", moins contraintes dans leur diffusion et qui peuvent principalement proposer des films en deuxième fenêtre (40). Pour les contenus sportifs, le ministre a relevé qu'il "paraît bien trop restrictif de conditionner la définition d'une chaîne premium à la présence de matches de football de Ligue 1" (41), ce qui implique que si la présence de matches de Ligue 1 sur une chaîne suffit à la qualifier de "premium", l'absence de telles rencontres ne constitue pas a priori un obstacle à une telle qualification.

81. Selon le CSA cependant "les chaînes à contenus "premium" peuvent être distinguées des autres chaînes payantes compte tenu de leur offre "mixte" (cinéma et sport), de leur attractivité particulière, de leurs modalités de commercialisation, et du niveau de prix demandé. Elles mettent en effet l'accent sur la diffusion de compétitions sportives en direct et de films récents en première exclusivité, et sont proposées sous forme de souscription additionnelle aux bouquets payants de base" (42).

82. Deuxièmement, la pratique décisionnelle distingue différentes chaînes constituées autour d'une seule thématique et identifiées comme des chaînes relevant de cette thématique par le consommateur. La pratique distingue à ce titre les chaînes cinéma, sport, jeunesse et d'information (43).

83. Par ailleurs, la pratique décisionnelle opère une distinction entre les services de télévision linéaires et non linéaires (44).

84. Sur le plan géographique, la pratique décisionnelle considère que les marchés de l'édition de chaînes de télévision payantes sont de dimension nationale, à l'exception des départements d'Outre-mer (45).

85. L'instruction du dossier n'a pas conduit à remettre en cause cette segmentation, approuvée par les parties notifiantes. Toutefois, compte tenu de la disparition progressive du PPV, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus (paragraphe 66), il n'y a pas lieu d'analyser plus avant les marchés d'édition de services PPV.

86. Enfin, compte tenu de l'évolution du secteur de la télévision payante depuis 2006, il convient d'étudier la pertinence de la distinction d'un marché spécifique de l'édition et de la commercialisation de chaînes premium mono-contenu (b), de chaînes destinées à une diffusion sur les terminaux mobiles (c), des services de télévision de rattrapage (d) et de chaînes pour une diffusion sur les réseaux fibrés FTTx (e).

b) Sur la segmentation d'un marché intermédiaire des chaînes premium mono-contenu

87. Des offres d'un type nouveau sont apparues sur le marché avec l'entrée d'Orange en 2008, à savoir des chaînes spécialisées dans une thématique particulière mais dans laquelle elles diffusent des contenus qualifiés de premium par la pratique décisionnelle. Il s'agit, en l'état du marché, des chaînes Orange Cinéma Séries ("OCS") et les chaînes "BeIn Sport 1" et, bientôt, "BeIn Sport 2" éditées par Al Jazeera Sport France.

88. Ces chaînes échappent aux segmentations adoptées par la pratique décisionnelle qui distingue, d'une part, les chaînes premium, qui proposent à la fois des contenus cinématographiques et sportifs premium, et les chaînes thématiques, qui proposent des contenus essentiellement non premium (films de seconde fenêtre ou de catalogue ; contenus sportifs footballistiques non premium ou relevant d'autres sports).

89. Selon ces segmentations, la seule chaîne premium du marché est la chaîne Canal+, dans la mesure où TPS Star a cessé d'être diffusée en métropole le 4 avril 2012 (46). Néanmoins, les chaînes OCS, ainsi que BeIn Sport 1 et 2, proposent bien des contenus premium au sens de la pratique décisionnelle, certes selon un modèle mono-contenu et non mixte. Du fait de leur thématique unique, ces chaînes sont donc peu substituables à la chaîne Canal+. Néanmoins, en diffusant des contenus premium dans leurs thématiques respectives, ces chaînes exercent bien une pression concurrentielle plus marquée, quoique partielle, sur l'offre premium de GCP, que celle qui émane des autres chaînes thématiques.

90. En tout état de cause, la pertinence de la définition d'un marché des chaînes premium mono-contenu, distinct des autres chaînes thématiques, peut demeurer ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées.

c) Sur la segmentation d'un marché intermédiaire des chaînes destinées à une diffusion sur les terminaux mobiles

91. Dans sa décision SFR/Neuf Cegetel du 15 avril 2008, le ministre de l'Economie avait considéré, comme pour les marchés amont, que l'édition et la commercialisation de chaînes payantes destinés à une diffusion sur terminaux mobiles pouvaient constituer un marché pertinent, sans toutefois trancher définitivement la question. Les parties notifiantes considèrent pour leur part, qu'il n'y a pas lieu de segmenter le marché intermédiaire selon la plateforme de distribution. Selon GCP, l'accès aux chaînes que le groupe édite pour une diffusion sur les terminaux mobiles fait partie intégrante de ses offres.

92. Le CSA partage la position des parties notifiantes dans la mesure où "les négociations commerciales entre les distributeurs et les éditeurs de chaînes payantes portent généralement sur l'ensemble des plateformes, y compris les réseaux mobiles" (47).

93. La question de la délimitation précise du marché peut cependant rester ouverte à cet égard, la distinction d'un marché de l'édition et commercialisation de chaînes payantes pour une diffusion sur terminaux mobiles n'ayant aucune conséquence sur l'analyse concurrentielle.

d) Sur la segmentation d'un marché intermédiaire des services de télévision de rattrapage

94. Les parties notifiantes considèrent que les services de télévision de rattrapage sont inclus dans le même marché intermédiaire que les services linéaires (48). Elles estiment que les services de rattrapage constituent exclusivement le prolongement des chaînes dans la mesure où ils sont uniquement composés de programmes diffusés en mode linéaire par la chaîne à laquelle ils se rattachent. Les parties notifiantes considèrent ainsi que l'acquisition par un distributeur des droits linéaires des programmes d'une chaîne sans les droits de télévision de rattrapage correspondants ferait baisser la valeur de droits linéaires car un distributeur concurrent pourrait, les programmes à peine diffusés en linéaire, les proposer en télévision de rattrapage.

95. Les parties notifiantes soulignent également que le fait de céder les droits linéaires et les droits de télévision de rattrapage séparément n'aurait pas de sens économique pour les éditeurs dans la mesure où cela ferait diminuer la valeur globale des produits vendus. Les distributeurs acheteurs de droits linéaires seraient en effet moins incités à investir si les droits de télévision de rattrapage des chaînes payantes concernées pouvaient être vendus à un distributeur concurrent.

96. Le CSA partage la position de parties notifiantes et relève qu'"il n'a pas connaissance de négociations commerciales entre des distributeurs et des éditeurs de chaînes payantes qui ne porteraient que sur la distribution de services de télévision de rattrapage des chaînes payantes". Par ailleurs, "le cadre juridique de l'édition de services de télévision de rattrapage est lié à celui du service linéaire. Ainsi, les conventions conclues entre le Conseil et les éditeurs de services de télévision doivent préciser "les modalités de mise à disposition, sur un service de médias audiovisuels à la demande, des programmes d'un service de télévision dans le cadre d'un service dit de télévision de rattrapage" (49) (50).

97. Les principaux répondants au test de marché considèrent également que les services de télévision de rattrapage sont indissociables des services linéaires et qu'il n'y a donc pas lieu de distinguer un marché de l'édition et commercialisation de chaînes payantes pour un service de télévision de rattrapage.

98. Pour l'analyse de la présente opération, l'édition et la commercialisation de chaînes payantes pour une diffusion en télévision de rattrapage ne seront donc pas considérées comme un marché distinct. Toutefois, la question de la délimitation exacte des services de télévision de rattrapage, qui est sans conséquence sur l'analyse concurrentielle, peut demeurer ouverte.

e) Sur la segmentation d'un marché intermédiaire des chaînes destinées à une diffusion via les réseaux fibrés

99. Les parties notifiantes estiment que la distinction des marchés intermédiaires de services de télévision payante sur fibre optique (FTTx) n'a pas à être tranchée dans le cadre du présent dossier dans la mesure où cette technologie n'existait pas en 2006. Ce n'est qu'à titre informatif qu'elles précisent que le développement des réseaux fibrés ne justifie pas la segmentation des marchés intermédiaires en fonction de cette technologie.

100. Cette question est néanmoins pertinente dans le cadre de la présente analyse dans la mesure où, comme expliqué ci-dessus, celle-ci porte sur les effets de l'opération sur les marchés concernés compte tenu de leur évolution depuis 2006 et des conditions actuelles de marché.

101. Selon les parties notifiantes, la technologie FTTx ne représente pas un nouveau vecteur de diffusion qui viendra se rajouter aux autres plateformes techniques de diffusion. Le FTTx constituerait simplement une technologie qui se substituerait à l'ADSL et au câble. Les parties notifiantes relèvent notamment que "les services de télévision payante linéaires et de télévision de rattrapage n'ont qu'une importance très relative au sein de la richesse des services proposés sur le FTTx" et que "la télévision payante ne joue pas un rôle déterminant dans la décision des FAI d'investir dans le FTTx" (51). Du point de vue des éditeurs et distributeurs de chaînes, les accords conclus entre ceux-ci ont progressivement intégré le FTTx en plus de l'ADSL et/ou le câble. Les parties notifiantes allèguent que "cette intégration ne vise qu'à maintenir la cohérence et l'équilibre économique des accords de distribution. La distribution d'une chaîne sur l'ADSL ne serait pas effective si le distributeur ne disposait pas également de la possibilité de distribuer cette chaîne sur le FTTx. De même l'exclusivité ADSL d'une chaîne indépendante perdrait sa valeur si la chaîne couverte par cette exclusivité devenait libre sur le FTTx" (52).

102. Le CSA partage cette position et rappelle que les autorités de concurrence ne segmentent généralement pas les marchés intermédiaires en fonction de la nature du réseau technique sur lequel les chaînes sont distribuées (53). Le Conseil constate également que les négociations commerciales entre les distributeurs et les éditeurs de chaînes payantes portent généralement sur l'ensemble des plateformes, y compris les réseaux très haut débit fixe.

103. La majorité des répondants au test de marché estiment qu'il n'est pas nécessaire de segmenter les marchés intermédiaires en fonction de la plateforme technique sur laquelle les programmes des chaînes sont diffusés, à l'exception toutefois de distributeurs qui soulignent que, s'il n'y a pas de différence entre les plateformes de diffusion, tel n'était pas le cas du point de vue de la demande des distributeurs pour commercialiser les chaînes. A des différences techniques entre les plateformes s'ajoutent en particulier des différences dans les conditions d'achat (54).

104. Néanmoins, dans sa décision n° 10-D-32 du 16 novembre 2010, l'Autorité a considéré que "la technologie de la fibre optique est susceptible de permettre l'émergence de nouveaux services de télévision payante, du fait des différences d'usage qu'autorise le très haut débit par rapport à la technologie ADSL" (55) et qu'un complément d'instruction était nécessaire afin de rechercher si les services de télévision payante sur fibre optique forment, au stade intermédiaire, un marché pertinent au sens du droit de la concurrence, sur lequel les éditeurs de chaînes sont les offreurs et les distributeurs de télévision payante les demandeurs.

105. Au vu de ces éléments et compte tenu du fait que la distinction d'un marché de l'édition de services de télévision payante destinés à être distribués sur les réseaux fibrés n'emporte pas de conséquence sur l'analyse concurrentielle au cas d'espèce, la question d'une telle segmentation peut rester ouverte.

f) Conclusion

106. En conclusion, les marchés suivants seront retenus pour l'analyse concurrentielle, s'agissant du territoire métropolitain :

- l'édition et la commercialisation de chaînes payantes premium ;

- l'édition et la commercialisation de chaînes payantes de cinéma ;

- l'édition et la commercialisation de chaînes payantes de sport ;

- l'édition et la commercialisation de chaînes payantes d'information générale ;

- l'édition et la commercialisation de chaînes payantes jeunesse ;

- l'édition et la commercialisation de chaînes payantes autres thématiques ;

- l'édition et la commercialisation de services de vidéo à la demande.

107. S'agissant des marchés de l'Océan indien et des Antilles, les mêmes définitions de marchés de produits seront retenues.

D. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE SERVICES DE TÉLÉVISION PAYANTE

a) Rappel de la pratique décisionnelle

108. Conformément à l'analyse des autorités de concurrence en 2006, la pratique décisionnelle, tant nationale qu'européenne, distingue le marché de la télévision payante de celui de la télévision gratuite compte tenu, notamment, du mode de financement différent de ces deux types de télévision. En effet, la télévision payante établit une relation commerciale entre le distributeur de télévision et le téléspectateur alors que la télévision gratuite n'établit une telle relation qu'entre le distributeur de télévision et les annonceurs publicitaires. Ces deux offres ne sont donc pas substituables aux yeux des consommateurs.

109. En revanche, la pratique décisionnelle ne considère pas pertinent de distinguer, du point de vue du consommateur final, entre les services de télévision selon la plateforme de distribution (satellite, hertzien, câble et ADSL), à l'exception de la télévision payante sur terminaux mobiles. La pratique décisionnelle distingue en outre la distribution de services linéaires et de services non linéaires (vidéo à la demande, PPV sport et cinéma) ainsi que l'offre de services de télévision payante pour les professionnels (56).

110. Par ailleurs, la pratique décisionnelle considère que les marchés de la distribution de chaînes de télévision payantes doivent être appréhendés de façon distincte concernant la métropole d'une part, et les départements et régions d'Outre-mer d'autre part.

111. L'instruction du dossier n'a pas conduit à remettre en cause cette segmentation, approuvée par les parties notifiantes. Compte tenu de l'évolution du secteur de la télévision payante depuis 2006, il convient toutefois d'examiner la pertinence de l'identification d'un marché de la distribution de services de télévision de rattrapage (b), de la distinction entre les offres dites de premier et de second niveau de service proposés par les fournisseurs d'accès Internet ("FAI") (c), de la distinction entre les offres de services linéaires et non linéaires de télévision payante (d) et de l'identification d'un marché de la distribution de services de vidéo à la demande par abonnement (e). Par ailleurs, les services de PPV étant en voie de disparition, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus (paragraphe 66), il n'y a pas lieu d'analyser plus avant les marchés aval de distribution des services PPV.

b) S'agissant de la télévision de rattrapage

112. Les parties notifiantes considèrent que les services de télévision de rattrapage sont inclus dans le même marché aval de la télévision payante que les services linéaires (57).

113. Le CSA partage cette position. Le Conseil relève qu'"au regard de leurs fonctionnalités, les services de télévision de rattrapage ne peuvent être assimilés aux services linéaires, car ils permettent de regarder, en différé et à la demande, des programmes qui ont préalablement été diffusés en mode linéaire. Toutefois, contrairement aux services de VàD, les modalités de commercialisation des services de télévision de rattrapage des chaînes payantes sont indissociables des services linéaires auxquels ils se rattachent. Par exemple, les services "Canal + à la demande" et "CanalSat à la demande" ne sont accessibles que dans le cadre d'un abonnement unique avec le service linéaire dont ils découlent" (58).

114. Les principaux répondants au test de marché ne remettent pas en cause cette conclusion. Le groupe Orange note ainsi que "le service de télévision de rattrapage est offert à titre gratuit aux abonnés en complément de la chaîne linéaire dont il est un service consubstantiel. Le lien indissociable entre la chaîne linéaire et le service de télévision de rattrapage est d'ailleurs parfaitement perçu par le consommateur, pour lequel la télévision de rattrapage est avant tout un service qui permet de regarder ce que l'on a manqué lors de sa diffusion (...)" (59).

115. Pour l'analyse de la présente opération, les services de télévision de rattrapage ne seront donc pas distingués des services de télévision linéaires. Toutefois, la question de la délimitation exacte des services de télévision de rattrapage peut demeurer ouverte.

c) S'agissant des offres de télévision de premier et de deuxième niveau de service des fournisseurs d'accès à Internet

116. L'analyse de la présente opération suppose de déterminer la place occupée, au sein du marché de la télévision payante, par les différentes offres des FAI. En effet, l'ensemble des offres triple play des FAI comportent, à côté des services d'accès à Internet et de téléphonie, un bouquet de chaînes de télévision. Cette offre, dite "basique" ou de "premier niveau de services", est donc disponible sans coût supplémentaire pour les abonnés ayant souscrit un abonnement triple play auprès d'un FAI. Les FAI commercialisent par ailleurs d'autres chaînes ou bouquets, en contrepartie du paiement d'un abonnement supplémentaire.

117. Selon les parties notifiantes, "les offres de premier niveau des FAI sont des offres de télévision payante à part entière qui mélangent chaînes gratuites et chaînes payantes, et dont la distribution dans le cadre des offres triple play des FAI induit des coûts pour ceux-ci et n'est donc économiquement rationnelle qu'à condition d'être à l'origine d'une partie des revenus attachés à l'offre triple play" (60). De surcroît, il existerait selon GCP une porosité entre les offres de premier et de second niveau dans la mesure où certaines chaînes peuvent se retrouver à des niveaux de service différents selon les offres des FAI.

118. Au soutien de leurs allégations, les parties ont versé au dossier une étude économique du cabinet CRA (61) selon laquelle l'offre de premier niveau de service des FAI exercerait une contrainte concurrentielle forte sur l'offre de GCP, ce qui en démontrerait la substituabilité. Cette thèse s'appuie notamment sur le fait que les abonnés aux chaînes Canal+ sur l'ADSL sont moins nombreux que ceux des autres plateformes à disposer également d'un abonnement à CanalSat, ce qui signifierait qu'ils tendent à substituer l'offre de premier niveau de service des FAI à celle de CanalSat. Elle s'appuie également sur les taux de churn de GCP (c'est-à-dire la proportion d'abonnés perdus, sur une période donnée, par rapport au nombre total d'abonnés en début de période), plus élevés sur l'ADSL que sur le satellite, ce qui démontrerait l'existence d'une pression concurrentielle émanant des offres de premier niveau de service des FAI.

119. Cependant, tant la pratique décisionnelle que l'instruction conduisent à écarter ces arguments des parties. En effet, la Commission européenne a considéré dans sa décision relative à l'opération SFR/Télé2 que "les bouquets propriétaires des opérateurs DSL se trouvent cantonnés sur l'entrée de gamme et n'exercent pour l'instant pas ou peu de pression concurrentielle sur les offres de télévision payante de Vivendi (bouquets CanalSatellite, TPS, Canal+ le Bouquet, chaînes PPV etc.) qui se positionnent sur le haut du marché" (62). L'Autorité a confirmé cette position dans sa décision n° 10-D-32 en indiquant que "les offres de premier niveau sont d'une attractivité limitée puisque essentiellement composées de chaînes généralistes et thématiques de la TNT gratuite, des chaînes locales de France 3, de chaînes thématiques étrangères, lesquelles ne sont pas rémunérées ou le sont faiblement, et de quelques chaînes thématiques payantes" (63).

120. Conformément à cette pratique décisionnelle, les FAI interrogés au cours de l'enquête ont pour la plupart souligné que leurs offres de premier niveau n'étaient pas substituables, du point de vue de la demande des consommateurs finaux, aux offres de second niveau et a fortiori encore moins aux offres premium telles que "Les Chaînes Canal+" commercialisées par GCP. Bouygues Telecom a ainsi fait valoir que "les services de télévision de premier niveau n'offrent pas un contenu d'une attractivité suffisante aux yeux du consommateur pour être en mesure de concurrencer les offres de deuxième niveau" (64). De même, [un FAI] a indiqué que "notre offre de second niveau est différente [des offres de premier niveau] : il s'agit soit de chaînes à l'unité, soit de mini-bouquets de chaînes étrangères + les chaines Canal+ et CanalSat" (65).

121. Orange partage également ce point de vue : "en ce qui concerne les offres des opérateurs de télécommunications, l'absence de pression concurrentielle des offres de premier niveau sur les offres de second niveau résulte de la composition respective de ces offres. Les offres de premier niveau sont structurées autour de l'abondance de chaînes. Elles comportent également quelques chaines thématiques dont le choix peut résulter de la politique commerciale du distributeur pour différencier son offre de la TNT gratuite ou des conditions qui peuvent lui être imposées pour avoir accès à une chaîne sortant de l'exclusivité CanalSat (...). Cependant, c'est au sein des offres de second niveau que se trouvent le plus grand nombre de chaînes attractives" (66).

122. S'il est vrai, ainsi que l'avancent les parties notifiantes, que certaines chaînes sont commercialisées alternativement au sein des offres de premier ou de second niveau de service selon les FAI, il n'en demeure pas moins qu'analysées globalement, ces offres ne sont pas comparables tant en termes d'attractivité que de qualité des contenus offerts ou de thématiques. Il n'existe notamment pas de chaîne cinéma dans les offres de premier niveau des FAI et, dans la thématique jeunesse, seule Disney Channel, est disponible en premier niveau de service (67).

123. L'ARCEP partage cette analyse et relève que "si les FAI proposent généralement un bouquet de chaînes de télévision dans leurs offres [triple play] et que ces offres sont payantes, elles ne constituent généralement pas une "montée dans la chaîne de valeur" de la télévision payante. En effet, les bouquets de chaînes de premier niveau de service n'apportent pas de revenu supplémentaire pour les FAI dans la mesure où ces chaînes sont généralement proposées sans supplément de prix bien identifié par le consommateur final. Ce dernier n'opère pas de véritable choix pour ce bouquet de chaînes standard et ne révèle pas de préférence par le consentement à payer un prix" (68).

124. De même, le CSA confirme la faible concurrence exercée par les bouquets de premier niveau sur les offres de second niveau en soulignant que "les offres de télévision de premier niveau comprennent à titre principal les chaînes gratuites de la TNT et un nombre important de chaînes dont l'attractivité est en règle générale beaucoup plus faible que celle des chaînes payantes qui composent les bouquets Canalsat par exemple. Un nombre important des chaînes qui sont présentes dans les bouquets de base des fournisseurs d'accès à Internet ne sont pas rémunérées par eux et sont distribuées à titre non exclusif. (...) En outre, les offres de télévision de premier niveau comprennent un nombre important de chaînes étrangères" (69).

Ainsi le CSA conclut que "les offres de premier niveau qui sont comprises dans les offres multiservices ne sont pas en concurrence directe avec les offres du groupe Canal Plus dans la mesure où, dans la plupart des cas, pour pouvoir s'abonner aux offres CanalSat et Les chaînes Canal+ sur un réseau ADSL, l'abonné doit déjà disposer d'un abonnement à une offre multiservices" (70).

125. Enfin, les conclusions tirées des comparaisons du comportement des consommateurs sur les plateformes satellite et ADSL ne peuvent qu'être limitées. L'Autorité a déjà eu l'occasion de relever que la progression du nombre des abonnés à l'ADSL est principalement due, non à l'attractivité des offres de télévision comprises dans les forfaits de base des FAI, mais au couplage des offres de télévision avec des offres d'accès à Internet haut débit (forfaits "triple play") et au développement du dégroupage, et par conséquent à l'éligibilité croissante des foyers à l'ADSL. La progression des FAI sur le marché de la télévision payante doit donc s'apprécier au regard du développement de leurs offres de second niveau de service, qui nécessitent la souscription d'un abonnement supplémentaire en sus du forfait de base, et dont le nombre demeure très faible (71).

126. Au surplus, l'étude de CRA ignore plusieurs facteurs pour expliquer les phénomènes qu'elle observe et qui ne relèvent pas de la pression concurrentielle alléguée des offres de premier niveau de service des FAI. Par exemple, l'analyse ne tient pas compte des différences dans la politique promotionnelle de GCP sur les différentes plateformes que l'étude relève pourtant par ailleurs. Ainsi, l'étude de CRA montre que les abonnés par ADSL bénéficieraient plus largement d'offres promotionnelles de la part de GCP que les abonnés par satellite. Il s'ensuit que la comparaison des taux de churn entre les deux plateformes n'est pas réalisée pour des niveaux de promotions équivalents. Or des efforts promotionnels plus importants effectués pour soutenir les recrutements de GCP sur l'ADSL, plateforme sur laquelle le groupe réalise désormais la majorité de ses recrutements, y réduisent le coût d'abonnement. Ces réductions suscitent la souscription d'offres par des consommateurs qui, une fois les promotions expirées, se désabonnent, dans la mesure où leur consentement à payer pour Canal+ ou CanalSat ne leur permet pas de conserver leur abonnement au tarif plein. Ces désabonnements contribuent donc au taux de churn plus élevé observé sur la plateforme ADSL et traduisent moins la substituabilité des offres de premier niveau des FAI avec celles de GCP que la propension des consommateurs à participer ou non à la demande sur le marché de la télévision payante.

127. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que seules les offres de second niveau des FAI sont de nature à exercer une pression concurrentielle sur les offres des parties notifiantes sur le marché aval de la télévision payante. La définition précise du marché pertinent peut sur ce point rester ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle ne s'en trouvant pas substantiellement modifiées.

d) S'agissant des services de vidéo à la demande

(i) Sur la distinction des offres de télévision payante linéaire et non linéaire

128. Les parties notifiantes font valoir que les activités de distribution de services de télévision payante non linéaire exerceraient une certaine pression concurrentielle sur la distribution de services de télévision payante linéaire. Les parties considèrent cependant qu'il n'est pas pertinent d'inclure les services de vidéo à la demande, à l'acte ou par abonnement, dans le marché des services de télévision payante linéaire puisque, selon les parties, "les offres de services non linéaires, notamment la VàD constituent un marché distinct de celui de la distribution de services linéaires de télévision payante tous modes de diffusion confondus. Il n'en demeure pas moins que les offres de VàD, et plus généralement, les offres "personnalisées", exercent une pression concurrentielle de plus en plus forte sur la télévision payante" (72).

129. Il convient donc de distinguer la distribution de services de vidéo à la demande, à l'acte et par abonnement, de la distribution de services de télévision payante linéaire. Les arguments des parties relatifs à l'interaction concurrentielle de ces différents services seront examinés dans le détail dans le cadre de l'analyse concurrentielle relative aux effets de l'opération.

(ii) Sur la distinction des services de vidéo à la demande à l'acte et par abonnement

130. Les parties notifiantes considèrent qu'il est prématuré à ce jour d'opérer une distinction entre les services de vidéo à la demande à l'acte et par abonnement, dans la mesure où ces derniers seraient encore en phase de démarrage.

131. L'instruction montre cependant que les services de vidéo à la demande à l'acte et par abonnement diffèrent en plusieurs points.

132. Premièrement, en termes de contenus, l'application de la chronologie des médias empêche en l'état les opérateurs de vidéo à la demande par abonnement d'offrir à leurs abonnés d'autres contenus cinématographiques que des films de catalogue (i.e., diffusées après un premier cycle d'exploitation télévisuelle, soit au moins 36 mois après leur sortie en salle), contrairement à la vidéo à la demande à l'acte, qui permet le visionnage de films récents.

133. Deuxièmement, ces deux types de services reposent sur des modèles de consommation différents dans la mesure où, contrairement aux services à l'acte, la vidéo à la demande par abonnement permet à ses abonnés un visionnage illimité des films proposés.

134. Troisièmement, enfin, le modèle de tarification par abonnement se distingue fondamentalement du paiement à l'acte.

135. L'ensemble de ces éléments limitent significativement la substituabilité de la vidéo à la demande à l'acte vis-à-vis de la vidéo à la demande par abonnement, en particulier du point de vue de la demande, puisque les deux services offrent des contenus dont la nature est significativement différente, et à des prix fixés selon une logique économique distincte (73).

136. Compte tenu de ce qui précède il convient de distinguer la distribution de services de vidéo à la demande à l'acte de la distribution de services de vidéo à la demande par abonnement.

e) Conclusion

137. Pour l'analyse concurrentielle, les marchés aval suivants seront retenus, s'agissant du territoire métropolitain :

- la distribution de services de télévision payante linéaires et de rattrapage, tous modes de diffusion confondus, à l'exclusion des offres dites de premier niveau de service des fournisseurs d'accès à Internet ;

- la distribution de services de vidéo à la demande à l'acte ;

- la distribution de services de vidéo à la demande par abonnement.

138. S'agissant des marchés de l'Océan Indien et des Antilles, l'analyse portera uniquement sur les marchés de la distribution de services de télévision payante linéaires, tous modes de diffusion confondus, dans la mesure où GCP ne propose pas de services de télévision non linéaire dans les départements et régions d'Outre-mer (74).

III. Analyse concurrentielle

139. La concentration, en regroupant les activités de GCP et de TPS et en conférant aux parties le contrôle exclusif de CanalSat, a entraîné et continue de produire des effets significatifs sur les marchés de l'acquisition et de la diffusion de contenus cinématographiques et audiovisuels en télévision payante linéaire (A) et non linéaire (B), sur les marchés de l'acquisition et de la diffusion de contenus sportifs (C), sur le marché de la distribution de chaînes thématiques (D), sur le marché aval des services de télévision payante (E) ainsi que sur les marchés des départements et régions d'Outre-mer (D).

A. S'AGISSANT DE L'ACQUISITION ET DE LA DIFFUSION EN TÉLÉVISION PAYANTE LINÉAIRE DE CONTENUS CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUDIOVISUELS

140. Les effets de la concentration sur les marchés de la télévision payante linéaire seront d'abord examinés au stade amont de l'acquisition des droits (1) avant de porter sur le marché intermédiaire de l'édition et de la commercialisation de chaînes (2).

1. ACQUISITION DES DROITS DE DIFFUSION

141. Les effets de la concentration seront examinés en analysant successivement les marchés de l'acquisition de contenus américains (a) puis EOF (b) avant de conclure (c).

a) Acquisition des droits de diffusion des œuvres cinématographiques et de séries américaines

142. Après avoir décrit le déroulement des négociations pour les achats de droits (i), il conviendra de rappeler l'impact de la concentration sur les marchés de l'acquisition de films américains récents et son analyse par les autorités de concurrence en 2006 (ii) avant d'exposer l'analyse concurrentielle du marché au regard de la position concurrentielle actuelle de GCP, l'impact de l'entrée d'Orange sur le marché, la présence de concurrents actuels ou potentiels et de l'existence d'un contrepouvoir par les détenteurs de droits (iii). Enfin, la situation concurrentielle du marché de l'acquisition de droits de diffusion de séries américaines sera analysée (iv).

(i) Sur le déroulement des négociations avec les studios américains

143. Le déroulement des négociations pour l'acquisition des droits relatifs aux films et séries américaines présente plusieurs spécificités. En premier lieu, les droits des œuvres cinématographiques et des séries américaines sont détenus par un nombre restreint de groupes américains. Parmi ces entités, six groupes contrôlent les studios dits "majors", qui produisent la majorité des films d'appel moteurs d'audience pour la télévision gratuite et d'abonnement pour la télévision payante (75). Ces groupes sont organisés autour d'une structure complexe qui intègre des activités diverses dans le secteur des médias, parmi lesquels la production de films et de séries, l'édition et la commercialisation de chaînes et de bouquets et d'autres activités :

- Paramount : une filiale du groupe Viacom, lui-même contrôlé par National Amusements, Inc. ("NAI"), dont les activités de production cinématographique sont réparties entre plusieurs entités, parmi lesquelles Paramount Pictures, MTV Films, Nickelodeon Movies, etc. Viacom édite plusieurs chaînes de télévision aux Etats-Unis, et notamment Comedy Central, BET, Nickelodeon et le bouquet Epix, une entreprise commune avec MGM et Lionsgate. NAI contrôle également CBS Corporation, dont les activités incluent le bouquet premium Showtime ;

- NBC Universal : une entreprise commune entre Comcast et GE depuis 2009. La production cinématographique de NBC Universal est réalisée par Universal Pictures et Focus Features En matière télévisuelle, NBC Universal édite plusieurs chaînes et bouquets américains, parmi lesquels A&E Television Networks, CNBC, E !, MSNBC, SyFy et USA Network ;

- Fox Entertainment : une filiale de News Corporation, dont la production cinématographique est notamment assurée par Twentieth Century Fox Film. Fox édite un grand nombre de chaînes et a une importante activité de production et de diffusion de séries ;

- Warner Bros Entertainment : une filiale de Time Warner, dont les activités couvrent la production de films par le studio Warner Bros., et la production de séries télévisuelles, ainsi que le bouquet premium HBO ;

- The Walt Disney Company : dont les activités de production cinématographiques sont notamment assurées par Walt Disney Pictures, Touchstone Pictures, Hollywood Pictures et Disneynature. Le groupe contrôle également Disney/ABC Television, qui regroupe le bouquet ABC, dont les activités incluent la production et la diffusion de séries ;

- Sony Pictures Entertainment : une filiale de Sony Corporation dont les activités de production cinématographique sont confiées à Columbia Pictures, Sony Pictures Classics, Screen Gems et TriStar Pictures.

144. D'autres studios complètent l'offre cinématographique et de séries, parmi lesquels on trouve au premier plan Lionsgate, Dreamworks, Metro-Goldwyn-Mayer Inc. ("MGM"), New Regency, The Weinstein Company. L'offre télévisuelle, notamment en matière de séries, émane également de groupes indépendants. Parmi ces groupes figurent Starz, une quatrième offre premium aux côtés de HBO, Showtime et Epix, qui diffuse également des contenus cinématographiques premium (notamment produits par Sony et Walt Disney) et des séries télévisuelles, ainsi que AMC Networks, qui édite les chaînes AMC, IFC et Sundance Channel.

145. En deuxième lieu, les droits de diffusion des films américains récents et des séries américaines récentes s'obtiennent par le biais de deux types d'accords :

- des contrats cadres ou "output deals" conclus avec les studios américains : contrats pluriannuels portant sur un ensemble d'œuvres cinématographiques non préalablement identifiés ; ou

- des contrats ponctuels portant sur un ou plusieurs (on parle alors de "package deal") films identifiés par lesquels les studios s'engagent à délivrer le matériel de diffusion des films aux dates convenues avec le diffuseur et à accorder les droits de diffusion pour des périodes dont la durée est fixée dans le contrat.

146. A la différence des contrats ponctuels, les contrats cadres sont généralement conclus pour des durées allant de 3 à 6 ans. L'opérateur de télévision payante s'engage à acquérir tous les films produits par le studio remplissant des critères prédéfinis par le contrat. L'éditeur doit s'acquitter d'un prix variable pour chaque film, prix qui est généralement indexé sur le nombre d'abonnés au service de télévision payante ainsi que sur le nombre d'entrées en salle générées par le film en question. L'éditeur garantit au studio un prix minimum ou un nombre minimum d'abonnés.

147. Les contrats cadres relatifs à des séries permettent à l'éditeur de choisir en priorité les séries qu'il veut acquérir (système de "premier choix") et l'obligent à acquérir un minimum garanti de séries (entre 3 et 4 selon le studio). Cela permet de libérer les droits des séries qui n'ont pas été choisies en vue d'une négociation dans le cadre d'accords ponctuels.

148. En troisième lieu, les droits pour une diffusion en télévision payante linéaire sont acquis en exclusivité.

(ii) Sur l'impact de l'opération et son analyse en 2006

149. Avant la concentration, les entreprises concernées se répartissaient la totalité des output deals et la très grande majorité des contrats ponctuels. Les autorités de concurrence ont donc considéré en 2006 que l'opération aboutissait à de très forts chevauchements horizontaux puisqu'elle créait un quasi-monopsone pour l'achat des droits de diffusion en première comme en deuxième fenêtre de télévision payante linéaire auprès de majors américains. A l'issue de la concentration, la nouvelle entité ne faisait donc face à aucune véritable concurrence (76).

150. Les autorités de concurrence ont également constaté en 2006 l'existence de fortes barrières à l'entrée pour l'acquisition de droits cinématographiques américains. Ces barrières consistaient, d'une part, dans la nécessité pour tout nouvel acquéreur de droits d'entrer concomitamment sur le marché de l'édition de chaînes, ce qui suppose la maîtrise d'un savoir-faire, d'une notoriété suffisante et la capacité de rentabiliser d'importants coûts fixes, et, d'autre part, la nécessité d'amortir, grâce à un nombre d'abonnés suffisant, les sommes importantes investies dans l'acquisition de contenus (77).

151. Par ailleurs, tout en reconnaissant le fort pouvoir de négociation des studios américains, les autorités de concurrence ont néanmoins considéré que la position de quasi-monopsone résultant de la concentration créait un risque d'atteinte à la concurrence. Ce risque consistait en la possibilité pour la nouvelle entité de conclure des contrats d'une durée trop longue et d'empêcher la remise en concurrence des droits à l'expiration de ces contrats en faisant usage d'éventuelles clauses de renouvellement automatique, comportement de nature à renforcer artificiellement les barrières à l'entrée sur les marchés amont et ainsi, indirectement, sur les marchés intermédiaires de l'édition de chaînes.

152. L'opération entraînait également des effets congloméraux du fait de la présence de GCP sur l'ensemble des marchés relatifs à l'achat des œuvres cinématographiques américaines, la concentration engendrant une situation de quasi-monopsone sur les marchés de la télévision payante et de diffusion en PPV. Ainsi, en l'absence de concurrent disposant de positions significatives sur les marchés de l'acquisition de droits cinématographiques américains, les détenteurs de droits, malgré leur pouvoir de négociation, n'étaient nullement incités à s'opposer à de futures demandes formulées par GCP et tendant à coupler différents droits de diffusion, y compris les droits portant sur les films et les séries récentes à succès.

153. En 2006, GCP s'est donc engagé à limiter la durée des contrats futurs à 3 ans, sans option de renouvellement en faveur de GCP. Afin de remédier aux effets congloméraux entraînés par l'opération, GCP s'est engagé, lors de la négociation de contrats cadres, à ne pas exiger ou inciter à la vente couplée des droits d'exploitation en PPV, en vidéo à la demande et en télévision payante, des droits de diffusion des séries américaines à succès et des mandats de distribution.

(iii) Sur les effets de l'opération en matière d'acquisitions de droits relatifs aux films américains pour une diffusion en première et seconde fenêtre

154. Ainsi qu'il sera exposé ci-après, la position prépondérante de GCP sur le marché issue de l'opération n'a pas été remise en cause depuis 2006, le groupe jouissant à ce jour d'une situation de quasi-monopsone. La concurrence exercée par Orange, nouvel entrant sur le marché en 2008, n'a été que limitée et temporaire, et aucun élément ne permet d'anticiper l'émergence d'une concurrence potentielle significative sur GCP. Malgré l'existence d'un fort pouvoir de négociation des détenteurs de droits, l'opération se traduit donc par le risque d'une forte restriction de l'accès au marché.

Position des parties

155. En 2004, les contrats cadres couvraient 70 % des films américains sortis en salle en France. Selon les éléments recueillis au cours de l'enquête, ce chiffre n'a pas évolué à ce jour. Les contrats cadres constituent également une source majeure d'approvisionnement pour GCP. Entre 2006 et 2011, en moyenne [30-40] % du nombre total de films diffusés par GCP en première fenêtre ont été acquis dans le cadre d'un contrat cadre avec un studio américain. Ce taux passe à plus de [40-50] % pour les deuxièmes fenêtres durant la période 2007 à 2011.

156. A l'issue de l'acquisition de TPS en 2006, Paramount, Disney et Sony Pictures, qui avaient auparavant vendu leurs droits de diffusion à TPS (78), ont signé des contrats cadres avec GCP. La nouvelle entité a donc consolidé sa position en procédant à l'acquisition, après l'opération, de la quasi-totalité des droits cinématographiques des majors américains pour une diffusion en première et deuxième fenêtres de la télévision payante, évinçant de fait toute concurrence potentielle.

157. La position prépondérante de GCP sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents n'a pas été réellement remise en cause depuis 2006. Malgré l'entrée d'Orange sur le marché, le tableau ci-dessous montre que GCP a maintenu une part de marché de près de [80-90] % en nombre de films et d'environ [60-70] % en termes de montant des acquisitions.

Films récents américains

<EMPLACEMENT TABLEAU>

158. Cette position s'est renforcée récemment avec la signature par GCP, [confidentiel]. GCP sera donc désormais en situation de monopole en matière de contrats cadres avec les majors américains. Cette situation est appelée à perdurer, compte tenu de la durée restant à courir de la plupart des contrats signés avec les studios et de leurs options de reconduction :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

159. Dans ce contexte, il convient d'examiner l'intensité de la concurrence, actuelle et potentielle, exercée par Orange et les autres acteurs du secteur.

Concurrence actuelle et potentielle d'Orange

L'entrée d'Orange sur le marché

160. Orange est entré sur le marché de l'acquisition des droits de films américains récents pour alimenter ses activités d'édition et de la commercialisation de chaînes cinéma, lancées en 2008, avec le bouquet Orange Cinéma Séries ("OCS") (79).

161. Orange justifie sa stratégie de remontée de la chaîne de valeur et son entrée sur le marché de l'acquisition des droits par l'insuffisance de l'offre de chaînes disponibles à la distribution en raison de la position et du comportement de GCP. Orange déclare ainsi avoir "été contraint à remonter la chaîne de valeur en raison des pratiques de monopolisation et de verrouillage mises en œuvre par GCP sur le marché intermédiaire qui rendaient, et qui rendent toujours impossible la composition de bouquets thématiques attractifs par les autres distributeurs que GCP. France Télécom-Orange a donc été contrainte de remonter la chaîne de valeur pour différencier et valoriser [ses] offres sur le marché de la distribution" (80).

162. Pour alimenter les chaînes d'OCS en contenus, Orange a conclu un contrat cadre exclusif pluriannuel portant sur tous les nouveaux films et les films de catalogue de Warner Bros (81). L'année du lancement de son offre cinéma, Orange a également conclu un contrat cadre avec le studio indépendant MGM, portant sur l'acquisition des droits de télévision payante de l'ensemble des films à produire par le studio. S'agissant des séries, Orange a conclu un contrat avec HBO, filiale de Time Warner. Un contrat cadre a également été conclu avec les filiales d'un autre major, dont les contenus sont cependant, selon Orange, beaucoup moins attractifs que les films de ce dernier (82).

163. Les studios américains estiment en général que l'entrée d'Orange a favorisé une évolution positive du marché de l'acquisition de droits. Force est cependant de constater que seul un nombre restreint de studios ont conclu un contrat cadre avec le nouvel entrant. Ceci traduit l'importance des barrières à l'entrée sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films américains de premier et deuxième fenêtre, ce que confirme Orange (83). En effet, les contrats cadres qui structurent les relations contractuelles avec les studios sont de longue durée et extrêmement onéreux. De plus, la grande opacité concernant les dates l'échéance de contrats en vigueur constitue une barrière importante pour tout opérateur souhaitant concurrencer GCP dans l'acquisition de droits, barrière renforcée par les options de reconduction prévues par les contrats. Enfin, la structuration des relations des studios américains autour du monopsone de GCP contribue à augmenter les barrières à l'entrée sur le marché.

164. En définitive, l'impact d'Orange sur la situation concurrentielle du marché des droits relatifs aux films américains n'a été que limité et temporaire. Orange est aujourd'hui titulaire d'un contrat cadre exclusif pour les films de la MGM, qui n'est pas considérée comme faisant partie des grands studios américains. De surcroît, la MGM a connu d'importantes difficultés financières depuis 2008 ayant fortement limité sa production cinématographique. Par ailleurs, Orange a renoncé à reconduire le contrat cadre avec le seul major avec lequel il était parvenu à conclure un accord (84). Ainsi, Orange n'est parvenu à conquérir qu'une position modeste sur le marché de l'acquisition des droits et tend actuellement à sortir de ce marché.

Le partenariat entre GCP et Orange relatif à OCS

165. Orange et GCP ont conclu le 12 avril 2012 une série d'accords par lesquels GCP a acquis le tiers du capital d'une société à laquelle Orange apporte les chaînes du bouquet OCS. Ces accords ont été analysés par la Commission européenne comme conférant à GCP le contrôle conjoint de l'entreprise commune. La Commission a néanmoins considéré que l'entreprise commune n'était pas de plein exercice et, par conséquent, ne constituait pas une concentration au sens du règlement n° 139-2004 dès lors qu'elle ne devrait pas assumer toutes les fonctions d'une entité économique autonome (85).

166. En effet, selon l'article 14 k) de statuts de la société OCS, GCP dispose [confidentiel]. Le vote favorable d'au moins un membre du conseil nommé par Multithématiques SA, filiale de GCP, est nécessaire pour prendre certaines décisions importantes (86), parmi lesquelles les décisions relatives aux investissements ou endettements supérieurs à [...] millions d'euro non compris dans le budget annuel. L'entrée de GCP au capital s'est aussi accompagnée [confidentiel]. L'article 5.1.3 du pacte d'associés stipule en effet que les coûts prévus dans le budget annuel pour l'acquisition et la production de programmes [confidentiel].

167. Par ailleurs, [confidentiel] (87). GCP peut également se voir confier l'achat de droits et la fourniture de programmes pour le compte d'OCS (88).

168. Néanmoins, l'entreprise commune n'assumera pas de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome, puisque sa distribution sera pour l'essentiel assurée par ses sociétés-mères. Selon le budget annuel annexé au pacte d'associés les ventes aux tiers sont estimées à [confidentiel] des revenus d'OCS pour l'exercice 2012.

Concurrence potentielle d'Orange

169. Il résulte de ce qui précède que la position d'Orange sur le marché amont de l'acquisition de droits de diffusion de films est considérablement affaiblie, OCS ne constituant désormais plus un concurrent indépendant de GCP.

170. Par ailleurs, Orange s'interroge actuellement quant à opportunité de recentrer son activité sur les séries. Ce changement stratégique, qui semble en réalité déjà entamé au vu du comportement d'OCS à l'amont, et notamment de l'absence de reconduction du contrat cadre conclu avec le seul major qui lui avait vendu les droits de diffusion de sa production, amènerait la chaîne à consacrer son budget prioritairement à l'acquisition de séries américaines récentes et de séries originales françaises plutôt qu'à des premières fenêtres de diffusion de cinéma (89).

171. Les investissements d'OCS ont été [confidentiel] et le budget annuel d'OCS prévoit un coût d'acquisition de programmes de [...] millions d'euro, auquel viendra s'ajouter l'amortissement exceptionnel d'un stock de programmes de [...] millions d'euro effectués par la société Orange Cinéma Séries-OCS. Le CSA observe également sur ce point que "le degré de concurrence entre les chaînes Canal+ et les chaînes d'Orange est amené à diminuer. Les investissements des chaînes Orange Cinéma Séries dans les films américains et EOF récents ont en effet baissé en 2011 (90) et la prise de participation minoritaire du groupe Canal Plus dans la société éditant les chaînes Orange Cinéma Séries pourrait empêcher France Télécom de maîtriser pleinement le niveau et le choix de ses investissements" (91).

172. Le modèle de distribution des chaînes OCS au sein de l'offre CanalSat privilégie leur adjonction aux chaînes de cinéma éditées par GCP. En effet, les 5 chaînes OCS seront distribuées de trois manières :

- dans une option, facturée 12 euro par mois, pour les abonnés à CanalSat souhaitant simplement ajouter les chaînes OCS à leur offre sans en changer autrement le périmètre (offre dite "stand alone") ;

- dans un bouquet "grand cinéma", facturé 15 euro par mois (qui inclut aussi le pack cinéma composé de 10 chaînes cinéma dont les 7 chaînes cinéma éditées par GCP), ou bien inclus dans les offres "les thématiques +2 packs au choix" (41,90 euro/mois), et "les thématiques +3 packs au choix" (44,90 euro/mois) ; et

- dans l'abonnement "Tout CanalSat" à 64,90 euro par mois.

173. L'offre "stand alone", facturée à 12 euro par mois, ne peut être considérée comme commercialement intéressante dès lors que le bouquet "grand cinéma" à 15 euro par mois inclut un nombre très supérieur de chaînes, notamment les 5 chaînes OCS ainsi que les 10 chaînes cinéma du bouquet "cinéma". Le mode de référencement retenu pourrait permettre une pénétration sensible des chaînes OCS si les abonnés optent pour le pack "grand cinéma" au lieu du pack "cinéma".

174. Il découle de l'ensemble de ces éléments qu'Orange n'est plus susceptible d'exercer, à l'avenir, une concurrence potentielle significative sur GCP. La prise de contrôle conjoint d'OCS par GCP entraîne une modification structurelle du marché dont il résulte qu'Orange n'est plus un concurrent indépendant de GCP. Il ressort par ailleurs des faits constatés qu'Orange tend à se désengager du marché de l'acquisition des droits sur les films américains récents. En tout état de cause, quelle que soient ses acquisitions à l'avenir, le plafonnement des dépenses d'OCS dans le cadre de son partenariat avec GCP l'empêchera de constituer une alternative crédible à GCP.

Concurrence actuelle et potentielle des autres acteurs du marché

175. Les parties notifiantes considèrent qu'elles subissent la concurrence d'autres éditeurs de chaînes et des FAI.

176. S'agissant des éditeurs de chaînes, GCP fait en particulier valoir la concurrence de Disney, qui réserverait les premières exclusivités télévisuelles de ses films d'animation à sa propre chaîne. Il ressort néanmoins de l'instruction que Disney n'a réservé que trois de ses films à ses propres chaînes thématiques en 2010, soit une portion négligeable des films américains récents pour la télévision payante. Cette situation n'est donc aucunement de nature à remettre en cause le quasi-monopsone de l'entité fusionnée sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents. En outre, la position de Disney n'a pas évolué depuis 2006 et aucun élément du dossier n'indique que cette situation serait susceptible de se modifier à l'avenir. Enfin, quelle que soit la politique d'acquisition de Disney, GCP en bénéficie indirectement puisque CanalSat diffuse en exclusivité toutes les chaînes de Disney à l'exception de Disney Channel (également distribuée depuis avril 2011 par Numericable et les FAI).

177. S'agissant de la concurrence potentielle des FAI autres qu'Orange, l'ARCEP considère que "les conditions qu'un FAI doit remplir pour pénétrer avec succès le marché de l'édition, voire celui de l'acquisition de droits télévisuels, sont d'ores et déjà difficiles à réunir". Selon l'ARCEP, l'effort d'investissement requis pour entrer sur les marchés amont est tel que "les opérateurs avec l'assise financière et/ou la base d'abonnés la plus large seraient les seuls à même d'envisager une telle stratégie". Le régulateur sectoriel ajoute que "malgré la structuration du marché autour de 5 grands acteurs (Orange, SFR, Free, Bouygues Telecom, Numericable), certains d'entre eux ne semblent pas avoir cette taille critique" (92).

178. Les faits confirment cette analyse car aucun FAI à l'exception d'Orange n'a remonté la chaîne de valeur depuis 2006. Les éléments communiqués au cours de l'enquête par Bouygues Télécom, SFR et Free montrent qu'aucun de ces opérateurs n'envisage à ce jour d'investir sur les marchés de l'acquisition de droits ou de l'édition dans la mesure où ces activités ne relèvent pas de leur cœur de métier et ne s'inscrivent pas dans leur stratégie globale. Certains opérateurs (comme Virgin) ont souligné que les fortes barrières à l'entrée sur le marché de l'édition de chaînes, caractérisé par la présence d'un acteur, GCP, verticalement intégré et dominant sur tous les niveaux de la chaîne de valeur, découragent fortement tout projet d'entrée sur le marché de l'édition de chaînes. Quelques FAI (comme [confidentiel]) ont également confirmé que la taille était un élément déterminant dans la décision de se lancer dans la remontée de la chaîne de valeur.

Concurrence actuelle et potentielle des opérateurs de vidéo à la demande

179. GCP prétend être confronté à une vive concurrence exercée potentiellement par de nouveaux acteurs sur le marché de l'acquisition de droits tels que les opérateurs de vidéo à la demande. A l'appui de cette affirmation, GCP mentionne la progression des offres cinéma en vidéo à la demande par abonnements d'opérateurs tels que Netflix et Amazon (LoveFilm) aux EtatsUnis et au Royaume-Uni ainsi que l'essor de la vidéo à la demande à l'acte en France depuis 2007.

180. Pourtant, les marchés de l'acquisition de droits de films américains pour une diffusion en vidéo à la demande à l'acte, par abonnement et en télévision payante linéaire constituent trois marchés distincts en raison, entre autres, des différentes fenêtres d'exploitation prévues par la chronologie des médias. Les éventuelles interactions concurrentielles des offres délinéarisées et linéaires de télévision payante seront analysées ci-après dans le cadre des développements consacrés à l'acquisition et à la diffusion de contenus cinématographiques et audiovisuels non linéaires (B).

Contrepouvoir des détenteurs de droits

181. Le pouvoir de négociation de studios américains a très peu évolué depuis 2006. Selon les parties notifiantes, les studios américains conservent un large pouvoir de négociation, étant notamment capables de choisir les modalités de négociation de la vente de leurs droits. Selon GCP, les majors peuvent (i) décider de privilégier la négociation avec le GCP puis avec un concurrent ; (ii) mener des négociations parallèles avec plusieurs acquéreurs potentiels ; ou (iii) choisir un seul acteur du marché avec lequel ils négocient. GCP prétend n'avoir jusqu'à présent jamais réussi à fixer le calendrier de négociation.

182. Alors que les sommes versées par GCP en 2006 en application des différents contrats cadres représentaient 0,2 % du chiffre d'affaires total réalisé par les studios américains, les éléments communiqués par les studios au cours de l'enquête montrent que ce pourcentage s'élève aujourd'hui à environ 0,6 %. Le marché français de vente de droits continue donc à représenter une proportion limitée du chiffre d'affaires mondial des studios, ce qui confère effectivement à ces derniers un pouvoir de négociation suffisant pour organiser la vente de leurs droits selon les modèles économiques qui leur sont favorables. En outre, les studios sont en mesure de contourner les éditeurs de chaînes traditionnels en développant leur propre activité d'édition. En effet, certains studios comme Disney ou Turner ont déjà leurs chaînes propriétaires.

183. Il n'en reste par moins que, depuis l'acquisition de TPS par GCP, les studios américains font face à un unique acheteur pour la vente en France des droits de première fenêtre de télévision payante linéaire, ce qui assure également aux parties notifiantes une position de force incontestable dans les négociations. La plupart de studios américains ont ainsi considéré au cours de l'enquête que GCP jouit d'un fort pouvoir de négociation. En outre, selon une étude statistique du "British Films Institute" de 2011, la France représente un marché géographique important pour les studios américains. En 2010, les Etats Unis représentaient près de 41 % de revenus totaux générés au niveau mondial par des films. La France représentait la 5ème source de revenus pour les studios après des pays comme le Japon et le Royaume-Uni (93).

184. En outre, les risques d'atteinte à la concurrence identifiés en 2006 tenaient principalement au renforcement de la position de GCP sur les marchés intermédiaire et aval. L'acquisition de TPS a eu pour résultat de conférer à GCP le monopole de l'édition et de la commercialisation de chaînes premium et de renforcer sa position sur les marchés de l'édition et de la commercialisation de chaînes thématiques de cinéma. GCP auto-distribue ces chaînes, ce qui lui donne un accès direct à une large base d'abonnés et renforce sa position sur le marché aval de la télévision payante. Le contrôle de cette base d'abonnés confère en retour à GCP une position privilégiée lorsqu'il intervient sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents puisqu'il reste le seul opérateur capable d'amortir de lourds investissements dans les contenus. Les développements de la présente décision consacrés à ces marchés montrent que ces effets se sont matérialisés depuis l'opération et, qu'en l'état des marchés, aucun élément ne permet d'anticiper une évolution de cette situation.

(iv) Sur les effets de l'opération sur le marché de l'acquisition de droits relatifs aux séries américaines

185. Lors de la réalisation de l'opération, ni CanalSat ni TPS n'étaient actives sur le marché de l'acquisition de droits de séries américaines, et l'opération ne conduisait à aucun chevauchement d'activité entre les parties.

186. L'attractivité des séries a beaucoup évolué depuis 2006. Les représentants de GCP considèrent que les séries américaines récentes constituent aujourd'hui un contenu premium qui peut permettre d'attirer des abonnés. Selon les éléments versés au dossier par GCP, [50-60] % des abonnés recrutés en août et septembre 2011 considèrent notamment les séries, et principalement les séries étrangères, comme un élément ayant motivé leur abonnement.

187. A la différence des films, les droits de diffusion portant sur les séries américaines ne sont pas soumis à la chronologie des médias. Par conséquent, les chaînes de télévision payantes sont en principe directement en concurrence avec les chaînes de télévision gratuites sur le marché des séries télévisées. Or GCP représente moins de 10 % des investissements dans ce type de contenus derrière des opérateurs tels que TF1, M6 et France Télévisions. Le CSA estime que la part de marché du groupe Canal Plus sur la période 2009-2011 se situe entre 10 et 20 % (94).

188. Il ressort néanmoins de l'instruction que les droits de diffusion des séries et des films américains pour une diffusion linéaire (payante et gratuite) se négocient auprès des mêmes interlocuteurs au sein des studios américains. Or les détenteurs des droits réservent généralement dans leurs accords une fenêtre dite de "télévision payante" premium pour l'acquisition de laquelle seuls GCP ou OCS sont capable de se positionner, à moins que les titulaires de contrats cadres n'en préemptent l'utilisation en payant les droits correspondants. Il convient néanmoins de relever qu'à ce stade, GCP n'a conclu aucun contrat cadre relatif à des séries américaines, tandis que TF1, M6 et Orange ont tous les trois signé des contrats cadres pour le premier choix des séries produites par des studios américains.

189. En tout état de cause, l'évolution du marché ne permet pas d'écarter les risques d'effets congloméraux identifiés par les autorités de concurrence en 2006. En effet, GCP est toujours présent sur l'ensemble des marchés relatifs à l'achat des œuvres cinématographiques américaines et a conservé la position de quasi-monopsone sur le marché de l'acquisition de films américains de première et seconde fenêtre résultant de l'opération. Compte tenu du pouvoir de marché considérable de GCP sur le marché des achats de droits et de l'absence d'acheteurs alternatifs indépendants, les détenteurs de droits ne seront pas incités à s'opposer à d'éventuelles demandes de GCP tendant à lui permettre de coupler les acquisitions de certains droits de diffusion, notamment les droits cinématographiques américains et les droits de séries américains.

190. Le CSA confirme les risques des effets congloméraux de l'opération. Il estime "que la position globale du groupe Canal Plus sur l'acquisition de droits relatifs aux films et aux séries est de nature à créer des atteintes à la concurrence de type conglomérat, compte tenu de la position quasiment monopolistique du groupe Canal Plus pour l'achat de films récents pour une exploitation en télévision payante et de la connexité entre les différents marchés d'acquisition de droits" (95).

191. Par ailleurs, l'incitation de GCP à utiliser sa puissance d'achat pour acquérir des droits relatifs à la diffusion de films et de séries récentes est renforcée par rapport à la situation de 2006 en raison de deux facteurs. Le premier est l'augmentation importante de l'attractivité des séries américaines récentes qui, comme relevé ci-dessus, constituent désormais des contenus moteurs d'abonnements. Le second est le projet de GCP de développer ses activités dans le secteur de la télévision gratuite, sur lequel les séries américaines récentes constituent l'un des contenus les plus rentables et les plus générateurs d'audience. A cet égard, la capacité de GCP à diffuser les séries les plus attractives en télévision payante aurait notamment pour effet de limiter l'intérêt de leur rediffusion par ses concurrents en télévision gratuite et, donc, la capacité de ces derniers à générer de l'audience.

(v) Conclusion sur les effets de l'opération sur les marchés de l'acquisition de films et séries américaines récentes

192. Il résulte de ce qui précède que l'opération notifiée a eu pour effet d'éliminer durablement la quasi-totalité de la pression concurrentielle qui s'exerçait sur GCP sur les marchés des acquisitions de droits de diffusion en télévision payante de films et séries américaines récentes, restreignant fortement l'accès aux marchés en cause pour tout concurrent potentiel du groupe.

b) Acquisition des droits de diffusion des œuvres cinématographiques d'expression originale française

193. Après un bref rappel du cadre juridique au sein duquel prennent place les achats de droits cinématographiques français (i), il conviendra de rappeler l'impact de la concentration sur les marchés de l'acquisition de films EOF récents et son analyse par les autorités de concurrence en 2006 (ii) avant d'exposer l'analyse concurrentielle du marché au regard de la position concurrentielle actuelle de GCP, l'impact de l'entrée d'Orange sur le marché, la présence de concurrents actuels ou potentiels et de l'existence d'un contrepouvoir par les détenteurs de droits (iii).

(i) Rappel du cadre juridique

194. Le régime juridique du financement des films européens et EOF soumet les chaînes de télévision, et notamment celles de GCP, à des obligations spécifiques.

195. En premier lieu, cette réglementation détermine un niveau d'investissement que chaque chaîne doit consacrer à la production cinématographique, en fonction de deux critères que sont (i) la sous-catégorie à laquelle elles appartiennent au sein des "services de cinéma" tels que définis par le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 et (ii) son mode de distribution, la réglementation faisant une distinction entre les services diffusés par voie hertzienne terrestre et les services diffusés sur les autres réseaux.

196. En deuxième lieu, les décrets d'application de la loi du 30 septembre 1986 fixent les obligations des chaînes en matière de financement de la production cinématographique française.

197. Enfin, en troisième lieu, les investissements des chaînes sont encadrés par les engagements de diversité des services de cinéma (96), tels qu'ils résultent des accords conclus avec les organisations professionnelles du cinéma, et qui imposent qu'un pourcentage de leurs obligations globales d'investissements soit consacré au financement de films à petits ou moyens budgets. Des montants, fixés par mois et par abonné, font l'objet d'accords conclus entre les différentes chaînes et les organisations professionnelles de producteurs et sont ensuite rendus obligatoires dans le cadre des conventions conclues par chaque chaîne avec le CSA.

198. En application de cette réglementation, la chaîne Canal+ doit ainsi consacrer à l'acquisition de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques européennes et EOF respectivement au moins 12,5 % et 9,5 % de ses ressources annuelles avec un minimum garanti fixé à 3,61 euro et 2,73 euro hors taxe par mois et par abonné. Par ailleurs, s'agissant de l'obligation d'acquisition d'œuvres EOF, au moins 75 % du montant prévu doit être consacré à la production indépendante, 17 % doit concerner des films dont le devis est inférieur ou égal à 4 millions d'euro et 80 % du montant prévu doit prendre la forme de préachats de droits.

199. La chaîne TPS Star, avant l'arrêt de sa diffusion par GCP en avril 2012, devait pour sa part consacrer chaque année à l'acquisition de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques européennes et EOF respectivement au moins 26 % et 22 % de ses ressources annuelles avec un minimum garanti fixé à 2,01 euro et 1,70 euro hors taxe par mois et par abonné. Par ailleurs, s'agissant de l'obligation d'acquisition d'œuvres EOF par la chaîne, au moins 75 % du montant prévu devait être consacré à la production indépendante et 25 % devait concerner des films dont le devis était inférieur ou égal à 5,35 millions d'euro.

200. Le service Ciné+, enfin, doit consacrer à l'acquisition de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques européennes et EOF respectivement au moins 27 % et 25 % de ses ressources annuelles avec un minimum garanti fixé à 1 euro et 0,85 euro hors taxe par mois et par abonné. Par ailleurs, s'agissant de l'obligation d'acquisition d'œuvres EOF par la chaîne, au moins 75 % du montant prévu doit être consacré à la production indépendante et 25 % doit concerner des films dont le devis est inférieur ou égal à 5,35 millions d'euro.

(ii) Sur l'impact de l'opération et son analyse en 2006

201. A l'occasion de l'examen de la concentration en 2006, les autorités de concurrence ont constaté que la concentration conférerait à GCP un monopsone pour l'acquisition des droits relatifs à la première et deuxième fenêtre de diffusion, dans la mesure où les parties représentaient ensemble l'intégralité des montants investis pour le préachat de droits de diffusion pour la télévision payante. Elles ont observé que l'opération était de nature à permettre à GCP, non seulement d'imposer ses prix, mais de façonner également dans une large proportion l'offre de films proposée aux consommateurs.

202. Les autorités de concurrence avaient également relevé qu'à la différence des studios américains, les détenteurs des droits portant sur les films français récents, compte tenu de leur envergure financière et de la dépendance dans laquelle ils se trouvaient à l'égard des opérateurs de télévision payante ne jouissaient pas d'un pouvoir de négociation significatif face à la nouvelle entité. En définitive, l'opération aboutissant à la création d'un "guichet unique" pour les producteurs français, elle renforçait leur dépendance vis-à-vis de GCP (97).

203. L'avis et la décision de 2006 avaient également souligné les fortes barrières à l'entrée sur le marché, liées à la nécessité pour tout éventuel nouvel entrant d'entrer concomitamment sur le marché de l'édition de chaînes et au système de préachat, qui porte sur des films non-réalisés et suppose, de ce fait, une forte prise de risque.

204. Pour prévenir tout risque que la nouvelle entité exploite son monopsone pour imposer des hausses de prix vis-à-vis des distributeurs tiers et des consommateurs, GCP s'était engagé à mettre plusieurs chaînes de cinéma à disposition, dans des conditions transparentes objectives et non-discriminatoires. Pour éviter tout traitement discriminatoire des producteurs de films, GCP s'était engagé à mettre en œuvre un examen collégial des projets sur des bases objectives, à négocier une nouvelle clause de diversité pour la chaîne premium TPS Star et pour ses chaînes cinéma et à ne pas renouveler ou conclure de contrats cadres avec les producteurs français.

(iii) Sur les effets de l'opération en matière d'acquisitions de droits relatifs aux films

EOF pour une diffusion en première et deuxième fenêtre

205. Ainsi qu'il sera exposé ci-après, GCP a conservé une position extrêmement forte sur le marché depuis 2006. A l'image de ce qui a été observé ci-dessus sur le marché des droits relatifs aux films américains, la concurrence exercée par Orange, nouvel entrant sur le marché en 2008, n'a été que limitée et temporaire, et aucun élément ne permet d'anticiper l'émergence d'une concurrence potentielle significative sur GCP. Les détenteurs de droits étant par ailleurs en situation de dépendance par rapport à GCP, l'opération se traduit donc par le risque d'une forte restriction de l'accès au marché.

Position des parties

206. La structure de marché anticipée par les autorités de concurrence en 2006, s'est confirmée pour l'année 2007 comme l'indiquent les parts de marché présentées dans le tableau suivant :

Investissements dans le préachat de films d'initiative française en 2005-2007 (98)

<EMPLACEMENT TABLEAU>

207. Le paysage concurrentiel a évolué à partir de 2008 avec l'entrée d'Orange et le lancement du bouquet OCS. Néanmoins, si la position de GCP a reculé avec l'arrivée d'OCS comme le montre le tableau ci-dessous, elle est demeurée extrêmement élevée (supérieure à 90 % sur l'ensemble de la période) et sans commune mesure avec celle d'Orange sur le marché de l'acquisition de droits cinématographiques.

Investissements dans le préachat de film d'initiative française en 2008-2011 (99)

<EMPLACEMENT TABLEAU>

208. Les parties notifiantes font toutefois valoir que "si GCP détient toujours une position forte sur ce marché, celle-ci découle surtout des obligations réglementaires qui s'imposent à lui" (100). Ce raisonnement ne saurait cependant être suivi. Les obligations réglementaires qui pèsent sur les éditeurs de chaînes déterminent la valeur absolue des investissements réalisés par les chaînes payantes, mais elles n'ont aucune incidence sur la position relative de chacun de ces opérateurs et n'imposent nullement la détention par GCP d'un quasi-monopole.

Concurrence actuelle et potentielle d'Orange

209. Les parties notifiantes font valoir que l'entrée d'Orange sur le marché amont de l'acquisition des droits démontre le caractère concurrentiel du marché et devrait contribuer à écarter toute atteinte à la concurrence consécutive à l'opération. Cette analyse ne peut cependant être suivie en l'espèce, pour quatre raisons.

210. Premièrement, ainsi qu'il a été exposé plus haut, l'entrée d'Orange sur les marchés amont d'acquisition de droits s'explique au moins partiellement d'une part par la pauvreté du marché de gros résultant du nombre d'exclusivités détenues par CanalSat et, d'autre part, par la stratégie mise en œuvre par GCP qui, contrairement aux engagements pris en 2006, a retardé la mise à disposition puis dégradé la qualité de l'offre de chaînes disponibles à la distribution pour les distributeurs tiers, au premier plan desquels les FAI, contribuant ainsi à freiner leur développement.

211. Deuxièmement, les données publiées par le Centre national de la cinématographie ("CNC") montrent que l'entrée d'Orange sur le marché amont a eu un impact non-négligeable, mais qui demeure jusqu'à présent modeste, sur la situation concurrentielle. La part de marché d'Orange a d'ailleurs baissé entre 2010 et 2011 avec un montant d'investissement en recul de 14 %.

212. Troisièmement, si les investissements d'Orange ont progressé entre 2008 et 2011, ceux pratiqués par TPS avant son acquisition par GCP leur étaient très nettement supérieurs. Les investissements de TPS en 2005 s'élevaient à 32,5 millions d'euro soit 60 % de plus que ceux consentis par OCS en 2011 (19,7 millions d'euro). Comme le confirment les réponses obtenues dans le cadre du test de marché, il en résulte que toute pression concurrentielle exercée par Orange sur GCP pour l'achat de droits demeure significativement inférieure à celle qui émanait de TPS avant l'opération.

213. Ceci est désormais d'autant plus vrai, compte tenu de la dégradation progressive de TPS Star, pour les droits relatifs à la première fenêtre de diffusion, comme le montre le tableau suivant :

Nombre de films préachetés en fonction de la fenêtre de diffusion sur télévision payante en 2011 (101)

<EMPLACEMENT TABLEAU>

214. Quatrièmement, ainsi qu'il a été exposé s'agissant des droits des films américains récents (paragraphes 165 et s.), Orange n'exerce plus de réelle pression concurrentielle sur GCP compte tenu, d'une part, de la prise de contrôle conjoint d'OCS par GCP et, d'autre part, du plafonnement des dépenses prévu par le pacte d'actionnaires, qui limite les perspectives de développement du bouquet et sa capacité à animer la concurrence. Le partenariat conclu entre GCP et Orange conduit à la disparition de l'unique concurrent de GCP et supprime pour les producteurs la capacité de diversifier leurs débouchés.

215. L'entrée d'Orange ne permet donc nullement d'écarter toute atteinte à la concurrence. Elle témoigne au contraire d'une stratégie d'entrée contrainte dont la faiblesse des résultats démontre qu'elle a connu les plus grandes difficultés, y compris pour un groupe de la taille d'Orange, à contester les positions de GCP.

Concurrence actuelle et potentielle des autres acteurs du marché

216. Comme en matière de droits américains, l'entrée sur le marché de l'acquisition de droits portant sur des films EOF pour une diffusion en télévision payante nécessite d'éditer une chaîne thématique cinéma pour exploiter et rentabiliser les contenus acquis. Or les investissements dans l'achat de droits sont très importants et interviennent, pour tout éventuel nouvel entrant, avant même de pouvoir bénéficier de la base d'abonnés nécessaire à leur amortissement. Compte tenu de cette contrainte, d'éventuelles nouvelles entrées seraient d'autant plus difficiles qu'elles prendraient place dans un environnement de marché extrêmement asymétrique, caractérisé par la prédominance de GCP. Ce dernier bénéficie en effet d'une base d'abonnés très importante, considérablement renforcée par l'acquisition de TPS (102) et qui lui confère un avantage concurrentiel significatif. L'opération a donc renforcé les barrières à l'entrée de nouveaux opérateurs.

217. Concrètement, à l'exception d'Orange, l'ensemble des FAI interrogés dans le cadre du test de marché estiment ne pas disposer d'une base d'abonnés suffisante pour amortir une activité d'édition de chaînes de télévision payante attractives (103). Le groupe Orange indique lui-même que "les résultats commerciaux de [l'édition de chaîne] n'ont pas été suffisants pour soutenir une position durable face à l'opérateur dominant dans cet univers, et ce malgré de très lourds investissements dans l'acquisition de droits" (104).

218. Par ailleurs, la création d'une chaîne suppose la détention d'un savoir-faire spécifique et la construction d'une notoriété nécessaire à la stabilisation des parts d'audience. Ce constat est d'ailleurs partagé par les parties notifiantes qui précisent que "GCP s'est rendu compte qu'il fallait capitaliser sur la marque Canal Plus et porter à la connaissance des abonnés l'existence des chaînes qu'il édite. Cela participe d'une démarche de valorisation de ses chaînes, dans une logique de "branding" (105) et que "nous tentons de construire un univers de marque le plus riche possible, afin de créer de la valeur" (106).

Contrepouvoir des détenteurs de droits

219. GCP est le premier contributeur au financement de la production cinématographique française, sa seule chaîne Canal+ ayant préacheté plus de 75 % de la production en volume en 2010 (155 films sur les 203 produits cette année). A titre de comparaison, OCS a préacheté à peine 12 % de la production en 2010 (24 films).

220. Comme les autorités de concurrence l'avaient relevé en 2006, la position de GCP face aux détenteurs de droits est par ailleurs renforcée par deux éléments. D'une part, le secteur de la production de films est très atomisé, puisque les 203 films d'initiative française comptabilisés pour l'année 2010 ont été produits par 175 entreprises différentes, les cinq sociétés les plus actives au cours de l'année (107) ne représentant que 12 % de la production. D'autre part, la contribution des chaînes de télévision payante est indispensable au financement de la production cinématographique. En effet, selon le CNC (108) les préachats et apports en coproduction ont représenté 32,4 % du financement des films produits en 2010. Moins de 20 % des films produits en 2010 ont ainsi pu être produits sans le préachat d'une chaîne de télévision payante.

221. Par ailleurs, la vente de droits de diffusion pour la deuxième fenêtre de télévision payante constitue un enjeu économique significatif pour les détenteurs de droits. Or l'offre de chaînes cinéma de GCP lui permet de se positionner simultanément sur le préachat de droits de diffusion en première et deuxième fenêtre. Les producteurs interrogés au cours de l'enquête ont ainsi observé que la détention de plusieurs chaînes permettant à GCP d'acheter les deux fenêtres de diffusion de télévision payante conférait aux parties notifiantes une position incontournable à l'achat. Orange relève également sur ce point qu'"en 2010, GCP a acquis 90 % des premières fenêtres de films français, essentiellement pour l'offre "les chaînes Canal+", et 93 % des secondes fenêtres, essentiellement pour les chaînes Ciné+. Quand on sait qu'une deuxième fenêtre représente un montant de droits en préachat additionnel de l'ordre de 10 à 15 % de celui consacré à la première fenêtre, on comprend que les producteurs ne peuvent refuser si GCP souhaite acquérir l'exclusivité des deux fenêtres" (109).

222. Le CSA relève également que "la stratégie des chaînes cinéma du groupe Canal Plus est complémentaire : les chaînes Canal+ préachètent la première fenêtre des films qu'elles financent et, pour la majorité d'entre eux, les chaînes Ciné+ préachètent la deuxième fenêtre payante (110), cette dernière étant négociée pour un montant souvent assez modique (0,21 million d'euro en moyenne en 2011). Ainsi, le groupe peut proposer aux producteurs de films de leur acheter deux fenêtres payantes, leur permettant ainsi de maximiser leurs revenus sur ce marché. Le caractère "premium" des chaînes Canal+ est donc conforté par la première diffusion sur son antenne d'un nombre très significatif de films EOF ou européens, souvent les plus porteurs (111). Les chaînes Ciné+ peuvent bénéficier d'une fenêtre de diffusion juste après Canal+, et avant la première diffusion sur une chaîne en clair, la chronologie des médias étant favorable à la deuxième fenêtre payante (112) (113).

223. Dans un tel contexte, l'entrée d'Orange sur le marché de l'acquisition de droits a été perçue positivement par les producteurs français, comme l'atteste la très grande majorité des contributions obtenues dans le cadre de l'enquête 114. Toutefois, si l'arrivée d'OCS a permis de diversifier les sources de financement des films d'initiative française, les niveaux d'investissements d'Orange demeurent très inférieurs à ceux pratiqués par GCP, ou même par TPS avant 2006. De plus, compte tenu de la prise de participation de GCP et du plafonnement prévu des dépenses d'OCS pour l'acquisition de droits, il semble peu probable que les investissements d'OCS dans le préachat de films d'initiative française continuent de progresser, voire se maintiennent à leur niveau actuel. Enfin, compte tenu du contrôle qu'exercera GCP sur la chaîne OCS, cette dernière ne peut plus être considérée comme un opérateur indépendant des parties, à même d'animer la concurrence.

224. Les parties soutiennent cependant que, compte tenu de ses obligations réglementaires, "GCP ne peut en aucune façon adopter des mesures visant à restreindre les débouchés des producteurs de films français" (115). Il ressort néanmoins de l'instruction que l'inexécution par GCP de ses engagements souscrits en 2006 a renforcé sa position sur les marchés amont. En effet, en dégradant le contenu de TPS Star, GCP a limité les débouchés dont disposaient les producteurs français, puisque les investissements émanant de cette chaîne ont progressivement baissé jusqu'à l'arrêt de sa diffusion (116).

225. Ensuite, la forte atomicité des producteurs et l'importance de leurs besoins de financement placent les producteurs français dans une situation de dépendance face à GCP, qui jouit d'un quasi-monopsone sur le marché du préachat. Les ayants droits, compte tenu de la nécessité pour les chaînes Canal+ d'optimiser leurs investissements obligatoires, peuvent certes ponctuellement bénéficier d'un certain pouvoir de négociation. Néanmoins, la capacité de GCP à imposer ses prix reste d'autant plus forte qu'il est le principal interlocuteur pour la cession des droits payants : un refus de financement de sa part entraîne dans la majorité des cas l'abandon du projet de film. Ce constat s'impose d'ailleurs d'autant plus qu'OCS, contrôlée par GCP, ne constituera plus un débouché alternatif indépendant sur lequel les producteurs pourront s'appuyer pour faire jouer la concurrence.

(v) Conclusion sur les effets de l'opération sur les marchés de l'acquisition de films EOF

226. Il résulte de ce qui précède que l'opération notifiée a eu pour effet d'éliminer durablement la quasi-totalité de la pression concurrentielle qui s'exerçait sur GCP sur les marchés des acquisitions de films EOF, restreignant fortement l'accès aux marchés en cause pour tout concurrent potentiel du groupe.

c) Conclusion sur les effets de l'opération en matière d'acquisition des droits de diffusion des œuvres cinématographiques américaines et d'expression originale française

227. Il découle de ce qui précède que la concentration, en éliminant la concurrence de TPS pour l'achat de films américains et EOF récents, a entrainé la disparition de la quasi-totalité de la pression concurrentielle s'exerçant sur GCP. L'importance de la base d'abonnés de GCP, renforcée grâce à l'opération, a créé une barrière à l'entrée telle que la dynamique concurrentielle générée par l'entrée du groupe Orange ne s'est pas maintenue en raison des difficultés rencontrées par cette entreprise pour rentabiliser ses acquisitions. Compte tenu du partenariat conférant désormais à GCP le contrôle conjoint d'OCS, et de la baisse concomitante des investissements d'Orange, ce dernier n'exerce plus de pression concurrentielle sur le marché des acquisitions de droits. L'opération a donc durablement consolidé la détention, par GCP, d'un quasi-monopsone sur les marchés d'achat de droits cinématographiques américains et français pour une diffusion en télévision payante.

2. EDITION ET COMMERCIALISATION DE CHAÎNES

228. Les effets de la concentration en aval des marchés de l'acquisition des droits cinématographiques concernent les marchés de l'édition et de la commercialisation de chaînes payantes linéaires qui diffusent ces droits. En l'espèce, les droits cinématographiques "premium", c'est-à-dire de première fenêtre de télévision payante, sont diffusés sur les chaînes qui relèvent de cette catégorie (a). Les autres fenêtres de diffusion sont diffusées sur les chaînes thématiques de cinéma (b). Il convient donc d'examiner les effets de l'opération sur ces deux marchés.

a) Edition et commercialisation de chaînes premium

229. Après avoir rappelé l'analyse effectuée par les autorités de concurrence en 2006 (i) et constaté que les chaînes premium éditées et auto-distribuées par GCP sont présentes sur le marché intermédiaire (ii), il conviendra d'examiner les effets de l'opération sur le marché de l'édition et de la commercialisation de chaînes premium (iii).

(i) Sur l'impact de l'opération et son analyse en 2006

230. La concentration a regroupé, au sein des parties notifiantes, l'intégralité de l'offre de chaînes premium du marché français. Compte tenu des spécificités tenant à la nature des droits concernés (les plus onéreux) et des barrières à l'entrée tenant notamment à la nécessité de rentabiliser les droits sur une large base d'abonnés, les autorités de concurrence considéraient, en 2006, que l'opération pourrait conduire à deux scenarii possibles. Dans le premier, les distributeurs alternatifs risquaient de ne disposer d'aucune chaîne premium, élément incontournable à la constitution d'un bouquet attractif, ce qui les aurait empêchés de proposer une offre compétitive. Une telle situation aurait permis à terme à la nouvelle entité d'évincer ses concurrents sur le marché aval, entraînant le risque d'une hausse unilatérale des prix pour le téléspectateur et d'une uniformisation de l'offre. Dans le second, il était envisagé que la nouvelle entité fasse disparaître la chaîne TPS Star, la chaîne Canal +, auto-distribuée par GCP et simplement transportée par les distributeurs tiers, devenant alors la seule chaîne premium du marché. Aucune concurrence réelle n'existerait donc au niveau intermédiaire. Une telle situation faisait craindre une détérioration des conditions dans lesquelles les distributeurs tiers auraient accès au transport de Canal+, l'éviction des concurrents de GCP sur le marché aval, entraînant potentiellement une hausse unilatérale des prix pour le téléspectateur et une uniformisation de l'offre (117).

231. Pour prévenir à ces risques, les parties notifiantes se sont engagées à mettre TPS Star à disposition des distributeurs tiers. Les autorités de concurrence ont considéré que, compte tenu de cette solution proposée par GCP, une remise en cause du modèle d'auto-distribution de la chaîne Canal+ aurait été à la fois disproportionnée et non nécessaire pour résoudre le problème de concurrence identifié. L'Autorité a cependant constaté, dans sa décision n° 11-D-12 précitée, que cet engagement n'a pas été respecté, le comportement de GCP conduisant à la dégradation progressive de l'offre premium disponible pour ses concurrents au stade de la distribution. La fin de la diffusion, le 4 avril 2012, de TPS Star concrétise donc le second scenario envisagé en 2006.

(ii) Sur la présence des chaînes Canal+ sur le marché de l'édition de chaînes premium

232. Les parties notifiantes estiment que la chaîne Canal+ et ses déclinaisons ne sont pas présentes sur le marché de l'édition et de la commercialisation de chaînes premium, dans la mesure où ces chaînes sont auto-distribuées. Elles font valoir en effet que la société Canal+ Distribution, s'agissant de la distribution de l'offre "Les Chaînes Canal+", ne peut être considérée comme constituant un distributeur de services au sens de l'article 2-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, au même titre que Numericable, Free, Orange, SFR et les autres FAI. Selon elles, Canal+ Distribution n'exerce pas, pour l'offre "les Chaînes Canal+", les activités caractérisant un rôle de distributeur de services sur le marché intermédiaire, telles que l'acquisition du droit de distribuer les chaînes, l'agrégation de bouquets de télévision afin de les réunir dans une offre de télédiffusion proposée à des abonnés et la commercialisation directe de cette offre aux abonnés. Canal+ Distribution se contente d'assurer des prestations techniques et administratives (animation du réseau de distribution, politique publicitaire, édition d'un magazine destiné aux abonnés, etc.) sans s'immiscer dans la politique commerciale de distribution des chaînes Canal+. Par conséquent, les parties relèvent que "le calcul des parts de marché en chiffre d'affaires des éditeurs de chaînes ne pourrait être que faussé si la chaîne Canal+ devait être incluse dans le marché dans la mesure où cette chaîne est construite sur un modèle économique unique" (118).

233. Cependant, à l'occasion de leur analyse en 2006, les autorités de concurrence avaient constaté que l'existence d'une exclusivité de distribution, fût-elle accordée à une société appartenant au même groupe que la société éditrice de la chaîne considérée, ne saurait exclure la chaîne concernée du marché intermédiaire. Les autorités avaient ainsi considéré qu'un produit auto-distribué dans le cadre d'une relation exclusive ne pouvait être considéré comme relevant de l'autoconsommation (119).

234. Le CSA note dans le même sens qu'"aux termes de la convention conclue entre la société Canal+ SA et Canal+ Distribution, la société Canal+ SA "confie à Canal+ Distribution, à titre exclusif, les prestations de distribution et de commercialisation de la Chaîne", ce qui inclut de nombreuses prestations commerciales, techniques et administratives (120), parmi lesquelles la gestion de la relation avec les abonnés et la gestion administrative des encaissements pour le compte de la société Canal+. (...) Le Conseil considère que la chaîne Canal+ est présente sur le marché de l'édition et de la commercialisation de chaînes premium" (121).

235. De plus, si l'auto-distribution est un système incitatif qui peut favoriser les investissements de GCP dans les contenus, elle ne constitue nullement la seule modalité possible de distribution pour une chaîne premium, à l'inverse de ce qu'affirment les parties notifiantes (122). En effet, l'auto-distribution n'est pas nécessaire au développement d'une offre "premium" de qualité disposant d'une large base d'abonnés permettant de couvrir des coûts de programme élevés. Ce point est confirmé par la majorité des éditeurs de chaînes interrogés (123), comme par l'étude des exemples étrangers (124).

236. L'auto-distribution résulte d'un choix stratégique qui appartient à l'opérateur, et qui est potentiellement réversible. Ainsi, GCP a en principe la faculté de proposer les chaînes Canal+ en gros à tous les distributeurs. De même, Orange, qui réservait l'accès de ses chaînes premium Orange Cinéma Séries et Orange Sport aux abonnés de sa plateforme, a récemment modifié sa stratégie en ouvrant la distribution de ses chaînes aux opérateurs tiers.

237. Il y a donc bien lieu de considérer en l'espèce, que la chaîne Canal+ et ses déclinaisons appartiennent au marché de l'édition et de la commercialisation de chaînes premium. Compte tenu de ces éléments, depuis le rachat de TPS, la position de GCP sur ce marché est demeurée supérieure à 90 % si l'on raisonne en nombre d'abonnés, pour finalement atteindre 100 % en avril 2012.

(iii) Sur les effets de l'opération en matière d'édition et de commercialisation de chaînes premium

Position des parties

238. La concentration a conféré à GCP le monopole de l'édition et de la commercialisation de chaînes premium en 2006, avec les chaînes Canal+ et TPS Star. Depuis 2006, le secteur de la télévision payante est, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, caractérisé par la coexistence de deux modèles alternatifs :

- le premium multi-contenus, incarné par Canal+ et ses déclinaisons, qui agrège au sein de la même chaîne des films de première exclusivité et des compétitions sportives attractives ;

- le premium mono-contenu, incarné par OCS, qui proposait au sein d'un bouquet ou d'une chaîne des contenus attractifs pour une seule thématique (le cinéma).

239. Ainsi qu'il a déjà été souligné, la concentration a été suivie de la dégradation puis de l'arrêt de la diffusion de TPS Star en métropole. Par ailleurs, l'attractivité des chaînes OCS est significativement moindre que celle des chaînes Canal+. En effet, les montants investis par OCS pour l'acquisition de contenus cinématographiques sont dix fois inférieurs à ceux de GCP. De même, le nombre d'abonnements à l'offre d'OCS ([200-500] mille abonnés (125)) est significativement inférieur au nombre d'abonnements à l'offre "les chaînes Canal+" ([...] millions d'abonnés (126)). L'attractivité d'OCS devrait encore être amoindrie à l'avenir en raison de l'application du plafond d'investissement prévu par le pacte d'actionnaires, qui limitera sa capacité à financer l'acquisition de contenus de première exclusivité. Ainsi, Canal+ et les chaînes dérivées sont aujourd'hui les principales chaînes proposant des contenus cinéma premium.

240. Par ailleurs, OCS ne peut désormais plus être considéré comme un concurrent indépendant de GCP sur le marché de l'édition de chaînes premium en raison de la prise de contrôle conjoint d'OCS par GCP. En tout état de cause, depuis le rachat de TPS, la position de GCP sur ce marché est demeurée supérieure à 90 % si l'on raisonne en nombre d'abonnés. Dès lors, si GCP décidait de modifier son modèle de distribution en proposant les chaînes Canal+ aux distributeurs tiers, GCP jouirait d'un quasi-monopole sur le marché de gros des chaînes premium de cinéma.

Concurrence potentielle

241. L'entrée d'un nouvel opérateur sur le segment cinéma de l'édition et commercialisation de chaînes premium apparaît désormais improbable, l'expérience d'Orange ayant confirmé l'importance des barrières à l'entrée déjà constatées par les autorités de concurrence en 2006.

Sur ce point, les constats effectués sur les marchés amont valent également au niveau intermédiaire : la création d'une chaîne thématique de cinéma premium nécessite la détention d'un savoir-faire spécifique et la construction d'une notoriété suffisante. Cette activité suppose par ailleurs de réaliser des investissements importants pour acquérir des droits avant même de pouvoir bénéficier de la base d'abonnés nécessaire à leur amortissement.

242. Interrogés dans le cadre d'une consultation publique lancée par l'Autorité le 25 mai 2012 (127), la plupart des opérateurs de télévision ont indiqué ne pas souhaiter entrer dans le secteur de l'édition de chaînes premium de cinéma, compte tenu de ces barrières. Les répondants ont par ailleurs souligné que la majorité des abonnés de GCP reçoivent leur offre par le biais de sa plateforme de diffusion satellitaire. Les parties notifiantes sont donc en mesure de détériorer la viabilité économique d'une chaîne premium de cinéma concurrente en verrouillant l'accès à la majorité de sa base d'abonnés. Le risque lié à ces difficultés de diffusion contribue à limiter la capacité des concurrents de GCP à entrer sur le marché de l'édition de chaîne premium.

243. Enfin, comme indiqué ci-dessous, la rémunération versée aux FAI au titre de leur prestation de transport et de commercialisation des chaînes Canal+ et de CanalSat ne les incite pas à prendre le risque d'éditer leurs propres chaines. En tout état de cause, les FAI interrogés dans le cadre du test de marché estiment ne pas disposer d'une base d'abonnés suffisante pour amortir une activité d'édition de chaînes de télévision payante attractives (128).

b) Edition et commercialisation de chaînes cinéma

244. Après avoir rappelé l'analyse effectuée par les autorités de concurrence en 2006 (i), il conviendra d'examiner les effets de l'opération sur le marché de l'édition et de commercialisation de chaînes cinéma (ii).

(i) L'impact de l'opération et son analyse en 2006

245. Les autorités de concurrence ont relevé, en 2006, que l'acquisition de TPS se traduisait par une forte addition de parts de marché (78 % en nombre de chaînes, [85-95] % en chiffre d'affaires et 93,7 % en part d'audience). La concentration entraînait donc la création d'une position dominante puisque la nouvelle entité serait confrontée à la seule concurrence des chaînes du groupe AB à l'issue de l'opération. Les effets concurrentiels de l'opération étaient d'autant plus significatifs que TPS constituait un moteur important de la concurrence, les offres des deux opérateurs satellitaires se construisant l'une par rapport à l'autre. Par ailleurs, les autorités ont constaté qu'outre les barrières à l'entrée concernant de manière générale l'édition et la commercialisation de chaînes de télévision payante, les concurrents des parties étaient peu susceptibles de créer de nouvelles chaînes cinéma si les prix des contenus cinématographiques augmentaient du fait de l'assèchement des droits disponibles. Enfin, les autorités de concurrence ont considéré que les autres distributeurs de télévision payante risquaient de devenir dépendants de la nouvelle entité en ce qui concerne la fourniture de chaînes cinéma (129).

246. Pour remédier à ces risques, les parties s'étaient engagées à mettre trois chaînes cinéma à disposition des distributeurs tiers, en garantissant le maintien de leur qualité. De plus, les parties s'étaient engagées à céder les droits de diffusion des films de catalogue du portefeuille de StudioCanal à toute chaîne qui en ferait la demande dans des conditions de marché normales et non discriminatoires. Cependant, l'Autorité a constaté dans sa décision n° 11-D-12 que GCP, en dégradant le contenu des chaînes mises à disposition, n'avait pas respecté ses engagements.

(ii) Sur les effets de l'opération en matière d'édition et de commercialisation de chaînes cinéma

247. Les présents développements sont consacrés aux effets de l'opération du point de vue de l'offre de chaînes cinéma constituée par les éditeurs de chaînes qui définissent une thématique et la ligne éditoriale. Les effets de l'opération du point de vue de la demande émanant des distributeurs de télévision payante seront examinés dans les développements ci-dessous relatifs à la distribution des chaînes thématiques (E).

Position des parties

248. L'offre de chaînes cinéma est constituée par des chaînes qui proposent une offre de cinéma avec une grille de programmes composée de films récents de deuxième fenêtre et/ou de films de catalogue. Les chaînes cinéma ont vocation à être distribuées dans les options "cinéma" en raison de leur forte valeur ajoutée.

249. L'acquisition de TPS par GCP a conféré aux parties notifiantes une position dominante sur le marché (130). De plus, à la suite de l'opération, les parties ont supprimé les chaînes cinéma "doublons", c'est-à-dire des chaînes éditées par TPS et GCP qui proposaient un contenu similaire. Les chaînes de la nouvelle entité qui sont restées sur le marché sont celles du bouquet Cine+ (Ciné+ Emotion, Ciné+ Frisson, Ciné+ Premier, Ciné+ Club, Ciné+ Famiz, Ciné+ Star et Ciné+ Classic).

250. Les propres estimations de GCP conduisent à constater que le groupe détient toujours aujourd'hui une puissance de marché significative, avec [70-80] % de part de marché en termes d'audience en métropole (131).

251. L'analyse de la position de GCP sera effectuée ci-après en retenant les chaînes du bouquet OCS comme concurrentes des chaînes Ciné+ sur ce marché. Tant Orange que GCP considèrent en effet que les chaînes OCS relèvent de la catégorie des chaînes cinéma, et non des chaînes premium. Le CSA partage cette analyse puisque "les chaînes Orange Cinéma Séries ont le statut de chaîne cinéma de "premières diffusions", comme les chaînes Ciné+, et non celui de chaîne cinéma de "premières exclusivités" comme les chaînes Canal+ et TPS Star" (132). Les obligations réglementaires de financement de la production cinématographique sont les mêmes pour ces deux types de chaînes (133), mais les chaînes de premières exclusivités ont la possibilité de programmer du cinéma le samedi soir (dans certaines conditions) et doivent également diffuser un certain nombre de films récents (134) alors que les chaînes de "premières diffusions" ne sont pas soumises à ces contraintes. Leur programmation cinématographique peut par conséquent être plus largement consacrée à des films anciens.

252. Comme relevé ci-dessus, il convient néanmoins de souligner que les chaînes OCS ont un positionnement plus qualitatif que les chaînes Ciné+, ce qui leur confère une attractivité supérieure. L'investissement moyen d'OCS par film (environ 1 million d'euro) est très proche de celui investi par la chaîne premium Canal+ (1,3 millions d'euro), comme le montre le tableau suivant :

Investissements en préachats des chaînes cinéma dans les films agréés en 2011

<EMPLACEMENT TABLEAU>

253. Le CSA considère que "les investissements de la chaîne OCS dans des premières fenêtres pour un montant moyen élevé par film (1 million d'euro) limite, certes, le nombre de films dans lequel elles interviennent mais leur garantit la diffusion de films EOF en première diffusion payante. En cela, elles se distinguent de la stratégie de préachat des chaînes Ciné+, qui préachètent chaque année un nombre très important de films (113 en 2011), mais dont les droits sont essentiellement acquis pour la deuxième diffusion payante".

254. Les contrats cadres conclus par GCP pour l'acquisition de films américains visent en général une diffusion sur Canal+ en première fenêtre et sur Ciné+ en deuxième fenêtre. Orange, par contre, achète des droits de films américains de première fenêtre pour ses chaînes OCS.

255. Les données du CNC confirment le positionnement plus qualitatif, sur des films de première fenêtre, d'Orange par rapport aux de chaînes de Ciné+. En 2011, Orange a acquis en préachat 14 films français de première fenêtre et 5 films français de deuxième fenêtre tandis que GCP a acquis en préachat pour ses chaines Ciné+ 7 films français de première fenêtre et 91 en deuxième fenêtre. Le CSA considère que la stratégie des chaînes d'Orange est identique à celle qui était adoptée par les chaînes cinéma de TPS, lesquelles essayaient également de se positionner entre Canal+ et les chaîne Ciné+ (135).

256. Cependant, conformément aux explications d'Orange, le volume de programmation de films récents sur les chaînes OCS ne leur permet pas de rivaliser avec les chaînes Canal+ (136). Aussi, et en tout état de cause, il sera tenu compte des chaînes OCS pour l'analyse du marché de l'édition et commercialisation de chaînes cinéma, position favorable aux parties notifiantes.

257. Même en tenant compte de l'entrée d'Orange, l'évolution du marché depuis 2006 n'a pas remis en cause la position de GCP sur le marché de l'édition et la commercialisation de chaînes cinéma, les parties notifiantes détenant durablement une part de marché de [50-60] % en termes de chiffres d'affaires et de [70-80] % en termes d'audience, comme le montre le tableau ci-dessous :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

258. Au-delà de l'audience et du chiffre d'affaires, la majorité des éditeurs de chaînes ont estimé dans leurs réponses au test de marché que la notoriété de la marque était aussi un critère pertinent pour apprécier l'attractivité d'une chaîne. Or les chaînes de GCP bénéficient d'une forte notoriété. Ainsi, dans le document de base pour l'introduction en bourse de Canal+ France, la société affirme que la marque Canal+, présente sur le marché français depuis 1986, est connue par la quasi-totalité des français et que sa marque CanalSat est quant à elle connue par 90 % des Français (137).

259. Par ailleurs, les mesures de notoriété de Médiamétrie montrent que GCP contrôle les chaînes qui jouissent de la plus forte notoriété :

[confidentiel]

Concurrence actuelle et potentielle

260. S'agissant de la concurrence actuelle observée sur le marché, AB, TMC et Disney, déjà actifs sur le marché en 2006, y sont toujours présents à ce jour. Il convient toutefois de préciser que les chaînes Disney Cinémagic et Disney Cinémagic+1 n'apparaissent pas clairement entrer dans la catégorie des chaînes cinéma car elles sont mises en avant par GCP comme des chaînes jeunesse dans le bouquet CanalSat. Disney ne se prononce pas sur la thématique des chaînes Disney Cinémagic mais affirme que celles-ci "diffusent des œuvres cinématographiques, œuvres audiovisuelles et séries qui ciblent les enfants et les familles" (138). Ces chaînes seront donc néanmoins prises en compte pour les besoins de la présente analyse.

261. La seule entrée sur le marché depuis 2006 est celle d'Orange, qui a lancé en 2008 le bouquet OCS constitué de 5 chaînes cinéma (Orange Ciné Choc, Orange Ciné Géants, Orange Ciné Happy, Orange Ciné Max, Orange Ciné Novo). Cependant, comme déjà indiqué, l'entrée d'OCS n'a pas eu d'effet pérenne sur la situation concurrentielle du marché. OCS n'exerce désormais plus de pression concurrentielle sur les parties dans la mesure où son partenariat avec GCP, qui place le bouquet sous le contrôle conjoint de ce dernier et plafonne ses investissements en contenus, constitue un frein au développement des chaînes.

262. S'agissant de la concurrence potentielle d'éventuels nouveaux entrants, il convient de relever que, comme en 2006, GCP détient en exclusivité la majorité des droits de diffusion des films américains de deuxième fenêtre, ce qui constitue une barrière majeure à l'entrée. Les éléments recueillis au cours de l'enquête montrent ainsi que les concurrents de GCP éprouvent des difficultés pour accéder à ce type de droits. Le tableau suivant montre l'étendue des droits dont dispose GCP grâce aux contrats cadres passés avec la plupart de studios, Orange étant l'unique opérateur également titulaire de ce type de contrats :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

263. Par ailleurs, la réglementation imposant aux éditeurs de chaînes cinéma des quotas de diffusion en matière d'œuvres européennes et françaises, GCP pourrait limiter les droits de films européens et EOF disponibles pour un éditeur dans la composition de sa grille. StudioCanal disposant du catalogue le plus important de ce type de films pourrait ainsi avoir l'incitation de verrouiller l'accès des éditeurs tiers aux droits dont elle dispose. En effet, StudioCanal est l'un des leaders européens de la distribution de films de catalogue avec un portefeuille de droits comptant [environ 5 000] œuvres (139). En matière de films de catalogue EOF et européens, StudioCanal détient [...] œuvres cinématographiques, soit environ [30-40] % du nombre des films dits "de quotas" susceptibles d'être achetés par les chaînes auprès des détenteurs de droits français. Ses premiers concurrents, notamment les groupes Gaumont et Pathé, détiennent des portefeuilles de droits beaucoup plus étroits, représentant chacun à peine 10 % des films de quotas disponibles (140).

264. L'Autorité a également constaté dans sa décision n° 11-D-12 que les chaînes cinéma mises à disposition des distributeurs concurrents de GCP ont été dégradées et diffusent désormais des films de catalogue des années 1920 aux années 1970 (Ciné+ Classic), des films d'auteurs (Ciné+ Club) ou des films de catalogue des années 1980 et 1990 (Ciné+ Star), ce qui restreint considérablement la capacité des distributeurs tiers de proposer une offre compétitive. En revanche, les autres chaînes cinéma de GCP qui diffusent des films de deuxième fenêtre plus attractifs sont distribuées en exclusivité par CanalSat.

265. Le graphique suivant démontre ainsi que les chaînes mises à disposition des distributeurs tiers ont les plus faibles niveaux d'audience :

[confidentiel]

266. Enfin, le développement d'une concurrence potentielle de la part des chaînes intégrées aux grands studios américains ne s'est pas matérialisé. Les chaînes appartenant aux grands studios qui sont actuellement actives sur le marché de chaînes cinéma (i.e., TCM et Disney) l'étaient déjà en 2006 et n'ont pas renforcé leur position de manière significative depuis cette date.

c) Conclusion sur les effets de l'opération en matière d'édition et de commercialisation de chaînes premium et cinéma

267. L'évolution du marché depuis la réalisation de la concentration confirme la réalité des risques concurrentiels identifiés en 2006. Le quasi-monopsone de GCP sur les marchés amont associé à son monopole dans l'édition et la commercialisation de chaînes premium ainsi que sa position dominante dans celle des chaînes cinéma n'ont pas été compensées par de nouvelles entrées, ni par le développement d'une offre de bouquets attractifs autres que ceux proposés par GCP, dans la mesure où les parties ont dégradé la qualité des chaînes qu'elles s'étaient engagées à mettre à disposition.

268. Le dénouement de la tentative d'un acteur majeur tel qu'Orange pour créer une offre alternative à celle de GCP sur la base d'un modèle d'offre de premières diffusions mono-contenu, qui a conduit l'opérateur à renoncer aux acquisitions de droits cinématographiques de première et seconde fenêtre avec les majors et à son indépendance vis-à-vis de GCP, atteste de l'importance des barrières à l'entrée sur les marchés amont et intermédiaires et de la gravité des effets anticoncurrentiels de l'opération.

269. L'évolution du marché depuis 2006 confirme également les conclusions des autorités de concurrence concernant la probabilité réduite de voir émerger à court ou moyen terme d'un concurrent potentiel intégré verticalement et proposant des services de télévision payante premium. L'entrée progressive d'un tel opérateur sur les marchés amont nécessite une croissance très rapide sur les marchés aval afin de pouvoir amortir, grâce à une large base d'abonnés, les sommes importantes requises pour l'acquisition de contenus premium. La concentration ayant entraîné la création d'un opérateur dominant présent sur toute la chaîne de la valeur rend cette entrée encore plus ardue.

B. S'AGISSANT DE L'ACQUISITION ET DE LA DIFFUSION NON LINÉAIRE DE CONTENUS CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUDIOVISUELS

270. Les parties notifiantes font valoir que l'émergence de nouvelles formes de consommation de contenus cinématographiques et audiovisuels, le changement technologique que constitue la "télévision connectée" (141) et le développement de nouveaux opérateurs puissants proposant des contenus "délinéarisés" aux téléspectateurs créent potentiellement une forte pression concurrentielle qui devrait mitiger les effets de la concentration. Celle-ci constituerait une opération "défensive" face à cette pression concurrentielle nouvelle qui devrait venir, à l'avenir, exercer une contrainte sur le comportement de GCP sur le marché (142). Après avoir rappelé l'impact de l'opération et l'analyse de ses effets en 2006 (1), il conviendra donc d'analyser la pression concurrentielle exercée par les offres de télévision payante non linéaire (essentiellement les offres de vidéo à la demande) sur les offres de télévision linéaire (2), avant d'examiner les effets de l'opération sur les marchés de l'acquisition et de la diffusion de contenus non linéaires (3).

1. SUR L'IMPACT DE L'OPÉRATION ET SON ANALYSE EN 2006

271. La concentration a permis à GCP, qui était déjà un acteur très important du marché de la vidéo à la demande (143), de renforcer sa position en acquérant l'un de ses principaux concurrents, TPS VoD, sur le marché de l'acquisition des droits. Les autorités de concurrence considéraient, en 2006, que la disparition de la pression concurrentielle exercée par TPS, combinée au renforcement de la position de GCP sur de nombreux marchés, d'un point de vue horizontal, congloméral et vertical, était de nature à créer à court terme, sur le marché émergent de la vidéo à la demande, une position prééminente, voire une puissance d'achat au profit de GCP, de nature à entraîner un risque d'éviction des concurrents et de restriction de l'accès au marché (144).

272. Pour remédier à ce risque, GCP s'est engagé à ne pas acquérir de droits d'exploitation en vidéo à la demande en exclusivité, ni exploiter de tels droits en exclusivité, ni, enfin, retarder leur exploitation -pour les films américains- ou retarder par voie contractuelle l'ouverture de la fenêtre concernée -pour les films français-.

273. Par ailleurs, étant donné le renforcement des positions de GCP sur un ensemble de marchés amont présentant entre eux des liens de connexité étroits, comme notamment les achats de droits pour une diffusion en télévision payante linéaire et en vidéo à la demande, les autorités de concurrence ont considéré en 2006 que l'opération entraînait des effets congloméraux (145). Afin de remédier à ce risque, GCP s'est engagé à négocier séparément et à ne pas lier entre eux les contrats d'acquisition des droits d'exploitation en PPV, en vidéo à la demande, en télévision payante linéaire et pour les mandats de distribution. GCP s'est en particulier engagé à ne pas lier les acquisitions de droits de diffusion pour la télévision payante avec les acquisitions de droits d'exploitation de vidéo à la demande.

2. SUR LA PRESSION CONCURRENTIELLE EXERCÉE PAR LES SERVICES DE MEDIAS AUDIOVISUELS NON LINÉAIRES SUR LES OFFRES LINÉAIRES

a) Introduction

274. Selon les parties notifiantes, "les offres de VàD, et plus généralement, les offres "personnalisées", exercent une pression concurrentielle de plus en plus forte sur la télévision payante" (146) avec "un modèle économique bien plus efficace que celui de l'audiovisuel classique" et "risquent purement et simplement de remettre en cause l'existence des éditeurs et des distributeurs de télévision payante grâce à la désintermédiation de la relation entre les contenus et les téléspectateurs" (147). Cette pression contribuerait à expliquer l'"érosion" des parts de marché de GCP depuis 2006 et devrait donc être prise en compte pour atténuer les effets de l'opération.

275. Les parties notifiantes soulignent le dynamisme de ce marché, porté par la croissance du nombre d'abonnés au haut débit, les offres de vidéo à la demande se développant aussi bien sur Internet ("over the top") que sur la télévision par ADSL. Elles indiquent que l'émergence de la télévision connectée et l'entrée probable sur ce marché de puissants opérateurs étrangers de l'Internet devraient encore en accélérer l'essor et bouleverser la dynamique concurrentielle au détriment de GCP. Elles font notamment valoir qu'au Royaume-Uni, la Competition Commission vient de clore son enquête sur la diffusion de films sur la télévision payante en constatant que de nouveaux entrants comme Netflix et LoveFilm (une filiale du groupe de commerce en ligne Amazon) y exercent une pression concurrentielle suffisante sur Sky, principal opérateur du secteur.

276. Les autorités de la concurrence britanniques se sont en effet récemment interrogées sur la pression concurrentielle exercée par les offres de vidéo à la demande sur les offres de télévision payante de Sky, dans la mesure où Netflix et LoveFilm ont récemment conclu pour le Royaume-Uni des accords avec plusieurs studios américains pour l'acquisition en exclusivité de droits de première fenêtre de télévision payante, ainsi que des accords avec des majors et d'autres studios pour l'acquisition de droits de deuxième ou troisième fenêtre. L'autorité britannique a considéré, dans une décision non-définitive, que le développement de ces offres montre que Netflix et LoveFilm ont la possibilité de concurrencer Sky sur les marchés de l'acquisition de droits premium. De ce fait, elle a renoncé à ce stade à prendre des mesures régulant l'accès de Sky et visant par exemple à limiter le nombre de majors avec lesquelles Sky pourrait conclure des contrats cadres (148).

277. De même, l'ARCEP, dans son avis du 26 avril 2012, remarque qu'"il serait regrettable que GCP soit entravé dans un jeu concurrentiel qui sera prochainement animé par des grands acteurs internationaux comme Apple, Google ou Netflix qui proposent déjà des services de télévision connectés et innovants" (149).

278. La consommation de télévision payante non linéaire ou de services de médias audiovisuels à la demande est effectivement en forte croissance, mais la discipline concurrentielle que ces nouveaux modes de consommation sont réellement en mesure d'exercer sur les offres de télévision payante linéaire de GCP doit faire l'objet, s'agissant tout particulièrement des contenus cinéma, d'une analyse approfondie prenant en compte les spécificités des marchés français de l'audiovisuel qui limitent beaucoup la pertinence des comparaisons faites avec d'autres pays.

279. A ce jour, l'offre de ce type de service est en forte croissance mais reste limitée (b). Le fonctionnement des marchés du cinéma en France, et notamment les dispositions visant à favoriser le financement de la création cinématographique, contraignent beaucoup le développement de ces offres en France (c). De plus, du point de vue de la nature des services offerts et de leur prix, ces deux types de services n'apparaissent pas vraiment substituables à ceux offerts par les chaînes de télévision payante de GCP (d). Au total, la pression concurrentielle qu'elles pourraient exercer sur GCP est limitée (e). Enfin, il faut relever que GCP, également présent sur ce marché, est en mesure d'y fausser le jeu de la concurrence du fait de la position qu'il occupe sur les marchés d'acquisition de droits pour la télévision payante linéaire (f).

b) La place limitée de l'offre non linéaire dans l'ensemble des offres audiovisuelles en France

280. Comme l'observent les parties, la croissance du marché français des services de vidéo à la demande a été particulièrement soutenue au cours de la période récente, sachant que ce marché était naissant en 2006 :

Evolution du chiffre d'affaires dans le secteur de la vidéo

<EMPLACEMENT TABLEAU>

281. Les supports physiques (DVD et Bluray) représentaient en 2011 encore près de 85 % du secteur de la vidéo mais le visionnage de vidéos à la demande via une offre de télévision payante, ou encore directement sur Internet ("over the top") s'y substitue progressivement. La vidéo à la demande atteint, en 2011, 15 % du chiffre d'affaires total du secteur de la vidéo. Au total, le chiffre d'affaires des offres de vidéo à la demande a enregistré une hausse de 40 % en 2010 et de 64 % en 2011.

282. La consommation de vidéo à la demande demeure cependant très marginale lorsqu'on compare le chiffre d'affaires qu'elle a généré en 2011 (230 millions d'euro) à celui de la télévision payante linéaire (plus de 6 milliards d'euro (151)). Selon le CNC, 66 % du chiffre d'affaires de la vidéo à la demande correspond, sur les 10 premiers mois de l'année 2011, à la diffusion d'œuvres cinématographiques (152) le reste du chiffre d'affaires étant essentiellement constitué de contenus "adultes" (24,5 %), de séries et de documentaires.

283. La consommation de vidéo à la demande se fait en grande majorité dans le cadre d'offres de télévision payante, alors que le visionnage direct sur Internet ne représentait sur les dix premiers mois de l'année 2011 qu'environ 15 % du chiffre d'affaires. Il s'agit essentiellement de locations (153) même si le téléchargement définitif est également possible.

284. La vidéo à la demande est caractérisée par l'existence d'un grand nombre d'offreurs : selon le rapport de Mme Sylvie Hubac au CNC sur le développement des services de vidéo à la demande et leur impact sur la création (154), il existait en décembre 2010, 53 éditeurs de vidéo à la demande, dont les deux tiers n'étaient accessibles que sur Internet et un tiers via la télévision payante. Dans sa notification, GCP liste les principaux éditeurs suivants :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

285. L'acquisition des droits de diffusion en vidéo à la demande se fait pour le moment sur un mode non exclusif (155) et les mêmes programmes sont disponibles sur plusieurs plateformes. Au total, 5 094 films de cinéma étaient proposés en juin 2010. Selon les parties notifiantes, plusieurs catégories d'acteurs sont présents sur ce marché : les chaînes, les fournisseurs d'accès à Internet, les "pure players" dont le seul métier est la vidéo à la demande (e.g., Video Futur), les éditeurs de vidéos, les détenteurs de droits, les distributeurs physiques (e.g., FNAC, Virgin) et les plateformes Internet (e.g., Apple avec iTunes).

286. Ce marché est toutefois relativement concentré puisque cinq acteurs réalisent plus de [70-100] % du marché : Orange est le principal offreur avec [30-40] %, suivi de SFR [10-20 %] puis de Videofutur avec [10-20] %, CanalPlay (environ [10-20] %) et TF1 [5-10] %.

287. La vidéo à la demande par abonnement est restée jusqu'à présent marginale (de l'ordre de 15 millions d'euro de chiffres d'affaires à fin juin 2011). Cette évolution est atypique puisque la Commission européenne constatait dans un rapport de 2010 qu'au niveau européen le modèle d'abonnement croissait plus vite que la vidéo à la demande à l'acte (156).

288. Seules quelques offres de vidéo à la demande par abonnement ont été lancées à ce jour en France par des concurrents de GCP tels que Free, jusqu'à une date récente leader du secteur avec environ 100 000 abonnés, Orange (dont l'offre ne comprend cependant que des contenus jeunesse et musicaux, uniquement accessibles en second niveau aux abonnés des bouquets spécialisés jeunesse et musique), M6 (offre de séries), et Filmo TV, lancé par le distributeur de films Wild Bunch et repris sur Orange et Vidéo Futur.

289. Le 8 novembre 2011, GCP a lancé son offre, CanalPlay Infinity, à 9,99 euro par mois. Au mois de mars 2012, cette offre comptait déjà 25 000 abonnés (157). Free a annoncé l'arrêt pur et simple de son offre de vidéo à la demande par abonnement à compter du 30 juin 2012. Il distribuera désormais CanalPlay Infinity, également distribué par SFR et Bouygues Télécom, ce qui fait de CanalPlay Infinity l'unique service distribué sur toutes les plateformes commerciales à l'exception d'Orange.

290. Les parties notifiantes soulignent cependant le très fort potentiel de croissance de la vidéo à la demande par abonnement et estiment que TF1 ainsi que des acteurs puissants de l'Internet comme Google, Apple (iTunes), Facebook, Dailymotion, Netflix (qui compte 23 millions d'abonnés aux Etats-Unis) et Amazon devraient prochainement lancer des offres en ligne en France.

291. Cependant, jusqu'à présent, le marché de la vidéo à la demande en France a été, comme le montrent les données présentées ci-dessus, dominé par les offres des acteurs de la télévision payante accessibles par ADSL sur un téléviseur. Le développement de la télévision connectée ainsi que le phénomène de visionnage sur les tablettes connectées par wifi pourrait faire évoluer cette situation dans la mesure où elle donnera accès aux offres qui ne sont accessibles que sur Internet, comme iTunes, avec le confort visuel des téléviseurs ou des tablettes.

c) Barrières au développement des offres non linéaires

292. Le rapport Hubac a relevé l'existence de nombreux obstacles au développement des services de médias audiovisuels à la demande. L'instruction a confirmé que ces obstacles étaient toujours d'actualité, en particulier ceux tenant à la chronologie des médias et au comportement des acteurs (i), ainsi qu'aux règles relatives au financement de la production cinématographique (ii).

(i) La chronologie des médias et les comportements des acteurs

293. En premier lieu, les préoccupations liées au financement de la création cinématographique française ont conduit à aménager des fenêtres d'exploitation de la vidéo à la demande tout en préservant celles des autres modes de diffusion des œuvres, dont les offres de télévision payante linéaires. L'accord du 6 juillet 2009 pour le réaménagement de la chronologie des médias ouvre une première fenêtre d'exploitation exclusive pour la vidéo à la demande à l'acte commune à celle des vidéos sur supports physiques (DVD et Bluray) entre 4 et 10 mois après la sortie des films en salle. L'exploitation en vidéo à la demande à l'acte sous forme locative pourrait, sur la base de ce texte, se poursuivre pendant les fenêtres d'exploitation des chaînes de télévision payantes (entre 10 et 22 mois après la sortie en salles) puis gratuites (entre 22 et 36 mois).

294. Toutefois, les conditions de préachat de films négociés par GCP, acheteur quasi-exclusif pour les fenêtres payantes, prévoient systématiquement le retrait des œuvres des offres locatives de vidéo à la demande après 10 ou 12 mois. Le rapport Hubac note à ce sujet que "toutes les personnes rencontrées au cours de la mission reconnaissent cependant que la fenêtre des chaînes payantes qui contribuent de manière essentielle au préfinancement du cinéma français, en particulier Canal Plus pour près de 240 millions d'euro, doit être préservée car la concurrence serait trop directe entre deux modèles payants, accessibles directement sur l'écran de télévision" (158).

295. Le gel des fenêtres de diffusion se poursuit, à l'exception d'Arte, pour les fenêtres gratuites à l'initiative des chaînes ayant contribué au préfinancement de l'œuvre. De ce fait, de nombreux films, et notamment les plus attractifs, ne sont pas disponibles pour une location en vidéo à la demande dans l'intervalle existant entre le dixième et le trentième mois après leur sortie en salle (voire encore plus tard, en fonction des dispositions contractuelles) ou le trente-sixième mois.

296. Quant à la vidéo à la demande par abonnement, l'accord de 2009, récemment reconduit, ne l'autorise que pour les films sortis en salle depuis plus de 36 mois.

297. Il s'ensuit que, comme le relève le rapport Hubac, l'offre de vidéo à la demande reste insatisfaisante pour les consommateurs dans la mesure où "trop peu d'œuvres fraîches sont disponibles dans la fenêtre de nouveautés qui s'ouvre pour la VàD de 4 à 10 mois après la sortie en salles - 44 % des films sortis en salle sont disponibles 4 mois plus tard en VàD, contre un taux de transformation de 74 % pour le Bluray (...)" (159). Le rapport Hubac note aussi que nombre de films français classiques ou très connus comme La Grande Vadrouille ou Les Bronzés ne sont pas disponibles en vidéo à la demande en raison des gels de droits par les chaînes de télévision. En effet, les chaînes de télévision qui ont coproduit les œuvres bénéficient de droits de préemption sur la vente des droits de diffusion de ces films qui sont régulièrement rediffusés sur les chaînes gratuites.

298. Un facteur supplémentaire de limitation du développement de la vidéo à la demande à l'acte comme à l'abonnement réside dans la concurrence de la télévision de rattrapage. En effet, si les offres de vidéo à la demande s'interrompent du dixième au trentième mois, selon les cas, la première diffusion payante ouvre une fenêtre de trois mois de télévision de rattrapage pendant laquelle l'œuvre pourra être visionnée sans limitation par les abonnés ; il en va de même de la deuxième diffusion payante, qui offre une seconde fenêtre de trois mois de visionnage possible. La télévision de rattrapage offre donc un substitut partiel au blocage pendant près de deux ans de la vidéo à la demande.

299. Les parties notifiantes font valoir qu'à l'étranger les détenteurs de droits et les éditeurs de services audiovisuels négocient également un système de fenêtres pour la télévision payante et la vidéo à la demande, que GCP assimile à la chronologie des médias. Ce système n'est cependant pas rendu obligatoire par la loi comme il l'est en France et de fait, les durées peuvent être négociées différemment d'un studio à l'autre et d'un contrat à l'autre, les fenêtres de télévision payante restant toutefois toujours exclusives.

300. Les grands acteurs internationaux de la vidéo à la demande par abonnement comme Netflix et LoveFilm ont donc la possibilité, en dehors de la France, de négocier avec les studios américains des droits de première ou deuxième fenêtres payante et donc de proposer des films en vidéo à la demande par abonnement quelques mois après leur sortie en salles, et ce sans que ces films ne soient retirés de l'offre quelques mois après. Netflix est par exemple titulaire d'un contrat avec Paramount pour le Canada et avec Dreamworks Animation pour les Etats-Unis. De plus, pour les Etats-Unis, Netflix est titulaire d'un contrat avec Paramount pour diffuser des films en vidéo à la demande 90 jours seulement après leur diffusion sur la chaîne payante Epix. De la même manière, LoveFilm dispose d'un contrat avec Paramount pour l'Allemagne. L'un des grands acteurs internationaux de la vidéo à la demande par abonnement interrogé dans le cadre de l'instruction relève d'ailleurs que ses diverses implantations nationales se sont toutes appuyées sur la diffusion de films récents (c'est-à-dire sortis depuis moins de 36 mois) (160).

301. De même, si l'offre de vidéo à la demande par abonnement de Netflix ou LoveFilm est effectivement en partie composée de films de catalogue, c'est-à-dire après un premier cycle d'exploitation en télévision payante et gratuite, cela ne signifie nullement qu'une offre totalement dénuée de films récents pourrait s'avérer compétitive, sinon viable. L'étude de l'IDATE précitée, remise au CSA en juin 2011, précise ainsi qu'"un service comme celui de Netflix serait bien entendu impossible à opérer en France où la chronologie des médias fixe à 36 mois à compter de la date de sortie en salles le délai à partir duquel un film peut être exploité sur un service de médias audiovisuel à la demande".

302. En comparaison de ce qui peut être observé dans d'autres pays, la rigidité induite par l'actuelle chronologie des médias freine donc effectivement l'offre de vidéo à la demande en France.

(ii) Les contributions au financement du cinéma

303. Le décret du 12 novembre 2010 impose des obligations aux services de médias audiovisuels à la demande en matière de contribution au développement de la production d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques. Cette contribution est fixée pour la vidéo à la demande à l'acte comme par abonnement à 15 % du chiffre d'affaires en faveur des œuvres européennes et à 12 % en faveur des œuvres françaises. Une contribution plus élevée de 26 % du chiffre d'affaires dans la production d'œuvres audiovisuelles ou cinématographiques européennes et de 22 % du chiffre d'affaires dans la production d'œuvres EOF a par ailleurs été prévue si le service propose 10 films de cinéma avant 22 mois après la sortie en salles, taux qui serait applicable dans l'hypothèse où la chronologie des médias était réaménagée pour permettre un accès de la vidéo à la demande par abonnements à des films plus récents qu'en l'état de la réglementation. De plus, un quota d'exposition de 60 % pour les œuvres européennes et de 40 % pour les œuvres EOF est imposé à l'ensemble du catalogue (50 et 35 % pendant les trois premières années) (161). Un grand acteur international de la vidéo à la demande par abonnement actuellement non présent en France fait valoir que cette disposition est incompatible avec l'une des clés du marketing de son offre qui consiste à proposer au visiteur de son site une offre adaptée à ses préférences en fonction de ses visites passées, que ce soit lors de ses visites suivantes ou sous forme de messages électroniques qui lui sont ensuite adressés (162).

304. Certes, comme le souligne le rapport Hubac, ces dispositions ne peuvent être imposées qu'aux acteurs installés en France. Par exemple, Apple, qui propose son offre de vidéo à la demande sur iTunes à partir du Luxembourg ne serait pas tenu de respecter cette réglementation.

305. D'autres obstacles au développement des offres de vidéo à la demande à l'acte, analysés dans le rapport Hubac et l'étude de l'IDATE, sont de nature à relativiser la perspective d'un bouleversement à court terme :

- des difficultés d'accès des services de vidéo à la demande aux offres audiovisuelles des FAI ;

- un partage de la valeur ajoutée défavorable à l'éditeur du service, en particulier lorsque celui-ci est hébergé par un FAI ;

- l'existence d'un minimum garanti de rémunération des ayants droits par acte de location qui freine les offres promotionnelles.

306. Le fait les grands acteurs internationaux de l'Internet et de la vidéo à la demande se sont jusqu'à présent montrés particulièrement prudents dans leur approche du marché français confirme qu'ils perçoivent parfaitement ces obstacles. Apple, via iTunes propose depuis le Luxembourg une offre de vidéo à la demande mais pas de vidéo à la demande par abonnement. Aucun des grands acteurs de l'Internet et de la vidéo à la demande interrogés dans le cadre de l'instruction n'a indiqué avoir l'intention à court terme de lancer en France une offre de vidéo à la demande par abonnement.

d) La faible substituabilité des services de vidéo à la demande avec les offres de télévision payante linéaire

307. Comme indiqué ci-dessus dans les développements relatifs à la définition des marchés pertinents, la substituabilité des offres de vidéo à la demande à l'acte avec les services de télévision payante linéaire est très imparfaite. Indépendamment des freins spécifiques au marché français, l'offre de vidéo à la demande à l'acte peut concerner des films récents (3 mois ou 4 mois après leur sortie en salle) mais pour un prix relativement élevé : 3,99 euro sur iTunes et 4,99 euro pour les autres offreurs pour des films récents (plus 1 euro pour une qualité HD). Il en découle que l'achat de 8 films récents non HD équivaut au prix d'un mois d'abonnement au bouquet des chaînes Canal+, ce dernier offrant 30 films inédits par mois ainsi que de nombreux autres programmes.

308. Du point de vue du consommateur final, le service offert est différent : les services de télévision payante linéaire sont caractérisés par l'agrégation de divers programmes ou de diverses chaînes thématiques qui ont fait l'objet d'une sélection par l'éditeur, tandis que le consommateur de vidéo à la demande doit se repérer et choisir au sein de catalogues de plusieurs milliers de références et entre les offres de plusieurs éditeurs de services (163). La vidéo à la demande offre la liberté de choix, la maîtrise des horaires, la possibilité de suspendre la diffusion, de revenir en arrière ou d'accélérer la lecture, ces derniers avantages étant cependant relativisés par le nombre de rediffusions et les offres de télévision de rattrapage des services linéaires.

309. De fait, à ce jour, la consommation de vidéo à la demande en France s'est surtout développée en substitution de la demande de vidéo en support physique, en location ou à l'achat, le chiffre d'affaire global généré par l'ensemble des produits vidéo restant globalement inchangé. Le groupe Orange observe ainsi que "la VàD s'inscrit dans la dynamique d'un marché de la vidéo locative et vente qui est largement celui de la vidéo physique aujourd'hui. La VàD est donc soumise aux contraintes d'un marché de détail reposant sur la consommation à l'acte, lui-même largement dépendant du revenu disponible des consommateurs. Aussi pour une large part, la croissance de la VàD se fera en substitution de la vidéo physique. Depuis 5 ans la VàD a cru sensiblement mais son chiffre d'affaires n'a fait que suppléer celui de la vidéo physique tandis que le Bluray occupait une part plus importante vis-à-vis du DVD" (164). Les parties n'ignorent d'ailleurs pas ce point puisqu'elles placent bien les vidéos en support physique en première place des produits auxquels vient se substituer la vidéo à la demande qui, selon elles, "remplace avantageusement la location vidéo mais aussi l'achat de DVD et l'abonnement à des chaînes payantes" (165).

310. La substituabilité devrait bien davantage en revanche se manifester à l'avenir entre la vidéo à la demande par abonnement et la télévision payante linéaire, comme le soulignent plusieurs acteurs du secteur comme Free ou Filmoline. Les prix des offres par abonnement qui donnent accès à un nombre illimité de films sont beaucoup plus attractifs que ceux de la vidéo à l'acte (par exemple, CanalPlay Infinity est proposé à 9,99 euro par mois), et l'offre d'abondance renouvelée chaque mois donne de réelles possibilités d'éditorialisation et d'adaptation aux préférences des internautes.

311. Cependant, ces tarifs ne donnent actuellement accès qu'à des films de catalogue, les films récents étant bloqués par le délai de 36 mois. Par rapport à la fraicheur des films offerts en première et seconde fenêtre payante, la concurrence n'est donc encore que virtuelle.

312. Le CSA estime ainsi que "si elles permettent de visionner des films récents, [les offres de vidéo à la demande] n'exercent pas, selon le Conseil, une pression concurrentielle significative sur les offres du groupe Canal Plus. Il relève à cet égard que le groupe Canal Plus a procédé à plusieurs augmentations de ses prix de détail depuis 2007. S'agissant du développement des offres de vidéo à la demande par abonnement, le Conseil estime qu'elles ne constituent pas, en l'état actuel de la chronologie des médias, une pression concurrentielle significative sur les offres de télévision payante du groupe Canal Plus" (166). On peut encore noter que l'offre de vidéo à la demande n'apparaît pas avoir affecté le niveau des abonnements aux offres de GCP : comme le note la grande majorité des répondants au test de marché, le taux de churn des offres de GCP en France métropolitaine est en constante diminution depuis 2008 et les recrutements ont connu une augmentation en 2010 (167).

e) La faiblesse de la pression concurrentielle exercée à court terme par les services non linéaires sur l'offre de télévision payante linéaire

313. Même dans les pays dans lesquels l'offre de vidéo à la demande par abonnement est plus dynamique qu'en France, la pression concurrentielle exercée par ces offres sur la télévision payante linéaire est limitée. Ainsi, dans un commentaire publié en avril 2012, l'Ofcom, le régulateur britannique du secteur des télécommunications, relativisait l'impact du lancement des offres de Netflix et LoveFilm sur le marché de la télévision payante au Royaume-Uni en notant le caractère essentiellement non premium des contenus proposés à ce jour par abonnement, reflétés dans leur prix (4,99 pounds par mois pour Netflix et 5,99 pounds pour LoveFilm (168)), et le fait que Sky n'avait pas réagi à ces entrées en modifiant ses offres de télévision payante mais plutôt en lançant son propre service de vidéo à la demande (169).

314. Par ailleurs, la Competition Commission a relevé que, même si Netflix compte 22 millions d'abonnés aux Etats-Unis où il s'est développé depuis 2007 et où l'opérateur dispose des droits de première fenêtre payante auprès d'un major, globalement, cet essor ne semble pas avoir eu un impact sur les offres de télévision payante premium (170).

315. En France, la pression concurrentielle exercée par les offres de vidéo à la demande par abonnements sur la télévision payante linéaire est encore affaiblie par les caractéristiques propres au marché national relevées ci-dessus.

f) La place significative de GCP sur les marchés de services non linéaires

316. L'analyse des effets de l'opération sur les marchés non linéaires ci-dessous montrera que GCP participe au développement de la vidéo à la demande par le biais de ses offres de consommation à l'acte, CanalPlay, et par abonnement, CanalPlay Infinity. Après l'arrêt de la commercialisation du service de Free (Free Home Video), il est le principal acteur du marché de la vidéo à la demande par abonnement en France. Or, sa position sur les marchés de droits, la détention d'un important catalogue de films via StudioCanal et sa présence sur toutes les plateformes à l'exception d'Orange pourraient lui permettre de freiner l'essor d'offres concurrentes et de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés de la vidéo à la demande.

3. SUR LES EFFETS DE L'OPÉRATION SUR LES MARCHÉS DE SERVICES NON LINÉAIRES

317. Après avoir étudié les effets horizontaux de l'opération sur les marchés amont et aval (a), l'analyse concurrentielle s'intéressera à ses effets verticaux (b) et congloméraux (c).

a) Effets horizontaux de l'opération sur les marchés de l'acquisition des droits et de la distribution des services non linéaires (318). L'impact de la concentration sur les marchés de la distribution des services de vidéo à la demande seront analysés (ii) après un examen des effets horizontaux sur les marchés de l'acquisition de droits pour la vidéo à la demande (i).

(i) Effets de l'opération sur les marchés de l'acquisition des droits relatifs à une exploitation en vidéo à la demande

Conditions d'acquisition des droits

319. En matière de films américains, les droits de diffusion en vidéo à la demande à l'acte font l'objet de contrats cadres d'acquisition. Les contrats cadres portant sur une diffusion en vidéo à la demande couvrent généralement les mêmes films que les contrats relatifs à la diffusion en télévision payante linéaire mais le système de rémunération est différent puisque l'opérateur du service de vidéo à la demande et le studio se partagent les revenus générés par le visionnage de chaque film. Par ailleurs, la durée des droits d'exploitation en vidéo à la demande peut être suspendue par le studio pendant la fenêtre de télévision payante.

320. De plus, contrairement aux acquisitions de droits pour une diffusion en télévision linéaire, les droits portant sur une diffusion en vidéo à la demande sont en général acquis en non exclusivité. Cette modalité de vente qui, selon la plupart des studios américains, était déjà une pratique standard partout dans le monde pour les droits d'exploitation en vidéo à la demande, fait partie des engagements souscrits par GCP en 2006.

321. S'agissant des œuvres d'origine française, les droits relatifs à une diffusion en vidéo à la demande sont également acquis pour une exploitation non exclusive. Le montant demandé peut varier selon le titre (et notamment le nombre d'entrées en salles généré par le film pour les œuvres cinématographiques), la catégorie de titres (sélection de titres, nouveautés), le support et/ou l'ayant droit. Les œuvres françaises font également l'objet de minima garantis par titre qui impliquent que la part revenant à l'ayant droit est incompressible, même si l'éditeur décide de baisser le prix de vente.

322. Les modalités d'acquisition des droits sont en revanche très différentes pour la vidéo à la demande par abonnement. Compte tenu des caractéristiques de l'offre, qui implique la possibilité d'une consommation illimitée pour le consommateur, les droits des films sont essentiellement acquis "flat", c'est-à-dire une fois pour toutes sans partage des revenus entre l'éditeur du service et l'ayant droit. Cette évolution récente a rencontré une certaine opposition des ayant droits, attachés au partage de la valeur, mais semble s'imposer, débouchant sur un modèle économique très différent dans lequel les possibilités de barrière à l'entrée sont à l'évidence supérieures à celles du modèle précédent.

Position des parties

323. En premier lieu, s'agissant de l'acquisition de droits pour une exploitation en vidéo à la demande à l'acte, il n'a pas été possible d'établir les parts de marché des parties notifiantes faute de données suffisantes. Il n'en reste pas moins que, conformément à l'analyse dressée en 2006, les parties ont conservé des positions très importantes sur les marchés amont. Ainsi, pour l'année 2010, le montant total des investissements réalisés par GCP pour l'achat de droits cinématographiques relatifs à une diffusion en vidéo à la demande s'élève à [...] millions d'euro (171) (dont [...] millions d'euro pour des films français et [...] millions d'euro pour des films américains) pour un total de [...] films disponibles sur son service CanalPlay. Pour sa part, SFR a investi sur ces marchés en 2010 un total d'environ [...] millions d'euro (soit [...] millions d'euro pour des films français et [...] millions d'euro pour des films américains).

324. Néanmoins, Orange apparaît aujourd'hui en position de leader sur les marchés d'acquisition de droits pour une exploitation en vidéo à la demande et le marché comporte d'autres acteurs significatifs, tels que MyTF1 et Vidéo Futur. A ces principaux acteurs, s'ajoutent de nombreux autres opérateurs de taille plus modeste tels M6, Arte VàD ou encore Virgin Méga.

325. En second lieu, s'agissant de l'acquisition de droits pour une exploitation en vidéo à la demande par abonnement, ce marché reste aujourd'hui très embryonnaire : GCP a lancé sa plateforme CanalPlay Infinity le 8 novembre 2011 et totalisait 25 000 abonnés en mars 2012 (172) soit, en raison d'un abonnement facturé 9,99 euro par mois, un chiffre d'affaires de l'ordre de [...] millions d'euro. Le service de Free, qui a été un pionnier en ce domaine, comptait à la veille de sa fermeture environ [...] abonnés, qui devraient probablement pour leur grande majorité se reporter sur la plate forme Canal Play Infinity puisque celle-ci est désormais la seule offre aujourd'hui disponible pour les abonnés de ce FAI.

326. D'autres offres existent, mais avec un catalogue limité ou plus spécialisé, et un nombre d'abonnés marginal : c'est le cas du service de M6 (Pass Series M6, composé de séries) ou celui de Lagardère (Pass Kids), ou encore Pass Cinéma, composé exclusivement de films anglo-saxons, tous disponibles sur SFR, ou le cas des services d'Orange (offres musique et jeunesse) ou de FilmoTV. D'autres offres sont annoncées, de la part de TF1 notamment.

327. Comme indiqué dans les développements précédents, ces offres restent, en l'état de la réglementation, cantonnées aux films de catalogue et, même si ce secteur présente un fort potentiel de croissance, les barrières sont telles que l'entrée des principaux offreurs internationaux de vidéo à la demande par abonnement n'est pas envisagée à court terme sur le marché français.

Barrières à l'entrée

328. Comme l'ont observé les autorités de concurrence en 2006, les barrières à l'entrée sur les marchés de l'achat de droits pour une exploitation en vidéo à la demande sont notablement moins élevées que pour une exploitation sur télévision payante linéaire. En effet, d'une part les difficultés inhérentes à la création d'une chaîne n'existent pas dans le cas de la distribution de services délinéarisés et, d'autre part, dans la mesure où les droits achetés sont non exclusifs, l'investissement à l'amont est significativement moins élevé.

329. Il convient cependant d'introduire là encore une distinction entre l'achat de droits pour la vidéo à la demande à l'acte et par abonnement. Pour la vidéo à la demande à l'acte, en effet, il peut y avoir un minimum garanti, mais le modèle économique est celui d'un partage de la valeur entre l'ayant droit et l'éditeur, comme il a été explicité ci-dessus ; les barrières à l'entrée ont donc vocation à rester faibles. Pour la vidéo à la demande par abonnement, dans la mesure où il s'agit actuellement très majoritairement de films de catalogue, les barrières à l'entrée ne semblent pas élevées ; il pourrait en aller différemment à l'avenir, dans la mesure où les droits sont achetés film par film (ou par bloc de films) pour un montant fixe, qui pourrait rapidement s'élever si la vidéo à la demande par abonnement connaissait un succès croissant.

330. A l'heure actuelle, cependant, au-delà des barrières au développement des offres non linéaires déjà étudiées ci-dessus, la principale difficulté tient, pour certains éditeurs de services de vidéo à la demande, à leur capacité à se faire référencer par des distributeurs de services vidéos (FAI, câblo-opérateurs), pour pourvoir rapidement rentabiliser leurs droits. Le groupe TF1 note ainsi que "la VàD consommée sur un écran de télévision représente l'essentiel du marché aujourd'hui. Or, pour pouvoir accéder aux écrans de télévision des consommateurs, il faut que l'éditeur de services de VàD noue un accord de référencement et de transport avec le distributeur de télévision payante" (173). Le rapport Hubac relève pour sa part que "l'accès à l'écran de télévision est (...) déterminant pour le développement des éditeurs de VàD. Malgré l'arrivée des télévisions connectées, la consommation de VàD par IPTV [télévision par ADSL] sur les boxes des FAI devrait selon toute vraisemblance rester dominante dans les 4 ou 5 ans à venir" (174).

331. Cette situation peut s'avérer problématique lorsque les distributeurs sont également éditeurs de leurs propres services de vidéo à la demande, comme GCP. Le distributeur intégré est ainsi incité à restreindre les contenus des offres concurrentes qu'il référence sur sa plateforme de distribution : l'opérateur peut par exemple demander que l'offre du tiers soit expurgée des programmes existant également dans son service de vidéo à la demande propriétaire (175).

332. En ce qui concerne la vidéo à la demande par abonnement, comme il a été indiqué ci-dessus, l'offre de GCP est la seule offre disponible sur CanalSat par satellite, sur Free et sur Bouygues Telecom. Sur SFR, l'offre de GCP est la seule à caractère généraliste.

333. Dès lors, il peut s'avérer difficile pour un éditeur indépendant de services de vidéo à la demande de rentabiliser les droits qu'il a acquis et, par conséquent, d'investir sur les marchés amont (176). Cette problématique est d'ailleurs clairement identifiée par le rapport Hubac qui s'inquiète notamment de la régulation des relations entre les fournisseurs d'accès et les éditeurs de services de vidéo à la demande (177).

Contrepouvoir des détenteurs de droits

334. S'agissant des détenteurs de droits américains, les autorités de concurrence avaient relevé, en 2006, que les studios américains disposaient d'un certain pouvoir de négociation et n'étaient pas incités à conclure des contrats exclusifs pour l'exploitation de leurs droits en vidéo à la demande (178).

335. GCP fait cependant valoir que le modèle de non exclusivité sur lequel la vidéo à la demande s'est jusqu'à présent développé serait en train d'évoluer. Son représentant a soutenu en séance que Netflix s'est développé au Royaume-Uni avec une offre de films en exclusivité. Netflix achète effectivement auprès de studios américains des premières fenêtres payantes pour proposer des films récents en vidéo à la demande par abonnement.

336. S'agissant des ayant droits français, ceux-ci commercialisent leurs droits relatifs à la vidéo à la demande à l'acte auprès d'un nombre significatif d'opérateurs. Par ailleurs, même si la vente de droits de diffusion en vidéo à la demande contribue au financement de la production française, les producteurs apparaissent nettement moins dépendants de cette source de revenu qu'ils ne le sont du préachat de fenêtres de diffusion payante, sur laquelle ils font face au monopsone de GCP. Par conséquent, le pouvoir de négociation de GCP face aux ayant droits français pour l'achat de droits de diffusion en vidéo à la demande apparaît en théorie moins élevé. Reste néanmoins que la position dominante de GCP en matière d'achats pour la télévision linéaire soulève des risques congloméraux analysés ci-dessous.

337. En ce qui concerne les droits pour une diffusion en vidéo à la demande par abonnement, ceux-ci sont actuellement cantonnés, en matière cinématographique, aux films de catalogue. Or les droits de diffusion des films de catalogue français sont détenus par des acteurs (tels que StudioCanal, Gaumont ou encore Pathé) moins atomisés que ne le sont les producteurs français. Ces détenteurs de catalogue disposent par ailleurs d'autres débouchés que les services de vidéo à la demande pour commercialiser leurs droits, avec notamment la demande émanant des chaînes de télévision gratuite.

338. Il s'ensuit qu'en l'état actuel de développement du marché de la vidéo à la demande par abonnement et dans le cadre de la chronologie des médias existante l'opération ne porte pas atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les marchés de l'acquisition de droits pour l'édition de services non linéaires.

(ii) Effets horizontaux sur les marchés de la distribution de services non linéaires

339. En premier lieu, s'agissant de la distribution de vidéo à la demande à l'acte, le CNC évalue le chiffre d'affaires généré par le marché (hors vidéo à la demande par abonnement) à 126,7 millions d'euro en 2010. Sur ce marché, GCP a réalisé en 2010 un chiffre d'affaires de [...] millions d'euro, soit une part de marché en valeur de [10-20] % à laquelle il convient d'ajouter la part de marché de SFR évaluée à environ [10-20] % (179), soit un total de [20-30] % pour l'ensemble du groupe Vivendi. Orange, TF1 et Video Futur détiennent des parts de marché estimées en valeur respectivement à [40-30] %, [10-5] % et [20-10]%. Comme précédemment indiqué, à côté de ces principaux acteurs, interviennent de nombreux autres opérateurs de taille plus modeste tels que M6, Arte VàD ou encore Virgin Média.

340. En second lieu, s'agissant de la distribution de vidéo à la demande par abonnement, le marché étant embryonnaire, il n'a pas été possible de calculer des parts de marché précises. Il convient cependant d'observer que GCP a lancé son offre CanalPlay Infinity le 8 novembre 2011 et que la presse a rendu publiques en mars 2012 des déclarations du président de GCP selon lesquelles CanalPlay Infinity compterait 25 000 abonnés (180). De plus, cette offre est actuellement en train de se substituer à celle d'un des principaux opérateurs de télécommunication du marché puisque, depuis le mois de juillet 2012, l'offre CanalPlay Infinity remplace Free Home Vidéo, le service de vidéo à la demande par abonnement proposé par Free à ses abonnés. A l'heure actuelle, le service CanalPlay Infinity semble le seul service à vocation généraliste, puisqu'il propose du cinéma français et américain, des séries, des contenus destinés à la jeunesse et de découverte, et qu'il est disponible sur la quasi-totalité des plateformes à l'exception d'Orange. Par ailleurs le service de GCP est également le seul à être disponible en auto-distribution, à partir d'Internet, la facturation et la relation client relevant dans ce cas de GCP.

341. Enfin, sur les marchés aval de la vidéo à la demande à l'acte ou par abonnement, les barrières à l'entrée sont essentiellement d'ordre réglementaire et liées à la difficulté inhérente au référencement des éditeurs de service de vidéo à la demande non-intégrés à un FAI ou un câblo-opérateur. Comme évoqué précédemment, ces barrières sont particulièrement sensibles pour les grands opérateurs internationaux de vidéo dans la mesure où elles remettent en cause leur modèle économique et le contenu de leur offre. En revanche, pour des opérateurs nationaux proposant une offre adaptée aux contraintes réglementaires, ces barrières à l'entrée sont sensiblement moins élevées que celles qui sont observées sur les marchés de la distribution de services cinéma sur la télévision payante linéaire. Ainsi, plusieurs offres seraient en cours de lancement.

342. Il s'ensuit que l'opération ne porte pas atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur le marché de la distribution de services non linéaires à l'acte. Sur le marché de la distribution de services non linéaires par abonnement, le caractère émergent et très rapidement évolutif du marché ne permet pas de se prononcer.

b) Effets verticaux sur les marchés de la distribution d'offres non linéaires

343. Les films de catalogue constituent le principal intrant des offres de vidéo à la demande puisque les œuvres cinématographiques ont représenté 64,2 % des recettes en 2010, l'essentiel de l'offre étant constitué de films de catalogue (84,2 % des films disponibles) (181).

344. De plus, selon le CNC, 45 % des films consommés en vidéo à la demande sont d'origine française. Il convient en effet de rappeler que le chapitre II du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande dispose que "à tout moment, les éditeurs de services réservent respectivement dans le nombre total d'œuvres cinématographiques de longue durée et audiovisuelles mises à disposition du public une part au moins égale à : 60 % pour les œuvres européennes [et] 40 % pour les œuvres d'expression originale française".

345. Or, comme déjà relevé, StudioCanal est l'un des leaders européens de la distribution de films de catalogue avec un portefeuille de droits comptant [environ 5 000] œuvres, dont [...] d'origine française et [...] d'origine européenne (hors France) (182), soit environ [30-40] % du nombre des films dits "de quotas". Ses premiers concurrents détiennent des portefeuilles de droits beaucoup plus étroits, représentant chacun à peine 10 % des films de quotas disponibles (183). Ces chiffres apparaissent d'autant plus importants lorsqu'on les compare au nombre total de films disponibles en vidéo à la demande sur le marché aval et estimé à 5 561 en 2010 (184). Le CSA relève en outre que "Studio Canal est le principal vendeur de droits de CanalPlay avec [...] programmes acquis à titre non exclusif, le deuxième vendeur de droits étant Sony Columbia Pictures avec [...] programmes" (185).

346. Par conséquent, compte tenu de sa position en matière de droits de films de catalogue pour une diffusion en vidéo à la demande, notamment en films EOF nécessaires aux distributeurs pour assurer leurs quotas d'exposition, GCP est donc capable de verrouiller l'accès de ses concurrents aux intrants, dans la mesure où ceux-ci ne pourraient reporter leur demande sur d'autres programmes. GCP pourrait ainsi être incité à restreindre l'accès à ce type d'intrant pour les plateformes concurrentes de CanalPlay et CanalPlay Infinity, comme le craignent plusieurs répondants au test de marché. L'incitation de GCP à mettre en œuvre cette stratégie apparaît en effet relativement forte dans la mesure où elle lui permettrait de dégrader l'offre de vidéo à la demande de ses concurrents et, par conséquent, d'augmenter l'attractivité de CanalPlay et les revenus dégagés par la plateforme.

347. Par ailleurs, dans la mesure où la chronologie des médias cantonne aujourd'hui l'offre cinématographique disponible en vidéo à la demande par abonnement aux films de catalogue, il est d'autant plus probable que GCP mette en œuvre sur ce marché un tel mécanisme de restriction verticale. Une telle stratégie permettrait en effet à GCP de freiner le développement de tout concurrent à son offre. GCP pourrait donc verrouiller, avant même qu'il n'ait véritablement débuté, le développement de l'activité de distribution de services de cinéma en vidéo à la demande par abonnement.

c) Effets congloméraux sur les marchés de la distribution d'offres non linéaires

348. Comme démontré ci-dessus, la concentration a conféré à GCP un quasi-monopsone pour l'achat de droits de films de cinéma français et américains pour une diffusion sur la télévision payante linéaire. Compte tenu de cette position, GCP pourra faire jouer un effet de levier pour acquérir les droits pour une exploitation en vidéo à la demande en exclusivité et/ou coupler l'acquisition des droits pour la télévision payante avec celle des droits pour une exploitation en vidéo à la demande, dans des conditions non-réplicables pour les opérateurs concurrents.

349. La mise en œuvre d'un tel effet est possible, dans la mesure où, comme le notent plusieurs répondants au test de marché, les droits pour une diffusion linéaire et les droits pour une diffusion non linéaire peuvent faire l'objet de négociations simultanées (186). Par ailleurs, comme il a été précisé ci-dessus, GCP fait valoir que le modèle de non exclusivité sur lequel la vidéo à la demande s'est jusqu'à présent développé serait en train d'évoluer en matière de vidéo à la demande par abonnement, Netflix se développant au Royaume-Uni avec une offre de films en exclusivité. Enfin, même si les séries télévisées apparaissent encore peu présentes au sein des offres de vidéo à la demande comparativement au cinéma, à l'exception de M6, les risques d'effets de levier de la part de GCP sont également vraisemblables pour l'achat de droits pour une exploitation en vidéo à la demande de ce type de contenus étant donné la forte progression de l'attractivité de ce type de contenu depuis 2006 (187).

350. En effet, l'incitation de GCP à mettre en œuvre cette stratégie apparaît une fois encore relativement forte dans la mesure où elle lui permettra de dégrader l'offre de ses concurrents en asséchant les droits disponibles et, par conséquent, d'augmenter l'attractivité des offres CanalPlay et CanalPlay Infinity et les revenus dégagés par ces plateformes.

351. Le CSA note ainsi que "la position globale du groupe Canal Plus sur l'acquisition de droits relatifs aux films et aux séries est de nature à créer des atteintes à la concurrence de type congloméral, compte tenu de la position quasiment monopolistique du groupe Canal Plus pour l'achat de films récents pour une exploitation en télévision payante et de la connexité entre les différents marchés d'acquisition de droits. Il pourrait devenir le seul groupe audiovisuel français à occuper l'ensemble des fenêtres de diffusion des films soumises à la chronologie des médias, aussi bien en matière de télévision payante par abonnement, qu'en VàD. La présence de la société SFR pour l'acquisition de droits relatifs à une exploitation en VàD est aussi de nature à renforcer la position des parties notifiantes" (188).

352. Enfin, comme cela a été relevé ci-dessus, l'accès des éditeurs de vidéo à la demande à l'acte et par abonnement à la distribution via des offres de télévision payante ADSL ou fibrées des FAI est l'une des barrières à l'entrée sur ces marchés. Dans ce contexte, une exclusivité de distribution réservée aux offres de GCP négociée avec SFR ou d'autres FAI, qui s'ajouterait à celle dont bénéficie de facto GCP pour la distribution de ses offres à ses abonnés satellites via les décodeurs, ou encore du fait d'accords avec des fabricants de télévision connectée, compromettrait fortement le développement d'offres concurrentes. Une telle stratégie ne peut être exclue compte tenu de la position incontournable de GCP en matière d'offres de chaînes premium et des relations contractuelles qu'il entretient avec les FAI pour l'auto-distribution des bouquets Canal+ et CanalSat.

d) Conclusion sur les effets de l'opération sur les marchés des services non linéaires

353. La concentration, en éliminant la pression concurrentielle exercée par TPS sur GCP pour l'acquisition de droits en vue de leur exploitation en vidéo à la demande, a renforcé la position de la nouvelle entité sur le marché amont. En combinant cette position au quasi-monopsone que l'opération a conféré à GCP pour l'acquisition de droits de films américains et EOF pour une diffusion en télévision payante linéaire et aux fortes positions de GCP en matière de films de catalogue, la concentration a mis GCP en mesure de freiner le développement d'offres concurrentes de vidéo à la demande à l'acte et par abonnement en verrouillant l'accès au portefeuille de StudioCanal et en procédant à des acquisitions de droits exclusifs et/ou groupés de films et de séries avec des droits en télévision payante linéaire auprès des studios et producteurs. Par conséquent, il y a lieu de considérer que l'opération notifiée est susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la vidéo à la demande par le biais d'effets verticaux et congloméraux.

C. S'AGISSANT DE L'ACQUISITION ET DE LA DIFFUSION EN TÉLÉVISION PAYANTE DE CONTENUS SPORTIFS

354. Les effets de l'opération en matière d'acquisition de droits sportifs seront étudiés (1) avant d'examiner son impact sur l'édition et la commercialisation de chaînes de sport (2).

1. ACQUISITION DE DROITS SPORTIFS

355. Après avoir rappelé l'impact de la concentration sur le marché et son analyse en 2006 (a) il conviendra d'examiner les effets horizontaux de l'opération en matière d'acquisition de droits sportifs (b).

a) Sur l'impact de l'opération et son analyse en 2006

356. La concentration, en éliminant la pression concurrentielle émanant de TPS, a fortement renforcé la position de GCP sur les différents marchés de droits. Premièrement, en ce qui concerne le marché des lots linéaires de la Ligue 1, les autorités de concurrence ont observé en 2006 que TPS constituait l'un des seuls concurrents crédibles susceptible de se porter candidat pour l'ensemble des lots mis en vente avant l'opération. La concentration se traduisait donc par la disparition du seul concurrent du marché (189). Deuxièmement, sur le marché des championnats étrangers attractifs, les droits de la Premier League anglaise, l'un des plus prestigieux championnats étrangers, étaient détenus en exclusivité par TPS au moment de l'opération. Dans la mesure où GCP détenait les droits des autres championnats étrangers attractifs, les autorités de concurrence avaient constaté que l'opération créait un monopsone (190).

357. Les autorités de concurrence ont également considéré en 2006 que, compte tenu de la puissance d'achat de GCP et de la faculté que lui conférait la concentration de rentabiliser les coûts élevés d'acquisition de droits sur la plus large base d'abonnés du secteur, la nouvelle entité serait en position de restreindre la concurrence d'opérateurs alternatifs en incitant les détenteurs de droits à conclure des contrats de longue durée ou en liant les acquisitions de droits. Pour y remédier, les parties se sont engagées à limiter la durée des contrats portant sur des évènements sportifs annuels réguliers avec les détenteurs de droits à trois ans et, dans l'hypothèse où les droits seraient vendus pour une durée supérieure, à offrir aux détenteurs de droits la faculté de résilier le contrat unilatéralement et sans pénalités à l'expiration d'une durée de trois ans. Les parties se sont également engagées à ne pas lier leurs acquisitions pour plusieurs éditions d'évènements se déroulant tous les deux ou quatre ans, à ne pas formuler d'offres liées portant sur des diffusions en clair et en télévision payante et à rétrocéder des droits de diffusion en clair non exploités.

358. Dans sa décision n° 11-D-12, l'Autorité a notamment constaté que GCP n'avait pas respecté son engagement de maintien de la qualité des chaînes mises à disposition des distributeurs tiers, puisque le contenu sportif diffusé sur TPS Star avait été dégradé à tel point que la chaine avait, de ce fait, perdu les caractéristiques qui en faisaient une chaîne premium.

b) Sur les effets horizontaux de l'opération en matière d'acquisition de droits sportifs

(i) Position des parties

359. Depuis l'acquisition de TPS, GCP a conservé une position significative sur un grand nombre de marchés d'acquisition de droits sportifs. Il convient à cet égard de rappeler que, parmi les droits sportifs, les droits d'exploitation relatifs aux compétitions de football représentent la majorité des acquisitions et sont, au même titre que les films récents diffusés en première fenêtre, l'un des principaux moteurs d'abonnement aux chaînes payantes. Ainsi, le CSA relève, dans une étude récente sur le sport et la télévision, que "selon les responsables de Canal+, la motivation d'abonnement qui s'attache à l'accès à des programmes sportifs fédérateurs tels que la Ligue 1 française ou la Ligue des Champions de football s'établirait autour de 50 %. Pour 25 % des abonnés, l'offre de sport aurait même constitué l'unique motivation d'abonnement à la chaîne payante" (191). L'importance du football dans la politique éditoriale des chaînes Canal+ est particulièrement mise en avant par GCP, qui considère que "le positionnement de la chaîne sur le football est un facteur clé de recrutement de nouveaux abonnés et de fidélisation des abonnés existants" (192).

360. Ces éléments étant précisés, il convient d'examiner les positions détenues par les parties en matière d'acquisition des droits de la Ligue 1, des championnats étrangers attractifs et des autres compétitions annuelles à caractère régulier auxquelles participent des clubs français.

361. En premier lieu, s'agissant des droits de la Ligue 1, la période 2008 à 2012 a vu l'entrée et la sortie du marché d'Orange, et l'entrée d'Al Jazeera pour la période subséquente. L'impact de ces entrées sur les parts de marché de GCP depuis 2006 est résumé dans le tableau suivant :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

362. Il ressort de ces données que GCP n'a jamais représenté, en valeur, moins de 70 % des droits de la Ligue 1 sur la période considérée.

363. En deuxième lieu, s'agissant des droits relatifs aux championnats étrangers attractifs (championnats anglais, allemand, espagnol et italien), le tableau suivant recense les montants de droits achetés par GCP et Orange entre 2006 et 2012 :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

364. GCP a donc totalisé en moyenne [90-100] % des acquisitions de droits relatifs aux championnats étrangers attractifs pour la période 2006 à 2012, contre [10-20] % pour Orange.

365. Pour la période postérieure à 2012, cependant, l'entrée d'Al Jazeera a modifié les parts de marché puisque le nouvel entrant dispose des droits du championnat espagnol. L'acquisition par Al Jazeera des droits pour la diffusion en France de ce championnat en a fait tripler le montant (de 6,4 à 20 millions d'euro par an, selon les chiffres dont il a été fait état publiquement). Par ailleurs, GCP et Al Jazeera ont chacun acquis une partie des championnats italien et allemand (193). Le montant global des contrats conclus par les deux groupes pour ces championnats est évalué à [...] millions d'euro par an. À titre de comparaison, lors de la saison 2011-2012, GCP dépensait [...] millions d'euro pour le championnat italien et Orange [...] millions d'euro pour la Bundesliga. Le montant cumulé des droits pour la diffusion en France de ces deux championnats passe donc de [...] à [...] millions d'euro par an, soit une augmentation de [60-70] %.

366. Les parts de marché des opérateurs pour la saison 2012-2013 sont résumées dans le tableau suivant :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

367. Il convient de noter que même si, à ce stade, GCP représente la majorité des investissements du marché, les droits de diffusion en France du championnat anglais seront remis en jeu au second semestre 2012, pour les saisons 2013-2014 et suivantes. Il est vraisemblable que ces droits donneront lieu à une compétition entre GCP et Al Jazeera, ce qui pourrait avoir un impact sur leurs parts de marché respectives.

368. Enfin, en troisième lieu, il convient d'examiner la position des parties en matière d'acquisition des droits de diffusion des compétitions de football qui se disputent chaque année et impliquant des clubs français, c'est-à-dire la Ligue 2, les coupes nationales (coupe de France, coupe de la Ligue, trophée des champions), la Ligue des Champions et l'Europa League (194).

369. Alors que seules des chaînes payantes se portent acquéreur des droits de la Ligue 2, les chaînes gratuites et les chaînes payantes se trouvent fréquemment en concurrence pour les autres compétitions. De plus, les montants des droits de ces différentes compétitions sont très hétérogènes. Pour les besoins de l'analyse, ce périmètre de marché sera toutefois conservé, les conclusions de l'analyse ne se trouvant pas substantiellement modifiées si des segmentations plus étroites étaient retenues. En effet, les acquisitions de GCP ne portant que sur certains lots de la Ligue des Champions et de l'Europa League, les parties ont représenté moins de [30-40] % des investissements du marché au cours de la période 2006-2011.

370. Al Jazeera est également entré sur ce marché en se portant acquéreur des droits relatifs à la Ligue des Champions et l'Europa League, compétitions dont il a acquis des proportions substantielles. Comme sur les marchés précédents, l'entrée d'Al Jazeera a eu un effet inflationniste sur la valeur des droits, puisque les revenus tirés de leur vente pour le marché français par l'UEFA sont passés de 56 à 111 millions d'euro par an (195), soit une augmentation de 98 %. Afin de conserver une partie de la compétition, GCP a acquis un lot auparavant détenu par TF1 et pour lequel GCP versera [...] millions d'euro par an (contre 25 millions d'euro par an que payait TF1 auparavant). Il en découle également que, pour la première fois depuis 1992, la Ligue des Champions sera intégralement diffusée sur des chaînes payantes (196).

(ii) Contrepouvoir de la LFP

371. Les autorités de concurrence ont constaté, en 2006, que les modalités de commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions de football confèrent un contrepouvoir à la Ligue de Football Professionnel ("LFP").

372. La LFP détient en effet un monopole de la commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions qu'elle organise. Ce monopole s'exerce dans les conditions définies aux articles L. 333-2, R. 333-2 et R. 333-3 du Code du sport. Ces dispositions constituent un cadre de référence, fondé sur le respect de règles élémentaires de concurrence, et reposant sur les principes suivants :

- une procédure d'appel à candidatures publique et non discriminatoire ouverte à tous les éditeurs ou distributeurs de services intéressés ;

- un découpage en plusieurs lots distincts dont le nombre et la constitution doivent tenir compte des caractéristiques objectives des marchés sur lesquels ils sont proposés à l'achat ;

- une commercialisation pour une durée limitée qui ne peut excéder quatre ans.

373. Ce cadre laisse à la LFP la faculté d'organiser les appels d'offres en fonction des objectifs qu'elle recherche. Cette marge de manœuvre importante a déjà été soulignée dans plusieurs avis rendus par le Conseil de la concurrence (197). Elle a pour objectif de faciliter la structuration, par la LFP, de ses appels d'offres en fonction de la structure de la demande et de l'intérêt des différents opérateurs présents sur le marché ou susceptibles d'y entrer.

(iii) Concurrence actuelle et potentielle d'Orange et Al Jazeera

L'entrée et la sortie d'Orange

374. Orange est entré sur le marché de l'édition de chaînes sportives avec le lancement d'Orange Sport en 2008, intervenu en même temps que celui du bouquet Orange Cinéma Séries. Pour alimenter la chaîne en contenus, Orange a acquis deux lots de Ligue 1 (198), dont un lot premium, ainsi que les droits de diffusion en exclusivité des saisons 2009-2010 à 2011-2012 du championnat allemand (Bundesliga). La chaîne, qui a compté jusqu'à 350 000 abonnés environ, était commercialisée jusqu'en 2012 au prix de 6 euro par mois auprès des seuls abonnés aux offres multiservices d'Orange, dans le cadre d'un schéma dit de "double exclusivité" (distribution et transport).

375. L'entrée d'Orange sur le marché des droits de la Ligue 1 en 2008 a conduit à une diminution de la part de marché de GCP (passée de 100 à 70 %) et à une augmentation du montant des droits à 668 millions d'euro par an. Cependant, dans le cadre de l'appel d'offres organisé par la LFP pour la vente des droits de la Ligue 1 pour la période 2008-2012, GCP a pour sa part diminué le montant de ses investissements.

376. Orange n'a cependant pas pu rentabiliser l'investissement consenti, et est sorti du marché à l'issue d'un seul cycle de droits. Orange a en effet éprouvé de grandes difficultés à amortir le coût d'acquisition des droits sur une base d'abonnés très réduite, le taux de souscription des abonnés ADSL à l'offre Orange Sport étant trop limité pour assurer une perspective de rentabilité suffisante. Orange a donc renoncé à se porter candidat pour l'acquisition des lots linéaires dans le cadre de l'appel d'offres organisé en juin 2011 pour la période 2012-2016. La chaîne Orange Sport a par ailleurs cessé d'être diffusée à la fin du mois de juin 2012.

L'entrée d'Al Jazeera

377. Al Jazeera Media Network ("Al Jazeera") est une société de droit qatarien, qui édite des services de télévision distribués internationalement. L'internationalisation de son activité d'édition de chaînes sportives s'est traduite par une entrée sur les marchés français et nord-américain en 2012. En France, Al Jazeera a acquis en juin 2011 un lot premium de Ligue 1, acquisition suivie de plusieurs autres, portant notamment sur les droits des championnats allemand, espagnol, italien, des championnats d'Europe des nations (Euro) 2012 et 2016, de l'Europa League et d'une grande partie de la Ligue des Champions. Le montant cumulé de ces investissements (hors Euro 2012 et 2016) est estimé à environ 300 millions d'euro par an. Al Jazeera édite deux chaînes sportives sur le marché français : BeIn Sport 1 et BeIn Sport 2 (199).

Sur les caractéristiques de l'offre d'Al Jazeera

378. L'appel d'offres organisé par la LFP en 2011 pour la période 2012-2016 a été marqué par l'acquisition par Al Jazeera d'un des cinq lots premium, ainsi que d'un lot pouvant donner lieu à une exploitation soit de façon linéaire, soit en PPV. Sur les 10 matches que comporte chaque journée du championnat de Ligue 1, Al Jazeera en diffusera donc 8 en direct et 2 en léger différé. GCP diffusera 2 matches en direct par journée, dont 22 premiers choix sur l'ensemble de la saison. En valeur, pour la période 2012-2016, GCP a acheté 69 % des lots linéaires de Ligue 1 et Al Jazeera 25 % (200).

379. En tant que nouvel entrant, Al Jazeera a fait le choix stratégique de construire une offre premium mono-contenu, exclusivement sportive. Cette approche avait également été celle d'Orange, qui a segmenté ses offres de contenus sportifs et cinématographiques, mais la spécificité de la stratégie d'Orange (double exclusivité) et le retrait rapide de cet opérateur des marchés de l'acquisition de droits sportifs et de l'édition de chaînes sportives font qu'il est difficile d'en tirer des enseignements quant à la pertinence de ce modèle premium mono-contenu sportif sur le marché français.

380. Il convient d'observer, à cet égard, que le marché français de la télévision payante s'est historiquement structuré autour d'un modèle de chaîne premium mêlant des contenus tant cinématographiques que sportifs. Or, la décision d'abonnement à une offre de télévision payante est généralement un choix collectif, effectué dans un cadre familial, et qui répond au besoin de satisfaire les goûts de l'ensemble des membres du foyer, en termes de variété et de qualité de contenus. C'est justement la raison pour laquelle la chaîne Canal+ a, ces dernières années, évolué afin d'adopter un positionnement de chaîne généraliste premium, avec des contenus sportifs, cinématographiques, des séries, des créations originales et des documentaires.

381. Les chaînes d'Al Jazeera, si elles sont très attractives pour les téléspectateurs intéressés par les contenus sportifs, ne présenteront pas le même intérêt pour les consommateurs recherchant des chaînes relevant d'autres thématiques. Il subsiste donc, à ce stade, une incertitude quant au succès commercial que pourraient rencontrer les chaînes d'Al Jazeera, en particulier en ce qui concerne leur capacité à conquérir des abonnés aux dépens des chaînes premium multi-contenus de GCP, dans la mesure où ce succès dépendra probablement également de la capacité des téléspectateurs à s'abonner, parallèlement aux chaînes d'Al Jazeera, à d'autres chaînes attractives relevant d'autres thématiques.

Sur les barrières à l'entrée et les conditions de maintien de la présence d'Al Jazeera sur le marché

382. L'entrée du groupe Al Jazeera sur le marché français s'inscrit dans une stratégie globale, dans la mesure où son implantation sur les marchés des droits sportifs concerne plusieurs pays. Al Jazeera compte ainsi lancer deux chaînes de sport aux États-Unis à compter du mois d'août 2012.

383. Al Jazeera dispose de capacités financières significatives et est probablement capable de supporter pendant un certain temps des niveaux de pertes non négligeables. La pérennité de sa présence sur le marché dépend cependant de sa capacité de mettre en place une activité rentable. Interrogés sur ce point en séance, les représentants d'Al Jazeera Sport France ont déclaré que leur démarche s'inscrivait dans une perspective de long terme, avec pour objectif d'atteindre un niveau de rentabilité suffisant à l'échéance 2016 pour participer à un nouveau cycle d'exploitation des droits.

384. L'entrée d'Al Jazeera a donc pour effet d'apporter une animation concurrentielle réelle sur les marchés considérés. Mais elle ne démontre aucunement une large ouverture du marché de l'acquisition des droits, comme le prétendent les parties (201). Elle illustre au contraire l'importance des barrières à l'entrée déjà considérables, en raison des montants que représentent les acquisitions des droits les plus attractifs.

385. Les marchés de droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions sportives sont en effet caractérisés par un "effet de cliquet" significatif, au sens où les clubs de football adaptent très rapidement leur structure de coûts (202) lorsque les revenus collectés au titre de la vente de leurs droits audiovisuels augmentent, et éprouvent en revanche des difficultés à diminuer ces coûts en cas de perspective de diminution de leurs revenus. Ainsi, lors de l'appel d'offres organisé en 2011 pour l'attribution des droits d'exploitation audiovisuelle de la Ligue 1, la LFP a fixé des prix de réserve dont le montant cumulé (203) correspondait à l'ordre de grandeur atteint lors du précédent appel d'offres, afin de préserver les clubs de football des effets d'une diminution trop brutale.

386. En l'état du marché, si les montants atteints dans le cadre de l'appel d'offres pour la Ligue 1 au titre de la période 2012-2016 sont en diminution par rapport à ceux de la période 2008-2012, les montants investis dans les championnats étrangers attractifs et dans la Ligue des champions sont, en revanche, en très nette augmentation. Par conséquent, les barrières à l'entrée sur les marchés amont pour les prochains appels d'offres seront accrues du fait de l'augmentation du montant des droits d'exploitation audiovisuelle de ces compétitions et de l'effet de cliquet, les vendeurs de droits ajustant leurs attentes aux montants atteints lors du dernier appel d'offres.

387. Dans ce contexte, les montants très élevés investis dans l'acquisition de droits premium devraient rendre les chaînes d'Al Jazeera déficitaires pendant plusieurs années. Les analyses réalisées par Natixis, relayées dans la presse, et dont aucun élément au dossier ne conduit à remettre en cause les résultats, l'ont conduit à estimer que les chaînes d'Al Jazeera subiraient des pertes de l'ordre de 580 millions d'euro sur quatre ans (204). Le groupe Al Jazeera ne contredit pas ce constat.

388. Néanmoins, même si l'importance des coûts fixes que représente l'entrée d'Al Jazeera sur le marché est considérable, le fait pour un nouvel entrant de subir des pertes dans la phase initiale de développement de son offre sur un marché n'est pas une situation anormale à condition de s'inscrire dans une perspective économique à l'issue de laquelle l'opérateur peut envisager d'atteindre un équilibre économique. A cet égard, l'accès à la base d'abonnés de CanalSat est nécessaire pour rentabiliser les investissements requis pour la création d'une chaîne premium mono-contenu. Les éléments versés au dossier montrent que c'est précisément au stade de la distribution que le nouvel entrant a connu, vis-à-vis de GCP, une longue situation de blocage de nature à menacer son activité sur le marché.

389. L'instruction a ainsi permis d'établir que le maintien d'une animation concurrentielle durable sur les marchés amont dépend, non pas de la capacité d'un nouvel entrant à se porter candidat ponctuellement aux appels d'offres, mais à se maintenir sur le marché dans la durée, sur plusieurs cycles de droits. Cette inscription dans la durée est indispensable pour construire une base d'abonnés, asseoir la notoriété de sa marque, et enfin amortir les investissements consentis. Une fois détentrice d'un portefeuille de droits acquis sur les marchés amont, une chaîne diffusant des contenus premium doit donc bénéficier d'une distribution assez large pour que les revenus tirés du marché aval soient suffisamment importants et permettent d'envisager un équilibre économique à moyen ou long terme.

390. Les conclusions qu'il convient d'en tirer relèvent de l'analyse des effets verticaux de l'opération exposée aux paragraphes 537 et suivants ci-dessous.

2. EDITION ET COMMERCIALISATION DE CHAÎNES DE SPORT

391. Après un bref rappel de l'impact de l'opération et son analyse en 2006 (a), il conviendra d'examiner les effets de l'opération sur le marché de l'édition et de la commercialisation de chaînes de sport (b).

a) Sur l'impact de l'opération et son analyse en 2006

392. Les autorités de concurrence avaient constaté, en 2006, l'existence de deux barrières à l'entrée sur le marché intermédiaire de l'édition de chaînes. Une première barrière, d'ordre technique et financière, relevait du savoir-faire nécessaire au métier d'éditeur de chaînes et à l'importance des investissements requis (205). Une deuxième barrière consistait ensuite dans la

capacité pour un éditeur de chaînes à être distribué dans des conditions satisfaisantes (206). En l'espèce, avant la concentration, GCP éditait les chaînes sportives Sport+ et NBA+, et TPS éditait les chaînes TPS Foot et Infosport. Le ministre avait ainsi estimé au titre des effets horizontaux que la concentration se traduisait par une "addition limitée de parts de marché", tout en relevant que GCP allait distribuer à titre exclusif la chaîne Eurosport, éditée par le groupe TF1 et bénéficiant de la plus forte audience. Le ministre avait donc relevé un risque d'assèchement de matière première pour les distributeurs de télévision payante, du fait de la distribution exclusive par GCP des chaînes Sport+, Eurosport et Infosport (207).

393. Pour y remédier, les parties se sont engagées à mettre à disposition des distributeurs concurrents une chaîne de sport (Sport+) et TPS Star sur laquelle elles garantissaient le maintien d'un contenu sportif minimal. L'inexécution de ce dernier engagement, s'agissant en particulier des contenus sportifs, a été constaté par l'Autorité dans sa décision n° 11-D-12.

b) Sur les effets horizontaux de l'opération en matière d'édition et de commercialisation de droits sportifs

394. À la date du 20 septembre 2011, GCP éditait les chaînes Sport+ et Infosport+, aux budgets cumulés de [...] millions d'euro (208). Les chaînes de sports les plus attractives demeuraient Eurosport, Sport+ et Infosport+, comme en témoignent leurs audiences supérieures à celles des autres chaînes de sport :

395. En effet, les chiffres d'audience montrent que, parmi les chaînes dont l'audience est mesurée, Eurosport a une part d'audience de 0,6 % et que les chaînes de GCP autres que Canal+ Sport ont une audience cumulée de 0,6 %, les audiences des autres chaînes s'échelonnant entre 0,1 et 0,2 %. En ce qui concerne tant les audiences que le budget, GCP était donc, à la date de la notification, le deuxième acteur sur le marché des chaînes sportives, derrière le groupe TF1.

396. Des chaînes de sport, dont certaines diffusaient des contenus premium, sont apparues durant la période 2006-2011, comme Orange Sport (diffusant notamment un lot de Ligue 1 et la Bundesliga allemande), Ma Chaîne Sport ("MCS") diffusant un lot de Ligue 2 durant la période 2007-2010, ainsi que la chaîne CFoot éditée par la LFP et diffusant un lot de Ligue 2 pour la saison 2011-2012. Mais deux de ces chaînes ne sont pas parvenues à atteindre un équilibre économique viable : Orange a annoncé son intention d'arrêter la chaîne Orange Sport en mai 2012 (209) et la LFP a pris la même décision pour la chaîne CFoot (210).

397. Ces échecs illustrent donc les difficultés pour les nouveaux entrants sur le marché des chaînes de sport d'y maintenir une offre pérenne. Ces difficultés sont liées à la conjonction de plusieurs barrières à l'entrée qui s'ajoutent à la difficulté d'accéder aux droits premium et à les rentabiliser dans la durée. Ainsi, l'échec d'Orange Sport démontre à tout le moins que l'équilibre économique de l'activité d'édition de chaînes de sport premium nécessite d'envisager la rentabilisation des droits sur une large base d'abonnés. L'échec de la chaîne CFoot montre, pour sa part, que les coûts de production des matches constituent un poste de dépense lourd, alors même que la LFP n'a pas eu à acquérir les droits diffusés sur cette chaîne. CFoot a également été confrontée à des difficultés tenant à ses conditions de distribution au sein de l'offre CanalSat, s'étant vu proposé un positionnement à la carte, ce qui suppose de la part du téléspectateur de payer un supplément. CFoot était en effet la seule chaîne sportive à avoir été distribuée ainsi, au lieu d'être incluse dans le pack sport, alors qu'elle avait un contenu aussi attractif, sinon plus attractif, que certaines des chaînes commercialisées dans ce pack. Confrontée à un coût de grille excessif au regard de ses perspectives de recette, aux coûts de diffusion importants sur la TNT payante ainsi qu'à ces difficultés de distribution, CFoot a cessé d'être diffusée en mai 2012, après moins d'un an d'existence, ce qui constitue un record de brièveté pour une chaîne sportive sur le marché français.

398. C'est dans ce contexte qu'Al Jazeera est très récemment entré sur le marché puisque le groupe n'a lancé la diffusion de sa première chaîne, BeIn Sport 1, que le 1er juin 2012. Il est donc impossible, à ce stade, de tirer les conséquences de cette évolution du marché, si ce n'est pour constater qu'elle concrétise, au prix d'investissements très significatifs, l'entrée d'un nouvel acteur proposant la diffusion de contenus sportifs qualifiables de "premium" au sens de la pratique décisionnelle. Concernant le savoir-faire technique nécessaire à l'édition d'une chaîne, le groupe, quoique déjà présent dans le secteur audiovisuel, a dû faire appel aux compétences du groupe espagnol Mediapro (211), et a procédé au recrutement de journalistes sportifs expérimentés.

399. Al Jazeera est donc parvenu à surmonter les barrières techniques et financières à l'entrée. Al Jazeera a cependant connu de grandes difficultés pour conclure un accord de distribution avec GCP, qui est également son principal concurrent tant à l'amont qu'au stade du marché intermédiaire. Ce n'est qu'après avoir témoigné durant l'instruction et en séance devant l'Autorité des difficultés éprouvées tant pour obtenir de GCP la définition d'un schéma de distribution envisageable que dans les conditions mêmes de ses négociations avec le groupe, qu'Al Jazeera est parvenu à s'accorder avec GCP sur un accord de distribution, finalement signé le 26 juin 2012. Les éléments recueillis auprès de cet acteur au cours de l'enquête illustrent cependant à tout le moins que l'accès à la distribution, en particulier le pan du marché dont l'accès est contrôlé par GCP depuis l'opération, continue de constituer une barrière majeure à l'entrée. L'analyse de l'impact de l'opération à ce titre relève cependant des effets verticaux étudiés ci-dessous dans la partie consacrée à la distribution des chaînes thématiques.

400. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de l'entrée récente d'Al Jazeera sur les marchés de l'acquisition de droits sportifs, il ne peut être conclu que l'opération porte atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur ces marchés.

D. S'AGISSANT DE LA DISTRIBUTION DE CHAÎNES THÉMATIQUES

401. Après avoir rappelé l'impact de l'opération sur les marchés concernés et son analyse par les autorités de concurrence en 2006 (1), il conviendra d'examiner les effets horizontaux (2) et verticaux (3) de la concentration.

1. SUR L'IMPACT DE L'OPÉRATION ET SON ANALYSE EN 2006

402. En ce qui concerne l'activité de distribution de chaines thématiques, les autorités de concurrence avaient considéré en 2006 que l'opération entraînait des effets horizontaux et verticaux.

a) Effets horizontaux

403. Sur le plan horizontal, la concentration a consisté dans l'acquisition par le groupe Vivendi du concurrent le plus direct de CanalSat. En 2006, les autorités de concurrence avaient constaté que les redevances versées par CanalSat et TPS représentaient entre 50 et 60 % du chiffre d'affaires des principaux éditeurs indépendants en métropole (212). Les autorités avaient également constaté que la nouvelle entité regrouperait, sur le marché aval, [70-80] % des abonnés, contre [10-20] % pour l'ensemble des câblo-opérateurs et [10-20] % pour l'ensemble des opérateurs ADSL. L'opération renforçait également la présence de l'entité fusionnée sur l'ensemble des plateformes de diffusion, à l'exception du câble. Les autorités de concurrence avaient de plus relevé qu'aucune concurrence supplémentaire n'était à attendre d'un nouveau câblo-opérateur ou d'un distributeur satellite, du fait des investissements importants pour le déploiement d'un réseau et la tendance à la concentration des distributeurs sur le satellite. Elles avaient également écarté la possibilité de voir s'exercer une forte concurrence de la part de la TNT payante du fait de la forte présence de GCP en tant que principal distributeur sur cette plateforme. Dans ces conditions, les autorités de concurrence avaient souligné que l'opération entrainait le renforcement d'une puissance d'achat de la nouvelle entité vis-à-vis des chaînes thématiques (213).

404. Plusieurs atteintes à la concurrence avaient été identifiées par les autorités de concurrence du fait de ce renforcement. En premier lieu, il pouvait permettre à la nouvelle entité d'imposer une diminution des redevances versées aux chaînes distribuées par CanalSat à l'issue de l'opération. En second lieu, cette puissance d'achat et le caractère incontournable de la nouvelle entité en tant que distributeur risquaient également de se traduire par des clauses d'exclusivité conclues entre cette dernière et les chaînes indépendantes les plus attractives, les distributeurs tiers en étant ainsi privés. Enfin, un refus de la nouvelle entité de distribuer des chaînes indépendantes risquait d'entraîner, au regard de sa position prépondérante en tant que distributeur, la disparition de ces chaînes, ce qui constituerait un frein à la constitution de bouquets concurrents de ceux de la nouvelle entité (214).

405. Au regard de ces risques, la nouvelle entité s'était engagée à faire droit à toute demande raisonnable de reprise d'une chaîne indépendante dans son offre commerciale satellite, les engagements définissant également la notion de chaînes indépendantes et le nombre minimum de chaînes indépendantes devant être distribuées dans ce cadre. Un engagement spécifique de nature similaire était également pris en ce qui concerne la TNT payante. La nouvelle entité s'engageait également à conclure des contrats séparés pour les prestations de transport et la distribution commerciale, sans conditionner la seconde aux premières (215).

b) Effets verticaux

406. Sur le plan vertical, l'opération a conduit à un double renforcement de l'intégration verticale de Vivendi et GCP. Ce dernier, déjà éditeur et distributeur de télévision payante, a intégré son principal concurrent en tant que demandeur et offreur sur les marchés intermédiaires. Les très fortes positions acquises par la nouvelle entité du fait de l'opération dans ces deux activités présentaient donc des risques importants d'atteinte à la concurrence sur les marchés intermédiaires.

407. En premier lieu, la puissance de la nouvelle entité en tant qu'éditeur de chaînes thématiques, augmentée par les exclusivités négociées avec certains groupes indépendants et TF1 et M6, actionnaires minoritaires de TPS à l'époque, lui permettait d'alimenter largement sa branche de distribution et son offre CanalSat. Un tel constat faisait craindre un verrouillage de l'accès à la clientèle et, donc, l'éviction des éditeurs indépendants, qui risquaient d'être privés de la plateforme désormais dotée de la base d'abonnés la plus importante et auraient éprouvé des difficultés à survivre en l'absence de concurrents crédibles à l'aval (216).

408. En deuxième lieu, la puissance de la nouvelle entité en tant que distributeur laissait aussi craindre la mise en œuvre de comportements au détriment des éditeurs indépendants, par exemple, la subordination de la distribution de leurs chaînes à l'adoption d'un format éditorial conçu pour limiter la pression concurrentielle exercée sur les chaînes éditées par la nouvelle entité, et l'adoption de pratiques portant sur les tarifs, les exclusivités, sur les différents supports ou sur le marketing. La nouvelle entité pouvait également mettre en avant les chaînes qu'elle contrôle au détriment des autres, en agissant sur leur référencement (positionnement dans le bouquet de base, ou en pack, ou encore en option seule, "à la carte"), sur la numérotation de ces chaînes (par exemple en les incluant dans une thématique ne leur correspondant pas) ou sur leur mise en avant dans la mosaïque, le guide des programmes ou les supports publicitaires (217).

409. En troisième lieu, cette situation pouvait également produire des effets de ciseau tarifaire à l'endroit des distributeurs tiers et des effets sur les marchés avals. En effet, soustraite à toute pression concurrentielle sérieuse de la part des éditeurs indépendants, la nouvelle entité pouvait augmenter le niveau de redevance de ses propres chaînes, avec pour conséquence une répercussion sur les prix des abonnements des consommateurs. Dans ce cas, les distributeurs indépendants risquaient de voir le coût de construction de leurs offres augmenter, avec une répercussion probable sur les prix des abonnements à l'aval (218).

410. Afin de remédier à de tels risques d'atteinte à la concurrence, GCP s'était engagé à prévoir une distribution dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires, notamment entre les chaînes indépendantes d'une part, et entre les chaînes indépendantes et les chaînes adossées d'autre part, ces conditions portant notamment sur l'accès, les rémunérations, les modalités techniques, l'exposition de la chaîne et la numérotation de celleci dans le plan de services (219). La proposition de distribution devait être présentée par CanalSat dans un délai rapide et au moyen d'un catalogue des conditions de reprise portant sur les différents types de contrats possibles et les modalités techniques (220).

c) L'inexécution de certains engagements pris par GCP

411. Par décision n° 11-D-12 du 21 septembre 2011, l'Autorité de la concurrence a établi que certains des engagements pris par GCP en ce qui concerne la distribution des chaînes thématiques n'avaient pas été respectés. Ces engagements portaient sur les conditions de forme de la reprise et la rémunération des chaînes indépendantes ainsi que sur l'obligation de conclure des contrats séparés pour la distribution commerciale et le transport des chaînes. Ainsi, l'opacité des conditions de rémunération des chaînes indépendantes, maintenue en dépit des prescriptions des engagements, l'absence de communication des critères objectifs retenus pour calculer la rémunération ainsi que des éléments qualitatifs sous-tendant celle-ci ont contribué à maintenir les éditeurs de chaînes thématiques en situation de dépendance vis-à-vis de GCP, alors même que, comme l'Autorité l'a déjà relevé, "les engagements avaient justement pour objet de contrebalancer la puissance d'achat de GCP et de donner plus de latitude aux éditeurs indépendants pour négocier et éventuellement choisir un autre distributeur" (221). L'inexécution par GCP de ses obligations est donc de nature à avoir porté atteinte à l'efficacité du dispositif correctif prévu par la décision du ministre de l'Economie et, par conséquent, à avoir favorisé la réalisation des atteintes à la concurrence identifiées ci-dessus.

2. EFFETS HORIZONTAUX

412. GCP, par l'intermédiaire de sa filiale Canal+ Distribution, exerce des activités de distribution de chaînes thématiques sous la marque CanalSat. Dans le cadre de cette activité, GCP achète à des éditeurs de chaînes le droit de commercialiser auprès du public les chaînes qu'ils éditent. La distribution des chaînes s'effectue soit individuellement ("à la carte"), soit, le plus souvent, sous la forme d'un bouquet ou pack agrégeant plusieurs chaînes. GCP est présent en tant que distributeur de chaînes éditées par des tiers et en tant qu'éditeur de chaînes transportées par des tiers, selon un modèle d'auto-distribution (à l'exception de certaines chaînes mises à disposition des distributeurs tiers par GCP dans le cadre des engagements souscrits en 2006 et dont GCP a maintenu la mise à disposition).

413. Le bouquet multi-chaînes CanalSat, lancé en 1992 sur le satellite, est le second pan de l'offre de télévision payante du groupe, aux côtés de la chaine premium Canal+. Fusionné avec TPS en 2007 dans le cadre de l'opération qui fait l'objet de la présente notification, ce bouquet regroupe 230 chaines et services, incluant les chaînes gratuites. L'offre est construite autour du bouquet "Les Thématiques" (offre de base) et de packs complémentaires (packs "Famille", "Sport", "Cinéma", etc.). Parmi ces chaines, 21 sont éditées par GCP. Les autres sont éditées soit par des groupes audiovisuels (TF1, M6, Lagardère, Groupe AB, Disney, etc.), soit par des éditeurs mono-chaîne.

414. Les concurrents de CanalSat sur le marché de la distribution de chaînes thématiques sont les FAI avec leur offre de second niveau (notamment Orange, SFR, Bouygues et Free), le câbloopérateur Numericable et le distributeur de TNT payante TV Num.

a) Position de CanalSat vis-à-vis des chaînes thématiques

(i) En termes de rémunérations versées par GCP

415. Avec [...] millions d'abonnements à la fin 2011, CanalSat constitue, après la chaine premium Canal+, l'offre de télévision payante qui touche le plus grand nombre d'abonnés, et ce même en tenant compte de l'offre de premier niveau de services disponible sans coût supplémentaire pour les abonnés ayant souscrit un abonnement triple play auprès d'un FAI.

416. Selon la même méthodologie que celle retenue par les autorités de concurrence en 2006, les tableaux suivants reprennent les estimations communiquées par GCP de la part que les redevances versées par CanalSat représentent dans le chiffre d'affaires total des chaînes thématiques distribuées par CanalSat, publicité comprise. Ils permettent donc de mesurer le degré de dépendance des chaînes thématiques à l'égard de GCP. Le premier tableau cidessous tient compte de toutes les chaînes thématiques, y compris celles éditées par GCP, et le second tableau ne concerne que les chaînes qui ne sont pas éditées par GCP (222).

Part que les redevances versées par CanalSat représentent dans le CA des chaînes thématiques (y compris celles éditées par GCP)

<EMPLACEMENT TABLEAU>

417. Les redevances versées par GCP représentent donc globalement près de [50-60] % du chiffre d'affaires total de toutes les chaînes thématiques et plus de [50-60] % du chiffre d'affaires des chaînes qui ne sont pas éditées par GCP.

418. La situation n'a donc pas évolué depuis 2006 puisqu'à cette période, le Conseil de la concurrence avait relevé que cette part s'établissait entre 50 et 60 % (223). La prédominance de la contribution de GCP au chiffre d'affaires des chaînes indépendantes démontre le caractère incontournable de CanalSat pour la distribution de chaînes thématiques. Elle illustre la puissance d'achat dont bénéficient GCP et en particulier sa filiale Canal+ Distribution dans ses relations avec ses fournisseurs éditeurs de chaînes indépendantes.

419. Les éditeurs de chaînes, en particulier ceux de taille petite ou moyenne, ont unanimement fait valoir l'importance que la rémunération versée par GCP représente dans leurs ressources. Ces éditeurs relèvent que le rôle prépondérant que joue GCP dans les ressources des chaînes payantes entraîne une relation de dépendance encore plus marquée pour les chaînes qui n'appartiennent pas à un groupe audiovisuel puissant. Ainsi, Motors TV, chaîne thématique consacrée au sport automobile, indique dans sa réponse au test de marché que "GCP conserve aujourd'hui une position très dominante dans la distribution de chaînes thématiques de télévision en France, par le nombre et la nature des chaînes qu'il détient ; par les exclusivités de certains contenus ; par la place prépondérante qu'il détient dans les ressources des chaînes payantes" (224). Ainsi "cette position ultra dominante a pour conséquence une relation de dépendance vis-à-vis de GCP des chaînes qui n'appartiennent pas à un groupe audiovisuel puissant. La menace brandie en permanence de pouvoir être potentiellement privé de distribution sur CanalSat réduit considérablement les capacités réelles de négociation avec le groupe, et rend incontestablement les relations très tendues et très difficiles" (225).

420. La société l'Equipe 24/24, éditeur de la chaîne d'informations sportives L'Equipe TV, relève également que "cette position dominante a pour conséquence une relation de dépendance vis-à-vis de GCP des chaînes qui n'appartiennent pas à un groupe audiovisuel puissant" (226). La société Trace TV, éditrice des chaînes musicales Trace, souligne qu'"il est impossible pour une chaîne thématique payante d'être rentable et pérenne sur le marché français sans être sur CanalSat en ayant a minima son coût de transport sur Astra couvert par GCP. En effet, la présence sur CanalSat, outre les moyens financiers qu'elle procure, et l'exposition nécessaire à la monétisation de l'audience, est un signe "d'adoubement" sans lequel les autres distributeurs sont plus réticents à rémunérer correctement la chaîne" (227). Le Syndicat Interprofessionnel des Radios et Télévisions Indépendantes ("SIRTI") considère que, "du fait de sa position dominante, en tant que distributeur, GCP a un droit de vie ou de mort sur les chaînes distribuées" (228).

421. Dans son avis, le CSA a également relevé ce phénomène en expliquant que "les affaires dont le Conseil a été saisi de 2007 à 2011, dans le cadre de son pouvoir de règlement de différends (229) et demandes d'avis de l'Autorité de la concurrence (230), ont selon lui, démontré la dépendance des chaînes indépendantes à l'égard de Canal+ Distribution" (231).

(ii) En termes de parts de marché sur le marché aval de la distribution de télévision payante

422. Le marché aval de la distribution de télévision payante, sur lequel l'offre des distributeurs (câblo-opérateurs, FAI, distributeurs de TNT payante, distributeurs satellite) rencontre la demande des particuliers désireux de souscrire à une offre de télévision payante, est étroitement lié au marché intermédiaire de la distribution de chaînes thématiques, dans la mesure où un distributeur bénéficiant d'une position prépondérante sur le marché aval est également incontournable du point de vue des chaînes désirant être distribuées et où, à l'inverse, la capacité à distribuer un nombre important de chaînes attractives entraîne pour un distributeur des effets positifs sur sa part de marché à l'aval. Ces liens particulièrement étroits avaient d'ailleurs conduit les autorités de concurrence à recourir en 2006 à des engagements sur les marchés intermédiaires pour remédier aux problèmes de concurrence sur les marchés aval, en considérant que la concurrence des distributeurs alternatifs à l'aval ne serait crédible que s'ils disposaient d'un minimum de contenu attractif auquel les engagements devaient leur permettre d'accéder (232).

Parts de marché en volume

423. Sur le marché aval, les parts de marché en volume peuvent être calculés, soit en fonction du nombre d'abonnés, soit en fonction du nombre d'abonnements. La différence entre le volume d'abonnés et le volume d'abonnements résulte de la circonstance qu'un même foyer (l'abonné) peut souscrire plusieurs abonnements. Un foyer peut ainsi, par exemple, souscrire un abonnement à l'offre "les chaînes Canal+" et un abonnement à CanalSat, et sera décompté une fois comme abonné individuel et deux fois au titre des abonnements qu'il détient.

424. Comme indiqué ci-dessus, les FAI et Numericable commercialisent une première offre de télévision payante correspondant aux chaînes qui sont fournies sans surcoût supplémentaire à tout particulier qui souscrit un abonnement triple play (téléphonie, télévision, Internet). Ils commercialisent également une offre de télévision payante située en second niveau de service et auxquels les abonnés de l'offre de base multiservices peuvent avoir accès s'ils souscrivent un abonnement complémentaire. L'offre de GCP est distribuée sur les plateformes des opérateurs de télécommunications en second niveau de service.

425. Selon les informations communiquées par GCP, sur un marché regroupant les abonnés à toutes les offres des FAI, y compris ceux qui ne souscrivent pas une offre de second niveau de service, le groupe détiendrait une part de marché de [30-40] % en nombre d'abonnés et de [30-40] % en nombre d'abonnements. Dans la mesure où SFR, bien que proposant une offre alternative à celle de GCP en aval est également contrôlé par le groupe Vivendi, il est pertinent de relever que la part combinée de l'ensemble des entités contrôlées par Vivendi représentent [40-50] % des abonnés et [50-60] % des abonnements. Orange, premier concurrent des parties en volume, disposer d'une part de marché inférieure, avec [20-30] % des abonnés et [10-20] % des abonnements.

426. Quoique déjà significatives, ces parts ne sont cependant pas représentatives du poids réel de GCP en tant qu'offreur sur le marché aval puisqu'elles incluent les abonnements aux seuls premiers niveaux de service de télévision des FAI qui figure dans tous les abonnements triple play. Ainsi qu'il a été exposé plus haut dans la partie relative à la délimitation des marchés pertinents, les offres de premier niveau, qui ne sont pas substituables aux yeux des consommateurs aux offres de GCP et des autres offres proposées en second niveau de service, ne relèvent pas de la télévision payante à proprement parler et les parcs d'abonnements correspondants ne sont, par principe, pas pris en compte dans le calcul des parts de marché.

427. Le tableau suivant détaille donc les parts de marché en volume (nombre d'abonnements), en 2011, sur le marché aval de la distribution de télévision payante, en tenant compte uniquement des offres de second niveau de service des FAI.

Parts de marché de GCP et de ses principaux concurrents en nombre d'abonnements sur le marché aval de distribution de télévision payante en second niveau

<EMPLACEMENT TABLEAU>

428. Il en résulte que GCP détient une part de marché de [70-80] % en nombre d'abonnements et le groupe Vivendi une part de marché supérieure à [80-90] %. Aucun de ses concurrents n'atteint [10-20] % du marché.

429. Il s'ensuit que, du point de vue des chaînes indépendantes, les parties notifiantes contrôlent l'accès à la grande majorité de la clientèle du marché.

Parts de marché en valeur

430. En règle générale, la part de marché d'une entreprise se calcule en rapportant son chiffre d'affaires hors taxes au chiffre d'affaires hors taxes du marché (234). A l'instar de la pratique décisionnelle européenne, il convient de souligner que les produits commercialisés par les parties sur le marché aval consistent en des offres de télévision payante différenciées, ce qui justifie de considérer que les parts de marché en valeur constituent une information particulièrement pertinente (235).

431. GCP a donc communiqué ses estimations des revenus tirés de la commercialisation des offres de premier et second niveau des FAI, afin de calculer les parts de marché en valeur sur le marché aval de la fourniture de services de télévision payante au consommateur final (236). GCP a produit ses estimations sur la base de deux méthodes différentes, dont les résultats ont servi pour évaluer les parts de marché des différents acteurs, par comparaison au chiffre d'affaires de Canal+ et de CanalSat.

432. La première méthode de valorisation du premier niveau, dite "approche COSIP", consiste à se baser sur le régime fiscal spécifique appliqué à la composante télévision des offres multiservices, et plus particulièrement sur la contribution des FAI au compte de soutien de l'industrie des programmes audiovisuels ("COSIP"), qui a pour objet de développer la création audiovisuelle. L'assiette de la contribution des FAI au COSIP étant de 45 % du prix de l'abonnement multiservices, la valeur totale des offres de télévision de premier niveau des FAI est évaluée, selon cette approche, à 45 % du prix de l'abonnement multiservices multiplié par le nombre d'abonnés à une offre multiservices.

433. Dans le cadre de la seconde méthode, dite "approche double play", GCP a pris en compte certaines offres proposées par les FAI dites "double play", qui intègrent uniquement les composantes téléphonie et Internet des offres triple play. L'approche consiste à calculer la différence entre le prix moyen des offres triple play et celui des offres double play pour déterminer une valeur approchée des offres de télévision. Cette valeur est ensuite multipliée par le nombre d'abonnés aux offres triple play (le prix moyen des offres double play des FAI étant évalué par GCP à 23 euro par mois).

434. Les tableaux suivants présentent donc les parts de marché des parties et de leurs concurrents en valeur sur ce marché aval, le premier selon la méthode COSIP (237), le second selon la méthode double play (238).

Parts de marché de GCP et de ses principaux concurrents sur le marché aval de distribution de télévision payante en valeur (méthode COSIP)

<EMPLACEMENT TABLEAU>

435. Seule la comparaison des revenus tirés de la commercialisation des offres de GCP avec les chiffres d'affaires provenant de la commercialisation des offres de second niveau des FAI fournit une information utile pour l'analyse concurrentielle. Or, les résultats des estimations des parties notifiantes démontrent qu'elles regroupent l'essentiel de la valeur du marché, soit [90-100] % pour GCP seul, et plus de [90-100] % pour le groupe Vivendi dans son ensemble.

436. En tout état de cause, même en adoptant l'hypothèse la plus favorable aux parties, sur l'ensemble des revenus attribuables à des services de télévision, qu'ils soient inclus dans une offre triple play des FAI ou effectivement soumis à un abonnement spécifique, GCP représente, seul, entre [50-60] et [60-70] % de la valeur du marché. En tenant compte également de la position détenue par SFR, le groupe Vivendi représente globalement entre [60-70] et [70-80] % de la valeur du marché.

437. Quelle que soit la méthode retenue, ce niveau élevé de parts de marché illustre la position prépondérante de GCP sur le marché aval et la pression concurrentielle très limitée qu'exercent les différents FAI.

b) Barrières à l'émergence d'une pression concurrentielle significative

438. L'analyse des effets horizontaux nécessite d'examiner la capacité des concurrents actuels de réagir face à la nouvelle situation créée par l'opération. Pour effectuer cette analyse, outre la part de marché des concurrents, l'Autorité examine les facteurs capables de freiner leurs possibilités de réaction, parmi lesquels les coûts de changement des fournisseurs pour les clients et le contrepouvoir de négociation des acheteurs (240). Il convient donc d'analyser en l'espèce les éventuels coûts pour les chaînes de changement de distributeurs qui contraindraient la capacité des concurrents d'exercer une pression sur GCP en proposant des offres de distribution aux chaînes les plus attractives. Il convient également d'examiner la capacité des éditeurs indépendants, en tant qu'acheteurs de services de distribution, d'exercer un contrepouvoir susceptible de contraindre le comportement de GCP.

439. Dans la décision de 2006, le ministre de l'Economie constatait que "les opérateurs ADSL ne se dégageront de la dépendance des parties à l'opération qu'en proposant leur bouquet propre, composé de chaînes thématiques attractives. Or cela ne sera pas le cas après l'opération. Les chaînes les plus attractives de la télévision payante seront contrôlées ou distribuées en exclusivité par la nouvelle entité. Cette dernière disposera en outre d'une très large base d'abonnés" (241).

440. Conformément à cette analyse, il ressort de l'instruction que la distribution exclusive de chaînes thématiques par CanalSat restreint très significativement à la fois l'éventuel contrepouvoir des éditeurs et la capacité des distributeurs tiers à distribuer des chaînes attractives. Ce constat découle tant de l'étendue et l'importance des exclusivités conclues entre CanalSat et les chaînes thématiques que l'effet des primes d'exclusivité versées par GCP aux chaînes (i).

441. Dans un contexte où l'opération a placé les chaînes dans une situation de dépendance vis-à-vis de GCP, deux facteurs contribuent à restreindre la capacité de réaction des concurrents de l'entité issue de la concentration, à savoir l'opacité des conditions contractuelles de distribution pratiquées par GCP (ii) et la restriction corrélative de la capacité des distributeurs tiers à proposer une offre compétitive aux chaînes (iii). Enfin, d'autres raisons expliquent également que les FAI ne constituent pas une alternative suffisante de distribution (iv).

(i) La dépendance des chaînes thématiques vis-à-vis de GCP

L'effet des primes d'exclusivité

442. Le rôle prépondérant que GCP joue dans la distribution de chaînes thématiques est particulièrement significatif pour les chaînes distribuées en exclusivité sur le bouquet CanalSat. Dans ce cadre, la part que représente GCP dans la rémunération des chaînes est encore plus importante et la relation de dépendance encore plus marquée.

443. Au sein de CanalSat, une soixantaine de chaines sont distribuées sur une base exclusive. On distingue parmi elles les chaînes appartenant à GCP et celles appartenant à des tiers :

- dans la thématique "cinéma", GCP édite et distribue en exclusivité les trois chaînes qui réalisent les meilleures audiences de cette thématique, à savoir Ciné+ Premier, Ciné+ Emotion et Ciné+ Frisson ;

- dans la thématique "sport", GCP édite et distribue en exclusivité Sport+, seconde chaîne du marché en termes d'audience et a distribué en exclusivité jusqu'en 2011 Eurosport, filiale du groupe TF1 et première chaîne thématique sportive en termes d'attractivité (242) ;

- dans la thématique "jeunesse", Tiji, Canal J et June (Lagardère), Disney Junior et Disney XD (Disney), Cartoon Network (Turner) et Nickelodeon Junior (MTV/Viacom) sont disponibles uniquement sur CanalSat. Seules Disney Channel (depuis 2011), et Boomerang (Turner), ainsi que Piwi+ et Teletoon+ (243) bénéficient d'une distribution plus large ;

- dans la thématique "musicale", CanalSat distribue en exclusivité toutes les chaînes MTV ;

- dans la thématique "séries/divertissements", seules Paris Première et Teva (groupe M6) et TV Breizh (TF1, depuis janvier 2012) sont distribuées en non exclusivité.

Toutes les autres chaînes comme Comédie et Jimmy (GCP), 13ème Rue et Syfy (NBC Universal) (244), TF6 et Série Club (TF1/M6) ne sont disponibles que sur CanalSat ;

- enfin, dans la thématique "découvertes", la gamme de chaines Planète et Seasons (GCP), Discovery Channel (Discovery), Voyages et National Geographic (Fox) sont distribuées en exclusivité par CanalSat. Seules les chaînes du groupe AB (Animaux, Escales et Toute l'Histoire) et celles de TF1 (Ushuaïa et Histoire, seulement depuis janvier 2012), sont plus largement distribuées.

444. Les exclusivités sur le marché de gros des chaînes thématiques sont relativement fréquentes dans la mesure où elles permettent au distributeur de différencier son offre de bouquets de celles de ses concurrents, en particulier lorsque l'exclusivité porte sur des chaînes dont le contenu est peu ou pas substituable. Toutefois, la distribution exclusive d'une chaîne sur CanalSat présente la particularité de concerner la quasi-totalité des plateformes techniques de diffusion (satellite, ADSL, etc.), à l'exception, généralement, du câble, puisque CanalSat est auto-distribuée sur l'ensemble de ces plateformes (sauf le câble). En contrepartie de cette forme d'exclusivité, que seule GCP est capable de proposer depuis la disparition de son principal concurrent du fait de l'opération, les éditeurs perçoivent une "prime d'exclusivité", qui représente un montant de redevance perçu auprès de GCP supérieur au cumul des redevances perçues de GCP et de l'ensemble des FAI en distribution non exclusive. Les éditeurs doivent donc arbitrer, en l'état des pratiques contractuelles de GCP, entre une distribution exclusive multi-plateformes par CanalSat, et bénéficier de la prime d'exclusivité au risque de se retrouver dans une situation de dépendance vis-à-vis de GCP, ou la signature d'un contrat non exclusif, ce qui les prive de la prime d'exclusivité et risque de mettre en cause la viabilité financière des chaînes.

445. La question du choix du modèle de distribution se pose donc avec acuité au moment du renouvellement du contrat de distribution avec CanalSat. Les chaînes actuellement sous contrat exclusif avec CanalSat ont ainsi, pour la plupart, déjà envisagé de sortir de cette exclusivité, dans la mesure où il est plus sécurisant pour elles de disposer de ressources diversifiées et de ne pas dépendre d'un seul distributeur. Dans la majorité des cas cependant, les chaînes ont finalement renouvelé leurs contrats d'exclusivité avec CanalSat.

446. Par exemple, l'Equipe TV indique s'être "posée la question de mettre fin à la distribution exclusive de sa chaîne sur CanalSat. Toutefois, il s'est avéré que ce n'était pas une alternative pertinente pour l'Equipe TV, notamment dans la mesure où la fin de l'exclusivité ne nous permettait pas de maintenir un niveau de rémunération distributeur satisfaisant" (245). Lagardère Active, qui édite les chaînes jeunesse Canal J, Tiji et June, ainsi que les chaînes musicales MCM, a également étudié à la fin de l'année 2009 les conditions de sortie de l'exclusivité et a lancé une consultation auprès des différents distributeurs à cet effet. Elle y a finalement renoncé car l'offre de distribution proposée par CanalSat sur une base non exclusive "proposait une rémunération annuelle forfaitaire par chaîne représentant au total un peu moins du tiers de la rémunération en cas de renouvellement des exclusivités actuellement prévues par les contrats. Dans ces conditions, il est apparu que les revenus que Lagardère Active aurait pu obtenir dans l'hypothèse d'une distribution non exclusive sur les réseaux xDSL/FTTx des chaînes Canal J, Tiji et June étaient très largement inférieurs à ceux qu'elle percevrait de Canal+ en cas de renouvellement des exclusivités" (246).

447. C'est en effet principalement pour des raisons financières que les chaînes renoncent à mettre fin à leur distribution exclusive sur CanalSat. TF6 et Série Club, contrôlées conjointement par TF1 et M6, ont lancé deux consultations en 2009 et 2011, avec pour objectif de permettre à leurs chaînes d'être distribuées plus largement sur l'ensemble des FAI. Les deux consultations se sont révélées infructueuses sur le plan financier, puisque les propositions des distributeurs ne leur permettaient pas d'atteindre le seuil minimum de référence ce qui a conduit TF6 et Série Club à constater que "il s'est avéré que la distribution non exclusive ne pouvait pas permettre aux chaînes de poursuivre leur activité de manière pérenne" (247).

448. Ainsi, par exemple, lors de négociations pour le renouvellement du contrat de distribution de la chaîne Voyage en novembre 2006, Fox s'est vu proposer par CanalSat une redevance en baisse de [...] % la première année et de [...] % les deux années suivantes, si elle choisissait une distribution non exclusive (248). La contre-proposition de Voyage ayant été refusée par CanalSat, Voyage s'est vu signifier l'intention de CanalSat de prolonger son contrat de distribution pour une durée d'un an sur une base exclusive, puis de cesser purement et simplement la distribution de la chaîne. L'affaire a été portée devant le CSA dans le cadre de sa procédure de règlement des différends, puis finalement réglée dans le cadre d'un accord général entre Fox et CanalSat (249).

449. L'instruction a également révélé que, dans certains cas, Canal+ Distribution refuse d'indiquer à un éditeur souhaitant passer à une distribution non exclusive quel serait le montant de sa rémunération par CanalSat dans ce schéma. Dans un tel cas de figure, l'éditeur ne connait donc même pas le montant global des redevances qu'il percevrait dans le cadre d'une distribution non exclusive, puisqu'il ne dispose que des réponses des autres distributeurs. Privé d'une information aussi essentielle, l'éditeur ne peut alors qu'accepter de rester dans un schéma de distribution exclusive sur CanalSat ou de renoncer simplement à être distribué par CanalSat.

450. Il est en effet très difficile pour les chaînes d'évaluer l'impact économique d'un mode de distribution non exclusif au regard de l'asymétrie d'information existant sur le marché. GCP, du fait du caractère incontournable du distributeur CanalSat, demeure un partenaire essentiel des chaînes thématiques. Ainsi, afin de pouvoir évaluer de manière réaliste les implications d'un passage à un modèle non exclusif, il est nécessaire que GCP fournisse à la chaîne à la fois une offre non exclusive et une offre exclusive. A défaut, le choix de la non exclusivité ne peut être envisagé au regard des incertitudes majeures induites par cette option pour les revenus de la chaîne.

451. Ce comportement s'analyse donc comme une stratégie délibérée de maintien forcé de chaînes indépendantes dans l'exclusivité CanalSat. GCP assume d'ailleurs pleinement cette stratégie, puisque ses représentants ont déclaré aux rapporteurs qu'"avec la concurrence croissante des FAI, cependant, ce sujet [i.e., les difficultés liées à l'absence d'éléments objectifs permettant d'apprécier la valeur de l'exclusivité] va grandement se simplifier : nous nous orientons vers un schéma sur la base duquel la distribution non exclusive de chaînes n'a plus de valeur pour CanalSat. On se dirige donc vers un modèle où CanalSat prendra des chaînes en exclusivité ou ne les prendra plus du tout, et ce qui va guider le choix de distribution des chaînes sera soit une proposition en exclusivité sur CanalSat, soit en non exclusivité chez les autres distributeurs. Nous avons déjà la démonstration répétée sur les chaînes les plus fortes (notamment Eurosport et Disney Channel) que la distribution est liquide. CanalSat n'a aucun intérêt à laisser partir ses chaînes les plus fortes" (250).

L'impact de la perte des primes d'exclusivité sur l'équilibre économique des chaînes

452. Il existe néanmoins des exemples de chaînes ayant été en mesure de renoncer à une distribution exclusive sur CanalSat. Il s'agit de chaînes éditées par le groupe TF1 et d'une chaîne éditée par le groupe Disney. Ces cas concernent donc des chaînes adossées à de grands groupes audiovisuels dont les revenus sont diversifiés (la télévision gratuite pour TF1, le cinéma pour Disney), ce qui leur a permis d'assumer ce risque. Toutefois, même pour ces chaînes, la sortie de l'exclusivité a été effectuée au prix d'un processus difficile.

453. S'agissant des chaînes de Disney, la sortie de l'exclusivité, récente (2011), n'a finalement concerné que la chaîne Disney Channel alors que les chaînes Disney XD et Disney Junior sont restées en exclusivité sur CanalSat.

454. S'agissant des chaînes de TF1 (Eurosport/Eurosport 2, Ushuaia TV, LCI, TV Breizh et Histoire), une première consultation du marché pour une distribution non exclusive, conduite en 2009, a abouti à des propositions de rémunération de la part de CanalSat très largement inférieures à la rémunération exclusive antérieurement versée. Cette décote était loin d'être compensée, même partiellement, par les propositions des FAI. Comme l'indique le CSA "en réponse à une demande d'avis de l'Autorité de la concurrence sur une saisine de France Télécom, le Conseil avait considéré que l'échec de la consultation et la reconduction du contrat de distribution exclusive avec le groupe Canal Plus trouvait notamment son origine dans le caractère excessif des diminutions de rémunération proposées par le groupe Canal Plus" (251).

455. Le contexte était par ailleurs peu propice à la levée de l'exclusivité dans la mesure où dans le cadre des accords dits "Ceres" conclus entre GCP et les anciens actionnaires de TPS (TF1 et M6) en 2006, TF1 bénéficiait d'une option pour le renouvellement du contrat des chaînes sur une base exclusive [confidentiel]. TF1 souligne à cet égard que "la viabilité et la pérennité des chaînes auraient été gravement menacées si elles avaient dû accepter les offres formulées par les distributeurs, plutôt que de reconduire l'exclusivité de CanalSat pour deux années supplémentaires comme elles en avaient l'option" (252).

456. TF1 a ensuite lancé une deuxième consultation en 2011, dans un contexte différent puisque les chaînes ne disposaient plus d'option de renouvellement, ce qui a pu inciter les FAI à manifester davantage d'intérêt pour la distribution de ces chaînes. TF1 a alors également élaboré une procédure différente de celle de 2009, sans prix de réserve et fondée sur un système incitatif pour les distributeurs de "restitution de valeur" : dans l'hypothèse où l'ensemble des distributeurs du marché auraient proposé aux chaines une distribution en premier niveau de service, leur assurant ainsi une exposition et des recettes publicitaires plus conséquentes, les chaînes s'engageaient soit à reverser une partie des redevances acquittées par les distributeurs, soit à investir l'équivalent de ses recettes additionnelles par exemple dans les programmes pour améliorer la qualité de la chaîne et des services associés (253).

457. La négociation avec CanalSat n'en a pas pour autant été facilitée puisque, comme le relève le CSA, "dans le cadre de la seconde consultation du groupe TF1 qui s'est déroulée en 2011, le groupe Canal Plus a dans un premier temps exprimé son intention de ne pas reprendre certaines chaînes. Ce n'est qu'au cours de l'instruction par les services du Conseil que le groupe a finalement fait une offre de reprise satisfaisante pour les chaînes" (254).

458. TF1 est finalement parvenu, à partir de l'été 2011, à conclure des accords de distribution avec les FAI, à l'exception de Free, permettant d'assurer aux chaînes une exposition élargie et une rémunération témoignant d'un "interêt fort" pour ces chaines ainsi qu'un accord avec CanalSat pour une distribution sur une base non exclusive. Cet accord a contribué à réduire la dépendance économique des chaînes vis-à-vis de GCP, bien que la contribution de ce dernier à leurs recettes demeure extrêmement importante et lui confère un rôle décisif pour leur équilibre financier (255).

459. En effet, dans ce contexte, selon des informations rendues publiques, la décote de rémunération par rapport à la distribution exclusive par CanalSat est de l'ordre de 50 % pour LCI (7,5 millions d'euro contre 15 millions d'euro). Selon les éléments versés au dossier, la décote imposée à TF1 en moyenne pour l'ensemble de ses chaînes est supérieure à [...] % pour la plupart des chaînes concernées, ce qui est considérable pour un marché comme celui de l'édition pour lesquels les coûts fixes sont prépondérants.

460. Ce niveau de décote est d'autant plus élevé que les accords "Ceres" contenaient une clause dite de réfaction aux termes de laquelle, [confidentiel]. Les accords Ceres prévoyaient donc une décote de [...] % en cas de levée de l'exclusivité pour les chaînes de TF1 et de M6. Ce montant correspondait à la prévision de la part de marché globale des opérateurs FAI bénéficiant de la fin de l'exclusivité au moment de l'expiration de celle-ci.

461. GCP conteste cependant que cette clause puisse constituer une référence pour apprécier la valeur d'une exclusivité de distribution pour une chaîne au-delà du cas particulier des accords conclus avec M6 et TF1, qui étaient structurés autour d'une rémunération globale des chaînes (et non chaîne par chaîne) et s'inscrivaient dans le cadre d'un accord plus général incluant également les modalités du rapprochement des plateformes TPS et CanalSat. GCP ajoute que cette clause n'avait vocation à jouer que dans les hypothèses où l'exclusivité ne pouvait être maintenue, c'est-à-dire, selon GCP, si un évènement extérieur aux parties signataires comme une décision de justice ou une décision administrative venait concrètement empêcher la poursuite de l'exclusivité de ces chaînes (256).

462. Toutefois, le principe, matérialisé dans ces accords, selon lequel le niveau de la décote devrait être proportionné à la part de marché prévisionnelle des FAI, apparaît économiquement justifié au regard de la perte d'abonnés potentielle que serait susceptible d'entraîner une sortie de l'exclusivité. A l'inverse, les niveaux de décotes extrêmement élevés imposés par GCP à des chaînes indépendantes souhaitant sortir de l'exclusivité ne sont pas fondés sur une justification économique objective.

463. Il apparaît donc que la "prime" d'exclusivité versée par CanalSat est d'un montant suffisamment élevé pour que la distribution exclusive sur CanalSat soit recherchée par l'éditeur, moins par choix délibéré que du fait de l'impossibilité d'obtenir une rémunération équivalente en distribution non exclusive. Dans ce contexte, la rémunération exclusive installe les chaînes dans une situation de dépendance dont les chaînes sont peu incitées à sortir.

La dépendance économique des chaînes distribuées de manière non exclusive

464. Si le montant de la prime d'exclusivité crée de fait une relation de dépendance entre CanalSat et les chaines, les relations entre GCP et les chaînes non exclusives sont également marquées par une situation de dépendance économique.

465. En premier lieu, CanalSat représente une part très significative de la rémunération des chaînes distribuées sur une base non exclusive. Cette situation est notamment illustrée par la situation du groupe AB, qui édite 15 chaînes, toutes distribuées sur une base non exclusive. Ainsi, avant la concentration, les chaînes du groupe AB étaient disponibles tant sur CanalSatellite que sur TPS, et AB retirait des redevances des deux plateformes satellites s'élevant à un montant global de [...] millions d'euro. En 2006, CanalSat a conclu avec AB un accord relatif à de nouvelles modalités de rémunération de ses chaînes, comportant une rémunération désormais proportionnelle au chiffre d'affaires de l'option "Horizon" dans laquelle ces chaînes étaient inclues (257). Or, selon AB, les efforts de promotion par GCP de l'option "Horizon" ont été très limités, au profit d'autres options (les packs "Famille" et "Sport") incluant davantage de chaînes éditées par GCP.

466. Il en a résulté une forte diminution des abonnés de l'option "Horizons" et donc une baisse significative de la rémunération versée par GCP au groupe AB. En 2011, au titre de la seule offre CanalSat, les recettes d'AB représentaient [...] millions d'euro, soit une baisse de [...] % en 5 ans. L'effet de la concentration a donc eu un impact particulièrement négatif sur les ressources des chaînes (258).

467. Ainsi, le groupe AB explique que "lors de l'annonce de la fusion, nous avions sur TPS une option rémunérée sur une base variable alors que sur CanalSat, la rémunération était forfaitaire. GCP a fait migrer les abonnés TPS vers CanalSat, sans hausse de nos ressources. En effet, les abonnés bénéficiaient des mêmes chaînes mais notre rémunération a du coup fortement baissé car on perdait progressivement la rémunération variable de l'option "Passion" sur TPS sans augmenter la rémunération forfaitaire de l'option équivalente sur CanalSat" (259). Cette situation, peu favorable pour l'éditeur dans les premiers mois suivant la fusion, ne s'est guère améliorée par la suite : "GCP nous a alors proposé un deal et nous sommes repassés en variable sur le pack "Horizon". Nous pensions retrouver le niveau d'avant la fusion mais chaque jour nous avons perdu des abonnés. Cela est certainement lié au positionnement "en fond de magasin" de notre offre, à son référencement inadéquat. Nous perdons près de 3 millions par an sur ce pack "Horizon" (260). En effet, au sein de l'offre CanalSat, le pack "Horizons" n'est pas inclus parmi les packs adjoints à l'offre de base et n'est de facto accessible qu'aux abonnés à l'offre "tout CanalSat", formule qui n'a été retenue que par 5 % des abonnés à CanalSat.

468. Le groupe AB a indiqué, en séance, avoir été jusqu'à présent capable de compenser cette perte par les revenus tirés de la distribution des chaînes par les FAI. Il n'en reste pas moins que l'équation financière des chaînes est fragile et fondamentalement dépendante des redevances versées par GCP, puisque les recettes retirées de la distribution par CanalSat représentent [...] % de leurs recettes totales de distribution (261).

469. De plus, GCP jouit d'une position incontournable non seulement à l'égard des chaînes présentes depuis longtemps sur le marché, mais également à l'égard des nouveaux entrants qui ne se sont pas distribuées sur une base exclusive. C'est ainsi que GCP a indiqué à la LFP que la rémunération de sa chaîne CFoot, distribuée sur une base non exclusive, serait divisée par [...] si elle était également distribuée sur la TNT payante (262).

470. Il apparaît donc que CanalSat demeure un distributeur incontournable pour les chaînes thématiques indépendantes, tant exclusives que non exclusives au sein de son offre du fait du rôle essentiel joué par GCP dans leur rémunération, leur positionnement et l'accès à une base significative d'abonnés.

471. Dans ce contexte, une pression concurrentielle réelle ne pourrait s'exercer sur CanalSat, distributeur dominant, que si les distributeurs tiers étaient en mesure de proposer des offres compétitives aux éditeurs de chaînes. Or, l'architecture des contrats conclus entre CanalSat et les éditeurs et l'opacité des conditions contractuelles entretenue par GCP empêchent les distributeurs concurrents de se positionner efficacement vis-à-vis des éditeurs.

(ii) L'opacité des conditions contractuelles de distribution pratiquées par GCP

472. Il ressort de l'instruction que GCP conclut avec les chaînes thématiques des contrats de distribution exclusifs pour la diffusion sur le satellite mais aussi sur l'ADSL, voire les réseaux fibrés. L'exclusivité vendue par les éditeurs à GCP ne fait cependant pas l'objet d'une valorisation transparente, ce que GCP a reconnu au cours de l'enquête (263). En particulier, l'instruction montre que la pratique qui consiste pour GCP à conclure des contrats pour la distribution exclusive de chaînes sur plusieurs plateformes techniques de diffusion en contrepartie d'une redevance globale dont les différentes composantes sont opaques, restreint la capacité des distributeurs tiers de proposer aux chaînes une offre de distribution compétitive puisqu'ils ne peuvent valoriser l'exclusivité que sur leur seule plateforme.

473. En effet, une plateforme technique de télévision payante est constituée de l'ensemble des moyens et installations techniques déployés par un opérateur pour permettre la diffusion des services de télévision payante (on parlera de "plateformes propriétaires"). Il existe six types de plateformes techniques, à savoir la TNT, le câble, le satellite, les réseaux xDSL, la fibre optique et les téléphones mobiles (264). Chaque plateforme présente des spécificités techniques tenant notamment à leur couverture géographique, à leur capacité en termes de débits, de fréquences disponibles (pour l'hertzien), voire de services diffusables. L'ARCEP souligne à cet égard dans son avis l'importance des évolutions du marché et leur impact technique sur la télévision payante. Le régulateur sectoriel constate, en particulier, l'augmentation des débits des réseaux xDSL et leur capacité à proposer des services interactifs. L'ARCEP explique également que le déploiement de la fibre optique, qui implique la mise en place de nouveaux réseaux, permet l'accès des utilisateurs à des services de meilleure qualité particulièrement intéressants pour les opérateurs de télévision payante (haute définition, notamment) (265).

474. En pratique, lorsque GCP distribue des chaînes en exclusivité, celle-ci porte sur toutes les plateformes techniques de télévision payante à l'exception du câble (266) et l'exclusivité obtenue par GCP fait l'objet d'une redevance globale. La conclusion de tels contrats permet aux chaînes de bénéficier de la prime d'exclusivité, qui représente un montant de redevance perçu auprès de GCP supérieur au cumul des redevances perçues de GCP et de l'ensemble des FAI en distribution non exclusive. Dans ce contexte, l'Autorité a déjà eu l'occasion de constater que, "s'il souhaite acquérir des droits, même non exclusifs, pour l'exploitation en télévision par ADSL de ces chaînes, un opérateur télécoms doit ainsi compenser la perte de la prime d'exclusivité que touchent actuellement les chaînes exclusives de Canal+. [Or,] il apparaît que la rémunération versée par Canal+ pour une diffusion non exclusive de la chaîne est souvent très inférieure à celle versée pour une diffusion exclusive. Un nouvel entrant risque donc de ne pouvoir compenser la différence, et jugera ce coût d'entrée excessif en comparaison de son faible parc d'abonnés" (267).

475. De plus, le montant de la prime d'exclusivité n'est pas détaillé par plateforme de diffusion. Ainsi, la valeur de l'exclusivité obtenue par GCP pour la distribution de chaînes sur les réseaux ADSL des distributeurs concurrents ne fait pas l'objet d'une valorisation spécifique. Cette opacité fait que les éditeurs ignorent quelle proportion de la rémunération que leur verse GCP correspond à la distribution sur le satellite, et quelle proportion correspond à la distribution sur chaque plateforme ADSL. Les seules informations dont disposent les éditeurs consistent, d'une part, en un niveau de rémunération globale pour une distribution exclusive sur toutes les plateformes, et, s'ils demandent de sortir de l'exclusivité, le niveau de rémunération que GCP est disposé à verser pour une distribution non exclusive.

476. La décote imposée par GCP en cas de sortie de l'exclusivité est souvent extrêmement importante et en tout état de cause disproportionnée au regard du nombre d'abonnés à CanalSat sur l'ADSL. CanalSat compte environ [...] abonnés sur l'ADSL, ce qui représente seulement [10-20] % de son parc total. L'instruction a pourtant montré que GCP imposait des décotes de rémunération de l'ordre de [40-50] à [80-90] %, niveaux manifestement décorrélés de la perte d'abonnés potentielle que serait susceptible d'entraîner une perte d'exclusivité. GCP explique que la baisse de valeur que CanalSat attribue aux pertes d'exclusivités repose sur des éléments subjectifs, autres que la seule perte d'abonnés comme, par exemple, l'évolution de la valeur de la marque de l'éditeur, des droits, de la capacité des chaînes à attirer et à fidéliser (268). GCP prétend également que le caractère subjectif de ces critères justifierait le manque de transparence de ses pratiques contractuelles (269).

477. Néanmoins, si le principe même de la décote de rémunération en cas de sortie de l'exclusivité est légitime, dans la mesure où la chaîne perd son caractère différenciant pour le distributeur et contribue plus faiblement aux motivations d'abonnement, l'ampleur parfois extrêmement significative de la décote et l'absence totale d'éléments objectifs permettant d'en mesurer la pertinence contribue à restreindre artificiellement la concurrence sur le marché.

478. En effet, s'il appartient à GCP de valoriser la distribution de chaînes sur les critères qui lui paraissent pertinents, ce procédé ne justifie pas l'opacité des conditions contractuelles proposées par GCP. En effet, l'opacité entretenue par GCP ne permet ni aux éditeurs, ni aux distributeurs concurrents d'évaluer la valeur imputable à la perte, même partielle, de l'exclusivité de CanalSat pour la distribution d'une chaîne sur une des plateformes ADSL.

479. De la même manière, l'Autorité a déjà eu l'occasion de constater que "la valeur d'une exclusivité pour les réseaux FTTx ne donne pas lieu à une estimation séparée, tout en étant apparemment exigée par le groupe Canal+ lors de la renégociation des contrats. La perte due à une absence d'exclusivité sur les nouveaux réseaux FTTx semble pourtant relativement limitée alors que le déploiement de ces réseaux n'en est encore qu'à son début" (270).

480. L'Autorité a d'ailleurs relevé dans son avis n° 09-A-42, que de telles clauses d'exclusivité sur les réseaux FTTx "permettent de préempter l'exclusivité sur des réseaux encore largement inexistants [et] risquent de perpétuer le modèle actuel de la télévision payante sur ADSL aux nouveaux réseaux FTTx" (271). La préemption par GCP de l'exclusivité de distribution sur des réseaux de tiers, au détriment de ces derniers, par le biais de l'extension de ses droits exclusifs est donc aussi bien appliquée à l'ADSL qu'aux réseaux FTTx. La globalisation, par GCP, de la redevance versée en contrepartie des exclusivités sur l'ensemble des plateformes contribue donc à cette préemption et restreint significativement la capacité de réaction de ses concurrents.

(iii) La restriction de la capacité des concurrents à proposer des offres compétitives aux éditeurs

481. Dans le cadre de ses relations avec les éditeurs, GCP cumule l'exclusivité de la distribution des chaînes sur l'ensemble des plateformes sur lesquelles CanalSat est auto-distribuée et fixe une rémunération d'exclusivité globale et non différenciée selon les plateformes concernées. Comme l'ont relevé plusieurs opérateurs au cours de l'enquête, et conformément aux constats de l'Autorité dans son avis n° 09-A-42, l'absence de valorisation séparée des exclusivités de distribution sur chaque plateforme a pour effet de préempter l'exclusivité sur des réseaux de tiers en restreignant la possibilité, notamment pour les FAI, de formuler des offres de distribution compétitives.

482. En effet, alors qu'il existe plusieurs plateformes propriétaire ADSL, l'opération a intégré au sein de GCP les deux plateformes satellitaires préexistantes. GCP reste donc le seul distributeur satellite, plateforme de diffusion utilisée par [...] millions des abonnés à CanalSat alors que les [...] millions d'abonnés restants accèdent à l'offre auto-distribuée sur d'autres plateformes. Cet état de fait aboutit à une concurrence structurellement asymétrique entre GCP et les FAI vis-à-vis des éditeurs, dans la mesure où GCP est un distributeur multi-plateformes alors que les FAI sont des distributeurs mono-plateforme (272).

483. A la différence de CanalSat, les distributeurs tiers, essentiellement les FAI, ne peuvent en effet proposer leurs propres bouquets que sur leurs seules plateformes propriétaires. Ils ne peuvent donc, individuellement, concurrencer les offres de distribution multi-plateformes proposées par GCP aux chaînes. De plus, par hypothèse, l'adoption d'une stratégie par laquelle un distributeur tiers proposerait une rémunération équivalente à celle versée par GCP pour une exclusivité multi-plateformes ne pourrait s'avérer viable à terme compte tenu du fait que ce distributeur ne pourrait rentabiliser ces droits que sur sa seule plateforme. En l'état des parts de marché des différents opérateurs du marché, l'adoption d'une telle stratégie par un FAI n'est pas concevable. Dans ce contexte, l'absence de valorisation séparée des exclusivités sur chaque plateforme dans les contrats de distribution de GCP, en déconnectant de manière opaque la rémunération de l'exclusivité de la valeur qu'elle représente sur chacune d'entre elles, restreint la capacité des concurrents de GCP à proposer des offres de distribution compétitives.

484. Pour les mêmes raisons, cette pratique entraîne pour les chaînes indépendantes un coût significatif de changement de distributeur. En effet, lorsqu'un accord de distribution avec GCP est envisagé, les chaînes sont contraintes d'arbitrer entre la conclusion d'un contrat de distribution en exclusivité sur toutes les plateformes, ce qui leur donne le bénéfice de la prime d'exclusivité, ou la conclusion d'un contrat non exclusif, qui les prive alors de la prime d'exclusivité. Les éditeurs ne peuvent donc pas arbitrer l'octroi de l'exclusivité de distribution sur les différentes plateformes.

485. L'absence de valorisation transparente de la rémunération versée aux éditeurs pour la distribution de leurs chaînes sur les plateformes ADSL par CanalSat explique dans une large mesure les difficultés rencontrées par les éditeurs pour sortir de l'exclusivité. En effet, si un éditeur souhaite sortir d'un schéma de distribution exclusive sur CanalSat, il communique aux distributeurs potentiels le montant de rémunération globale exclusive versée par CanalSat toutes plateformes confondues, ainsi que la proposition de CanalSat pour une distribution non exclusive sur la plateforme satellite (dans l'hypothèse où CanalSat accepterait d'en formuler une). Cette proposition de rémunération non exclusive est, comme indiqué plus haut, assortie d'une décote très importante, de l'ordre de [40-50] à [80-90] % alors que moins de [30-40] % des abonnés à CanalSat utilisent une plateforme de tiers. Afin de pouvoir sortir de l'exclusivité, la chaîne attend des FAI qu'ils compensent "collectivement" une telle décote.

486. Or, les FAI ne sont pas individuellement en mesure de compenser la rémunération versée par GCP sur une base exclusive. Ils ne disposent pas non plus des informations leur permettant de formuler des propositions individuelles, qui une fois additionnées, permettront de compenser la décote en cas de sortie de l'exclusivité, dans la mesure où CanalSat ne communique pas aux éditeurs de chaînes le niveau auquel il valorise la distribution sur leur plateforme. Dans ce contexte, les FAI sont réticents à compenser individuellement une décote de rémunération importante dans la mesure où cette compensation les conduirait à consentir des montants de rémunération déconnectés de la valeur de la chaîne pour chaque distributeur, ce qui explique les difficultés rencontrées par les éditeurs pour obtenir des propositions de distribution non exclusive.

487. Un tel schéma aboutit à subordonner la viabilité commerciale de la proposition de reprise d'un FAI aux réponses individuelles de chacun de ses concurrents. Dans ces conditions, chaque FAI, tout en étant confronté à la nécessité de participer à la compensation globale de la décote de rémunération imposées par CanalSat, est néanmoins désincité à formuler des offres élevées puisqu'il subit un risque de comportement de "passager clandestin" de la part de ses concurrents. En effet, dans l'hypothèse où le FAI est désireux de distribuer une chaîne, il peut être amené à "surpayer" la distribution de celle-ci au regard de son portefeuille d'abonnés, les autres distributeurs bénéficiant de l'élargissement de la distribution de la chaîne tout en contribuant plus faiblement à sa rémunération. Cette situation crée donc, en soi, une distorsion de concurrence entre les distributeurs tiers et une atteinte à leur concurrence vis-à-vis de GCP.

488. Cette pratique permet donc à GCP de proposer des offres de distribution difficilement contournables pour les chaînes indépendantes les plus attractives et hors de portée pour les distributeurs concurrents, empêchant ces derniers d'animer la concurrence sur le marché de la distribution. Ainsi, tout en permettant aux distributeurs alternatifs de proposer des offres de distribution exclusives sur leur plateforme sans être contraints de compenser la décote imposée par CanalSat pour la perte totale d'exclusivité, une valorisation plus transparente de la rémunération permettrait aux éditeurs de procéder à un arbitrage commercial dans des conditions concurrentielles entre une exclusivité de CanalSat sur toutes les plateformes, mais valorisée de manière autonome pour chacune d'entre elles, et des offres, éventuellement exclusives, formulées par les FAI pour leurs plateformes propriétaires. Une telle situation contraindrait certes CanalSat à proposer une offre différente sur chaque plateforme mais ceci aboutirait précisément à permettre aux différents distributeurs de constituer une offre différenciée et à élargir le choix des consommateurs.

489. Outre l'opacité des relations contractuelles entre CanalSat et les éditeurs de chaînes, d'autres facteurs expliquent le fait que les FAI ne constituent pas une alternative suffisante pour la distribution de chaînes thématiques payantes.

(iv) L'absence d'alternatives suffisantes de distribution

Sur les distributeurs alternatifs à GCP

490. GCP soutient que les FAI ont réussi à constituer très rapidement des bases d'abonnés telles que chacun d'entre eux représenterait désormais une alternative crédible au bouquet CanalSat, qui compte un parc de [...] millions d'abonnements. Selon GCP, les FAI dénombrent, à la fin du deuxième trimestre 2011, [...] millions d'abonnés alors qu'ils n'en comptaient que [...] millions à la fin de l'année 2006. Orange compterait par exemple [...] millions d'abonnés à ses offres de télévision par ADSL, Free [...] millions et SFR [...] millions, Bouygues se situant plus en retrait avec [...] abonnés. Le nombre d'abonnés au câble s'élèverait pour sa part à [...] millions.

491. Il a déjà été établi que ces chiffres, qui incluent tous les abonnés aux offres de premier niveau des FAI, ne sont pas pertinents pour analyser la pression concurrentielle exercée par les FAI sur GCP. En revanche, les offres de second niveau auxquels les abonnés de l'offre de premier niveau peuvent avoir accès en souscrivant un abonnement complémentaire, sont pour leur part en concurrence directe avec les bouquets de GCP. Les FAI comptent globalement [...] millions d'abonnés à leurs offres de second niveau, soit moins du quart du nombre d'abonnés aux offres de base "multiple play" et [50-60] % du nombre des abonnés à CanalSat seule.

492. L'enquête menée auprès des opérateurs ADSL a montré que ces derniers ne considéraient pas que leurs bouquets de premier niveau étaient en concurrence avec les offres de second niveau du fait des différences significatives d'attractivité des chaînes. De la même manière, les éditeurs de chaînes estiment unanimement que les FAI n'exercent pas une réelle pression concurrentielle sur GCP dans la distribution de chaînes thématiques, y compris en second niveau de service, pour des raisons liées à leur poids relatif par rapport à GCP et à leur positionnement stratégique.

493. Les chaînes thématiques payantes ne considèrent donc pas qu'une distribution par les FAI constitue une alternative suffisante à la distribution par CanalSat. Le constat est unanime, que les chaînes appartiennent à de grands groupes ou à des structures de taille plus réduite. TF1 estime par exemple que "les FAI ne constituent pas à ce jour des alternatives suffisantes à GCP (...) mais représentent en revanche pour les chaînes des opérateurs complémentaires, générateurs de ressources financières nécessaires mais non suffisantes" (273). Les éditeurs de chaînes constatent ainsi que les bouquets de second niveau sont moins chers et moins riches que le bouquet CanalSat et s'adressent ainsi à une fraction des téléspectateurs faisant preuve de moins d'appétence pour la télévision payante, les foyers manifestant un intérêt plus important ayant souvent déjà souscrit aux offres de GCP. Les répondants relèvent également le faible taux de pénétration des offres de second niveau dans les bases d'abonnés des FAI.

494. Plusieurs facteurs contribuent à expliquer cet état de fait, à savoir la détention par GCP d'exclusivités sur l'ensemble des thématiques essentielles et l'effet des commissions versées par GCP aux distributeurs tiers pour transporter son propre bouquet.

Sur la détention par GCP d'exclusivités sur l'ensemble des thématiques essentielles

495. En premier lieu, le rôle des exclusivités dans le faible développement des offres de second niveau des FAI est très largement dénoncé par l'ensemble des distributeurs ayant répondu aux tests de marché. En effet, par définition, les exclusivités conclues entre GCP et certains éditeurs de chaînes thématiques limitent la taille du marché de gros et réduisent l'éventail de chaînes que les FAI peuvent distribuer. Comme relevé ci-dessus, ces exclusivités, qui concernaient au départ la seule plateforme satellite, se sont étendues également aux plateformes ADSL, selon un schéma d'auto-distribution analogue à celui pratiqué pour les chaînes Canal+ et en application de dispositions contractuelles opaques ne permettant pas aux FAI de proposer des offres de distribution compétitives. Ces barrières sont d'autant plus élevées que les dates d'échéance des contrats de distribution exclusifs ne sont pas connues et que les distributeurs ne sont donc pas en mesure de déterminer le moment où les chaînes pourraient être disponibles pour leurs offres.

496. Il convient de rappeler à cet égard que la détention par un distributeur d'une gamme de chaînes attractives dans l'ensemble des thématiques est un élément essentiel de compétitivité. En 2006, le Conseil de la concurrence avait ainsi estimé qu'"au vu des éléments recueillis par l'instruction et lors de l'audition des témoins en séance, le Conseil considère qu'une offre concurrentielle de télévision payante est actuellement composée des éléments essentiels suivants : (i) une chaînes premium ou offrant des contenus premium, (ii) un ensemble complet de chaînes thématiques à forte attractivité c'est-à-dire des chaînes cinéma, sport, information et jeunesse, (iii) un complément de chaînes thématiques à plus faible attractivité et substituables les unes aux autres (documentaire, musique, généralistes et mini-généralistes, fiction, etc.), et (iv) des services de paiement à l'acte (PPV et VoD)" (274). Aucun élément au dossier ne permet d'invalider cette appréciation. Celle-ci est au contraire d'autant plus pertinente que s'il apparaît que différentes thématiques peuvent être dotées d'une attractivité spécifique, la demande de télévision payante s'adresse avant tout à des offres de bouquets multi-thématiques. Comme le relève le CSA, "l'attractivité d'un bouquet peut être évaluée de plusieurs manières : le nombre de thématiques présentes, la présence parmi elles de thématiques attractives et l'attractivité des chaînes qui composent ces thématiques" (275).

497. Il n'est donc pas pertinent d'évaluer l'impact des exclusivités détenues par GCP pour la distribution de chaînes thématiques sur la capacité des distributeurs tiers à animer la concurrence dans chaque thématique, isolément de l'effet combiné de l'ensemble de ces exclusivités sur la possibilité, pour les concurrents de parties, de constituer des bouquets. En effet, l'attractivité des différents bouquets du marché ne se mesure par uniquement au regard des chaînes individuelles qu'ils comportent, mais avant tout sur leur couverture d'un nombre suffisant de thématiques. Seule une offre composée de l'ensemble des thématiques essentielles (et non uniquement des plus attractives) est donc susceptible d'être compétitive face au bouquet CanalSat.

Sur les commissions versées par GCP aux distributeurs tiers pour le transport et la commercialisation de CanalSat

498. En second lieu, le fait que le bouquet CanalSat, bien qu'en concurrence directe avec les bouquets de second niveau des FAI, soit également disponible sur leur plateforme selon un modèle d'auto-distribution désincite les FAI à développer leurs propres bouquets. L'auto-distribution de CanalSat signifie que le téléspectateur abonné à CanalSat par l'ADSL accède par la box de son FAI à un "univers" distinct de l'offre de son FAI intitulée "les chaînes CanalSat". Cet univers regroupe l'ensemble des chaines diffusées par CanalSat, en exclusivité comme en non exclusivité, ainsi que les chaînes gratuites de la TNT. L'environnement graphique, l'ergonomie et la numérotation sont différents de ceux choisis par le FAI et dupliquent intégralement l'offre proposée par CanalSat sur la plateforme satellitaire. L'offre CanalSat apparaît ainsi comme distincte et isolée des autres contenus proposés par les FAI.

499. Les FAI jouent donc un rôle d'intermédiaire à la fois technique et commercial pour le compte de GCP et sont rémunérés pour ces services. Les accords conclus entre GCP et les FAI à ce titre revêtent la forme de conventions qui accordent aux FAI le statut de distributeurs agréés des offres de GCP. L'objet de ces conventions est double : il s'agit, d'une part, de rémunérer l'activité commerciale effectuée par les FAI au profit de GCP, en termes de vente d'abonnements aux offres de GCP auprès des clients de chaque FAI et, d'autre part, de rémunérer le transport technique des offres de GCP sur les réseaux des FAI, c'est-à-dire l'acheminement du signal, ainsi que l'utilisation des décodeurs fournis par les FAI à leurs clients. À la composante de transport, purement technique, s'ajoute donc une composante commerciale, dans le cadre de laquelle les FAI promeuvent activement CanalSat, qui concurrence pourtant frontalement leurs propres offres de second niveau.

500. En ce qui concerne la rémunération de leur activité commerciale effectuée au profit de GCP, les FAI perçoivent des commissions fixes versées par GCP aux FAI pour les ventes d'abonnements aux offres de GCP réalisées par les canaux maîtrisés par chaque FAI, à savoir ses boutiques, son site Internet et ses équipes commerciales. Chaque abonnement vendu déclenche le versement d'une commission. A ces commissions fixes s'ajoutent des rémunérations variables poursuivant un but incitatif, à savoir des "primes de performance trimestrielles", qui rémunèrent les nouveaux abonnements à un niveau croissant en fonction du nombre d'abonnements par trimestre, et des primes de performance annuelles qui rémunèrent la croissance annuelle du parc d'abonnement par rapport à l'année précédente, là aussi à un niveau croissant en fonction du taux de croissance (276).

501. En ce qui concerne la rémunération des activités techniques de transport des offres de GCP, les FAI perçoivent des redevances fixes mensuelles par abonné. Les montants diffèrent selon les FAI et sont modulés selon un système de paliers.

502. L'ensemble de ces commissions représentaient un coût croissant pour GCP : en 2007, les commissions versées aux FAI atteignaient [...] millions d'euro, montant passé à [...] millions d'euro en 2011 (277) et qui devrait atteindre [...] millions d'euro en 2012, selon les indications communiquées par GCP lors de la séance. Mais ces montants représentent également l'incitation financière des FAI à transporter les offres de GCP, en concurrence avec leurs propres bouquets de second niveau. Les éléments au dossier montrent ainsi que l'un des principaux FAI perçoit par ce biais [confidentiel]. La très forte croissance du montant des redevances est dons susceptible de dissuader les FAI à commercialiser activement leur propre offre de télévision payante, dans la mesure où chaque nouvel abonné migrant d'une offre de GCP vers l'offre de second niveau de services de l'opérateur se traduit pour ce dernier par une baisse des redevances versées par GCP. De plus, l'effort commercial consacré par les FAI à la vente des offres de GCP se fait au détriment de la commercialisation de leurs propres offres de second niveau.

503. La concurrence intra-plateformes entre CanalSat et les offres de second niveau des FAI est cependant structurellement asymétrique puisque, conformément, aux constatations ci-dessus, elle s'inscrit dans un marché marqué par de nombreuses exclusivités au bénéfice de GCP enfermées dans un système de redevances opaques dont les termes freinent la capacité des FAI à concurrencer GCP.

504. Enfin, ces pratiques matérialisent l'établissement entre GCP et les FAI d'accords de coopération de nature horizontale puisqu'ils impliquent des opérateurs directement concurrents sur le marché de la distribution des chaînes thématiques. Compte tenu du pouvoir de marché détenu par GCP et des présentes constatations, il ne peut être exclu que ces accords entraînent, en soi, un effet restrictif sur le jeu de la concurrence. L'Autorité, dans le cadre de la présente décision, ne peut que rappeler qu'elle sera très vigilante sur ce point.

c) Conclusion sur les effets horizontaux

505. Le ministre de l'Economie avait considéré en 2006 que l'opération entraînait, en ce qui concerne la distribution des chaînes, le renforcement d'une puissance d'achat susceptible de placer les éditeurs en situation de dépendance économique. Plusieurs effets anticoncurrentiels étaient envisagés, tels que la diminution des redevances versées aux chaînes distribuées par CanalSat, des clauses d'exclusivité conclues entre cette dernière et les chaînes indépendantes les plus attractives, voire éventuellement un refus de la nouvelle entité de distribuer des chaînes indépendantes qui aurait risqué d'entraîner, au regard de sa position prépondérante en tant que distributeur, la disparition de ces chaînes.

506. L'instruction a montré que la position durable qu'a conférée la concentration aux parties notifiantes dans l'Economie des éditeurs indépendants est étayée par l'importance des montants de redevances versés à ce jour par GCP aux chaînes. L'opacité des conditions contractuelles de distribution pratiquées par GCP contribue également de manière significative à enfermer les éditeurs indépendants dans une relation de dépendance économique vis-à-vis de l'entité issue de la concentration. Cette pratique a permis à GCP de freiner les capacités de réaction de ses concurrents, de prévenir le développement des bouquets propres des FAI et de se réserver la distribution exclusive des chaînes les plus attractives.

507. Enfin, la détention par GCP d'exclusivités de distribution pour des chaînes dans l'ensemble des thématiques essentielles restreint la capacité des distributeurs concurrents à proposer des bouquets compétitifs. Ces derniers, cantonnés pour l'essentiel à un rôle de transporteur et de vendeur du bouquet dont GCP conserve la distribution, sont au contraire dissuadés par les commissions versées pour ces services à GCP. Ces commissions érigent une barrière supplémentaire au développement de la concurrence puisqu'elles modifient l'arbitrage effectué par les distributeurs tiers, et notamment les FAI, pour décider d'investir dans la distribution de leurs bouquets de chaînes dans la mesure où un tel investissement risquerait d'entraîner une baisse des revenus tirés du transport de leur principal bouquet concurrent.

508. L'intégration par GCP de son principal concurrent dans la distribution de chaînes thématiques a donc considérablement renforcé la puissance d'achat de la nouvelle entité, en plaçant les chaînes dans une relation de dépendance vis-à-vis de CanalSat. Cette dépendance est d'autant plus forte du fait de la mise en œuvre de pratiques qui ont significativement dissuadé le développement de la concurrence par les distributeurs tiers, et notamment des FAI, à la suite de l'opération. La concentration a donc durablement consolidé le pouvoir de marché détenu par GCP dans la distribution de chaînes par le biais d'effets horizontaux.

509. L'inexécution de certains des engagements conclus par GCP en 2006 en ce qui concerne la distribution des chaînes indépendantes, tels que l'engagement 42 sur les conditions de reprise des chaînes indépendantes, ou l'engagement 41 b) sur les "modalités comparables" de détermination des rémunérations des chaînes indépendantes, a contribué au maintien de la dépendance des chaînes vis-à-vis de CanalSat. De même, le non-respect des engagements 21 et 22 sur la mise à disposition de la chaîne premium TPS Star, a eu un effet négatif sur la capacité concurrentielle des FAI à constituer des bouquets alternatifs attractifs.

3. EFFETS VERTICAUX

510. GCP est non seulement distributeur, par l'intermédiaire de CanalSat, mais également éditeur de chaînes thématiques en concurrence directe avec des chaînes indépendantes qu'il distribue. Tel est particulièrement le cas en matière d'édition de chaînes cinéma, où GCP détient une position dominante, et des chaînes jeunesse, où GCP est un éditeur de taille majeure. Dans le domaine des chaînes de sport, GCP édite Sport+, une des chaînes les plus importantes du marché qu'il distribue à nouveau en exclusivité sur CanalSat depuis le mois d'avril 2012.

511. La concentration a sensiblement renforcé l'intégration verticale du groupe puisqu'elle a permis à GCP d'intégrer son principal concurrent en tant que demandeur et offreur sur les marchés intermédiaires. Ce renforcement a induit un double effet anticoncurrentiel de verrouillage à la fois sur les marchés de la distribution en aval (verrouillage des intrants) et sur les marchés de l'édition de chaînes (verrouillage de la clientèle).

512. La probabilité des scenarii de verrouillage est évaluée par l'Autorité de la concurrence en examinant si, à l'issue de la concentration, la nouvelle entité aurait la capacité de verrouiller l'accès aux intrants ou à la clientèle de manière significative, si elle serait incitée à le faire et si cette stratégie aurait un effet significatif sur les marchés en cause. En pratique, ces trois contraintes sont étroitement liées et seront donc examinées ensemble (278). Pour les besoins de cette analyse, l'Autorité tient compte tant des comportements passés indiquant que l'entreprise a déjà mis en œuvre ce type de comportement que de tout document traduisant son intention de le faire.

a) Verrouillage des intrants

513. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations indiquent que l'intégration verticale (ou son renforcement) entre l'amont (activités d'édition) et l'aval (la distribution) peut verrouiller l'accès aux intrants quand la nouvelle entité est susceptible de restreindre l'accès de ses concurrents en aval aux intrants nécessaires à leur activité (en l'occurrence les chaînes) (279). La nouvelle entité peut ainsi augmenter les prix ou réduire la qualité de ces intrants, ce qui aurait un effet négatif sur la capacité concurrentielle de ses clients (en l'occurrence les distributeurs) situés en aval. Cette stratégie de verrouillage ne peut être mise en œuvre que si l'opérateur bénéficie d'un certain pouvoir de marché en amont, ce qui est le cas pour GCP à tout le moins en ce qui concerne les chaînes premium et les chaînes cinéma.

514. Les exclusivités de CanalSat s'analysent comme une forme de verrouillage par les intrants à l'égard des distributeurs. En effet, les chaînes exclusivement disponibles chez CanalSat sont par conséquent exclues du marché pour les autres distributeurs. En effet, à l'instar de la pratique de la Commission européenne, l'existence de contrats exclusifs entre l'entité issue de la concentration et des fournisseurs d'intrants indépendants peut limiter la capacité des concurrents situés en aval à disposer d'un accès approprié aux intrants (280).

515. La stratégie de verrouillage mise en œuvre par GCP s'appuie sur deux caractéristiques importantes du secteur de la télévision payante. Premièrement, l'offre finale de services de télévision à péage n'est attractive pour les téléspectateurs que si elle est variée et de qualité. Les consommateurs font leurs choix d'abonnement en fonction non seulement de la gamme des thématiques des chaînes disponibles, mais aussi de la qualité des chaînes au sein de ces thématiques. Par conséquent, pour offrir des bouquets qui répondent à cette demande, un distributeur doit pouvoir avoir accès sur les marchés intermédiaires aux chaînes d'un nombre suffisant de thématiques, construites autour de contenus attractifs et capables de réunir une audience significative. GCP, qui jouit depuis l'acquisition de TPS d'une position de distributeur incontournable, en verrouillant par le biais des exclusivités l'accès aux chaînes d'une thématique, ou à un certain nombre de chaînes de plusieurs thématiques indispensables à la construction de bouquets attractifs, peut ainsi évincer ses concurrents (même aussi efficaces). Le distributeur (CanalSat) peut ainsi profiter de l'absence de coordination entre ses fournisseurs pour acquérir des exclusivités qui, par effet cumulatif, entraîneront une réduction de la concurrence sur le marché aval.

516. Si l'on se situait sur un marché dans lequel les distributeurs ne manifestaient pas d'intérêt pour une gamme de chaînes, il serait vraisemblablement trop coûteux pour le distributeur d'acquérir les droits de diffusion exclusifs de toutes les chaînes disponibles afin d'empêcher l'entrée de distributeurs rivaux. Mais la nécessité de construire des bouquets variés en matière de distribution de chaînes thématiques, permet en l'espèce de limiter le nombre d'accords exclusifs que GCP doit nouer pour restreindre la gamme des chaînes disponibles pour les distributeurs concurrents, ce qui réduit le coût d'une stratégie de verrouillage conduisant à l'éviction de concurrents.

517. Deuxièmement, la structure du marché de la télévision payante a connu un renforcement de l'intégration verticale de GCP à la suite de l'acquisition de TPS. Les liens verticaux entre le distributeur CanalSat et les sociétés d'édition de chaînes (Multithématiques SA, Jimmy Comédie SAS, Cuisine TV SAS, Planète Cable SAS, etc.) confèrent à CanalSat un accès privilégié à des chaînes indispensables pour la construction de bouquets attractifs, tant en termes de thématiques que de qualité éditoriale. Cette structure permet à GCP de réserver à CanalSat la diffusion de certaines chaînes thématiques, sans que celui-ci n'ait à payer de "prime d'exclusivité". Ainsi, le fort degré d'intégration verticale du groupe conduit à la réduction des coûts de la stratégie de verrouillage des intrants, CanalSat n'ayant pas à verser une rémunération aussi élevée pour l'exclusivité de chaînes thématiques éditées par GCP que celle qu'il devrait verser pour l'exclusivité d'une chaîne indépendante.

518. Comme relevé ci-dessus, conformément aux constatations du Conseil de la concurrence en 2006, il convient de relever "qu'une offre de télévision payante ne présente une attractivité suffisante pour le consommateur que lorsqu'elle est composée à la fois (i) de chaînes premium, moteurs d'abonnement autour desquels sont structurées les offres et le marketing des distributeurs de télévision payante, indispensables à la constitution d'une offre complète, (ii) d'un ensemble complet de chaînes thématiques à forte attractivité relevant des thématiques nécessaires de cinéma, sport, information, jeunesse, (iii) d'un complément de chaînes à faible attractivité relevant d'une variété de thématiques de chaînes substituables les unes aux autres (documentaire, musique, généralistes et mini-généralistes, fiction, etc.), ainsi que (iv) des services de paiement à l'acte (PPV et VoD)" (281). Indépendamment de la qualification de "forte" ou de "faible" attractivité d'une thématique, forcément évolutive avec le temps, il est possible de dresser un bilan de l'accès aux chaînes de certaines thématiques par les distributeurs.

519. En dehors de la chaîne Canal+ et de ses déclinaisons, il n'existe plus de chaîne premium multi-contenus. La chaîne TPS Star ayant vu sa qualité progressivement dégradée, avant de cesser d'être diffusée, seul le bouquet des chaînes Canal+ propose l'ensemble des contenus premium. Ce bouquet est disponible sur toutes les plateformes, mais seulement en auto-distribution. Par conséquent, aucun distributeur ne peut offrir de bouquets construits autour d'une chaîne premium multi-contenus.

520. Par ailleurs, s'agissant des autres thématiques, le degré de verrouillage ressort tant du nombre de chaînes en distribution exclusive sur CanalSat que de leur part d'audience. Il convient donc d'examiner l'audience que se réserve ainsi GCP par rapport à l'audience totale des chaînes des thématiques concernées.

521. En tenant compte de l'arrêt de TPS Star et de la distribution désormais non exclusive des chaînes d'Orange, la thématique "cinéma" compte 17 chaînes, dont 4 sont distribuées en exclusivité sur CanalSat, comme indiqué dans le tableau suivant (282). Ces dernières représentent 56,8 % de l'audience totale mesurée pour les chaînes de cinéma :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

522. Au sein de la thématique cinéma, sous réserve des chaînes d'OCS, dont l'audience n'est pas mesurée puisque leur distribution non exclusive est très récente, les chaînes les plus attractives en termes de parts d'audience sont celles disponibles en exclusivité sur CanalSat. En dehors d'Orange, un distributeur souhaitant construire un bouquet attractif n'a donc accès qu'à certaines chaînes de cinéma, mais n'a pas accès aux chaînes les plus attractives qui proposent notamment les films les plus récents en deuxième fenêtre.

523. En tenant compte de la prochaine distribution exclusive de Ma Chaine Sport sur CanalSat, de la distribution exclusive de Sport+ depuis mai 2012, de l'arrêt prochain d'Orange Sport, de la distribution non exclusive des chaînes Eurosport et de l'arrêt de TPS Star, la thématique "sport" compte 11 chaînes, dont 4 sont distribuées en exclusivité sur CanalSat, comme indiqué dans le tableau suivant. Ces dernières représentent 60 % de l'audience totale mesurée pour les chaînes de sport :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

524. Pour la thématique sportive, sous réserve des résultats des chaînes BeIn Sport, qui viennent d'être lancées, la chaîne la plus attractive en terme d'audience est Eurosport qui, jusqu'au 1er janvier 2012, était en exclusivité sur CanalSat. L'Equipe TV et Infosport+ étaient aussi indisponibles pour les distributeurs concurrents de CanalSat. La chaîne Sport+ a été rendue disponible à tout distributeur en faisant la demande (grâce aux engagements pris par GCP en 2006) mais elle est de nouveau devenue exclusive depuis avril 2012.

525. S'agissant de la thématique "jeunesse", le CSA répertorie les chaînes Canal J, June, Tiji, Disney Channel, Mangas, Playhouse Disney (Disney Junior depuis mai 2011), Disney XD, Game One, Piwi+ et Teletoon+. À ces chaînes, il faut ajouter les chaînes des groupes MTVViacom et Turner-Warner, soit 15 chaînes au total. 9 de ces chaînes sont distribuées en exclusivité sur CanalSat, comme l'indique le tableau suivant. Ces dernières représentent 64 % de l'audience totale mesurée pour les chaînes jeunesse :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

526. Pour cette thématique également, un nombre significatif de chaînes sont donc distribuées en exclusivité sur CanalSat, ces chaînes représentant les parts d'audience les plus importantes de la thématique.

527. Dans chacune des thématiques considérées comme indispensables ou importantes à la constitution de bouquets attractifs, le GCP distribue donc en exclusivité une part importante des chaînes éditées. Le champ des exclusivités détenues par CanalSat est suffisant dans toutes les thématiques pour qu'aucun distributeur concurrent ne soit en mesure de construire une offre aussi complète (en termes de variété et de qualité des chaînes) lui permettant de rivaliser de façon effective avec l'opérateur dominant.

b) Verrouillage de la clientèle

528. Comme l'indiquent les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations (283), l'intégration verticale entre l'amont (activités d'édition) et l'aval (la distribution) peut verrouiller l'accès à la clientèle en influant négativement sur les revenus des concurrents éditeurs. Elle peut ainsi réduire considérablement leur capacité et leur incitation à investir dans la réduction des coûts, l'innovation et la qualité des produits. Au cas d'espèce, la capacité et les incitations des chaînes thématiques à investir ou à produire des programmes de qualité peuvent s'en trouver considérablement limitées. Conformément aux lignes directrices de l'Autorité, il convient donc d'examiner la capacité de GCP à verrouiller significativement l'accès à la clientèle d'opérateurs actifs dans l'édition et la commercialisation d'une chaîne sportive (i) ainsi que les incitations de GCP de mettre en œuvre une telle stratégie et les effets de celle-ci sur les marchés en cause (ii).

(i) Capacité des parties de verrouiller significativement l'accès de nouveaux entrants à la clientèle

529. La concentration a permis à la nouvelle entité d'intégrer [...] abonnés de TPS entre septembre 2007 et décembre 2008. En tenant compte des attritions observées par la suite, les données économiques versées par les parties notifiantes au dossier montrent que la concentration a eu pour effet d'augmenter significativement le nombre d'abonnés et d'abonnements du parc de GCP. A ce jour, GCP conserve environ [...] abonnés de plus qu'en 2006, soit [40-50] % du nombre d'abonnés à TPS avant la concentration (284). Le parc d'abonnements (285) aux offres de GCP, qui a également connu une hausse très significative du fait de l'opération, est resté relativement stable sur la période 2006-2012. A ce jour, GCP contrôle donc, par le biais de CanalSat, un parc de [...] millions d'abonnements, plus de [...] fois supérieur à celui de son concurrent immédiat et très supérieur aux parcs d'abonnements de second niveau de tous les FAI et câblo-opérateurs réunis.

530. La capacité de GCP à verrouiller l'accès des chaînes à la clientèle se mesure à l'aune de ce parc. En effet, dans son avis de 2006, le Conseil de la concurrence avait indiqué qu'"il convient de relever que, dans la mesure où une offre de télévision payante ne peut exister qu'à travers sa capacité à toucher un vaste public par une distribution efficace et massive, la maîtrise de cette étape est essentielle pour les acteurs majeurs du secteur" (286).

531. L'accès au parc d'abonnements de CanalSat est donc indispensable pour les éditeurs à un double titre. Tout d'abord, il s'agit de la marque la plus connue, la plus ancienne, dotée du parc d'abonnés et d'abonnements le plus important. La seule base d'abonnements de CanalSat représente en effet [60-70] % de la totalité des abonnements à des offres de télévision payante (à l'exclusion des offres de premier niveau de service des FAI) (287). Par définition, ces abonnés ont révélé leur propension à payer pour une offre de télévision et constituent un des cœurs de cible d'un nouvel entrant éditant une chaîne premium.

532. Ensuite, CanalSat est la seule offre à être à la fois présente sur les plateformes satellite (sa base historique), ADSL et TNT. Bien qu'en déclin, la proportion du parc recevant l'offre via la plateforme satellite reste très largement majoritaire : à fin 2011, [70-80] % des abonnements étaient reçus via le satellite (soit [...] millions), [10-20] % via l'ADSL et [10-20] % via la TNT (288).

533. De plus, aucun autre distributeur n'est présent de façon comparable à GCP sur la plateforme satellite. Contrairement aux arguments présentés par les représentants de GCP en séance, si SFR et Orange proposent aussi une offre de télévision par satellite pour leurs abonnés en zone non-dégroupée, cette desserte associant ADSL et satellite est exclusivement réservée aux abonnés dont la ligne ne permet pas de recevoir la télévision directement par ADSL. Ces foyers ne sont pas tous abonnés à une offre de second niveau et n'ont donc pas plus d'appétence pour les offres de second niveau que n'en ont les autres abonnés aux offres triple play des FAI. La réception par ces foyers de la télévision par satellite résulte donc simplement d'une souscription à une offre triple play dont ils ne peuvent pas, pour des raisons techniques, recevoir la composante "télévision" par l'ADSL.

534. Ainsi, la distribution d'une chaîne sur les seules plateformes ADSL des fournisseurs d'accès à Internet ne saurait être considérée comme une alternative suffisante à une distribution sur CanalSat. S'agissant plus particulièrement des chaînes d'Al Jazeera, si les parties notifiantes font valoir, dans leurs observations (289), que celles-ci bénéficient d'"un bassin d'abonnés prospects (...) de plus de 14 millions de foyers" grâce à la distribution par les FAI et les câblo-opérateurs, l'absence de distribution de ces chaînes sur CanalSat, aurait de lourdes conséquences sur les perspectives commerciales de ces chaînes. La faiblesse des bases d'abonnements cumulées aux offres de second niveau de service des FAI en comparaison celle de CanalSat permet de constater que GCP maîtrise l'accès à la grande majorité de la clientèle des offres payantes, en particulier des plus onéreuses.

535. GCP dispose donc, via CanalSat, en particulier du fait du contrôle de la plateforme satellitaire hérité de la concentration, d'une capacité considérable de verrouillage de l'accès des éditeurs de chaînes à la grande majorité de la clientèle aux offres de télévision payante. Cette capacité est d'autant plus établie que les éditeurs de chaînes ne disposent pas d'alternatives suffisantes de distribution (290).

(ii) Incitation et impact de la mise en œuvre d'une stratégie de verrouillage

536. Les incitations de GCP à mettre en œuvre une stratégie de verrouillage de la clientèle, et l'impact concurrentiel d'une telle stratégie, sont particulièrement marqués à l'égard d'éditeurs qui concurrencent GCP pour l'acquisition de contenus premium, qui constituent le cœur de son offre. Elles sont également fortes s'agissant des éditeurs d'autres chaînes thématiques.

S'agissant des chaînes premium mono-contenu

537. Il existe, à ce jour, deux offres premium mono-contenu, à savoir OCS et BeIn Sport. En ce qui concerne OCS, il suffit de constater que sa distribution sur CanalSat a été concomitante à sa prise de contrôle conjoint par GCP. De plus, il est renvoyé aux analyses des paragraphes 160 et suivants relatifs à l'absence de concurrence potentielle que représente désormais OCS pour CanalSat du fait des accords entre GCP et Orange et des modalités de référencement et de commercialisation d'OCS au sein de CanalSat.

538. S'agissant des chaînes d'Al Jazeera, l'enjeu de leur distribution est crucial pour la capacité de cet opérateur à demeurer sur le marché français et à animer la concurrence tant en amont qu'en aval. En l'espèce, l'incitation de GCP à ne pas distribuer ou à imposer des conditions inadéquates de distribution (référencement inapproprié, prix élevé, déficit de promotion, rémunération anormalement basse, etc.) pour la chaîne d'un éditeur comme Al Jazeera, entré dans une stratégie de concurrence frontale avec lui sur les marchés des droits sportifs, est forte, compte tenu de la concurrence que se livrent BeIn Sport et les chaînes Canal+ dans l'édition de programmes sportifs premium.

539. À court terme, GCP pourrait certes théoriquement avoir intérêt à proposer, dans CanalSat, une offre de chaîne sportive diffusant des contenus premium, ce qui lui permettrait d'enrichir le bouquet CanalSat, de fidéliser les abonnés et d'en recruter de nouveaux.

540. Toutefois, compte tenu des activités de GCP au stade de l'acquisition des droits et de l'édition de chaînes sportives, la distribution d'une offre concurrente sur la portion la plus attractive du marché (les droits premium) présente plusieurs inconvénients pour les parties notifiantes : elle accroît la pénétration de la chaîne concurrente, augmente sa notoriété, renforce sa base d'abonnés et par conséquent ses revenus, ce qui renforce en retour les capacités financières du nouvel entrant et l'incitation de ce dernier à se porter candidat aux futurs appels d'offres afin de continuer à alimenter sa chaîne en droits premium. Au contraire, en refusant de distribuer ou en distribuant de manière inadéquate les offres d'un nouvel entrant concurrentes de sa propre offre premium, GCP peut affaiblir cet opérateur et diminuer ses capacités financières et sa motivation à s'implanter durablement sur le marché.

541. Cette pratique d'éviction serait d'autant plus rationnelle pour GCP qu'elle lui permettrait, si elle était couronnée de succès, d'acquérir des droits en limitant ses investissements à l'occasion des prochains appels d'offres. En effet, dans de nombreuses déclarations publiques depuis l'opération, les dirigeants de GCP ont fait état de leur volonté de réduire leurs investissements dans la Ligue 1 (291). GCP a effectivement diminué ses investissements dans les droits de Ligue 1 à l'occasion des appels d'offres de 2008 (passant de 600 à 465 millions d'euro par an) et de 2011 (passant de 465 à 420 millions d'euro par an).

542. L'adoption par GCP d'un tel comportement est d'autant plus vraisemblable que la très forte présence du groupe au stade de la distribution a déjà dissuadé un nouvel opérateur d'entrer sur le marché. En effet, le représentant de la LFP a ainsi expliqué en séance avoir été contacté par ESPN, chaîne sportive de référence, filiale d'un grand groupe audiovisuel, distribuée aux États-Unis et dans plusieurs pays européens, en vue d'une éventuelle candidature à l'appel d'offres pour la Ligue 1 au titre de la période 2012-2016. Selon la LFP, l'opérateur a finalement renoncé à se porter candidat au vu de l'impossibilité de définir ses conditions de distribution sur CanalSat avant l'appel d'offres. Le témoignage apporté par ESPN au cours de l'enquête a effectivement permis de confirmer que les difficultés rencontrées lors des échanges en vue de la négociation d'un schéma de distribution ont créé une incertitude dont l'effet a été de dissuader la chaîne d'entrer sur le marché.

543. GCP est donc capable de dissuader un nouvel entrant en refusant de proposer des conditions de distribution adéquates avant que le nouvel entrant ne procède à des acquisitions de droits. En prétendant ne pas pouvoir proposer de schéma de distribution à d'éventuels nouveaux entrants avant de connaître les droits que ceux-ci détiendraient à l'issue des appels d'offres à venir, GCP contrôle les conditions de sa propre concurrence à l'amont. En effet, le cas d'ESPN montre qu'en plaçant les candidats alternatifs à l'acquisition de droits premium dans une situation d'incertitude sur la distribution de leurs chaînes dans CanalSat, GCP restreint significativement leur capacité de formuler des offres d'achat compétitives.

544. Par ailleurs, l'intégration verticale de GCP et son contrôle de la première plateforme de distribution pourrait permettre au groupe d'être informé de l'identité de ses futurs concurrents sur le marché amont et de leurs intentions avant le lancement des appels d'offres. Or, le succès des appels d'offres dépend des incitations de chaque candidat à déposer la meilleure offre possible, incitations qui découlent notamment de leur incertitude relative à l'identité des autres candidats et l'intensité de leur propension à payer. Mais en l'état du marché, les conditions de déroulement des futurs appels d'offres pourraient être faussées du fait de la connaissance par le principal candidat, GCP, d'informations privilégiées sur l'identité de ses concurrents, leur surface financière, voire leurs projets de programmation. Cette situation d'asymétrie d'information est susceptible de permettre à GCP d'ajuster son comportement en conséquence au bénéfice de ses propres activités d'édition.

545. Pour un nouvel entrant, la seule façon d'éviter ce risque consiste à s'abstenir de toute prise de contact préalable avec Canal+ Distribution. Une telle stratégie place cependant tout nouvel entrant dans une situation d'incertitude forte sur les conditions de distribution qui pourraient lui être faites sur CanalSat. La prise de risque, déjà considérable étant donné l'ampleur des investissements à consentir dans le cadre des appels d'offres, est de ce fait artificiellement aggravée.

546. Le cas d'Al Jazeera illustre précisément la situation d'un opérateur ayant acquis des droits premium et négociant les conditions de sa distribution après le résultat des principaux appels d'offres. Le schéma de distribution de l'offre d'Al Jazeera repose sur une distribution non exclusive et sur toutes les plateformes (292). Or, Al Jazeera est parvenu à conclure, entre avril et juin 2012, des accords de distribution avec l'ensemble des distributeurs, à l'exception toutefois de CanalSat, préalablement au lancement de sa première chaîne, BeIn Sport 1, dont la diffusion a commencé le 1er juin 2012. Le contrat de distribution avec CanalSat n'a été signé que le 26 juin 2012, postérieurement à la séance contradictoire devant l'Autorité et sans doute sous la pression de la présente procédure, comme l'a reconnu au cours de cette même séance le dirigeant d'Al Jazeera Sport France.

S'agissant des autres chaînes thématiques

547. L'enquête de marché a montré que le cumul des activités d'éditeur et de distributeur confère à GCP un avantage concurrentiel sur les marchés de l'édition, avantage d'autant plus important qu'il détient des positions prépondérantes sur les deux marchés. Ainsi, en matière de sport, GCP a intérêt à favoriser l'acquisition de droits sportifs attractifs en exclusivité pour les chaînes qu'il édite (Sport+) au détriment des autres chaînes et ensuite, en tant que distributeur, de tirer argument de l'absence de ces droits à l'antenne de ces autres chaînes pour baisser leur niveau de redevances. Inversement, il lui est possible de refuser de distribuer une chaîne thématique ou de lui proposer un faible niveau de rémunération, l'affaiblissant de cette manière par rapport à d'autres chaînes concurrentes, dont les chaînes éditées par GCP, en particulier pour l'achat de droits. GCP a d'autant plus d'incitations à mettre effectivement en œuvre ces distorsions de concurrence qu'il a mis en place, depuis mai 2011, une stratégie de renforcement des chaînes thématiques qu'il édite (293).

548. GCP est donc incité à amoindrir la capacité concurrentielle des chaînes indépendantes qu'il distribue et qui sont en concurrence avec les chaînes qu'il édite. Ce risque est particulièrement élevé lors des négociations et des renouvellements de contrats, où la perspective de se voir priver des recettes et de l'exposition tirées d'une distribution par CanalSat fragilise l'éditeur. Le référencement au sein de l'offre Canalsat est en effet essentiel. Comme le note le CSA, "le référencement dans les offres Canalsat est un enjeu majeur pour les chaînes indépendantes. Les négociations avec le groupe Canal Plus portent notamment sur le choix du bouquet (basique ou optionnel) et sur le placement dans le plan de services et dans l'univers interactif des offres du groupe Canal Plus (guide de programmes par exemple). (...) Dans le cadre des réponses aux demandes d'information, plusieurs éditeurs ont souligné les difficultés commerciales et financières liées à un placement dans les bouquets optionnels ou dans une formule de commercialisation à l'unité" (294).

549. La "double casquette" d'éditeur-distributeur permet également à GCP de disposer d'informations confidentielles sur les chaînes qu'il distribue et d'être en mesure de réajuster son offre (comme éditeur ou comme distributeur) en conséquence. CanalSat dispose par exemple de nombreuses études (qualitatives et quantitatives) sur les performances des chaînes au sein de ses offres et, ne les partageant pas de façon transparente avec les éditeurs, il dispose d'un pouvoir de négociation renforcé vis-à-vis de ces derniers. CanalSat a aussi la possibilité de favoriser la commercialisation de certains packs et chaînes optionnels au détriment d'autres par le biais de promotions dans son magazine des abonnés, d'actions auprès de ses revendeurs ou d'actions de marketing direct. Enfin, les études dont il dispose lui permettent de réajuster la programmation et le marketing des chaînes qu'il édite, au détriment de celles éditées par des tiers n'ayant pas accès à ces informations (295).

550. Fox relève ainsi que "le cumul des fonctions d'éditeur et de distributeur donne effectivement à GCP un accès à des informations particulièrement sensibles. D'une part, les contrats conclus avec GCP, ainsi que leurs annexes, fournissent des informations extrêmement précises sur la structure de la programmation (portant notamment sur la constitution de la grille, les heures d'inédit, etc.). En outre, le partenariat entre les deux sociétés conduit [Fox] à communiquer régulièrement et longtemps en avance (6 mois environ) tous les changements de programmation, les innovations et nouveaux projets susceptibles d'affecter la programmation" (296).

551. Interrogés sur ce sujet, les représentants du GCP ont indiqué que "notre intérêt est de maintenir des relations de confiance avec les éditeurs de contenu en France, et nous n'avons aucun intérêt à partager leurs informations avec nos propres activités d'édition au sein de GCP" (297).

552. La présence de GCP au niveau de l'édition et de la distribution a néanmoins des effets directs sur l'économie générale des chaînes thématiques. Outre les exclusivités qui en sont une conséquence directe, cette double présence entraîne une mutualisation des droits de diffusion et la circulation d'informations confidentielles ainsi que d'éléments stratégiques sur la programmation. Elle incite ainsi GCP à réutiliser les informations dont il dispose en tant que distributeur pour ses activités d'éditeur. Dans un contexte où GCP est un distributeur incontournable des chaînes thématiques, son rôle additionnel d'éditeur concurrençant ces chaînes crée un conflit d'intérêt préjudiciable aux chaînes et susceptible d'impacter négativement la diversité éditoriale.

553. Ce constat s'impose d'autant plus que GCP met en place depuis 2011 une stratégie qui consiste à renforcer ses investissements dans ses propres chaînes thématiques et à développer sa politique de marque, en soulignant davantage le lien de ces chaines avec GCP (par le "rebranding" des chaînes avec l'adjonction du "+" à leur nom (298)). De plus, GCP réoriente également son contenu éditorial en faisant davantage de place aux productions propres (la politique de "créations originales" sur Canal+ étant emblématique à cet égard) de façon à se différencier davantage tout en étant moins dépendant des cessionnaires de droits, et à concentrer la valeur sur ses propres chaines thématiques.

c) Conclusion sur les effets verticaux

554. En 2006, le ministre avait considéré que l'opération entraînait des effets particulièrement significatifs tenant au double renforcement de l'intégration verticale du groupe Vivendi et de GCP. Plusieurs effets anticoncurrentiels étaient envisagés, tels qu'un verrouillage de l'accès à la clientèle pour les éditeurs indépendants, une mise en avant par GCP des chaînes qu'il contrôle au détriment des autres, et un coût de construction des offres en hausse pour les distributeurs alternatifs.

555. L'analyse de la situation en 2012 permet de conclure que ces risques d'effets verticaux non seulement perdurent, mais se sont également matérialisés en partie. La double présence de GCP à la fois comme éditeur majeur, voire dominant pour certaines thématiques, et comme distributeur, entraîne des effets de verrouillage à la fois pour les distributeurs (verrouillage des intrants) et pour les éditeurs (verrouillage de la clientèle). L'inexécution de certains des engagements souscrits par GCP en 2006 en ce qui concerne la distribution des chaînes indépendantes, tels que l'engagement 42 sur les conditions de reprise des chaînes indépendantes, ou l'engagement 41b) sur les "modalités comparables" de détermination des rémunérations des chaînes indépendantes, a par ailleurs contribué à ces situations de verrouillage.

E. S'AGISSANT DES MARCHÉS AVAL DE LA TÉLÉVISION PAYANTE

556. Les marchés aval sont les lieux où se rencontrent la demande des abonnés, consommateurs de services télévisuels, et l'offre des distributeurs de télévision à accès payant. Après avoir rappelé l'impact de l'opération et son analyse en 2006 (1), il conviendra d'examiner les effets de l'opération sur ces marchés (2).

1. SUR L'IMPACT DE L'OPÉRATION ET SON ANALYSE EN 2006

557. En 2006, les autorités de concurrence avaient considéré que l'opération entraînait le renforcement de la position dominante de GCP sur le marché aval, en raison de la forte addition de parts de marché, de la disparition d'un concurrent potentiel et de l'existence d'effets verticaux significatifs. Les risques d'atteinte à la concurrence résultant de ces effets consistaient principalement, sur le marché aval, dans l'éviction de concurrents distributeurs, le renchérissement des abonnements et la baisse de la qualité de l'offre. Le ministre avait alors notamment relevé que "la probabilité de réalisation de ces risques n'est pas suffisamment affaiblie par l'existence d'une concurrence potentielle ou le développement de la concurrence actuelle. En effet, si le potentiel de croissance des opérateurs ADSL n'est pas, techniquement remis en cause, il a été démontré que leur concurrence ne serait crédible que s'ils disposaient d'un minimum de contenu attractif" (299).

558. Outre les engagements de nature à éviter la forclusion des distributeurs concurrents, le ministre a également considéré qu'il convenait de s'assurer que l'animation de la concurrence par ces distributeurs puisse "participer à une émulation tant au niveau de la compétitivité prix qu'à celui de la compétitivité hors prix" en adoptant un engagement supplémentaire concernant directement les consommateurs. GCP s'est donc engagé à "informer les abonnés de la possibilité de résilier sans pénalité leur contrat, à tout moment pendant la première année suivant la réalisation de l'opération, en cas de modification substantielle des termes de celui-ci" (300).

2. SUR LES EFFETS DE L'OPÉRATION

a) Position des parties

559. La position des parties a été largement analysée dans les développements précédents relatifs au marché intermédiaire de la distribution (en particulier paragraphes 422 à 437 ci-dessus), auxquels il est ici renvoyé.

560. Il suffit de rappeler, à ce stade, que les parties ont conservé à ce jour, en tenant compte des activités de GCP et celles de SFR, filiale de Vivendi, [80-90] % du nombre d'abonnements à des offres de télévision payante (incluant les seules offres de second niveau de service des FAI) représentant [90-100] % de la valeur de ce marché. La position dominante détenue par les parties a donc été durablement établie.

b) Evolution du parc d'abonnés et d'abonnement de GCP, des prix, de la rentabilité et de la diversité des offres depuis l'opération

(i) Evolution du parc

561. Il ressort des informations communiquées par GCP, notamment dans l'étude économique de CRA, que la concentration a entraîné une augmentation du nombre d'abonnés aux offres de GCP de [...] millions. Ce nombre s'est ensuite réduit et, à ce jour, l'augmentation de la base d'abonnées réduite de ces attritions s'élève à [...] abonnés de plus qu'avant l'opération, soit [40-50] % du nombre d'abonnés à TPS avant sa disparition.

562. Par ailleurs, GCP reconnaît que, "du fait des abonnés ayant souscrit à plusieurs offres, la courbe du portefeuille des abonnés à GCP (...) est inférieure à celle du portefeuille des abonnements à Canal+, CanalSat ou TPS (...). Alors que le nombre d'abonnements aux offres de GCP est resté relativement constant depuis 2007, le portefeuille d'abonnés à GCP a fortement baissé depuis 2007" (301). Il convient donc de constater la relative baisse du nombre d'abonnés, mais la remarquable stabilité du nombre d'abonnements aux offres de GCP depuis l'opération. Conformément à ce constat, le document de base pour l'introduction en bourse de Canal+ France indique que "le Groupe a constitué depuis sa création une base large et diversifiée de clients fidèles" (302) et que "cette base d'abonnés fidèles constitue une source de revenus relativement stables et peu sensible aux cycles économiques" (303).

563. GCP prétend cependant que "si la situation de quasi-monopole (...) était établie, la base d'abonnés de GCP aurait dû augmenter et non décroître" (304). Ce raisonnement est cependant erroné : c'est précisément parce que l'opération a conduit à la création d'un quasi-monopole sur le marché aval de la télévision payante que l'on ne pouvait pas s'attendre, à la suite de sa réalisation, à une augmentation du nombre d'abonnés ou d'abonnements puisqu'une des conséquences du monopole consiste, en principe, à générer des hausses tarifaires accompagnées de baisses corrélatives des quantités vendues, ce qui est précisément la situation observée sur le marché.

(ii) Evolution des prix et de la rentabilité

564. Sur la période 2007-2011, les offres de GCP sur le marché de détail ont connu plusieurs évolutions tarifaires (305*), avec une augmentation respective de :

- 25 % pour l'offre "les chaînes Canal+", augmentation d'autant plus remarquable que, sur la période 2002-2007, le prix n'avait augmenté que de 11 %, comme l'indique le schéma suivant :

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE>

565. GCP fait valoir que ces chiffres correspondent aux prix publics de ses offres et qu'ils devraient être corrigés de l'inflation et de ses efforts promotionnels, dits de "gratuités" accordées à de nouveaux abonnés pour favoriser ses recrutements. GCP souligne au contraire la dégradation de la rentabilité de ses activités depuis 2009 et du montant du revenu moyen par abonné ("ARPU").

566. Il convient cependant de relever que, si GCP conteste les résultats auxquels sont parvenus les services d'instruction pour apprécier la rentabilité du groupe, il se fonde sur des conclusions qui contredisent ses propres déclarations publiques. Ainsi, GCP avait mis en avant la bonne performance financière du groupe lors de la présentation de ses activités dans son document de base auprès de l'Autorité des marchés financiers, allant jusqu'à souligner "l'intégration réussie du groupe TPS (en 2007), ainsi que l'amélioration des marges (...) qui en ont découlé" et le fait que "le Groupe a traversé sereinement la crise économique mondiale en 2008 et 2009 malgré une concurrence accrue en France. L'accent mis sur la rentabilité a permis de maintenir une solide performance opérationnelle lors de ces deux exercices" (306). Il s'ensuit que l'opération a donc bien permis aux parties notifiantes d'améliorer le niveau de leurs marges.

567. Par ailleurs, en ce qui concerne l'évolution plus récente de ses performances, le groupe fait publiquement savoir qu'il a dégagé "20 % de marge opérationnelle en hausse de 10 % par rapport à 2009" (307). Le président de GCP a par ailleurs annoncé en mars 2012 que "le Groupe Canal+ publie ses résultats annuels, affichant un chiffre d'affaires en croissance pour la neuvième année consécutive, malgré une crise économique persistante et un environnement très concurrentiel" (308).

568. En outre, si lors de la séance GCP a prétendu subir en réalité une dégradation de sa rentabilité depuis 2009, c'est notamment en raison d'une "structure de coûts défavorable" (309) du fait des commissions versées aux fournisseurs d'accès à Internet, dont les montants sont en hausse depuis 2007. Néanmoins, comme relevé plus haut, les montants de commissionnements versés par GCP aux FAI sont la conséquence directe de la politique d'auto-distribution du groupe sur les plateformes de diffusion ADSL, sur lesquelles GCP réalise désormais la majorité de ses recrutements. A ce titre, la structure de coûts de GCP n'est pas le résultat structurel de son activité, mais d'un choix de distribution unique et parfaitement réversible en fonction des décisions stratégiques du groupe.

569. Enfin, s'il convient de rester prudents sur l'analyse qu'il est possible de faire quant à la performance financière du groupe, compte tenu du champ limité de l'audit que les services d'instruction ont été mis en mesure de réaliser du fait d'ailleurs du caractère très limité des informations mises à leur disposition par les parties notifiantes, force est de constater que l'utilisation par GCP, pour les besoins spécifiques de la présente procédure, d'appréciations contraires à celles qu'il a été amené à adopter vis-à-vis d'autres autorités administratives indépendantes, voire dans sa communication institutionnelle, en limite la crédibilité.

570. En conclusion, l'évolution de la situation depuis l'opération montre que le groupe a initialement fortement augmenté sa base d'abonnés, dont une partie a ensuite choisi de résilier leur abonnement. De plus, conformément aux informations publiques mises en avant par les parties, il convient de constater que l'opération a eu un impact favorable sur le niveau des marges bénéficiaires dégagées par GCP, groupe dont les niveaux de rentabilité sont croissants, malgré un environnement économique général marqué par un contexte de crise.

(iii) Evolution de la diversité des offres

571. Le fonctionnement concurrentiel d'un marché doit aussi permettre la diversification des offres disponibles pour les consommateurs, correspondant notamment à des gammes de prix différentes. Les parties notifiantes font valoir dans leurs observations du 18 juillet 2012 que le manque d'offres de télévision payante moins onéreuses et plus accessibles pour les consommateurs ne peut être attribué aux effets de l'opération analysée. Elles affirment avoir au contraire tenté de lancer des offres de milieu de gamme (CanalSat Initial et Canal+ Week End) mais que celles-ci ont été un échec commercial. Elles expliquent cet échec par l'abondance de chaînes gratuites et le développement des offres non linéaires qui selon elles exercent une pression directe sur les offres d'entrée et de milieu de gamme.

572. Cependant, compte tenu des conditions des deux offres citées, leur échec peut difficilement être imputé au désintérêt des consommateurs pour les offres de télévision payante de milieu de gamme. En effet, le bouquet CanalSat Initial à 9,90 euro/mois ne comportait aucune chaîne à forte audience, excepté Sport+, et Canal+ Week-end à 15 euro/mois limitait le service du vendredi 19 heures au dimanche 21 heures.

c) Comportements adoptés par GCP sur le marché aval

573. L'instruction a mis en exergue l'adoption, par GCP, de comportements susceptibles d'avoir rigidifié le marché aval en rendant plus difficile la démarche de désabonnement des téléspectateurs.

574. En effet, les contrats d'abonnements souscrits par les abonnés de GCP sont à reconduction tacite à échéance annuelle. L'article L. 136-1 du Code de la consommation introduit par la loi du 28 janvier 2005 et modifié par l'article 33 de la loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 dispose que "le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite (...)". L'objectif poursuivi par cette disposition est de permettre à l'abonné d'être informé par écrit de la perspective de l'arrivée à échéance de son contrat, et du renouvellement tacite de ce dernier, afin d'être en mesure d'effectuer un choix éclairé quant à sa reconduction.

575. Or l'information écrite prévue à l'article L. 136-1 du Code de la consommation est communiquée par GCP à ses abonnés sous deux formes différentes, puisque GCP ne procède à l'envoi d'un courrier spécifique comportant cette information que pour la partie minoritaire abonnés ne recevant pas le magazine des abonnés. Ces magazines comportent en effet, en page de couverture et dans un encadré, le numéro d'abonnement, la date d'échéance du contrat et la durée d'ancienneté de l'abonnement. GCP considère que cette indication satisfait les conditions de l'article L. 136-1 du Code de la consommation (310), mais force est de constater qu'elle ne prévoit aucune mention spécifique de la possibilité de résiliation.

576. Néanmoins, si ce comportement soulève d'importantes difficultés (311), GCP relève qu'il préexistait à l'opération. Par ailleurs, GCP fait valoir que ses conditions générales actuelles n'empêchent pas de constater que plus de [...] % des nouveaux clients du groupe résilient leur abonnement sans frais à l'issue de la première année (312).

d) Conclusion sur les effets de l'opération sur le marché aval

577. Il découle de ces éléments que l'opération a produit des effets horizontaux significatifs sur le marché aval des services de télévision payante. En l'espèce, ces effets sont intimement liés aux effets horizontaux et verticaux de l'opération concernant les marchés de l'édition et de la commercialisation de chaînes et la distribution de chaînes thématiques, dans la mesure où les effets de l'opération à ce stade entravent le développement de la concurrence à l'aval. Il conviendra d'apporter des remèdes appropriés à ces atteintes à la concurrence.

578. En revanche, compte tenu du lien indirect des difficultés tenant aux comportements de GCP en termes d'information de ses abonnés avec l'opération, il n'apparaît pas nécessaire d'y remédier dans le cadre de la présente procédure.

F. S'AGISSANT DES MARCHÉS DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER

579. Après avoir rappelé l'impact de l'opération dans les départements et régions d'Outre-mer ("DROM") et son analyse en 2006 (1), il conviendra d'examiner les effets de l'opération constatés à ce jour sur ces marchés (2).

1. L'IMPACT DE L'OPÉRATION ET SON ANALYSE EN 2006

580. Les autorités de concurrence ont considéré en 2006 que l'acquisition, par GCP, des chaînes éditées par TPS entraînait des effets verticaux sur les marchés intermédiaires, puisque la concentration conduisait à faire dépendre les distributeurs de chaînes thématiques des marchés de l'Océan Indien et des Antilles de la nouvelle entité, alors même que celle-ci constituait leur principale concurrente en matière de distribution. L'opération entrainait de ce fait de forts risques d'éviction des concurrents de GCP.

581. Ainsi, dans l'Océan Indien, Parabole Réunion était, jusqu'à l'opération, le distributeur exclusif des chaînes de TPS en application d'un accord conclu avec TPS le 18 janvier 1999 couvrant la distribution exclusive des chaînes sur les marchés de la Réunion, de l'île Maurice, de Madagascar et des Comores. Parabole Réunion était donc en mesure de reproduire, dans la zone de l'Océan Indien, la concurrence que représentait TPS pour GCP en métropole. Avec une offre assez large de chaînes premium et de chaînes thématiques (chaînes TPS en exclusivité), Parabole Réunion disposait d'une offre complète, attractive et différenciée de celle de Canal+ Réunion, tant en termes de chaînes exclusives qu'en termes de positionnement tarifaire. La pression concurrentielle qu'il exerçait sur Canal+ Réunion était donc réelle. Le principal effet de l'opération était donc de placer sous le contrôle de GCP les chaînes éditées par TPS, qui constituaient le cœur de l'offre de Parabole Réunion.

582. Sur le marché Antilles-Guyane, avant l'opération, TPS représentait, en tant qu'éditeur, 41 % du volume des achats de programme du principal câblo-opérateur actif sur le marché, WSGMTVC (313). Comme dans l'Océan Indien, le principal concurrent de GCP à l'aval se trouvait donc, à l'issue de l'opération, dans l'obligation de s'approvisionner auprès de GCP sur le marché intermédiaire. Le même constat de l'existence d'un risque important de forclusion a donc été également dressé pour le marché Antilles-Guyane (314).

583. Pour y remédier, les parties se sont engagées à reconduire les contrats existants avec TPS dans des conditions au moins aussi favorables que celles précédant l'opération, à la demande de Parabole Réunion ou de WSG-MTVC. Les parties se sont également engagées "dans l'hypothèse où l'une ou plusieurs des chaînes concernées par le présent engagement ne serait(aient) pas conservé(es) par la Nouvelle Entité, (...) à proposer une chaîne d'une attractivité équivalente" (315). Dans sa décision n° 11-D-12, l'Autorité a cependant constaté que GCP avait manqué à ses obligations relatives à la mise à disposition de chaînes au bénéfice de Parabole Réunion (engagement 34).

2. EFFETS DE L'OPÉRATION

a) Position des parties

(i) L'état de pénétration des différentes plateformes techniques de diffusion dans les DROM

584. Comme les autorités de concurrence l'ont relevé en 2006, l'une des spécificités des DROM en matière de télévision payante tient au nombre et au développement inégal des plateformes disponibles par rapport à la métropole. Le degré d'animation concurrentielle de ces marchés s'en trouve affecté.

585. Ainsi, sur le marché de l'Océan Indien, le satellite constitue la principale plateforme utilisée pour recevoir la télévision payante : en 2011, 66 % des ménages réunionnais accédaient à la télévision payante par le satellite (316) ; à Mayotte, le satellite est l'unique plateforme de télévision payante. Le marché de l'Océan Indien présente d'ailleurs la particularité d'avoir conservé, sur le satellite, une concurrence intra-plateforme qui a disparu en métropole depuis l'acquisition de TPS par le groupe Vivendi et GCP, avec deux opérateurs, Canal+ Réunion et Parabole Réunion.

586. L'ADSL se développe à la Réunion de façon plus lente qu'en métropole et y occupe une place limitée en tant que plateforme de distribution de télévision payante. Si 75 % des ménages réunionnais sont abonnés à une offre de télécommunication comportant un accès à Internet, seuls 24 % d'entre eux reçoivent une offre de télévision via leur FAI. Rapportée à l'ensemble des ménages réunionnais, cette proportion est de 18 %. Ceci s'explique notamment par des raisons techniques. En effet, les contraintes auxquelles l'infrastructure est soumise (corrosion, longueur des lignes en raison du relief et donc éloignement par rapport au nœud de raccordement d'abonnés) limitent le débit et donc l'éligibilité des ménages à la télévision par ADSL. Les FAI complètent leur offre de télévision par ADSL avec une offre de télévision par satellite.

587. Sur le marché des Antilles, en revanche, GCP est le principal distributeur présent sur la plateforme satellitaire, ses concurrents étant actifs sur le câble et l'ADSL.

588. La TNT n'a, quant à elle, été lancée qu'à la fin de 2010 dans les DROM, et sous une forme différente de la métropole, puisque les chaînes hertziennes privées nationales n'en font pas partie. La TNT dans les DROM se limite aux chaînes publiques et locales. Historiquement, les chaines gratuites disponibles en métropole n'étaient pas diffusées dans les DROM, afin de ne pas concurrencer les chaînes locales. Par conséquent, la faiblesse de l'offre gratuite a entraîné une forte pénétration de la télévision payante dans les DROM.

(ii) Parts de marché

589. GCP est présent dans les marchés des DROM par le biais d'une filiale, la société Canal+ Overseas, qui contrôle plusieurs entités, parmi lesquelles Canal+ Antilles et Canal+ Réunion.

590. Canal+ Réunion commercialise deux offres à la Réunion et à Mayotte : Canal+ Réunion et CanalSat Réunion. La chaîne Canal+ qui est diffusée à la Réunion et à Mayotte n'est juridiquement pas la même que celle qui est diffusée en métropole. Les deux chaines sont éditées séparément : la chaîne métropolitaine est éditée par la société d'édition de Canal+, tandis que la chaîne réunionnaise est éditée par Canal+ Réunion. Canal+ Réunion bénéficie donc d'une convention spécifique auprès du CSA.

591. De même, Canal+ Antilles et Canal+ Guyane distribuent les chaînes Canal+ Caraïbes et le bouquet CanalSat Caraïbes (composé de plus de 82 chaînes) en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane.

592. Cette différenciation concerne également la dimension éditoriale. Canal+ Overseas édite, en les adaptant aux spécificités locales, les chaînes premium Canal+ de l'Outre-mer (317). Les chaînes Canal+ Antilles et Canal+ Réunion reprennent le contenu de la grille de programmes de la chaîne Canal+ en métropole, celle-ci étant toutefois adaptée aux horaires locaux (à l'exception des compétitions sportives qui sont diffusées en direct quelle que soit l'heure locale dans le territoire concerné).

Sur le marché de l'Océan Indien

593. En 2011, Canal+ Overseas avait un parc de [...] abonnés, représentant [60-70] % de parts de marché. Parabole Réunion comptait pour sa part [...] abonnés, soit [10-20] % de parts de marché.

594. Les données relatives à Canal+ Réunion concernent le nombre d'abonnés individuels (foyers), et non le parc d'abonnements. Or, comme en métropole, la pratique du couplage (cumul d'un abonnement à l'offre "les chaines Canal+" et d'un abonnement à CanalSat) accroit la pénétration des offres de GCP et le montant de l'ARPU.

595. Les parts de marché sont les suivantes :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

596. En circonscrivant l'analyse à la plateforme satellitaire, sur laquelle Canal+ Overseas et Parabole Réunion sont en concurrence frontale, on constate que le taux d'équipement des ménages réunionnais en équipement satellitaire a continué de croître sur la période considérée, passant de 49 % en 2006 à 68 % en 2011 (318).

597. Sur cette même période, le taux de ménages réunionnais abonnés à CanalSat Réunion est passé de [20-30] à [40-50] %, celui de ménages abonnés à Canal+ de [10-20] à [30-40] %, tandis que celui de ménages abonnés à Parabole Réunion a stagné à 17 %. En d'autres termes, alors que le marché de la télévision payante par satellite a continué de croître à la Réunion de 2006 à 2011, l'essentiel de sa croissance a été capté par Canal+ Réunion. Alors que Parabole Réunion connaissait une progression jusqu'en 2006 (+3 % de pénétration entre 2003 et 2006), son offre a stagné entre 2006 et 2010, pour finalement régresser depuis 2011.

Sur le marché des Antilles-Guyane

598. Le marché Antilles-Guyane se différencie de celui de l'Océan Indien en ce que Canal+ Overseas n'y a pas de concurrent significatif sur la plateforme satellite. La concurrence provient essentiellement du câble. En 2011, les parts de marché, en volume et avec la même réserve que celle exprimée plus haut concernant le décompte des abonnés couplés, sont les suivantes :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

b) S'agissant du marché de l'Océan Indien

(i) La mise en œuvre d'une stratégie de verrouillage des intrants

599. Dans sa décision n° 11-D-12, l'Autorité de la concurrence a constaté l'inexécution, par GCP, de ses obligations, dans la mesures où "la chaîne TPS Star n'a pas été "conservée" dans son état initial, au sens de l'engagement 34, puisque sa qualité a connu une dégradation constante au point de lui faire perdre sa qualité de chaîne premium, et qu'elle n'a pas été remplacée par une chaîne d'attractivité équivalente" (319). L'Autorité a également constaté que "la chaîne CinéCinéma Star, qui a remplacé la chaîne TPS Cinéstar, non conservée par la nouvelle entité, n'est pas d'une attractivité équivalente à TPS Cinéstar au sens de l'engagement 34" et que "la chaîne TPS Foot n'a pas non plus été conservée dans son état initial, au sens de l'engagement 34, notamment pour ce qui concerne le contenu et la qualité de ses programmes, et qu'elle n'a pas été remplacée dans les DOM par une chaîne d'attractivité équivalente" (320). L'Autorité en a tiré la conclusion que "cette dégradation, associée à la perte de l'exclusivité de Parabole Réunion sur les chaînes cinéma depuis l'opération de concentration, prive cette dernière de tout avantage concurrentiel par rapport à GCP" (321).

600. L'instruction montre que la dégradation des chaînes de TPS a significativement contribué à amoindrir le degré de pression concurrentielle exercé par Parabole Réunion. En effet, la dégradation de la qualité des chaînes TPS Star, CinéCinéma Star et TPS Foot s'est traduite par un affaissement des audiences, relevé dans la décision n° 11-D-12, puisque "l'audience de la chaîne TPS Foot est tombée à 0 % en 2009 : selon les mesures d'audience réalisées à la Réunion par Metridom (groupe Mediamétrie), celle-ci est passée de 1,3 % en 2006 (situant la chaîne parmi les meilleures audiences), à 0,99 en 2007, 0,6 en 2008 et à 0 % en 2009" (322).

Ces chaines constituaient pourtant le cœur de l'offre et une des principales motivations d'abonnement à Parabole Réunion.

601. L'évolution du marché sur la période 2006 à 2011 illustre les conséquences du comportement de GCP. En effet, alors que la croissance régulière de la part de marché de Parabole Réunion a été interrompue à compter de l'été 2007 (323), la pénétration de Canal+ a connu un bond significatif, passant de [10-20] % en 2006 à [20-30] % en 2007. Concrètement, à compter de la mi-2007, Parabole Réunion a été confronté à la fois à une captation de la croissance du marché par Canal+ et à un phénomène de désabonnement de ses clients désireux de recevoir une offre premium. Sa capacité de recrutement en a été affectée et n'a jamais retrouvé les niveaux atteints avant cette période (324).

602. Une étude réalisée pour le compte de Parabole Réunion en septembre 2010 a permis d'affiner la compréhension de ce phénomène (325). Il ressort de cette étude que la quasi-absence de contenus premium dans les offres de Parabole Réunion a eu un impact négatif sur les motivations d'abonnement à cet opérateur : parmi les abonnés de moins de 2 ans d'ancienneté, seuls 12,8 % considéraient les contenus premium comme une motivation d'abonnement à Parabole Réunion, tandis que dans un échantillon similaire de clients à Canal+, 27,2 % considèrent que ce type de contenu motive leur abonnement. Le même phénomène s'observe chez les prospects, dont la majorité considère les contenus premium de Canal+ comme une motivation d'abonnement majeure. L'analyse des motifs de satisfaction des anciens abonnés de Parabole Réunion ayant souscrit un abonnement à Canal+ confirme que l'offre de contenus premium constitue pour eux un facteur les conduisant à percevoir l'offre de Canal+ comme supérieure à celle de Parabole Réunion (326). Enfin, parmi les clients de Parabole Réunion envisageant de résilier leur abonnement et d'en souscrire un nouveau auprès d'un autre opérateur de télévision payante, la plupart expliquent leur intention de résiliation par l'absence de contenu premium.

603. Il s'ensuit que la perte des contenus premium, qui est la conséquence directe de l'inexécution de l'engagement 34 souscrit par GCP en 2006, a provoqué un transfert d'abonnés de Parabole Réunion vers Canal+. Outre les phénomènes de stagnation de la part de marché et de pertes d'abonnés au profit de Canal+, le non-respect de l'engagement 34 a provoqué une descente en gamme du portefeuille d'abonnés de Parabole Réunion, les clients qui ont conservé leur abonnement ayant majoritairement souscrit à des offres intermédiaires ou bas de gamme proposées par l'opérateur. De la même manière, les nouveaux abonnés se sont surtout portés sur ces offres d'entrée et de milieu de gamme (327). Cette évolution a significativement pesé sur la rentabilité de Parabole Réunion (328).

604. Par ailleurs, les contrats de distribution portant sur les chaînes dégroupées en 2006 arrivent à expiration le [confidentiel] et n'ont pas été renouvelés. Parabole Réunion perdra notamment, à cette date, les chaines TPS Star, TPS Foot et les chaînes Ciné+, soit au total 13 chaînes (329).

605. Toutefois, les concurrents de Canal+ Overseas peuvent distribuer, depuis les mois de mai et juin 2012, de nouvelles chaînes comportant des contenus premium : les chaînes d'Al Jazeera et les chaines du bouquet OCS. Ces chaines ont un pouvoir d'attraction et de fidélisation important. Elles confèreront aux concurrents de Canal+ Overseas une capacité à exercer une certaine pression concurrentielle sur ce dernier. Toutefois, dans la mesure où elles seront également distribuées par CanalSat Réunion, elles ne permettront pas aux concurrents de se différencier.

(ii) Les exclusivités de distribution des chaînes thématiques

606. La difficulté des distributeurs tiers à s'approvisionner en chaines attractives du fait des exclusivités dont bénéficie CanalSat est encore plus significative dans les DROM qu'elle ne l'est en métropole.

607. En ce qui concerne les thématiques à forte attractivité, il apparaît que GCP est parvenu à s'assurer plus d'exclusivités de distribution qu'en métropole en particulier pour la thématique jeunesse. Le tableau ci-dessous fait apparaître la liste des chaînes jeunesse exclusives en métropole et dans les DROM, s'agissant des 15 chaînes représentant plus de 64 % de l'audience (voir plus haut, verrouillage des intrants).

<EMPLACEMENT TABLEAU>

608. Plusieurs autres exemples attestent également du poids très significatif des exclusivités détenues par CanalSat dans les DROM en ce qui concerne la thématique sport. Ainsi, Equidia, la chaîne du sport hippique, est désormais distribuée en exclusivité sur CanalSat Réunion, alors qu'elle est distribuée sur une base non exclusive en métropole. Sport+, mise à disposition des distributeurs tiers en métropole, est restée en exclusivité sur CanalSat aux Antilles et dans l'Océan Indien.

609. S'agissant des autres thématiques, notamment musicales, les chaînes Trace ("Trace Tropical", "Trace Africa" et "Trace Sports"), qui sont disponibles sur une base non exclusive en métropole, ne sont en revanche accessibles que sur CanalSat aux Antilles et à la Réunion alors qu'elles constituent dans ces marchés des chaînes particulièrement attractives compte tenu de leur thématique. GCP considère lui-même que certaines de ces chaînes jouissent d'une attractivité particulière dans les DROM, ce qui rend leur indisponibilité d'autant plus pénalisante pour les distributeurs tiers (330).

610. Il ressort donc de l'instruction que les difficultés d'approvisionnement des distributeurs concurrents de GCP en matière de chaines thématiques sont de nature à réduire l'attractivité de leurs offres et, par conséquent, le degré de pression concurrentielle qu'elles sont susceptibles d'exercer sur les offres de GCP.

(iii) Sur la pression concurrentielle des FAI

611. Les parties notifiantes soutiennent que "l'arrivée des FAI a (...) joué un rôle de stimulateur de la concurrence sur le marché de la télévision payante dans l'Océan Indien" (331). Cependant, la constatation des parts de marché, très limitées, des FAI (9 % de parts de marché cumulées, en volume) invite à relativiser cette affirmation.

612. De plus, Canal+ Réunion a commencé à mettre en place l'auto-distribution de ses offres sur les plateformes ADSL des FAI (Outre-mer Télécom depuis 2009, SFR et Orange en 2011 (332)). Dès lors, comme en métropole, la croissance du parc d'abonnés des FAI, lesquels sont dans ce cadre cantonnés au transport des offres de GCP, moyennant le paiement de commissions, accroit le taux de pénétration des offres de Canal+ Réunion. L'offre de Parabole Réunion n'est, pour sa part, pas auto-distribué chez les FAI.

613. En outre, un dirigeant de Canal+ Réunion a publiquement présenté le recours à l'auto-distribution comme un complément de la distribution par satellite, dans la mesure où, selon lui, "l'auto-distribution permet avant tout de répondre aux besoins des clients des zones d'ombre, c'est-à-dire dans les immeubles où des obstacles sont dressés entre certaines paraboles et le satellite", tout en se montrant réservé quant aux perspectives de développement de la distribution de télévision sur ADSL à la Réunion (333). Ces propos corroborent les informations recueillies au cours de l'instruction quant aux perspectives limitées de développement de la distribution de télévision par ADSL à la Réunion, et amènent donc à relativiser fortement la pression concurrentielle susceptible d'être exercée par les FAI à l'encontre de Canal+ Réunion.

614. Enfin, GCP lui-même estime que, "étant donné le fort taux d'équipement des foyers en réception satellite, la situation du marché de la télévision payante dans ces différentes régions ne devrait pas significativement évoluer du fait de la croissance de l'ADSL et l'émergence de la TNT" (334).

c) S'agissant du marché Antilles-Guyane

615. Aux Antilles-Guyane, les parties notifiantes considèrent que les FAI et Numericable jouent un "rôle de stimulateur de concurrence" (335). Aux Antilles, la consolidation des actifs des câbloopérateurs locaux par Le Câble (Numericable) en 2009-2010 a certes renforcé leur capacité à animer la concurrence. La part de marché du câblo-opérateur témoigne de cette dynamique.

616. L'instruction montre cependant que l'opération a entraîné, sur ce marché également, des effets de nature verticale tenant, comme sur le marché de la Réunion, au large champ des exclusivités de distribution détenues par GCP sur un grand nombre de chaînes attractives. Cette pratique, plus étendue qu'en métropole, restreint l'approvisionnement des concurrents de GCP et réduit leur capacité à animer la concurrence (336).

617. Enfin, comme à la Réunion, GCP a mis en œuvre une stratégie d'auto-distribution via les FAI sur le marché Antilles-Guyane depuis 2010. Selon GCP, "Canal+ Overseas distribue également ses offres par ADSL avec Only (Outremer Telecom) depuis novembre 2010 et le câble (Numericable) depuis décembre 2010 et envisage de les distribuer avec Orange par satellite en 2011" (337). Il en résultera mécaniquement une augmentation du taux de pénétration de Canal+ Antilles et de Canal+ Guyane, ce qui augmentera leur part de marché en valeur.

d) Conclusion sur les effets de l'opération dans les DROM

618. Il résulte de ce qui précède que l'opération, en conférant à GCP le monopole de l'édition de chaînes premium, comme les manquements de GCP à ses engagements relatifs à la mise à disposition et au maintien de la qualité de TPS Star ont contribué à préserver les parties notifiantes de la contrainte concurrentielle des autres distributeurs de télévision payante dans l'Océan Indien et dans la zone Antilles-Guyane. Le développement relativement limité de nouveaux distributeurs, en particulier ADSL, n'a pas permis de contester la position de GCP dans ces marchés. En effet, tant par le jeu des exclusivités de GCP sur un grand nombre de chaînes indépendantes qu'en raison des effets désincitatifs de l'auto-distribution sur les FAI, GCP est parvenu à neutraliser l'émergence d'une concurrence réelle dans les DROM.

G. CONCLUSION GÉNÉRALE SUR LES EFFETS DE L'OPÉRATION ET LES OBJECTIFS DEVANT ÊTRE POURSUIVIS PAR LES REMÈDES

619. En 2006, au vu de la situation des marchés de la télévision payante de l'époque et de leur spécificité, le Conseil de la concurrence avait envisagé les modèles concurrentiels qui pourraient prévaloir après l'opération (338). L'architecture des remèdes avait en conséquence été dessinée en fonction d'un "modèle mixte", c'est-à-dire à mi-chemin entre, d'une part, un modèle dans lequel les différents offreurs ne sont présents que sur un seul niveau de la chaîne de valeur de la télévision payante (édition ou distribution), et, d'autre part, un modèle dans lequel la concurrence ne s'exerce qu'entre des opérateurs verticalement intégrés (concurrence "en silo"). Dans ce modèle mixte, un acteur dominant (l'entité fusionnée), intégrant verticalement des contenus premium (droits sportifs essentiels et films à succès en première fenêtre) et des chaînes thématiques, coexistait avec d'autres offreurs qui n'étaient présents qu'à un seul étage de la chaîne verticale, celui de l'édition de chaînes ou celui de la distribution.

620. Le Conseil avait ensuite identifié trois déclinaisons possibles de ce modèle mixte. La première envisageait qu'un distributeur, probablement adossé à un opérateur de télécommunications, remonte la chaîne de valeur et devienne éditeur de chaînes. Dans la deuxième, il était envisagé de généraliser aux opérateurs ADSL le modèle historique des câblo-opérateurs, en ouvrant largement le marché de gros des chaînes et en favorisant l'apparition de nouveaux distributeurs. La troisième était basée sur la concurrence asymétrique de distributeurs partiellement intégrés et tirant tous les avantages des plateformes techniques où ils sont actifs. Le Conseil a estimé que ce dernier modèle était le plus à même de favoriser le développement d'une offre diversifiée, au bénéfice du consommateur, mais préservant les incitations à investir liées à l'intégration verticale et aux exclusivités, celles-ci structurant le modèle économique de l'entité fusionnée.

621. Cette structure de marché devait permettre à différents types d'offres de coexister : une ou plusieurs offres verticalement intégrées avec des contenus exclusifs (principalement celle de l'entité fusionnée) ; et des offres de distributeurs concurrents incluant des contenus ou des chaînes achetés sur un marché de gros des chaînes payantes suffisamment riche, varié et pérenne, grâce au dégroupage d'un ensemble de base de chaînes de GCP et à la disponibilité d'une proportion significative de chaînes indépendantes de l'opérateur dominant.

622. La cohérence d'ensemble de ce modèle a cependant été mise à mal par les manquements de Vivendi et GCP aux engagements souscrits en 2006. Ces manquements ont en effet touché "au cœur du dispositif prévu par la décision [d'autorisation] pour restaurer des conditions de concurrence suffisantes, les chaînes mises à disposition relevant de "thématiques indispensables à la composition d'un bouquet attractif (...), seul capable d'animer la concurrence à l'aval" (339). La dégradation de la qualité des chaînes dégroupées, le non-respect des engagements relatifs aux conditions de reprise des chaînes indépendantes et la conclusion avec ces chaînes indépendantes d'exclusivités de distribution au profit de CanalSat ont réussi à empêcher l'émergence d'un marché de gros de chaînes thématiques payantes susceptibles d'alimenter les concurrents de GCP sur les marchés aval.

623. L'un des nouveaux distributeurs concurrents de GCP a tenté de réagir à la pauvreté du marché de gros des chaînes payantes en s'intégrant vers l'amont. En concurrençant GCP directement sur les marchés d'acquisition de contenus premium, Orange a constitué une offre intégrant édition de chaînes et distribution, sans pour autant animer le marché de gros des chaînes du fait du choix d'exclusivité "double", c'est-à-dire étendue à la distribution sur le seul réseau du FAI. Surtout, comme le Conseil l'avait anticipé en 2006, Orange s'est dans cette entreprise heurtée aux importantes barrières à l'entrée bloquant l'accès au marché de contenus, particulièrement pour un "challenger issu des télécommunications et sans expérience dans les métiers de contenus" (340), alors même que le précédent de TPS avait montré que "des spécialistes reconnus des marchés de la télévision comme TF1 et M6 n'avaient pu durablement soutenir ce mode de concurrence mimétique après dix ans d'effort" (341). L'issue de cette stratégie, qui s'est traduite par la conclusion d'un partenariat en avril 2012 entre Orange et GCP, permettant notamment de faire bénéficier les chaînes Orange Cinéma Séries du savoir-faire de GCP sur les marchés de l'acquisition de droits et de l'édition de chaînes, illustre l'importance de ces barrières et la dominance de GCP sur ces marchés amont de la télévision payante.

624. Parallèlement, GCP a confirmé sa capacité à neutraliser les alternatives concurrentielles liées au développement de nouvelles technologies. En effet, alors que les autorités de concurrence soulignaient en 2006 que le dynamisme du marché français des services sur l'ADSL ouvrait des perspectives concurrentielles pour la télévision payante, elles ont également considéré que l'opération risquait d'en restreindre le développement (342). Or les risques identifiés en 2006 se sont réalisés : alors que le verrouillage du marché de gros des chaînes payantes rend déjà leur entrée sur le marché très difficile, les FAI sont encouragés à proposer à leurs abonnés les offres de GCP grâce à des commissions très rémunératrices et sont cantonnés dans un rôle de transporteurs des offres auto-distribuées de GCP. La croissance des offres haut débit puis très haut débit s'est faite en premier lieu au profit des offres de télévision payante de GCP, qui effectue désormais la majorité des recrutements de ses nouveaux abonnés sur les plateformes ADSL. Le résultat est que GCP représente toujours, plus de cinq ans après la concentration, plus de [90-100] % de la valeur du marché, contre moins de [10-20] % pour l'ensemble des FAI réunis. Ces chiffres traduisent l'instauration, du fait de l'opération, d'un monopole durable au bénéfice de GCP.

625. Les conséquences de la neutralisation par GCP des pressions concurrentielles qui auraient pu s'exercer sur lui se manifestent à tous les niveaux de la chaîne de valeur, en particulier au stade de l'acquisition et de la diffusion des contenus moteurs d'abonnement. En amont, compte tenu de sa prise de contrôle conjoint d'OCS, GCP reste l'unique interlocuteur réel des détenteurs de droit américains et français pour l'exploitation de films récents en télévision payante. Ce n'est qu'en matière de droits sportifs que GCP, après la sortie rapide d'Orange du marché, doit désormais compter avec un unique acheteur alternatif, Al Jazeera. Il n'en reste pas moins que la position incontournable qu'a conférée l'opération aux parties sur le marché de la distribution de chaînes leur donne les moyens d'élever une barrière considérable pour tout opérateur désireux de voir distribuer sa chaîne auprès des abonnés à la télévision payante, dont l'écrasante majorité sont les clients des offres de GCP. Ce constat s'applique à plus forte raison aux éditeurs de chaînes qui, comme Al Jazeera, diffusent des contenus premium nécessitant l'engagement de coûts d'acquisitions très importants. A la suite de l'opération, l'activité de tels éditeurs ne peut être rentable que s'ils peuvent accéder à une large base d'abonnés, que seule une distribution sur CanalSat permet d'atteindre.

626. Dans ce contexte, les arguments par lesquels GCP soutient qu'une distribution par les FAI permettrait aux éditeurs concurrents d'accéder à l'intégralité de leur base d'abonnés triple play ne peuvent être admis, puisque seuls les abonnés qui payent un prix supplémentaire peuvent accéder aux bouquets propriétaires des FAI qui proposent une offre concurrente de celle de GCP. En revanche, comme l'a déjà relevé l'Autorité, la croissance de la base d'abonnés aux offres triple play des FAI "est principalement due, non à l'attractivité des offres de télévision comprises dans les forfaits de base des fournisseurs d'accès à Internet, mais au couplage des offres de télévision avec des offres d'accès à Internet haut débit (forfaits "triple play") et au développement du dégroupage, et par conséquent à l'éligibilité croissante des foyers à l'ADSL (haut débit)" (343). Il s'ensuit que, dans le cadre de la présente procédure, la majorité des FAI, le CSA comme l'ARCEP considèrent que les offres de premier niveau de service des opérateurs de télécommunications n'exercent pas une pression concurrentielle sensible sur les offres de GCP.

627. Des leçons doivent être tirées de ces opportunités manquées pour la concurrence. Elles permettent d'identifier les espaces de compétition qui doivent être restaurés pour favoriser un fonctionnement concurrentiel du secteur de la télévision payante. La définition de remèdes adaptés doit aussi tenir compte des spécificités de ce secteur en France et des évolutions attendues dans un secteur marqué par l'innovation technologique et la globalisation des marchés qui s'ensuit. En définitive, les remèdes appropriés devront poursuivre trois objectifs.

628. En premier lieu, le système du financement du cinéma français s'est structuré autour d'un acteur à l'intégration verticale forte et d'une chaîne premium qui est le principal contributeur en faveur de la création française. L'abondance et la qualité de cette production bénéficient au consommateur final et l'Autorité est soucieuse de ne pas déstabiliser cet équilibre. Il convient donc de ne pas fragiliser le modèle économique d'une chaîne qui préexistait à l'opération de 2006. Ce modèle repose sur un investissement élevé dans des contenus de qualité dont le risque pourrait difficilement être assumé sans une visibilité minimale sur les perspectives d'exposition de cette chaîne, qui passe par une maîtrise de la relation entre l'éditeur de la chaîne et l'abonné.

629. En deuxième lieu, les remèdes doivent viser à favoriser la diversité des acteurs du secteur de la télévision payante, afin que puisse émerger une offre certes moins riche que celle de GCP, mais également moins onéreuse, et, par conséquent, plus accessible pour les consommateurs. Face à cet objectif, il convient d'observer que le marché français des services de télévision sur Internet via les plateformes des FAI devrait continuer de croître pour deux raisons, exposées par l'ARCEP dans son avis. La première tient aux évolutions des technologies xDSL qui devraient améliorer les performances des plateformes utilisant le réseau historique en cuivre de France Télécom pour la transmission de signaux numériques à haut débit. La seconde résulte du déploiement de la fibre optique, réseau présentant des avantages techniques importants pour les services de télévision payante tant en termes de qualité du signal qu'en débit, et qui devraient permettre aux consommateurs de bénéficier de services d'accès à Internet et d'offres audiovisuelles de meilleur qualité et innovantes (interactivité, services à la demande, accès à la haute définition et aux contenus en 3D).

630. L'ARCEP est d'avis que les besoins très élevés en investissements liés au développement de ces réseaux pourraient peser sur le potentiel concurrentiel des FAI, qui pourraient ainsi se contenter, en matière de télévision payante, de l'activité sans risque que constitue le simple transport des offres de GCP.

631. Mais ces réseaux ouvrent aussi de nouvelles opportunités de diversification des offres de télévision payante en termes de services ajoutés innovants et de nouvelles perspectives de croissance que les fournisseurs d'accès à Internet pourraient vouloir saisir. L'échec d'Orange rend peu vraisemblable un scénario dans lequel ils dégageraient les ressources importantes que nécessite une entrée sur les marchés amont des contenus premium. Néanmoins, ils doivent être en mesure, nonobstant la position quasi monopolistique de GCP sur ces marchés amont, de composer des offres de télévision payante différenciées, tirant tout le parti des innovations technologiques permises par la plateforme technique qu'ils maîtrisent. Comme cela avait été envisagé en 2006, ils pourraient également explorer la courbe de demande avec des offres de plus bas prix ou positionnées sur le milieu de gamme.

632. Cette perspective n'est pas différente de celle qui était envisagée en 2006. Mais l'effet à la fois des manquements aux engagements souscrits et de la stratégie de neutralisation de GCP décrite ci-dessus a justement été de retirer aux fournisseurs d'accès à Internet la maîtrise de la plateforme technique sur laquelle ils sont actifs. L'accès des fournisseurs d'accès à Internet à un marché de gros de chaînes de télévision payantes attractives demeure dans cette perspective un objectif principal. A cet effet, l'encadrement des exclusivités de distribution proposées par GCP aux chaînes indépendantes et le dégroupage des chaînes de cinéma éditées par GCP devraient permettre de sécuriser l'approvisionnement du marché de gros. Les incertitudes qui entourent les projets industriels des fournisseurs d'accès à Internet, exposées dans l'avis de l'ARCEP, militent en faveur de cette solution par rapport à d'autres comme l'interdiction des exclusivités de distribution sur CanalSat ou l'interdiction de l'auto-distribution de CanalSat, qui pénaliseraient inutilement les chaînes indépendantes en l'absence d'initiative des opérateurs télécoms.

633. Enfin, en troisième lieu, les remèdes doivent préserver l'avenir des marchés concernés en évitant la préemption par GCP des nouvelles formes de consommation des contenus que représentent la vidéo à la demande ou la télévision connectée. Les modes de consommation non linéaires de services audiovisuels offrent en effet une perspective significative d'évolution concurrentielle du secteur de la télévision payante. C'est particulièrement le cas des services de vidéo à la demande par abonnement dont le développement est pour le moment embryonnaire. La place particulière du cinéma national en France et la spécificité de son mode de financement, sont des spécificités par rapport aux autres pays (Canada, EtatsUnis, Royaume-Uni), dans lesquels une croissance importante des offres non linéaires d'acteurs de l'Internet a été constatée.

634. Le développement des services à la demande présente par ailleurs en France la particularité de s'appuyer largement sur les offres de télévision payante par ADSL et par satellite. Dans ce contexte, le pouvoir de marché des acteurs traditionnels de la télévision payante, et particulièrement de GCP, reste considérable. L'offre de service de vidéo à la demande par abonnement lancée par GCP tend d'ores et déjà à remplacer l'offre de ses concurrents, puisqu'elle se substituera, à partir du 30 juin 2012, à celle de Free.

635. Le développement de la télévision connectée pourrait ouvrir un accès beaucoup plus large aux contenus diffusés directement sur Internet et à l'entrée sur le marché des acteurs globaux du monde de l'Internet tels que Google, Apple ou Amazon. Cependant, la position de GCP sur les marchés de l'acquisition de droits et l'importance de sa base d'abonnés sont de nature à lui donner un avantage considérable si le modèle non exclusif d'acquisition des droits était remis en cause. Il importe donc de veiller, par des remèdes adaptés, à ce que l'entité issue de la fusion de 2006 ne neutralise pas le potentiel d'animation concurrentielle que créent ces nouveaux modes de consommation.

IV. Les remèdes aux atteintes à la concurrence identifiées

636. En fonction des objectifs qui viennent d'être décrits et qui font eux-mêmes écho à l'analyse concurrentielle développée dans la présente décision, les mesures correctives à mettre en œuvre pour assurer une concurrence suffisante à l'issue de l'opération seront définies (B), après avoir exposé les principes guidant l'Autorité dans son appréciation (A).

A. L'APPRÉCIATION DES MESURES CORRECTIVES ADAPTÉES

637. Aux termes de l'article L. 430-7 du Code de commerce :

"II. - Après avoir pris connaissance de l'ouverture d'un examen approfondi en application du dernier alinéa du III de l'article L. 430-5, les parties peuvent proposer des engagements de nature à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération. (...)

III. - L'Autorité de la concurrence peut, par décision motivée :

- soit interdire l'opération de concentration et enjoindre, le cas échéant, aux parties de prendre toute mesure propre à rétablir une concurrence suffisante ;

- soit autoriser l'opération en enjoignant aux parties de prendre toute mesure propre à assurer une concurrence suffisante ou en les obligeant à observer des prescriptions de nature à apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence.

Les injonctions et prescriptions mentionnées aux deux alinéas précédents s'imposent quelles que soient les clauses contractuelles éventuellement conclues par les parties".

638. Il résulte de l'analyse concurrentielle précédemment développée que l'opération notifiée porte des atteintes significatives à la concurrence sur les marchés de la télévision payante.

639. Les mesures contraignantes qui peuvent être adoptées par l'Autorité dans l'exercice de son pouvoir de contrôle des concentrations ne sauraient excéder ce qui est nécessaire au rétablissement d'une concurrence suffisante. Or une mesure d'interdiction de l'opération peut être évitée en l'espèce, dans la mesure où il est possible, eu égard notamment à la nature et à l'importance des effets anticoncurrentiels du projet de concentration, de déterminer des mesures adéquates pour les compenser (344).

640. Au surplus, il convient de relever que, l'opération ayant été réalisée en 2006, il n'apparaît pas possible, à ce jour, de revenir à l'état antérieur à la concentration puisque les actifs concernés n'existent plus dans la forme qui était la leur à l'époque de l'opération. Le patrimoine des sociétés composant le groupe TPS avant leur absorption a été transmis à GCP et ces sociétés ont été dissoutes. Les actifs concernés ont également évolué, la chaîne TPS Star ayant été progressivement vidée des contenus qui en faisaient une chaîne premium en 2006, avant l'arrêt de sa diffusion le 4 avril 2012.

641. Ainsi, la mise en œuvre par l'Autorité de son pouvoir d'interdire l'opération, le cas échéant en enjoignant aux parties de prendre toute mesure propre à rétablir une concurrence suffisante en application des dispositions du Code de commerce précitées, doit être écartée.

1. SUR LA DÉFINITION DES MESURES CORRECTIVES ADAPTÉES

642. En premier lieu, les mesures destinées à remédier aux atteintes à la concurrence résultant de l'opération notifiée doivent être conformes aux critères généraux définis par la pratique décisionnelle et la jurisprudence afin d'être jugées aptes à assurer une concurrence suffisante, conformément aux dispositions du III de l'article L. 430-7 du Code de commerce.

643. Ainsi que le précisent les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, ces mesures doivent être efficaces en permettant pleinement de remédier aux atteintes à la concurrence identifiées. A cette fin, leur mise en œuvre ne doit pas soulever de doute, ce qui implique qu'elles soient rédigées de manière suffisamment précise et que les modalités opérationnelles de leur réalisation soient suffisamment détaillées. Leur mise en œuvre doit également être rapide, la concurrence n'étant pas préservée tant qu'elles ne sont pas réalisées. Elles doivent en outre être contrôlables (345). Enfin, l'Autorité doit veiller à ce que les mesures correctives soient neutres, au sens où elles doivent viser à protéger la concurrence en tant que telle et non des concurrents spécifiques, et proportionnées, dans la mesure où elles doivent être nécessaires pour maintenir ou rétablir une concurrence suffisante (346).

644. Par ailleurs, afin de remédier aux atteintes résultant d'une opération de concentration, l'Autorité recherche généralement en priorité des mesures structurelles, qui visent à garantir des structures de marché compétitives par des cessions d'activités ou de certains actifs à un acquéreur approprié, susceptible d'exercer une concurrence réelle, ou l'élimination de liens capitalistiques entre des concurrents (347). Toutefois, dans la mesure où, afin de satisfaire l'objectif d'efficacité qui s'impose à l'Autorité, des remèdes de nature comportementale apparaîtraient au cas d'espèce plus appropriés pour compenser certaines des atteintes à la concurrence résultant de l'opération, il conviendra de définir de tels remèdes de manière à assurer leur efficacité et leur contrôlabilité. Il est notamment impératif que l'efficacité des mesures prescrites dans le cadre de la présente décision ne puisse dépendre de la diligence et du bon vouloir des parties notifiantes.

645. Enfin, afin de garantir leur efficacité, les mesures correctives doivent constituer un ensemble cohérent susceptible de neutraliser les effets anticoncurrentiels de l'opération de manière globale. Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que la pertinence et l'efficacité des engagements proposés par les parties à une opération de concentration doivent être appréciées globalement (348). Au cas d'espèce, l'Autorité doit donc appréhender de manière globale les atteintes à la concurrence qui résultent de l'opération à chacun des niveaux de la chaîne de valeur du secteur de la télévision payante.

646. En second lieu, les mesures correctives doivent être adaptées au contexte spécifique de la notification à nouveau d'une opération de concentration déjà réalisée, qui impose à l'Autorité de tenir compte de la situation de la concurrence qui s'exerce sur le marché à la date de la nouvelle décision. Les mesures correctives imposées aux parties doivent ainsi avoir pour but de remédier aux atteintes à la concurrence actuelles et potentielles qui résultent de l'opération, c'est-à-dire les problèmes de concurrence qui peuvent être effectivement constatés et ceux qui peuvent en être attendus à la date de la décision.

2. SUR L'INSUFFISANCE DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS

647. Par lettre en date du 26 juin 2012, les parties notifiantes ont proposé des engagements destinés à remédier aux restrictions de concurrence identifiées par l'Autorité. Elles ont complété ces engagements dans un courrier adressé à l'Autorité le 10 juillet. Ces engagements portent sur les modalités d'acquisition de droits, la participation de GCP dans Orange Cinéma Séries, la reprise des chaînes indépendantes, la mise à disposition de chaînes éditées par GCP et les droits pour la VàD.

a) Les engagements proposés

Les engagements relatifs à l'acquisition de droits

648. S'agissant des modalités d'achat de droits, les parties ont proposé de s'engager à limiter à trois années la durée des contrats cadres futurs (nouveaux ou reconduits) d'acquisition de droits relatifs à des films américains récents avec les majors américaines, de ne pas exiger la vente liée des droits suivants : (i) droits d'exploitation en vidéo ) la demande à l'acte et/ou par abonnement, (ii) droits de diffusion pour la télévision payante et (iii) mandats de distribution, et de traiter de façon non-discriminatoire les producteurs de films français récents par un examen collégial des projets de production et/ou de contrats.

Les engagements relatifs à la participation minoritaire détenue par GCP dans OCS

649. Les parties proposent de s'engager à céder la participation minoritaire que GCP détient dans l'entreprise commune Orange Cinéma Séries-OCS (ci-après "OCS"). Jusqu'à la réalisation de cette cession, ou en cas de refus opposé par Orange à la réalisation de cette cession, les parties s'engageraient, d'une part, à être représentées dans les organes sociaux de OCS par un ou des tiers indépendants et, d'autre part, à renoncer aux dispositions des accords d'associés visant à la limitation du budget d'acquisition de programmes par OCS et à ne pas s'immiscer dans la détermination de la ligne éditoriale des chaînes OCS.

Les engagements relatifs à la reprise des chaînes indépendantes

650. S'agissant de la reprise des chaînes indépendantes, les parties proposent, en premier lieu, de reprendre dans le cadre d'une distribution non exclusive, liée au bouquet CanalSat, toutes les chaînes premium indépendantes qui en feraient la demande, dans des conditions de rémunération objectives, transparentes et non discriminatoires comparables à celles réservées aux chaînes premium de même thématique distribuées par CanalSat ou aux standards du marché, les chaînes premium indépendantes étant les chaînes conventionnées par le CSA, en langue française, qui ne sont pas contrôlées directement ou indirectement par les parties, qualifiées de chaînes de cinéma de première exclusivité et/ou diffusant une part significative des matches du championnat de France de football de Ligue 1.

651. En deuxième lieu, les parties proposent, pour les chaînes indépendantes non premium, dont elles envisageraient la distribution non exclusive dans le bouquet CanalSat, de formuler une offre de reprise dans des conditions objectives, transparentes et non-discriminatoires comparables, en termes de niveau de rémunération et d'exposition (plan de services, mosaïque, guide des programmes), à celles offertes à des chaînes qui se situeraient dans la même thématique et dans le même mode de commercialisation. Les parties proposent que ces conditions s'appuient sur les termes de la charte signée par GCP avec l'Association des Chaînes Conventionnées Editrices de Services (ACCeS) le 21 juin 2012 ou toute nouvelle version qui viendrait s'y substituer pendant la durée des engagements.

652. En troisième lieu, les parties proposent que, pour toute offre de distribution exclusive de chaîne indépendante, soit prévue une offre de rémunération distincte pour les modes de diffusion concernés : hertzien, câble, ADSL/fibre (que les parties présentent comme constituant une même et unique plateforme de diffusion) ou satellite. Afin de répondre aux objections de l'Autorité, cette proposition a été amendée le 10 juillet 2012 par plusieurs engagements complémentaires :

- premièrement, un engagement de formuler, concomitamment à toute offre de reprise en exclusivité, une offre de reprise en mode non exclusif sur l'ADSL/fibre ;

- deuxièmement, un engagement de plafonner la décote correspondant à une distribution non exclusive sur la plateforme ADSL/fibre à [...] % du montant de l'offre formulée pour une distribution exclusive en ADSL/fibre ;

- troisièmement, un engagement de ne pas offrir à l'éditeur pour une distribution exclusive sur la plateforme ADSL/fibre ne pourra dépasser [...] % du montant total qui lui sera proposé pour une distribution exclusive sur les modes de diffusion satellite et ADSL/fibre, le taux de [...] % correspondant, selon GCP, au poids de l'ADSL/fibre dans le recrutement des abonnés de CanalSat et représentant ainsi la valeur de l'exclusivité sur ce support de diffusion pour CanalSat.

653. GCP a également complété cette série d'engagements en proposant le 10 juillet 2012 des mesures visant à limiter le poids global des exclusivités sur le nombre de chaînes disponibles pour les FAI :

- premièrement, l'engagement de plafonner le nombre d'exclusivités détenues par CanalSat, par thématique jugée indispensable, à la moitié des chaînes (indépendantes ou éditées par GCP) disponibles sur le marché pour chacune des trois thématiquesclés (cinéma, sport, jeunesse) ;

- deuxièmement, l'engagement de renoncer à distribuer en exclusivité sur le mode de diffusion ADSL/fibre la meilleure chaîne - déterminée en fonction de son coût de grille - de chacune de ces trois thématiques.

Les engagements relatifs à la vidéo à la demande

654. En ce qui concerne la vidéo à la demande, les parties ont proposé de s'engager à ne pas acquérir plus de 33 % de films cinématographiques exclusifs au sein de la composante cinéma de leurs offres non linéaires de vidéo à la demande à l'acte et/ou par abonnement et à offrir un accès non discriminatoire aux films du catalogue de StudioCanal à tout opérateur exploitant un service de vidéo à la demande et/ou par abonnement concurrent. Les parties ont amendé cette proposition le 10 juillet 2012 en présentant l'engagement de n'acquérir aucun droits exclusifs de films cinématographiques au sein de leurs offres non linéaires de vidéo à la demande à l'acte et par abonnement, cet engagement devant être levé en cas de conclusion par un opérateur concurrent d'un accord cadre de distribution exclusive avec l'un des majors américains ou en cas de changement de la chronologie des médias.

655. Les parties ont encore précisé que ces engagements seraient appliqués dans les territoires français de l'Océan Indien et des Antilles et qu'ils seraient souscrits pour une durée de 5 ans commençant à courir au plus tard 90 jours à compter de la notification de la décision de l'Autorité.

b) Appréciation des engagements proposés

656. L'Autorité constate que les engagements proposés ne permettent pas de résoudre plusieurs des problèmes de concurrence identifiés ci-dessus et de répondre aux objectifs poursuivis.

657. En ce qui concerne la reprise des chaînes indépendantes, l'engagement proposé au § 650 vise, en ce qui concerne les chaînes cinéma, les seules chaînes qualifiées de chaînes de cinéma "de première exclusivité". Or, depuis l'arrêt de la diffusion de TPS sur le territoire métropolitain, seule la chaîne Canal + appartient à cette catégorie, alors que d'autres chaînes indépendantes font l'acquisition de droits de première et deuxième fenêtre de diffusion en télévision payante, considérés comme premium. L'engagement ne permet donc pas de remédier au risque que GCP ne verrouille l'accès à la clientèle des chaînes indépendantes qui seraient parvenues à acquérir des droits de diffusion premium.

658. Par ailleurs, l'engagement relatif aux conditions de reprise des chaînes (§651) n'offre pas de réelles garanties quant au caractère transparent et objectif de ces conditions dans la mesure où elles seraient appuyées sur une charte de bonne pratiques qui, sur de nombreux points, est elle-même peu précise et pourrait en tout état de cause être remplacée, à l'initiative des parties, par un nouveau document que l'Autorité n'aurait pas examiné. En effet, cette charte comporte une clause aux termes de laquelle "dans le cas où l'Autorité de la concurrence viendrait à imposer des remèdes aux signataires de cette charte incompatibles avec les termes de cette dernière ou faisant peser sur CanalSat de nouvelles obligations relatives à la distribution de chaînes thématiques, les parties se rencontreront pour déterminer dans quelle mesure la charte reste applicable". Cet engagement, eu égard notamment à la réserve substantielle dont il est assorti, ne permet donc pas de remédier à l'opacité des conditions contractuelles de distribution pratiquées par GCP, qui a été relevée ci-dessus dans l'analyse concurrentielle et identifiée comme un obstacle majeur à l'animation concurrentielle du marché.

659. En ce qui concerne l'engagement consistant à offrir une rémunération distincte pour les modes de diffusion concernés (hertzien, câble, ADSL/fibre ou satellite) et les engagements qui le complètent (§652), il ressort de l'analyse concurrentielle que la rémunération par GCP de l'exclusivité d'une façon globale et non différenciée selon les plateformes concernées restreint la possibilité, notamment pour les FAI, de formuler des offres de distribution compétitives. En permettant la valorisation séparée des exclusivités de distribution pour l'ensemble d'une plateforme technique, les engagements proposés par GCP permettent de limiter le problème à la seule plateforme technique ADSL/fibre (349) et d'éviter que, pour concurrencer les offres d'exclusivité de GCP, les FAI ne soient contraints de racheter une partie de l'exclusivité sur des modes de diffusion technique qu'ils n'exploitent pas ou de façon marginale. Le problème reste cependant entier pour la plateforme technique ADSL/fibre. En effet, celle-ci est exploitée par plusieurs opérateurs concurrents et l'engagement proposé ne permet toujours pas aux FAI de formuler des offres compétitives dès lors qu'ils ne peuvent rentabiliser leurs achats de chaînes que sur une partie de la plateforme ADSL/fibre, à savoir celle qui correspond à leurs abonnés. De ce fait, le risque qu'ils soient individuellement amenés, pour obtenir le droit de les distribuer, à "surpayer" les chaînes au regard de leur part respective d'abonnés sur cette plateforme technique, et les comportements de passager clandestin liés à ce risque, subsistent.

660. Les engagements visant à limiter le poids des exclusivités sur le nombre de chaînes disponibles pour les FAI ne permettent pas non plus de remédier à la situation exposée dans l'analyse concurrentielle puisque le nombre de chaînes en exclusivité dans les thématiques cinéma, sport et jeunesse est déjà de l'ordre de [50-60] % du total des chaînes présentes dans l'offre CanalSat, ou inférieur à ce nombre. Surtout, la portée des exclusivités détenues par CanalSat doit s'apprécier davantage au regard de l'attractivité des chaînes concernés qu'en fonction de leur nombre et l'indicateur proposé ne révèle pas les différences de qualité entre les chaînes qui seraient distribuées de façon exclusive et les autres. La base de calcul de cet indicateur peut par ailleurs être manipulée par le référencement sur CanalSat en option ou à la carte d'un nombre plus élevé de chaînes en non exclusivité, par exemple des chaînes étrangères. La garantie selon laquelle la meilleure chaîne de chaque catégorie, sur la base du coût de grille, serait distribuée de façon non exclusive sur CanalSat ne suffit pas à elle seule à garantir que les FAI auront accès à un marché de gros de chaînes de télévision payantes attractives, objectif dont le caractère essentiel a été identifié ci-dessus.

661. En ce qui concerne les services non linéaires de vidéo à la demande à l'acte et par abonnement, les engagements proposés (§654) sont également insuffisants compte tenu des circonstances prévues par les parties qui en permettraient la levée. En effet, la signature par un opérateur concurrent d'un contrat cadre de distribution exclusive avec l'un des majors américains n'éliminerait pas, à elle seule, l'ensemble des problèmes concurrentiels identifiés. Par ailleurs, un éventuel changement de la chronologie des médias devrait avoir pour conséquence un développement rapide de ces nouveaux modes de consommation, rendant la mesure corrective d'autant plus nécessaire.

662. Enfin, la durée des engagements de 5 ans proposée par les parties est à l'évidence insuffisante en l'absence de toute possibilité de renouvellement, dans la mesure où il n'existe à ce jour pas de facteur de nature à remettre en cause dans un tel délai la position acquise par GCP sur les marchés de la télévision payante à la suite de l'opération notifiée, dont il a été vu ci-dessus qu'elle avait perduré depuis 2006.

663. Il résulte de ce qui précède que les engagements proposés par les parties notifiantes sont insuffisants pour remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération.

664. Compte tenu de l'insuffisance des engagements proposés, l'autorisation de l'opération notifiée sera subordonnée, conformément aux dispositions précitées du III de l'article L. 430-7 du Code de commerce, à ce qu'il soit enjoint aux parties de mettre en oeuvre des mesures propres à assurer une concurrence suffisante. Il appartient donc à l'Autorité de définir lesdites mesures.

B. LES MESURES CORRECTIVES

665. Les mesures correctives seront définies au regard des atteintes à la concurrence résultant de l'opération notifiée, qui ont été identifiées ci-dessus sur les marchés d'acquisition de droits cinématographiques et sur le marché de l'édition de chaînes de cinéma (1), sur le marché de la distribution de chaînes de télévision payante (3), sur les marchés de la télévision non linéaire (2), ainsi que sur les marchés de la télévision payante dans les DROM (4).

1. ACQUISITION DE DROITS CINÉMATOGRAPHIQUES ET ÉDITION ET COMMERCIALISATION DE CHAÎNES DE CINÉMA

a) Rappel des atteintes à la concurrence identifiées

666. La concentration a conféré à GCP une position durable de quasi-monopsone sur les marchés de l'acquisition de droits de films américains et d'expression originale française ("EOF") récents, associée à un monopole sur le marché de l'édition de chaînes premium et une position dominante sur le marché de l'édition de chaînes cinéma. L'élimination de la concurrence exercée auparavant par TPS n'a pu être compensée par l'entrée d'Orange sur le marché. Orange ne peut d'ailleurs plus être aujourd'hui considéré comme un acteur indépendant sur le marché, compte tenu de la prise de participation de GCP dans OCS. GCP est désormais titulaire de la totalité des contrats cadres portant sur les droits de diffusion en première et deuxième fenêtre des films produits par les principaux studios d'Hollywood. Il dispose donc d'une puissance d'achat élevée, nonobstant le pouvoir de négociation des studios américains. Le même constat s'impose avec encore plus d'acuité en matière de films EOF, compte tenu de l'atomisation du secteur de la production française et de sa dépendance vis-à-vis des chaînes de télévision payante, et donc de GCP, pour son financement.

b) Les objectifs poursuivis par les remèdes

667. Pour assurer une concurrence suffisante sur les marchés en cause, les remèdes définis par l'Autorité doivent favoriser la diversité des acteurs du secteur de la télévision payante, en encadrant notamment les comportements d'achat de droits cinématographiques de GCP et en restaurant l'autonomie d'OCS, son principal concurrent sur le marché de l'acquisition de droits premium autres que sportifs. L'Autorité est en même temps soucieuse de ne pas déstabiliser les équilibres existants, par lesquels GCP concourt au financement de la production cinématographique française, dans la mesure où ils contribuent au bien-être des consommateurs.

668. Il convient tout d'abord d'écarter deux mesures, suggérées par plusieurs contributeurs au test de marché et à la consultation publique, qui ne permettraient pas d'atteindre les objectifs poursuivis. La première viserait le contingentement de l'accès aux droits. La seconde remettrait en cause l'auto-distribution des chaînes premium de GCP.

669. Premièrement, des mesures visant à ouvrir l'accès aux droits cinématographiques premium pourraient, certes, favoriser l'édition de chaînes concurrentes. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, les barrières à l'entrée sur les marchés de l'acquisition de droits cinématographiques premium, nécessaire au lancement de chaînes proposant ce type de contenus, sont fortes, en raison notamment du prix élevé des droits. L'échec de TPS et les difficultés d'Orange ont confirmé l'importance de ces barrières et l'entrée sur le marché d'acteurs pérennes à même de concurrencer GCP au niveau de l'offre de contenus premium paraît peu probable. Aucun des acteurs du marché interrogés au cours de l'instruction de ce dossier par l'Autorité n'a manifesté l'intention de développer une offre de chaîne de cinéma proposant des films récents. Dans ces conditions, des mesures contingentant l'accès aux droits premium de GCP auraient pour effet de priver les consommateurs des contenus auxquels GCP se verrait interdire l'accès, faute pour un concurrent de les acheter en vue d'éditer ses propres contenus premium sur le marché français.

670. Deuxièmement, la remise en cause du système d'auto-distribution par GCP de ses chaînes premium Canal+ n'apparaît pas davantage adaptée pour remédier aux problèmes de concurrence identifiés, dans la mesure où, comme expliqué plus haut, le maintien des investissements de Canal+ dans la production cinématographique passe par une maîtrise de la relation entre l'éditeur de la chaîne et l'abonné (350).

671. GCP est soutenu sur ce point par le CNC, qui soutient, premièrement, que le mécanisme d'auto-distribution est "un élément fondamental du modèle économique de Canal+ qui permet, grâce à une relation directe avec la source essentielle des revenus que constituent les abonnements, d'assurer la qualité premium des programmes, avec un coût de grille élevé sans comparaison avec les autres chaînes thématiques (...) et qu'une éventuelle remise en cause de ce mécanisme serait préjudiciable aux investissements dans la production cinématographique et audiovisuelle" (351). Selon lui, des liens plus distendus entre GCP et les abonnés risqueraient d'engendrer une baisse importante du volume et de la valeur des abonnements et donc du chiffre d'affaires du groupe. Il explique, en deuxième lieu, que la remise en cause du mécanisme d'auto-distribution affecterait négativement le produit de la taxe sur les services de télévision ("TST"), prévue par l'article L. 115-6 du Code du cinéma et de l'image animée, qui est affecté au CNC. En effet, la taxe mise à la charge d'un éditeur auto-distribuant ses chaînes est calculée sur deux assiettes : d'une part, en tant qu'éditeur, sur ses recettes publicitaires et de parrainage ainsi que sur les recettes issues de services interactifs (SMS, appels téléphoniques à revenus partagés, etc.) et, d'autre part, en tant que distributeur, sur le produit des abonnements acquittés par les usagers. En troisième lieu, le CNC souligne que l'assiette des obligations d'investissement dans la production cinématographique et audiovisuelle serait également affectée dans la mesure où "il est probable que l'application de taux plus élevés sur cette assiette amoindrie ne suffira pas à garantir l'équivalence du niveau des investissements par rapport à celui résultant de l'assiette et des taux actuellement applicables. (...) On peut même craindre une remise à plat de l'ensemble du régime des obligations pesant sur les distributeurs compte tenu des effets en cascade difficilement prévisibles et maîtrisables" (352).

672. Le test de marché réalisé par l'Autorité au cours de l'instruction du présent dossier a également mis en évidence l'attachement des ayants droit à ce système d'auto-distribution. Le Bureau de liaison des organisations du cinéma ("Bloc") observe ainsi qu'"il s'agit en effet d'un modèle unique qui permet [de conférer à GCP] un contrôle de la promotion des chaînes de son bouquet et de leurs contenus. (...) Le bouquet Canal+ repose sur des recettes générées par un système d'abonnements individuels payants, et la notoriété des chaînes auprès du public est directement relative à leur qualité éditoriale. (...) Les campagnes promotionnelles opérées par la chaîne, inhérentes à son système d'auto-distribution, bénéficient à l'ensemble du secteur et y compris aux auteurs dont la rémunération proportionnelle repose en partie sur les diffusions télévisuelles de leurs œuvres" (353).

673. La contribution de GCP au secteur de la production cinématographique repose cependant essentiellement sur ses chaînes premium, distribuées dans l'offre "Les Chaînes Canal+" et non sur ses autres chaînes de cinéma, distribuées au sein de l'offre CanalSat, dont la contribution est bien plus marginale (de l'ordre de [10-20] % de la contribution totale de GCP). De plus, les justifications de l'auto-distribution tenant à la maîtrise des risques qui découlent des activités d'acquisition de contenus et d'édition de chaînes premium ne s'appliquent nullement à l'offre CanalSat, qui est également auto-distribuée par GCP.

674. Il convient cependant de relever que la remise en cause de la possibilité pour GCP d'autodistribuer ses offres, qu'il s'agisse des chaînes Canal+ ou du bouquet CanalSat, s'analyse comme la désintégration verticale des activités des parties notifiantes en matière d'acquisition et de diffusion de contenus. Elle engendrerait l'émergence d'une double marge, à savoir celle de GCP au stade de la vente en gros et celle des distributeurs au stade de la vente au détail, alors que le choix d'une distribution intégrée ne suppose l'existence que de la seule marge de GCP.

675. En revanche, deux types de mesures apparaissent propres à remplir les objectifs poursuivis par l'Autorité et à assurer une concurrence suffisante sur les marchés en cause, à savoir l'encadrement des comportements d'achat de droits de GCP, d'une part, et la dissolution des liens de GCP avec son principal concurrent OCS, d'autre part.

676. En premier lieu, des mesures visant à encadrer les comportements d'achat ainsi que les modalités de diffusion des droits détenus par GCP sont de nature à éviter la préemption de ces droits au détriment d'opérateurs concurrents et à favoriser leur circulation au profit des éditeurs de chaînes, sans remettre en cause le modèle industriel de GCP ou les équilibres soutenant la création audiovisuelle française. La capacité de GCP de fermer l'accès aux droits pour des durées excessives doit ainsi être limitée afin de permettre aux différents acteurs d'exprimer régulièrement une demande compétitive auprès des détenteurs de droits. Les pratiques de préemption des droits par des pratiques d'achats groupés ou liés doivent également être prévenues.

677. En second lieu, il importe de faire en sorte que l'offre d'Orange, qui a constitué ces dernières années la seule alternative crédible à celle de GCP sur le segment du cinéma premium avant d'être neutralisée par l'accord passé avec GCP, retrouve son autonomie concurrentielle. Un tel objectif passe par la dissolution des liens existant entre GCP et Orange. En effet, comme il vient d'être exposé, les chaînes de cinéma éditées par Orange sont les seules, avec celles éditées par GCP, à proposer des contenus de première et deuxième fenêtre payante (354). Cependant, OCS est désormais une entreprise commune entre GCP et Orange. Les acquisitions de contenus de cette société sont plafonnées et GCP dispose d'un accès privilégié aux informations relatives à sa stratégie d'acquisition et à sa politique éditoriale. [confidentiel]. De ce fait, les chaînes cinéma d'OCS ne peuvent être considérées à ce jour comme une offre concurrente de celle de GCP sur les marchés de l'acquisition de droits et de l'édition de chaînes de cinéma.

678. L'entreprise commune créée entre Orange et GCP est une société en nom collectif. De ce fait, Orange peut, en tant qu'associé, s'opposer à la cession des parts de GCP dans la société (355). Dans cette hypothèse, comme dans celle où GCP ne trouverait pas d'acquéreur pour sa participation dans Orange Cinéma Séries-OCS, l'autonomie de cette entreprise commune par rapport à GCP devra à tout le moins être garantie, tant dans le fonctionnement de la société que dans l'exercice de ses activités, notamment en ce qui concerne l'acquisition de droits.

679. Comme le fait valoir France Télécom-Orange dans ses observations du 18 juillet 2012, ce retrait de GCP ou la neutralisation de sa participation ne doivent pas avoir pour effet de remettre en cause le contrat de distribution sur CanalSat qui a été conclu entre Orange Cinéma Séries-OCS et GCP. En effet, il convient, comme cela sera développé ci-dessous dans la partie consacrée à la distribution de chaînes thématiques, de protéger l'accès des chaînes, qui ont avec succès concurrencé celles de GCP sur les marchés amont de droits de diffusion premium, à une distribution par satellite sur laquelle l'opération a conféré à GCP un monopole.

c) Les remèdes retenus en ce qui concerne l'acquisition de droits cinématographiques ainsi que l'édition et la commercialisation de chaînes de cinéma

680. Pour les besoins des injonctions prononcées dans le cadre de la présente décision, les définitions suivantes sont retenues :

- les "Parties" désignent les parties notifiantes, à savoir le groupe Vivendi et le groupe Canal Plus et toute entité contrôlée directement ou indirectement par elles ou qui viendrait à l'être postérieurement à la décision ;

- les "studios américains" sont les six "majors" (à savoir les groupes intégrés autour de, respectivement, NBC Universal, Sony, Fox, Walt Disney, Time Warner et Paramount/CBS, ainsi que l'ensemble de leurs filiales respectives) ainsi que les studios Metro Goldwyn Mayer Inc., Lionsgate, New Regency, Dreamworks et The Weinstein Company ;

- les contrats cadres ou "output deals" sont définis, pour les besoins de la présente injonction, comme des contrats relatif à l'acquisition auprès d'un studio américain de droits de diffusion télévisuelle de films ou de séries, identifiés ou non, portant sur une partie significative de la production annuelle inédite en France dudit studio américain ;

- est considérée comme "chaîne cinéma" l'ensemble des services de cinéma composant soit un service à programmation multiple tel que défini aux articles 6-2 et 6-7 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié, soit un groupement de services au sens du V de l'article 11 de ce décret, ainsi que leurs services associés, notamment le service de télévision de rattrapage, la version HD et la version décalée de la chaîne" ;

- les "séries américaines" s'entendent de toute fiction de plus de sept épisodes d'une durée inférieure à 60 minutes, y compris d'animation, produites par un studio américain ou l'une de ses filiales. Les séries américaines récentes sont les séries diffusées de manière inédite en France sur la télévision payante ou sur la télévision gratuite ;

- les "chaînes Canal Plus" désignent exclusivement le service Canal Plus composé de plusieurs chaînes (Canal+, Canal+ Sport, Canal+ Cinéma, Canal+ Décalé et Canal+ Family).

1) L'acquisition de droits cinématographiques par GCP

En ce qui concerne les droits de diffusion vendus par les studios américains et leurs filiales 1 (a) - Il est enjoint aux Parties de limiter la durée des contrats cadres ou "output deals" conclus pour l'achat de droits de télévision payante (premières et deuxièmes fenêtres) avec les studios américains à trois ans, sans option de renouvellement en faveur de GCP. La date d'échéance des contrats cadres sera communiquée par GCP à tout éditeur qui lui en fera la demande dans un délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception de cette demande.

1 (b) - Il est enjoint aux Parties de négocier et conclure des contrats cadres ou "output deals" distincts pour chacune des catégories de droits ci-après. Ces droits devront faire l'objet d'une valorisation individuelle dans chacun des contrats. Aucune remise de couplage entre ces différents droits ne pourra être proposée ou acceptée.

1- Les droits de diffusion de films de première fenêtre (ou première exclusivité, c'est-à-dire des films qui n'ont jamais été diffusés sur une chaîne de télévision, payante ou gratuite) pour la télévision payante.

2- Les droits de diffusion de films de deuxième fenêtre (ou deuxième exclusivité, c'est-à-dire des films qui ont été précédemment diffusés sur une seule chaîne de télévision, payante ou gratuite) pour la télévision payante.

3- Les droits de diffusion de séries américaines récentes.

En ce qui concerne les droits de diffusion vendus par les producteurs français

1 (c) - Il est enjoint aux Parties de ne pas conclure de contrats cadres d'achat de droits de diffusion avec des détenteurs de droits français, ou tout contrat d'effet équivalent.

1 (d) - Il est enjoint aux Parties de ne mettre en œuvre aucune discrimination entre les producteurs de films EOF.

1 (e) - Il est enjoint aux Parties de négocier et conclure avec les ayants droit français des contrats distincts pour l'achat :

- d'une part, des droits de diffusion de films de première fenêtre (ou première exclusivité, c'est-à-dire des films qui n'ont jamais été diffusés sur une chaîne de télévision, payante ou gratuite) pour la télévision payante ;

- d'autre part, des droits de diffusion de films de deuxième fenêtre (ou deuxième exclusivité, c'est-à-dire des films qui ont été précédemment diffusés sur une seule chaîne de télévision, payante ou gratuite) pour la télévision payante.

681. Ces injonctions visent tous les contrats qui seront conclus ou reconduits à compter de la notification de la décision.

2) La participation de GCP dans Orange Cinéma Séries-OCS

682. Pour les besoins des présentes injonctions, les sociétés Orange Cinéma Séries et Multithématiques désignent indifféremment ces sociétés ou toute entité au profit de laquelle ces sociétés réaliseraient un transfert des parts qu'elles détiennent dans la SNC Orange Cinéma Série-OCS, ou toute autre société qui se substituerait à celle-ci.

2 (a) - Il est enjoint aux Parties de céder, dans un délai de [...] à compter de la notification de la décision, à un acquéreur agréé par l'Autorité, l'ensemble des parts qu'elles détiennent au capital de la société en nom collectif Orange Cinéma Séries-OCS, établie entre la société Orange Cinéma Séries et la société Multithématiques, filiale de GCP, pour l'édition et l'exploitation du bouquet de chaînes de télévision dénommé Orange Cinéma Séries, qui comprend aujourd'hui les chaînes Orange CinéMax, Orange CinéHappy, Orange CinéChoc, Orange CinéNovo et Orange CinéGéants. Les négociations en vue de cette cession devront être initiées au plus tard [...] à compter de la notification de la décision et menées de bonne foi avec tous les acquéreurs potentiels. GCP informera Orange Cinéma Séries des contacts pris à cet effet et du déroulement des négociations.

2 (b) - Dans l'hypothèse où les Parties ne parviendraient pas à initier des négociations pour la cession de l'ensemble des parts qu'elles détiennent dans la société Orange Cinéma Séries-OCS dans le délai de [...] ou si l'acquéreur proposé par les Parties n'était pas agréé par l'associé des Parties ou par l'Autorité de la concurrence :

- il est enjoint aux Parties de révoquer les deux membres du Conseil que la société Multithématiques a proposés en application de l'article 14.1 (e) des statuts d'Orange Cinéma Série-OCS et de les remplacer, avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la mise en œuvre de la présente injonction, par des personnes indépendantes de GCP et de ses filiales, à savoir soit i) le mandataire qui sera désigné pour le suivi des présentes injonctions et une personne désignée par lui et agréée par l'Autorité ainsi que par l'associé des Parties, soit ii) deux personnes désignées par le mandataire et agréées par l'Autorité ainsi que par l'associé des Parties ("les membres indépendants"). Les membres indépendants représenteront Multithématiques pour l'ensemble des décisions prises par le Conseil, selon les modalités prévues notamment à l'article 14 des statuts de la société et à l'article 2 du pacte d'associés entre Orange Cinéma Séries et Multithématiques ;

- il est enjoint aux Parties de renoncer au bénéfice de la transmission des informations prévue à l'article 6 du pacte d'associés et de demander au gérant d'effectuer cette transmission au seul bénéfice des deux membres du Conseil nommés par elles conformément aux dispositions prévues au 2 (b) ci-dessus ;

- il est enjoint aux Parties de renoncer au bénéfice de la clause plafonnant les coûts prévus dans le budget annuel (article 5.1.3 du pacte d'associés) et au bénéfice de la clause de non concurrence (article 16 du pacte d'associés) ;

- il est enjoint aux Parties de renoncer au bénéfice du contrat cadre de prestations de services conclu le 12 avril 2012 entre Orange Cinéma Séries-OCS et Canal+ France et de renoncer à réaliser toute prestation de services identique à celle prévue dans ce contrat au bénéfice de la société Orange Cinéma Séries-OCS ou à accepter toute demande de prestation de service identique à celle prévue dans ce contrat au bénéfice de cette société ;

- il est enjoint aux Parties de ne pas mettre en œuvre de comportements qui auraient le même objet ou le même effet que les clauses, droits et contrats auxquelles il leur est enjoint de renoncer.

2 (c) - Aussi bien dans le cas de la cession enjointe au titre du 2 (a) que dans celui des mesures imposées au titre du 2 (b), il est enjoint aux Parties de maintenir le contrat de distribution du bouquet Orange Cinéma Séries au sein de CanalSat actuellement en vigueur et d'en respecter les stipulations jusqu'à son échéance.

2. DISTRIBUTION DE CHAÎNES THÉMATIQUES

a) Rappel des atteintes à la concurrence identifiées

683. L'acquisition de TPS a conféré à GCP une puissance d'achat susceptible de placer ses fournisseurs, les éditeurs de chaînes, dans une situation de dépendance économique. Par ailleurs, l'opération a conféré à GCP une position dominante durable sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante.

684. GCP est ainsi devenu un distributeur incontournable pour les chaînes indépendantes, ce qui lui donne la capacité de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés de l'édition en refusant de distribuer les chaînes d'un éditeur concurrent au sein de l'offre CanalSat ou en lui proposant des conditions de distribution de nature à affaiblir la pression concurrentielle qu'il représente, notamment en ce qui concerne le montant de la rémunération ainsi que les conditions de référencement, de promotion et de commercialisation de la chaîne au sein de l'offre CanalSat.

685. Par ailleurs, les pratiques mises en œuvre par l'entité fusionnée ont découragé le développement d'offres alternatives de télévision payante, notamment par des fournisseurs d'accès à Internet. Ainsi, l'effet cumulé de l'auto-distribution de l'offre CanalSat, des exclusivités conclues entre GCP et plusieurs éditeurs de chaînes thématiques et, enfin, de l'opacité qui entoure les conditions de rémunération des chaînes ont neutralisé la concurrence potentielle que représentaient en particulier les fournisseurs d'accès à Internet. Ces derniers ont été cantonnés à un rôle de simples transporteurs des offres de GCP, alors que l'offre CanalSat concurrence leurs propres offres de second niveau. L'ampleur et l'attractivité de l'offre de chaînes disponibles sur le marché de gros ont été limitées. La capacité des distributeurs tiers à proposer des offres compétitives aux éditeurs de chaînes a ainsi été obérée.

b) L'objectif des remèdes : favoriser une diversification de l'offre de télévision payante pour les consommateurs en permettant l'accès des distributeurs concurrents à une offre de gros de chaînes suffisante

686. Les effets anticoncurrentiels qui résultent de l'opération notifiée sont liés à l'intégration verticale de GCP ainsi qu'à la pratique extensive des exclusivités, qui sont deux sujets distincts mais liés et au sujet desquels le test de marché et la consultation publique ont fait apparaître de nombreuses suggestions.

687. Un certain nombre d'acteurs économiques ont proposé de casser l'intégration verticale de GCP en imposant une séparation structurelle des activités d'édition et de distribution de chaînes thématiques du groupe, qui emporterait la cession de ces dernières. L'Autorité ne retient pas cette mesure, assurément très forte mais sans doute excessive et porteuse d'inconvénients. Une telle mesure supprimerait en effet les gains d'efficacité liés à l'intégration verticale. Cette solution pose aussi la question de la recherche d'un repreneur intéressé par une activité qui ne bénéficierait plus de ces synergies.

688. En ce qui concerne les exclusivités de distribution, elles peuvent être favorables aux éditeurs de chaînes indépendantes, en garantissant un niveau de rémunération élevé de nature à favoriser leurs investissements dans des contenus attractifs. Par ailleurs, comme observé ci-dessus, les incertitudes qui entourent les projets industriels des FAI conduisent à écarter les solutions qui interdiraient ou limiteraient la possibilité pour les chaînes indépendantes d'être distribuées en exclusivité sur CanalSat. Ces solutions pénaliseraient inutilement les chaînes indépendantes en l'absence d'offres de distribution alternatives suffisantes. Ces mêmes incertitudes justifient le choix de ne pas remettre en cause la possibilité dont dispose actuellement GCP d'auto-distribuer l'offre CanalSat auprès des abonnés des fournisseurs d'accès à Internet. Une telle solution risquerait, dans l'hypothèse où les fournisseurs d'accès à Internet choisiraient de ne pas investir dans des offres de télévision payante, de priver les chaînes indépendantes de débouchés et les abonnés de ces fournisseurs d'accès à Internet d'un accès à une offre de télévision payante.

689. Cependant, dans la mesure où l'intégration verticale de GCP, associée aux nombreuses exclusivités de distribution dont il bénéficie, restreint l'accès des distributeurs concurrents aux chaînes nécessaires à la composition de bouquets alternatifs et compétitifs, des remèdes propres à assurer l'approvisionnement d'un marché de gros en chaînes attractives sont indispensables.

690. En ce qui concerne les chaînes indépendantes tout d'abord, leur dépendance économique vis-à-vis de GCP doit être réduite, d'une part, en garantissant des règles du jeu claires pour l'accès des chaînes à une distribution sur CanalSat (i), et d'autre part, en permettant aux distributeurs concurrents d'offrir une véritable alternative aux exclusivités de distribution proposées par GCP (ii). Davantage de chaînes indépendantes devraient ainsi être disponibles pour les distributeurs concurrents. D'autre part, l'accès des distributeurs concurrents à une offre de chaînes peut être aussi être assuré par une mise à disposition des chaînes du bouquet CanalSat éditées par GCP nécessaires à la constitution de bouquets attractifs (iii).

(i) Garantir des règles du jeu claires pour l'accès des chaînes indépendantes à une distribution sur CanalSat

691. Compte tenu des atteintes à la concurrence constatées, les obligations découlant des engagements pris par GCP en 2006 en ce qui concerne la reprise des chaînes indépendantes, qui avaient pour objet de garantir que les offres de distribution sur CanalSat répondent à des conditions de transparence, d'objectivité et de non-discrimination, doivent être à nouveau imposées aux parties notifiantes, quitte à être mieux précisées. Il en est de même des mesures assurant la reprise d'une proportion minimale de chaînes indépendantes sur CanalSat.

692. Cependant, cette dernière mesure est insuffisante s'agissant des chaînes qui tentent de concurrencer frontalement la chaîne Canal+ sur les marchés d'acquisition de droits premium, pour lesquelles l'incertitude entourant l'accès à une distribution sur CanalSat constitue une barrière à l'entrée difficilement franchissable. Dans cette perspective, des mesures spécifiques sont nécessaires pour garantir la reprise de ces chaînes dans des conditions économiques objectives, transparentes et non discriminatoires assurant notamment un niveau d'exposition, de rémunération et de promotion comparable à celles des chaînes similaires éditées par GCP. En l'état actuel du marché, cette obligation de reprise devra s'appliquer aux chaînes cinéma d'OCS, qui ont acquis auprès des ayants droit américains et français des droits de diffusion en première fenêtre de films pour la télévision payante et aux chaînes sportives BeIn Sport 1 et 2 qui ont notamment acquis les droits de diffusion de matches de la Ligue 1. Cette obligation doit être étendue à toute chaîne ayant réussi à faire l'acquisition de droits premium pendant la durée des engagements.

(ii) Permettre aux distributeurs alternatifs de concurrencer de manière effective les exclusivités de distribution sur CanalSat

693. Comme cela a été exposé ci-dessus, l'absence de transparence qui entoure les conditions de la négociation entre GCP et les éditeurs de chaînes indépendantes, notamment en ce qui concerne la rémunération des exclusivités de distribution sur chaque plateforme propriétaire de diffusion, empêche les distributeurs alternatifs de concurrencer efficacement les offres de GCP. En effet, GCP est en mesure de rémunérer une exclusivité de distribution non seulement sur la plateforme satellitaire mais également sur les réseaux ADSL/fibre et satellite des fournisseurs d'accès à Internet dans la mesure où il y auto-distribue CanalSat. En revanche, les fournisseurs d'accès à Internet et le câblo-opérateur Numericable ne peuvent proposer une exclusivité de distribution que sur leur propre plateforme et ne pourront le faire dans des conditions de concurrence normales que si GCP révèle la valeur associée à la distribution de la chaîne au sein de l'offre CanalSat sur chaque plateforme propriétaire. Cela passe par la conclusion de contrats distincts rémunérant de manière transparente l'exclusivité de distribution sur les différentes plateformes de diffusion propriétaires et identifiant la part de la rémunération allouée à cette plateforme.

694. GCP fait valoir dans la proposition d'engagements déposée le 10 juillet 2012, qu'une telle mesure serait extrêmement coûteuse puisqu'il existe une dizaine d'opérateurs de plateformes sur l'ADSL/fibre et soixante-dix sur le câble (356). De plus, la distinction d'autant de prix différents et l'interdiction de couplages rendrait très faible la probabilité que CanalSat dispose de l'exclusivité de diffusion d'une chaîne sur l'ensemble des plateformes. L'atomisation du prix permettrait en effet à un petit opérateur de surenchérir facilement sur le prix de l'exclusivité pour sa plateforme propriétaire. Les chaînes concernées ne seraient plus disponibles sur CanalSat pour les abonnés de ce petit opérateur, complexifiant ainsi les modalités de commercialisation des offres Canalsat. Les chaînes ne seraient pas pour autant disponibles chez les fournisseurs d'accès à Internet principaux concurrents de GCP sur le marché de la télévision payante. GCP soutient que ces risques le contraindraient de fait à renoncer à négocier des exclusivités de distribution auprès des chaînes, faisant perdre à celles-ci les bénéfices de ces exclusivités.

695. L'existence d'un très grand nombre de petits opérateurs ne desservant qu'un faible nombre d'abonnés nécessite en effet de limiter le champ d'application de cette mesure pour garantir qu'elle puisse utilement participer à l'animation concurrentielle du marché. L'identification séparée des rémunérations pour les seules plateformes techniques appréhendées de manière globale, telle que proposée par GCP, ne répond cependant pas au problème de concurrence identifié, comme cela a déjà été mentionné ci-dessus. En revanche, la valorisation distincte et indépendante des exclusivités de diffusion des chaînes indépendantes garderait tout son effet utile en étant limitée aux principales plateformes propriétaires, seules capables d'animer significativement la concurrence sur le marché de la télévision.

696. Il convient cependant d'éviter que GCP ne fausse les conditions de la mise en concurrence entre les distributeurs que devraient permettre de tels contrats. Le risque existe en effet que GCP ne valorise chaque exclusivité en fonction de la pression concurrentielle qui peut lui être opposée sur la plateforme correspondante. Il pourrait par exemple, valoriser faiblement la rémunération de la diffusion sur la plateforme satellitaire, puisqu'il ne peut y être concurrencé par une offre commerciale autonome, alors même que cette plateforme représente la grande majorité des abonnés à CanalSat. En revanche, il pourrait proposer une rémunération artificiellement élevée pour la diffusion en exclusivité sur les plateformes ADSL afin de décourager les offres concurrentes des fournisseurs d'accès à Internet. Afin de prévenir un tel risque, la rémunération des chaînes devra être fondée sur des conditions objectives, transparentes et non-discriminatoires, prenant en compte l'importance des bases d'abonnés à la télévision payante que permet effectivement de desservir chaque plateforme de diffusion propriétaire. L'Autorité relève à ce propos que, dans la période antérieure à la concentration, les rémunérations étaient, en principe, négociées avec les éditeurs par référence à la base d'abonnés couverte par la diffusion, avant que GCP n'impose de préférence des rémunérations forfaitaires à la suite de la fusion avec TPS. En outre, la séparation comptable des activités d'édition et de distribution du groupe et l'établissement d'une comptabilité analytique permettront de s'assurer de l'absence de comportements prédateurs, consistant par exemple à afficher une rémunération inférieure aux coûts variables de distribution pour la diffusion sur la plateforme satellitaire de GCP.

697. Cette mesure n'interdira pas à GCP de continuer à distribuer certaines chaînes en exclusivité, ni même de cumuler ces exclusivités sur plusieurs plateformes. Elle assurera cependant que les offres de distribution exclusive sur l'ensemble des plateformes de diffusion que GCP fait aux chaînes indépendantes soient contestables par les distributeurs concurrents. Cet encadrement du comportement commercial de GCP donnera aux éditeurs la possibilité de choisir entre une distribution exclusive sur CanalSat ou une distribution non exclusive au sein des offres d'opérateurs concurrents, sans remettre en cause leur incitation à investir dans des contenus attractifs. Il évitera que les distributeurs et éditeurs concurrents ne subissent collectivement les conséquences des décotes de rémunérations disproportionnées imposées par GCP aux chaînes désireuses de sortir d'un schéma d'exclusivité multi-plateformes.

698. En permettant l'émergence d'une concurrence réelle au stade de la distribution, ce remède pourrait conduire certaines chaînes à être absentes de l'offre CanalSat sur l'ADSL, dès lors qu'elles seraient distribuées en exclusivité par le propriétaire de la plateforme. GCP a fait valoir que de telles pertes de chaînes contraindraient CanalSat à proposer des offres à dimension variable selon les plateformes de diffusion, interdisant ainsi les possibilités de promouvoir l'offre comme un produit unique. Cette situation n'est nullement une conséquence nécessaire du remède, dans la mesure où les fournisseurs d'accès à Internet peuvent vouloir distribuer une chaîne sans pour autant en acheter l'exclusivité et que dans ce cas, rien n'empêchera GCP de reprendre cette chaine, en non-exclusif, au sein de l'offre CanalSat. Si, cependant, certains éditeurs devaient opter pour une distribution exclusive sur une plate-forme avec un distributeur concurrent, mettant fin ainsi à l'unité de l'offre nationale, une telle contrainte, inhérente à la possibilité dont dispose GCP d'auto-distribuer son offre CanalSat sur la plupart des plateformes propriétaires existantes, et dont l'Autorité n'a pas voulu envisager la remise en cause pour les raisons exposées ci-dessus, n'apparaît cependant pas excessive. Elle constituera au contraire la conséquence de l'émergence d'offres différenciées sur le marché, ce qui est précisément l'un des objectifs recherchés.

(iii) Ouvrir l'accès des distributeurs concurrents aux chaînes éditées par GCP et distribuées en exclusivité dans le bouquet CanalSat

699. La mise à disposition (ou "dégroupage") de l'ensemble des chaînes du bouquet CanalSat éditées par GCP serait également une solution permettant d'ouvrir largement le marché de gros des chaînes. Cette mesure, envisagée par l'Autorité dans le projet de décision transmis aux parties le 11 juillet 2012, aurait étendu aux FAI le modèle historique des câbloopérateurs.

700. Cependant, comme l'ont fait valoir les parties dans la proposition d'engagements déposée le 10 juillet 2012 et leurs observations du 18 juillet 2012, d'une part, la possibilité de valoriser le caractère exclusif d'une chaîne joue, tout comme pour les éditeurs indépendants, un rôle important dans l'incitation de GCP à investir dans des contenus qualitatifs. D'autre part, il existe, pour la plupart des thématiques, y compris celles moteurs d'audience comme le sport et la jeunesse, plusieurs chaînes indépendantes attractives. Seules deux chaînes sport sont éditées par GCP (Infosport+ et Sport+) et l'entrée des chaînes BeIn Sport vient encore renforcer le poids d'une dizaine de chaînes indépendantes pour cette thématique. En ce qui concerne la thématique jeunesse, les chaînes éditées par GCP sont également au nombre de deux (Piwi+ et Télétoon+), face à douze chaînes indépendantes, dont les chaînes Disney.Dans ces conditions, la mesure exposée au (ii), en permettant une mise en concurrence dans des conditions équitables des exclusivités détenues par GCP sur les chaînes indépendantes, sera suffisante pour ouvrir aux distributeurs l'accès à un marché de gros de chaînes attractives.

701. En revanche, en ce qui concerne la thématique cinéma, GCP édite sept chaînes Ciné+, dont cinq sont des chaînes de premières diffusions (357) proposant des films inédits en première fenêtre payante ou en deuxième fenêtre payante. Comme cela a été relevé dans l'analyse concurrentielle, GCP détient sur le marché de l'édition de chaînes de cinéma une forte position, peu contestable du fait de l'importance des barrières à l'entrée sur ce marché, GCP étant quasiment le seul acquéreur de droits de diffusion des films américains de première et deuxième fenêtre.

702. GCP soutient que de nombreuses autres chaînes de cinéma sont disponibles sur le marché, en particulier celles éditées par Orange et AB qui ne sont pas distribuées en exclusivité sur CanalSat. Cependant, les chaînes éditées par AB ne diffusent que des films de catalogue. Quant aux chaînes éditées par Orange, quatre d'entre elles sont effectivement des chaînes de premières diffusions mais le nombre de films de première et deuxième fenêtres diffusés en 2011 est très inférieur à celui diffusé par les chaînes Ciné+ ([...] films de première fenêtre payante et [...] films de deuxième fenêtre payante en 2011 pour l'ensemble chaînes Ciné+ ; 45 films de première fenêtre et 38 films de seconde fenêtre pour les chaînes OCS). Surtout, la perte du contrat cadre qui avait été obtenu auprès d'un major et leur possible recentrage sur les séries indiquent que la concurrence qui a été exercée par les chaînes OCS sur les marchés du cinéma entre 2008 et 2010 est susceptible de s'affaiblir significativement. La seule autre chaîne cinéma de première diffusion est Disney Magic, qui est distribuée en exclusivité sur CanalSat et reste spécialisée dans les contenus famille/jeunesse.

703. Comme l'estime le CSA dans son avis, le dégroupage de l'ensemble des chaînes du bouquet CanalSat éditées par GCP appartenant à la thématique concernée est nécessaire pour éviter que le groupe ne dégrade la qualité de la programmation des seules chaînes dégroupées comme il l'a fait notamment avec TPS Star et les autres chaînes cinéma concernées par les engagements souscrits en 2006 (358). De plus, contrairement à ses arguments, l'obligation de dégrouper toutes les chaînes d'une thématique ne prive pas GCP de tout levier de différenciation de ses offres par rapport aux distributeurs concurrents, notamment dans la mesure où il garde la possibilité de commercialiser des offres couplant les chaînes Canal+ et le bouquet CanalSat. Cette observation est particulièrement justifiée pour la thématique cinéma compte tenu de l'importance de ces contenus pour les chaînes Canal+. Enfin, à la différence de la fin de l'auto-distribution, le dégroupage de l'ensemble des chaînes Ciné+ n'est pas susceptible de priver les distributeurs et les consommateurs de ces chaînes. En effet, si les opérateurs concurrents souhaitent distribuer ces chaînes, elles continueront à être distribuées en parallèle sur CanalSat, que GCP peut continuer à auto-distribuer sur l'ensemble des plateformes de diffusion avec l'accord de leurs propriétaires. En outre, si les autres distributeurs ne sont pas intéressés par la diffusion de ces chaînes, celles-ci continueront à être distribuées en exclusivité sur CanalSat.

704. Une obligation de mise à disposition des chaînes cinéma éditées par GCP, autres que les chaînes constituant actuellement le bouquet Canal+, est donc nécessaire afin de mettre les distributeurs concurrents en mesure de constituer des bouquets attractifs, susceptibles de s'ajouter ou de se substituer aux offres auto-distribuées de CanalSat, en fonction notamment des différentes stratégies qui seront mises en œuvre par les FAI. Cette obligation devra être étendue à toute chaîne de cinéma que GCP pourrait créer pendant la durée des injonctions, afin d'éviter un transfert des contenus attractifs des chaînes dégroupées vers de nouvelles chaînes. Par ailleurs, afin d'éviter que GCP ne fixe, pour ces chaînes, un prix de gros de nature à en limiter l'attractivité auprès des distributeurs concurrents, la mise à disposition devra être effectué dans des conditions tarifaires objectives, transparentes et non discriminatoires, et prévenir un effet de ciseau tarifaire entre les prix de gros et les prix de détail auxquels peut se faire une réplication efficace des offres auto-distribuées par GCP.

c) Mesures retenues sur le marché de la distribution de chaînes thématiques

705. Pour les besoins des présentes injonctions, les "chaînes indépendantes" désignent les chaînes non contrôlées, directement ou indirectement, par une société appartenant aux Parties ou à un actionnaire détenant directement ou indirectement plus de 5 % du capital de GCP ou d'une de ses filiales.

3) La reprise des chaînes indépendantes

3 (a) - Il est enjoint aux Parties de reprendre dans l'offre CanalSat, ou toute offre qui s'y substituerait ou s'y ajouterait, une proportion minimale de chaînes indépendantes. Le nombre de chaînes indépendantes reprises doit être égal à au moins 55 % du nombre de chaînes distribuées par CanalSat. Le montant des redevances versées aux chaînes indépendantes doit être égal à au moins 55% du montant total des redevances versées par GCP aux chaînes distribuées par CanalSat.

3 (b) - Il est enjoint aux Parties d'assurer aux chaînes indépendantes des conditions de reprise techniques, commerciales et tarifaires sur CanalSat, ou sur toute offre qui viendrait se substituer ou s'ajouter à celle de CanalSat, qui soient à la fois transparentes, objectives et non discriminatoires. Ces conditions seront similaires à celles offertes aux chaînes éditées par GCP et présentant les mêmes caractéristiques, en termes notamment de rémunération, de numérotation, et de promotion de la chaîne ou du service.

3 (c) - Il est enjoint aux Parties de transmettre à l'Autorité pour agrément, une proposition d'offre de référence pour la reprise des chaînes indépendantes au sein de l'offre CanalSat, ou toute offre qui viendrait se substituer ou s'ajouter à celle de CanalSat. Après agrément de l'Autorité, cette offre sera communiquée aux éditeurs qui en feraient la demande auprès de GCP dans un délai maximum de quinze jours. L'offre de référence devra comprendre en particulier les éléments suivants :

- des conditions de distribution, établies sur la base de critères transparents, objectifs et non discriminatoires, comparables, en termes de niveau de rémunération et d'exposition (plan de services, mosaïque, guide des programmes), à celles offertes aux chaînes se situant dans la même thématique et ayant adopté le même mode de commercialisation ;

- le principe d'une valorisation distincte de tous les éléments constitutifs de la rémunération des chaînes, et notamment les exclusivités de distribution, la télévision de rattrapage et tout service non linéaire associé, la version haute définition (HD) de la chaîne et toute condition particulière négociée ;

- une formule de calcul de la valeur de la distribution en exclusivité reposant sur des critères économiques objectifs et vérifiables, précisant le montant de la décote maximale appliquée en cas de sortie de l'exclusivité ;

- l'obligation de répondre dans un délai de trois mois à toute demande écrite de reprise d'une chaîne adressée par un éditeur ;

- le principe d'une valeur minimum de rémunération des chaînes distribuées de manière non-exclusive par CanalSat ;

- les conditions d'accès des éditeurs aux informations détenues par GCP utilisées pour déterminer le niveau de leur rémunération ;

- les conditions de référencement et de numérotation des chaînes au sein de l'offre CanalSat, ou toute offre qui viendrait se substituer ou s'ajouter à celle de CanalSat ;

- les conditions relatives aux actions de promotion et marketing des chaînes au sein des offres CanalSat (notamment marketing direct, présence dans le catalogue, dans la mosaïque).

3 (d) - Il est enjoint aux Parties d'établir une offre de référence pour les prestations de transport et de conclure des contrats distincts pour la distribution commerciale d'une part, et les prestations de transport associées, d'autre part (y compris la location de capacités satellite), sans subordonner la distribution commerciale d'une chaîne à la signature d'un contrat de prestation de transport.

706. Les injonctions 3 (a) à 3 (d) ci-dessus devront être mises en œuvre dans un délai de trois mois après la notification de la présente décision.

4) La reprise des chaînes détenant des droits premium

707. Pour les besoins des présentes injonctions, une chaîne premium désigne :

- une chaîne cinéma appartenant aux catégories réglementaires de "premières exclusivités" ou "premières diffusions" au sens du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 ; ou

- une chaîne diffusant des droits sportifs premium, à savoir les droits de diffusion des matches de Ligue 1 ou des championnats étrangers attractifs ou de la Ligue des champions.

4 (a) - Il est enjoint aux Parties de reprendre dans l'offre de CanalSat, ou dans toute offre qui viendrait se substituer ou s'ajouter à celle de CanalSat, sur une base non exclusive, toute chaîne premium indépendante conventionnée en France.

4 (b) - Ces chaînes doivent être reprises dans des conditions techniques et tarifaires transparentes, objectives et non discriminatoires, similaires aux conditions offertes aux chaines éditées par GCP et présentant les mêmes caractéristiques. Si elles sont reprises en option, l'option devra être accessible, aux conditions tarifaires définies par l'éditeur, quelle que soit l'offre de base choisie par l'abonné.

5) La limitation des exclusivités

5 (a) - Il est enjoint à GCP de ne pas coupler la distribution sur sa propre plateforme satellite et sur les plateformes propriétaires d'opérateurs tiers pour les contrats de distribution avec les éditeurs conclus ou reconduits postérieurement à la notification de la présente décision. Ces contrats devront valoriser de manière transparente et distincte la distribution sur chaque plateforme propriétaire desservant plus de 500 000 abonnés, en identifiant de manière précise la valeur, le cas échéant, de l'exclusivité accordée pour la distribution sur chaque plateforme en cause. GCP ne pourra pas diminuer la valeur d'une exclusivité sur une plateforme en cas de perte de l'exclusivité sur une autre plateforme. A cet effet, GCP présentera à l'éditeur dans les trois mois de la demande de reprise d'une chaîne ou d'un service indépendant une offre conforme aux principes énoncés ci-dessus et qui l'engagera.162

5 (b) - Il est enjoint à GCP de formuler ses offres de distribution exclusives sur la base de critères économiques objectifs, transparents et non-discriminatoires, prenant en compte le nombre d'abonnés desservis par les plateformes concernées par les contrats.

6) Le dégroupage des chaînes cinéma du bouquet CanalSat éditées par GCP

6 (a) - Il est enjoint aux Parties de mettre à disposition de tous les distributeurs qui en feront la demande, sur une base non exclusive, toutes les chaînes cinéma que GCP édite ou pourrait éditer, à l'exception des chaînes Canal Plus telles que définies ci-dessus, et de maintenir la qualité des chaînes dégroupées. Les Parties devront maintenir les chaînes Ciné+ Frisson, Ciné+ Emotion, Ciné+ Famiz dans la catégorie réglementaire des chaînes de première diffusion et maintenir le coût de grille des chaînes existantes à un niveau au moins égal à celui de 2011.

6 (b) - Il est enjoint aux Parties de mettre à disposition les chaînes visées par l'injonction 6 (a) à l'unité, ou par lots (tels que certains lots proposés actuellement aux distributeurs), dans des conditions tarifaires qui seront transparentes, objectives, et non discriminatoires et qui :

- ne généreront aucun effet de ciseau tarifaire ;

- se réfèreront aux conditions tarifaires consenties, antérieurement à la re-notification de l'opération, par le pôle distribution de GCP au pôle édition du groupe pour la distribution des chaînes éditées par GCP au sein de l'offre CanalSat (359)ainsi qu'aux conditions constatées sur le marché (360). Les écarts entre les prix proposés par GCP aux distributeurs et ces références devront être justifiées par des différences de coûts ;

- seront susceptibles d'évoluer annuellement en fonction de l'évolution des coûts d'acquisition des programmes sur la base d'un rapport justificatif communiqué au mandataire.

6 (c) - Il est enjoint aux Parties de publier, dans un délai de trois mois après la notification de la présente décision, une offre de référence décrivant les conditions tarifaires et techniques de cette mise à disposition. Cette offre sera proposée à tous les distributeurs qui souhaiteraient acquérir sur le marché de gros les chaînes dégroupées visées par l'injonction 6 (a).

3. ACQUISITION DE DROITS POUR LA VIDÉO À LA DEMANDE ET LA VIDÉO À LA DEMANDE PAR ABONNEMENT ET ÉDITION DES SERVICES CORRESPONDANTS

a) Rappel des atteintes à la concurrence identifiées

708. Le développement de nouveaux modes de consommation de contenus audiovisuels non linéaires (vidéo à la demande ("VàD"), vidéo à la demande par abonnement ("VàDA") et accès aux contenus diffusés sur Internet via la télévision connectée) est à ce jour insuffisant pour compenser le pouvoir de marché détenu par GCP sur les marchés de l'acquisition de droits de diffusion et sur les marchés de l'édition de chaînes cinéma. Ces innovations sont néanmoins susceptibles à terme d'offrir aux consommateurs une réelle alternative aux services de télévision payante contrôlés par GCP.

709. L'opération a toutefois renforcé l'intégration verticale de GCP en intégrant les activités respectives de VàD de GCP et de TPS. De plus, la position de GCP sur l'ensemble des marchés de la télévision payante lui donne la capacité de fausser le jeu de la concurrence sur ces nouveaux marchés pour en préempter une part conséquente ou en neutraliser le potentiel concurrentiel à l'égard de ses propres offres. Les fortes positions de GCP sur les marchés amont d'acquisition de droits de télévision payante linéaire lui donnent en effet la capacité de faire jouer des effets de levier lors de l'acquisition de droits VàD ou VàDA, en exigeant des exclusivités et en liant les achats de droits linéaires et non linéaires.

710. S'agissant de la distribution de ces services, l'auto-distribution des offres de GCP et l'incitation financière ainsi créée au profit des fournisseurs d'accès à Internet pourraient favoriser la conclusion de contrats de distribution exclusive des offres de VàD ou VàDA éditées par GCP sur les plateformes de ces opérateurs. Or, à ce jour, les offres de télévision payante des FAI sont le principal vecteur du développement de la consommation de VàD et VàDA en France.

b) L'objectif poursuivi par les remèdes

711. Compte-tenu du rôle de diversification des produits et des offreurs que pourrait jouer à l'avenir la consommation non linéaire de vidéo à la demande, notamment par abonnement, il est crucial qu'un développement concurrentiel de ces marchés soit préservé de toute forme de restriction qu'imposerait GCP du fait des positions très fortes acquises sur les marchés de la télévision payante grâce à l'opération.

712. Des mesures destinées à préserver le modèle de non exclusivité qui prévaut actuellement sur les marchés d'acquisition de droits et à empêcher la mise en œuvre d'effets de levier entre l'achat de droits premium et de droits VàA ou VàDA sont donc nécessaires. De même, des mesures doivent être prescrites afin de prévenir la préemption par GCP de l'accès aux plateformes de distribution concurrentes de sa plateforme satellite par des pratiques d'exclusivité ou de prévenir un verrouillage de l'accès au catalogue de StudioCanal.

c) Les mesures correctives retenues

7) La préservation du potentiel concurrentiel de la VàD et de la VàDA

7 (a) - Il est enjoint aux Parties de conclure avec les studios américains, tels qu'ils ont été définis ci-dessus, et avec les détenteurs de droits français, des contrats distincts pour l'acquisition de droits de diffusion pour la VàD, d'une part, et pour la VàDA, d'autre part, et d'acheter ces droits sur une base non exclusive, sans les coupler avec les achats de droits pour une diffusion linéaire de télévision payante. Il est enjoint à GCP de ne pas conclure de contrats d'acquisition de droits VàD et VàDA comportant une clause interdisant au détenteur de droits de céder les droits en cause pour un montant inférieur à celui consenti à GCP.

7 (b) - Il est enjoint aux Parties de céder, sous réserve des droits de propriété intellectuelle, les droits d'exploitation VàD et VàDA des films français et étrangers du catalogue de StudioCanal et de tout catalogue que viendrait à détenir GCP, à tout service de VàD ou VàDA qui en fera la demande, sur une base non exclusive, dans des conditions de marché normales, comparables à celles qui prévaudront à la date de cession des droits en cause, et non discriminatoires.

7 (c) - Il est enjoint aux Parties de ne pas conclure de contrat prévoyant ou encourageant la présence exclusive, ou privilégiée, de son offre VàD ou VàDA sur les plateformes des fournisseurs d'accès à Internet. Dans l'hypothèse où de tels contrats auraient déjà été conclus, il est enjoint à GCP de renoncer au bénéfice de toute clause d'exclusivité ou d'exposition privilégiée prévue dans le contrat en cause, ou de toute clause ayant le même effet.

713. Les injonctions 7(a) à 7 (c) visent les contrats qui seront conclus ou reconduits à compter de la notification de la décision.

4. MARCHÉS DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER

a) Rappel des atteintes à la concurrence identifiées

714. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, l'acquisition de TPS et les manquements aux engagements pris en 2006 ont permis à GCP de se protéger de la contrainte concurrentielle exercée par les autres distributeurs de télévision payante dans l'Océan Indien et dans la zone AntillesGuyane. Les distributeurs concurrents sont confrontés à un assèchement de l'offre de chaînes disponibles par le jeu des exclusivités conclues par les éditeurs de chaînes avec Canal Overseas, filiale de GCP active dans les DROM et en Afrique. Ces exclusivités sont encore plus marquées qu'en métropole et empêchent les concurrents de constituer des offres attractives.

b) Mesures retenues

8) Le maintien de la concurrence Outre-mer

715. Toutes les mesures générales prescrites ci-dessus relatives aux acquisitions de droits s'appliquent de fait dans les DROM dans la mesure où les contrats d'achat de droits couvrent une diffusion en métropole et dans les DROM. De plus, l'extension aux filiales de GCP dans les DROM et aux éditeurs et distributeurs concurrents des DROM des mesures correctives décrites ci-dessus relatives au dégroupage des chaînes éditées par GCP, à la reprise des chaînes indépendantes et à la limitation du champ des exclusivités dans les contrats de distribution liant GCP aux chaînes indépendantes permet de remédier aux atteintes identifiées sur ces marchés.

716. En effet, la distribution, sur une base non exclusive, des chaînes proposant des contenus premium, telles BeIn Sport et OCS, donnera accès aux distributeurs ultramarins à des contenus attractifs. Le dégroupage des chaînes éditées par GCP leur permettra par ailleurs de bâtir, selon les besoins identifiés, des offres différenciées et attractives par rapport à celles de GCP.

8 (a) - Il est enjoint aux Parties de ne pas conclure pour les DROM des contrats spécifiques contenant des dispositions moins favorables pour les distributeurs que ceux conclus pour la métropole.

5. OBLIGATIONS DE SÉPARATION JURIDIQUE ET COMPTABLE

9) La séparation juridique et comptable

717. Les injonctions prononcées ci-dessus et particulièrement celles relatives à la mise à disposition des chaînes cinéma éditées par GCP en application du 6 (a) et (b) ainsi que celles relatives à la valorisation distincte et non couplée des offres de distribution exclusives sur chaque plateforme propriétaire au sens du 5 (a), rendent nécessaires une connaissance précise des coûts supportés par le groupe pour l'exercice des différentes activités liées à l'édition, à la distribution et au transport des chaînes. Au cours de l'instruction de la présente affaire, les parties n'ont pas été en mesure de communiquer une décomposition de leurs coûts suffisamment précise. Il convient donc que GCP procède à la mise en place d'une comptabilité analytique adéquate. Cette mise en place sera facilitée par une répartition claire des activités correspondantes au sein des différentes sociétés composant le groupe, étant observé que les activités de distribution du groupe sont d'ores et déjà principalement organisées autour de la filiale Canal+ Distribution et les activités d'édition autour des filiales Multithématiques SAS et SECP SA, mais qu'il existe des exceptions.

9 (a) - Il est enjoint aux Parties de séparer, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, les activités d'édition et les activités de distribution de chaînes de GCP au sein de filiales juridiquement distinctes.

9 (b) - Il est enjoint aux Parties d'établir, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, une comptabilité analytique pour les activités de GCP de façon à permettre de séparer clairement les coûts et les revenus relatifs aux métiers du groupe Canal+ que sont la distribution, la technique et l'édition en distinguant l'offre des chaines premium Canal+ de l'offre CanalSat. Cette présentation de comptabilité analytique par métier et par type d'offre distinguera notamment (i) pour la distribution, les coûts de distribution, les redevances versées aux éditeurs, (ii) pour l'édition, les coûts d'acquisition des programmes et les autres coûts d'édition des chaînes, (iii) pour la partie technique, les coûts de transport, les coûts techniques de transmission par type de technologie. Les revenus et les coûts communs devront être affectés aux différents métiers suivant des clés de répartition respectant les principes de clarté, de pertinence et de permanence des méthodes.

6. NOMINATION ET RÔLE DU MANDATAIRE

10) Le mandataire

Nomination du Mandataire

10 (a) - Dans un délai de 30 jours ouvrés suivant la notification de la présente décision, les Parties proposeront le nom d'un Mandataire à l'Autorité ainsi qu'un projet de mandat lui permettant d'accomplir ses missions décrites ci-dessous.Le Mandataire devra disposer des structures d'appui nécessaires à l'accomplissement de sa mission, notamment en ce qui concerne la mission relative à l'audit de la comptabilité analytique. La proposition contiendra toutes les informations permettant à l'Autorité de s'assurer que le Mandataire est indépendant des Parties et qu'il remplit les conditions de professionnalisme, d'impartialité et d'expertise nécessaires à l'exécution de son mandat. En particulier, la proposition devra inclure le texte intégral du mandat et les grandes lignes du plan de travail que le Mandataire envisagera de suivre pour accomplir sa mission. La proposition prévoira également les modalités de rémunération du Mandataire. Le mandataire sera rémunéré par les parties selon des modalités qui ne porteront pas atteinte à la bonne exécution de son mandat ni à son indépendance. Le Mandataire aura également droit, sur présentation de justificatifs, au remboursement des frais raisonnablement exposés pour l'exécution de ses missions. L'Autorité pourra accepter le Mandataire proposé, ainsi que le contrat de mandat, avec les modifications qu'elle jugera nécessaires, ou le refuser par décision écrite. En cas de refus d'agrément du Mandataire par l'Autorité, un nouveau candidat sera proposé dans les mêmes conditions, dans un délai de 10 jours ouvrés suivant la notification écrite aux Parties du refus d'agrément. En cas de deuxième refus d'agrément, l'Autorité proposera elle-même, dans les meilleurs délais, un Mandataire dont la nomination sera effectuée après consultation des Parties.

Conflits d'intérêts

10 (b) - Les relations existant éventuellement entre le Mandataire, d'une part, et les Parties ou toute autre entreprise dont les intérêts peuvent être proches des Parties, d'autre part, seront décrites dans la proposition qui sera soumise à l'Autorité. Sur cette base, le Mandataire confirmera qu'à compter de la date de signature du Mandat, il est indépendant des Parties ou de toute autre entreprise dont les intérêts peuvent être proches des Parties, et n'est exposé à aucun conflit d'intérêts qui porte atteinte à son objectivité et à sa capacité d'exécuter avec indépendance les missions qui lui sont confiées aux termes du Mandat (ci-après, un "conflit d'intérêts"). Le Mandataire s'engage à ne créer aucun conflit d'intérêts durant l'exécution du Mandat. Le Mandataire ne pourra dès lors, au cours de l'exécution de ce Mandat :

- occuper ou accepter tout emploi, fonction ou mandat social au sein de GCP ou de Vivendi, à l'exception des nominations éventuelles relatives à la mise en œuvre et à l'exécution du Mandat ;

- exécuter ou accepter toute mission ou toute autre relation commerciale avec GCP et Vivendi et qui pourrait donner lieu à un conflit d'intérêts.

Si le Mandataire est informé de l'existence d'un conflit d'intérêts l'impliquant, il s'engage à le résoudre immédiatement. Si le conflit d'intérêts ne peut être résolu dans un délai raisonnable, le Mandataire en informe immédiatement l'Autorité. De même, si les Parties sont informées de l'existence d'un conflit d'intérêts impliquant le Mandataire, elles en informent l'Autorité dans les meilleurs délais.

Pour la durée de l'exécution du Mandat, et pour une période d'un an à compter de la fin du Mandat, le Mandataire s'engage à ne pas fournir aux Parties de prestations de service de toute nature, et notamment de conseil, et plus généralement s'engage à n'accepter aucun emploi, fonction ou mandat social au sein de Vivendi ou de GCP.

En outre, le Mandataire s'engage à mettre en place les mesures nécessaires afin de garantir son indépendance ainsi que celle de ses éventuels employés.

Missions du Mandataire

10 (c) - Le Mandataire fera rapport à l'Autorité, tous les trois mois, des actions mises en œuvre par les Parties pour exécuter les mesures correctives ordonnées par la présente décision.

Le Mandataire adressera à l'Autorité un rapport relatif au projet d'offre de référence prévue par l'injonction 3(b) dans un délai de 15 jours à compter de sa transmission par les Parties.

Le Mandataire transmettra aux Parties une version non confidentielle des rapports établis conformément aux présentes injonctions. Ces rapports seront confidentiels à l'égard des tiers.

10 (d) - Le Mandataire, ou une personne désignée par lui, procédera à l'audit de la comptabilité analytique de GCP, établie conformément à l'injonction 9, dans un délai de trois mois à partir de la date à laquelle cette comptabilité analytique lui aura été transmise, et adressera son rapport d'audit à l'Autorité.

10 (e) - Le Mandataire pourra produire, à la demande de l'Autorité, toute explication de nature à éclairer celle-ci quant à l'exécution par les Parties des présentes injonctions.

10 (f) - GCP devra communiquer au mandataire tous documents nécessaires à l'accomplissement de ses missions, et notamment :

- l'ensemble des contrats conclus ou reconduits avec les détenteurs de droits, les éditeurs les distributeurs et les transporteurs, dans un délai de cinq jours à compter de leur signature ;

- les documents attestant de la cession de parts prévue par l'injonction 2(a) ou les documents attestant de la mise en œuvre des mesures prévues par les injonctions 2(b) à 2(c), dans un délai de trois mois plus 15 jours à compter de la notification de la présente Décision ;

- l'ensemble des contrats conclus avec les éditeurs de chaînes pour leur distribution au sein de CanalSat ou toute offre qui viendrait se substituer ou s'ajouter à celle de CanalSat, dans un délai de cinq jours à compter de leur signature ;

- l'ensemble des contrats conclus pour la distribution des chaînes premium prévue par l'injonction 4(a), dans un délai de cinq jours à compter de leur signature ;

- le projet d'offre de référence prévu par l'injonction en même temps que sa transmission à l'Autorité 3(b) ;

- l'ensemble des contrats conclus pour la mise à disposition des chaînes éditées par GCP prévue par l'injonction 6(a), dans un délai de cinq jours à compter de leur signature ;

- l'ensemble des contrats conclus par StudioCanal pour la vente des droits visés par l'injonction 7(b), dans un délai de cinq jours à compter de leur signature ;

- l'ensemble des contrats conclus avec les fournisseurs d'accès à Internet pour la distribution des offres VàD et VàDA des parties, dans un délai de cinq jours à compter de leur signature ;

- le projet d'offre de référence décrivant les conditions tarifaires et techniques de mise à disposition des chaînes éditées par GCP prévue par l'injonction 6(c) en même temps que sa transmission à l'Autorité ;

- ainsi que toute autre pièce démontrant la mise à exécution des injonctions prononcées.

Le mandataire pourra également adresser à GCP toute demande d'éclaircissement nécessaire à l'accomplissement de ses fonctions.

10 (g) - Dans l'exécution de ses missions, le Mandataire pourra se rapprocher des tiers susceptibles de l'éclairer sur l'exécution par les Parties des injonctions. Dans le cadre de ses relations avec les tiers au titre de sa mission, le Mandataire sera tenu à la plus stricte confidentialité quant à l'exécution de sa mission.

Le Mandataire pourra en particulier se rapprocher, à son initiative ou à celle de la chaîne, de toute chaîne indépendante dans le cadre de négociations en cours portant sur la conclusion d'un contrat de distribution ou de transport sur CanalSat ou toute offre qui lui serait substituée ou ajoutée ou portant sur le renouvellement d'un tel contrat. Il informera l'Autorité de toute question ou problème soulevée par cette négociation au regard des injonctions 3(a) à 4(b).

Il pourra également se rapprocher des distributeurs, à son initiative ou à celle du distributeur, dans le cadre de négociations en cours portant sur la mise à disposition des chaînes éditées par GCP et distribuées sur CanalSat ou toute offre qui lui serait substituée ou ajoutée. Il informera l'Autorité de toute question ou problème soulevée par cette négociation au regard des injonctions 6(a) à 6(c).

Fin du mandat

10 (h) - Le Mandataire exercera sa mission jusqu'à l'expiration de l'ensemble des injonctions.

En cas d'impossibilité définitive pour le Mandataire d'exécuter sa mission, pour quelque raison que ce soit, y compris des raisons de conflit d'intérêts, ou en cas de manquements dans l'exécution de ses missions, l'Autorité peut exiger que les Parties révoquent le Mandataire.

Les Parties peuvent révoquer le Mandataire avec l'autorisation préalable de l'Autorité. Les Parties s'engagent alors à proposer à l'Autorité de la concurrence un nouveau Mandataire dans les conditions prévues au point 4.3.1. dans un délai de quinze jours ouvrés. Il peut être exigé du Mandataire révoqué qu'il continue à exercer ses fonctions jusqu'à ce que le nouveau Mandataire, à qui le Mandataire révoqué aura transmis l'ensemble des informations et documents pertinents, soit en fonction.

7. DURÉE DES INJONCTIONS

718. L'examen des marchés de la télévision payante auquel a procédé l'Autorité a montré que la position très dominante dans le secteur de la télévision payante que l'opération notifiée a conférée à GCP en 2006, notamment sur les marchés d'acquisition de droits, n'a pas été remise en cause depuis. Les remèdes adoptés sont essentiellement comportementaux et visent à corriger les effets restrictifs de concurrence qu'emportent la situation qui a résulté de cette opération, mais ils sont insuffisants à eux seuls pour y mettre un terme définitif. Une remise en cause plus fondamentale des structures de la concurrence pourrait être favorisée par des évolutions technologiques mais cette issue est encore très incertaine à la date de la présente décision. Dans ces conditions, une clause de rendez-vous au terme d'une première période de cinq ans apparaît nécessaire pour que l'Autorité puisse apprécier l'opportunité de maintenir tout ou partie des injonctions prononcées. Dans ses conclusions dans l'affaire Société Métropole Télévision précitée, le rapporteur public avait en effet indiqué qu'une telle clause pouvait être justifiée dans le cas d'une opération dont les effets propres ne peuvent être regardés avec certitude comme étant de nature à se diluer dans les évolutions prévisibles du marché au terme de la durée initiale des engagements, compte tenu du caractère insuffisant du dispositif "de rattrapage" a posteriori prévu par l'article L. 430-9 du Code de commerce (361).

11- Sauf disposition contraire, les présentes injonctions sont imposées pour une période de cinq ans à compter de la notification de la décision, renouvelable une fois. Avant le terme de la première période de cinq ans, l'Autorité mènera une nouvelle analyse concurrentielle afin d'examiner la pertinence d'une levée totale ou partielle de ces injonctions. Cette décision, motivée et précédée d'un débat contradictoire avec les parties, sera notifiée à GCP un mois avant l'expiration de cette période.

Les Parties pourront adresser à l'Autorité une demande de levée ou d'adaptation partielle ou totale des présentes injonctions, si les circonstances de droit ou de fait prises en compte à l'occasion de l'examen de l'opération venaient à être modifiées de manière significative au point de remettre en cause l'analyse concurrentielle sur les marchés concernés et donc la nécessité des injonctions.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 11-194 est autorisée sous réserve du respect des injonctions numérotées 1 à 11 énoncées aux paragraphes 665 et suivants de la présente décision.

Notes :

1 Lettre n° C2006-02 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 30 août 2006 aux conseils de la société Vivendi Universal, relative à une concentration dans le secteur de la télévision payante, BOCCRF n° 7 bis du 15 septembre 2006.

2 Lettre n° C2006-02, p. 85-86.13

3 Voir, même si le retrait d'une décision d'autorisation de concentration en application du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce n'a pas exactement les mêmes effets qu'une annulation contentieuse, Conseil d'Etat, Sect., 6 février 2004, Société Royal Philips Electronic et autres, Lebon p. 28.

4 Avis n° 04-A-16 du Conseil de la concurrence en date du 28 juillet 2004 relatif à l'acquisition d'une partie des actifs du groupe Moulinex par Seb, lettre du ministre de l'Economie du 16 août 2004, BOCCRF n° 2005-01 du 21 janvier 2005.

5 Conseil d'Etat, 13 février 2006, Société De Longhi SpA et autre, concl. E. Glaser, RFDA 2006, p. 715.

6 Décisions n° COMP-M.2621 Seb/Moulinex du 11 novembre 2003 et n° COMP-M.3333 Sony/BMG du 3 octobre 2007.

7 Lettre n° C2006-02, p. 4-5.

8 Avis du CSA, p. 3.17

9 Lettre n° C2006-02, p. 6 et s. ; avis n° 06-A-13, p. 9 ; décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1 de la société NT1 et Monte-Carlo Participations (Groupe AB).

10 Formulaire de notification, § 143 et 152.

11 Avis du CSA, p. 17.

12 Formulaire de notification, § 123.

13 Avis du CSA, p. 17.

14 Lettre n° C2006-02, p. 7 et s. ; avis n° 06-A-13, p. 10 ; décision de l'Autorité de la concurrence n°10-DCC-11, précitée.

15 Lettre n° C2006-02, p. 11 et décision n° 10-DCC-11, précitées.

16 Lettre n° C2006-02, p. 11.

17 Lettre n° C2006-02, p. 8 ; avis n° 06-A-13, § 75.

18 Formulaire de notification, § 160.

19 Les chaînes de cinéma du groupe Canal Plus, au sens réglementaire, sont : Canal+ (et ses déclinaisons), TPS Star et les chaînes Ciné+ (anciennement CinéCinéma).

20 Avis du CSA, p. 18-19.

21 Formulaire de notification, § 161.

22 Avis du CSA, p. 21.

23 Décision n° 10-DCC-11, § 53.

24 Les différents contributeurs utilisent l'acronyme VàDA ou SVoD ("subscription video on demand") pour désigner la vidéo à la demande par abonnement.

25 Selon l'IDATE, le prix d'un droit sur un film cédé pour une durée de 6 mois (avec 2 périodes d'exposition d'un mois chacune) à un opérateur qui détiendrait environ 50 000 abonnés VàDA serait compris entre 3 500 et 5 000 euro.

26 Avis du CSA, p. 20.

27 Formulaire de notification, § 858 et figure 57.

28 Lettre n° C2006-02, p. 12 ; avis n° 06-A-13, p. 12 ; décision n°10-DCC-11, p. 19.

29 Lettre n° C2006-02, p. 17.

30 Avis n° 06-A-13, § 338.

31 Notification, p. 173-174, et réponse à la question 19 du questionnaire du 22 novembre 2011.

32 Décision n° 11-D-12, § 87 et 95.

33 Avis du CSA, p. 21.

34 Id., p. 18.

35 Id.

36 Lettre n° C2006-02, p. 25 ; avis n° 06-A-13, p. 24 et s ; décisions de la Commission européenne n° COMP-M.2876 du 2 avril 2003, Newscorp/Telepiù ; n° COMP-JV.37 du 21 mars 2000, BskyB/Kirch Pay TV ; n° COMP-M.2050 du 13 octobre 2000 ; Vivendi/Canal + / Seagram ; et n° COMP-M.3595 du 30 mars 2005, Sony/MGM.

37 Voir lettre n° C2006-02, p. 25.

38 Id. p. 64.

39 Aux termes de l'article 6-3 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990, "est dénommé service de premières exclusivités un service de cinéma de premières diffusions qui diffuse annuellement en première exclusivité télévisuelle hors paiement à la séance au moins soixante-quinze œuvres cinématographiques dans un délai inférieur à 36 mois après leur sortie en salles en France, dont au moins dix d'expression originale française pour lesquelles les droits ont été acquis avant la fin de la période de prises de vues".

40 Id., "est dénommé service de cinéma de premières diffusions un service de cinéma qui diffuse annuellement une ou plusieurs œuvres cinématographiques en première exclusivité télévisuelle hors paiement à la séance ou plus de dix œuvres cinématographiques en seconde exclusivité télévisuelle hors paiement à la séance, dans un délai inférieur à 36 mois aprèsleur sortie en salles en France".

41 Lettre n° C2006-02, p. 25.

42 Avis du CSA, p. 23.

43 Lettre n° C2006-02, p. 25.

44 Id., p. 26.

45 Lettre n° C2006-02, p. 21 et s. ; avis n° 06-A-13, p. 16 et s. ; décision de l'Autorité de la concurrence n°10-D-32 du 16 novembre 2010 relative à des pratiques dans le secteur de la télévision payante, p. 50 et s.

46 En tout état de cause, l'Autorité a observé dans sa décision n° 11-D-12 précitée que compte tenu de "la dégradation de la qualité de TPS Star, (...) celle-ci ne peut clairement plus être qualifiée de chaîne premium" au sens de la définition rappelée ci-dessus (§ 134-135). Par ailleurs, TPS Star reste diffusée à la Réunion jusqu'à la fin de l'année 2012.

47 Avis du CSA, p. 26.

48 Formulaire de notification, § 315.

49 Articles 28 et 33-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de la communication.

50 Avis du CSA, p. 25.

51 Notification, § 244 et 254.

52 Notification, § 277.

53 Avis du CSA, p. 26.

54 Réponse des distributeurs au test de marché de phase I, question n° 13.

55 Décision n° 10-D-32 précitée, § 225.

56 Lettre n° C2006-02, p. 27 et s. ; avis n° 06-A-13, p. 22 et s. ; décision de l'Autorité de la concurrence n°10-D-32, p. 53 et s.

57 Formulaire de notification, § 379.

58 Avis du CSA, p. 28.

59 Réponse à la question n°19 du questionnaire FAI.

60 Observations des parties notifiantes en réponse au rapport, p. 30.

61 CRA Charles River Associates, "Analyse concurrentielle du marché de la télévision payante", 4 juin 2012, en annexe aux observations des parties notifiantes du 5 juin 2012.

62 Décision n° COMP-M.4504 SFR/Télé2 du 18 juillet 2007, § 63.

63 Décision n°10-D-32 précitée, § 243.

64 Réponse de Bouygues Telecom au questionnaire adressé aux FAI le 24 janvier 2012, question 48.

65 Réponse de [confidentiel] au questionnaire adressé aux FAI le 24 janvier 2012, question 48.

66 Réponse de France Telecom-Orange au questionnaire adressé aux FAI le 24 janvier 2012, question 48.

67 Voir, par exemple, la réponse de France Telecom-Orange au questionnaire adressé aux FAI le 24 janvier 2012, question 49.

68 Avis de l'ARCEP, p. 30.

69 Avis du CSA, pp. 31-32.

70 Avis du CSA, p. 79.

71 Décision n° 11-D-12, précitée, § 241-242.

72 Formulaire de notification § 1488. Voir également le § 1404 ainsi que les § 1489 à 1498.

73 Le CSA émet également des réserves sur l'appartenance des services de vidéo à la demande par abonnement au même marché pertinent que les services de vidéo à la demande à l'acte (voir avis du CSA, p. 29).

74 Formulaire de notification, § 424.

75 Décisions de la Commission européenne COMP-M.2050 du 13 octobre 2000, Vivendi/Canal+/Seagram, COMP-M.2876 du 2 avril 2003, Newscorp/Telepiù, COMP-M.2845 du 7 février 2003, Sogecable/Canalsatélite Digital/Via Digital et COMP-JV.57 du 30 avril 2002, TPS.

76 Lettre n° C2006-02, p. 38 et avis n° 06-A-13, p. 36.

77 Lettre n° C2006-02, p. 40.

78 Droits de deuxième fenêtre uniquement en ce qui concerne Sony, GCP étant titulaire des premières fenêtres avant l'opération.

79 OCS comporte les chaînes suivantes : Orange Cinémax, Orange Cinéhappy, Orange Cinéchoc, Orange Cinénovo et Orange CinéGéants.

80 Procès-verbal de déclarations de France Télécom-Orange du 11 avril 2012.

81 Contrat qui expire le 31 août 2013. Orange n'a pas souhaité renouveler le contrat cadre et Warner a donc signé avec GCP pour la période à partir du 1er septembre 2013.

82 Voir réponse au test de marché phase I de Disney et le procès-verbal de déclarations de France Télécom-Orange du 11 avril 2012.

83 Procès-verbal de déclarations de France Télécom-Orange du 11 avril 2012. Selon France Télécom-Orange, "ceci fait que les négociations avec les studios américains sont très difficiles et peu fiables. Il est difficile de savoir si on est en train d'entrer dans une discussion loyale avec un studio car on ne sait pas si les contrats qui le lient avec d'autres acteurs du marché sont encore en vigueur et si les studios sont, donc, réellement en mesure de signer un contrat avec nous, ou si l'on joue simplement le rôle de "lièvre" vis-à-vis des autres opérateurs".

84 Réponse de Warner Bros au questionnaire de phase 2. Par conséquent, en l'absence de tout autre candidat, un contrat cadre avec Warner Bros a été signé par GCP en mars 2012.

85 Lettre du 9 février 2012 de la Commission européenne, considérant que l'entreprise commune sera contrôlée conjointement par GCP et Orange, mais ne sera pas de plein exercice, échappant de ce fait au contrôle des concentrations.

86 Article 2.2.1 du pacte d'associés.

87 Le pacte d'associé prévoit que [confidentiel].

88 Contrat cadre de prestation de services conclu entre OCS et Canal+ France le 12 avril 2012.

89 Procès-verbal de déclarations de France Télécom-Orange du 11 avril 2012.

90 En 2010, les chaînes Orange Cinéma Séries ont investi 35,3 millions d'euro dans les films récents américains et 21,8 millions d'euro dans les films EOF récents. En 2011, ces investissements ont atteint 30,7 millions d'euro pour les films américains et 16 millions pour les films EOF (source : réponses au questionnaire du CSA).

91 Avis du CSA, p. 35.

92 Avis de l'ARCEP, p 34.

93 British Film Institute Yearbook 2011, p. 123 (http://www.bfi.org.uk/sites/bfi.org.uk/files/downloads/bfi-statisticalyearbook-2011.pdf).

94 Cette estimation est conforme à celle de GCP qui estime avoir acquis en 2009, 2010 et 2011 respectivement [10-20] %, [20-30] % et [5-10] % des séries américaines récentes produites et présentées pour le marché français (dont seulement une en premier choix).

95 Avis du CSA, p. 42.

96 Engagements pris dans le cadre de la fusion Canal+/TPS et ultérieurement par GCP.

97 Lettre n° C2006-02, p. 44.

98 CNC - La production cinématographique en 2010. Les données présentées tiennent compte à la fois des droits de diffusion en première et deuxième fenêtre payante.

99 Id.

100 Formulaire de notification, § 806.

101 CNC - La production cinématographique en 2011.

102 En 2007-2008, l'acquisition de TPS a apporté à GCP une base de [...] abonnés, représentant environ [20-30] % de la base d'abonnés à l'offre CanalSat avant l'opération.

103 Réponses à la question n° 24 du questionnaire FAI.

104 Réponse à la question n° 24 du questionnaire FAI.

105 Compte rendu de la réunion du 18 janvier 2012 relative aux marchés intermédiaires, question n° 19.

106 Procès-verbal d'audition de Messieurs Saada et Belmer du 19 avril 2012, question n° 1.5.

107 Les Films d'Ici, Europacorp, Fidélité Film, Pathé Production et Films Pélleas.

108 CNC - La production cinématographique en 2010.

109 Procès-verbal d'audition du groupe Orange, question n° 5.

110 En 2011, d'après les données du CNC, 66 % des films préacheté par les chaînes Canal+ en première fenêtre ont été préachetés par les chaînes Ciné + en deuxième fenêtre.

111 En 2010, sur les 50 films à financement totalement hexagonal dont le devis était supérieur à 5 millions d'euro, 43 avaient une première fenêtre préachetée par les chaînes Canal+, 3 par TPS Star, 3 par les chaînes Orange Cinéma Séries et 1 par les chaînes Ciné+.

112 D'une durée de 6 mois, celle-ci se situe au 22ème mois après la sortie du film en salles. Cette fenêtre est prioritaire sur la première fenêtre gratuite, cette dernière étant donc reculée de 6 mois en cas de négociation de la deuxième fenêtre payante.

113 Avis du CSA, p. 34.

114 Réponses à la question n°34 du questionnaire ayant droits.

115 Formulaire de notification, § 800 et 803.

116 Procès-verbal d'audition du groupe Gaumont.

117 Lettre n° C2006-02, p. 66.

118 Formulaire de notification, §1023.

119 Lettre n° C2006-02, p. 64.

120 Les prestations mentionnées à l'article 3 de la convention entre les deux sociétés sont les suivantes : animation et coordination d'un réseau de distribution de la chaîne ; mise en œuvre de la politique publicitaire et promotionnelle de la chaîne ; gestion de la relation avec les abonnés ; édition et diffusion du magazine mensuel destiné aux abonnés ; choix et gestion du contrôle d'accès, acquisition et la gestion du parc de terminaux, et service après-vente ; mise des terminaux à la disposition des abonnés ; remboursement aux abonnés des dépôts de garantie au titre des terminaux analogiques ; informatique de gestion ; gestion administrative des encaissements pour le compte de la société Canal+ SA (facturation, prélèvements, recouvrement).

121 Avis du CSA, p. 24.

122 Formulaire de notification, §1024-1031.

123 Réponse de TF1 et de M6 au test de marché adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question 24 a).

124 Des chaînes équivalentes à Canal+ sur les marchés des principaux pays développés ne sont pas auto-distribuées : aux États-Unis, HBO est distribuée par les principaux opérateurs du câble et du satellite ; les différentes chaînes premium de Sky au Royaume-Uni sont directement distribuées par les principaux concurrents de BSkyB, tels que Virgin Media, premier câblo-opérateur britannique (question 24 a) du test de marché).

125 Réponse d'Orange à la question n° 5 du questionnaire FAI.

126 Réponse de GCP en date du 15 février 2012 à la lettre récapitulative du 7 février 2012, figure n° 10.

127 Test de marché du 25 mai 2012, consultation des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence sur les remèdes envisageables aux effets de la prise de contrôle exclusif des sociétés TPS et CanalSatellite par les groupes Vivendi et Canal Plus.

128 Réponses à la question n° 24 du questionnaire FAI.

129 Lettre n° C2006-02, p. 69.

130 Lettre n° C2006-08, p. 69.

131 Selon les données fournis par les parties notifiantes, les parts de marché des chaînes de GCP en termes d'audience dans l'Océan indien et les Antilles sont encore supérieures ([90-100] %) à celles dans la métropole.

132 Avis du CSA, p. 34.

133 A l'exception des chaînes Canal+ qui, en tant que chaînes auto-distribuées, ont un régime particulier.

134 Les chaînes de "premières exclusivités" doivent également diffuser 75 films par an dans un délai inférieur à 36 mois après leur sortie en salles et préacheter un minimum de 10 films EOF par an.

135 Avis du CSA, p. 34.

136 Voir procès-verbal de déclarations d'Orange du 11 avril 2012.

137 Document de base de Canal+ France, p. 37.

138 Réponse au test de marché de Disney.

139 Formulaire de notification figure 46, p. 264.

140 Formulaire de notification et la revue professionnelle Le Film Français.

141 La "télévision connectée" consiste dans des téléviseurs connectables directement à la connexion Internet du foyer, sans boitiers ni abonnement supplémentaire, et qui permettent l'affichage sur le téléviseur de contenus puisés sur Internet.

142 Formulaire de notification, p. 4.

143 Lettre n° C2006-02, p. 46.

144 Id., p. 48.

145 Id., p. 53.

146 Formulaire de notification §1488. Voir également §1404 ainsi que §1489 à 1498.

147 Observations de GCP du 5 juin 2012.

148 Competition Commission, Movies on pay TV market investigation, Provisionnal findings, 23 mai 2012.

149 Avis de l'ARCEP, p. 42.

150 Baromètre Vidéo CNC-GFK : le marché de la vidéo.

151 Canal + France, Document de base présenté à l'Autorité des marchés financiers, 16 février 2011, p. 47.

152 CNC, Observatoire de la vidéo à la demande, janvier 2012.

153 99 % de la consommation de vidéo à la demande en 2010 correspond à une utilisation locative selon le rapport de l'étude de l'IDATE sur les modèles économiques des services de médias audiovisuels à la demande actifs sur le marché français de juin 2011, mais ce chiffre est appelé à diminuer puisque avant 2011, le téléchargement définitif n'était pas possible sur les offres VàD sur télévision payante.

154 Mission sur le développement des services de vidéo à la demande et leur impact sur la création confiée à Mme Sylvie Hubac, rapport au CNC, décembre 2010 (ci-après, le "rapport Hubac").

155 S'agissant de la vidéo à la demande par abonnement, les achats de droits reposent pour l'essentiel sur des acquisitions non exclusives. Ceci résulte notamment d'un modèle économique hérité de l'industrie du DVD et dans lequel les ayant droits sont rémunérés à l'acte, comme le note une récente étude de l'IDATE réalisée à la demande du CSA. La non-exclusivité des droits est une pratique qui a par ailleurs été garantie par les engagements souscrits par les parties notifiantes à l'occasion de l'examen de l'opération en 2006. Le ministre avait en effet relevé un risque d'assèchement des droits de vidéo à la demande en raison de la position dominante de GCP sur les marchés de l'acquisition des droits de diffusion de contenus cinématographiques (américains et français) pour la télévision payante. Le ministre craignait que la nouvelle entité puisse, par un effet de levier, acquérir les droits de vidéo à la demande en exclusivité et/ou coupler l'acquisition des droits pour la télévision payante avec celle des droits de vidéo à la demande. Les engagements prévoyaient en outre d'ouvrir le portefeuille de droits de films catalogue détenu par StudioCanal aux acteurs de la vidéo à la demande qui en ferait la demande.

156 Rapport sur les licences multi-territoriales des œuvres audiovisuelles dans l'Union européenne, élaboré pour la Commission européenne, DG Société de l'Information et des médias, octobre 2010.

157 Voir http://www.universfreebox.com/article16657.html.

158 Rapport Hubac, p. 16.

159 Id., p. 8.

160 Voir Report of May 24, 2012 - Conference call with representatives of [SVoD service].

161 Décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande.

162 Id.71

163 Le rapport Hubac notait d'ailleurs que l'offre de vidéo à la demande "était insuffisamment éditorialisée et promue" et "difficilement accessible ou trop peu ergonomique pour ceux qui ne sont pas abonnés à une offre triple play et doivent s'en remettre, sur leur ordinateur, à une navigation largement à l'aveugle sur Internet pour voir des films ou des œuvres audiovisuelles" (p. 9).

164 Réponse du groupe Orange à la question n° 23 du test de marché VàD/VàDA.

165 Formulaire de notification, § 1492.

166 Avis du CSA, p. 72-73.

167 Voir les réponses à la question n° 33 du test de marché VàD/VàDA et le document de base d'introduction en bourse de Canal+ France, p. 9 et 132.

168 L'Ofcom souligne notamment que LoveFilm et Netflix ont certes des droits de seconde fenêtre de télévision payante portant sur les films produits par des majors et d'autres studios américains, mais que les droits de première fenêtre qu'ils détiennent sont en revanche très marginaux par rapport à ceux détenus par Sky, ces derniers portant en particulier sur les premières fenêtres de télévision payante de la production de tous les majors.

169 Ofcom submission in response to Working Paper n° 29, 20 avril 2012.

170 Competition Commission, Movies on pay TV market investigation, Working paper n° 29, § 22.

171 Réponse des parties en date du 19 janvier 2012 en réponse à la question n° 25 de la lettre d'incomplétude du 22 novembre 2011.

172 Id.

173 Réponse à la question n° 34 du questionnaire VàD/VàDA.

174 Rapport Hubac, p.23.

175 Voir la réponse du groupe TF1 à la question n° 34 du questionnaire VàD/VàDA.

176 Id.

177 Rapport Hubac, p. 25-26.

178 Lettre n° C2006-02, p. 47.

179 Formulaire de notification §1638.

180 Voir http://www.universfreebox.com/article16657.html.

181 Source : Le marché de la vidéo, dossier du CNC n° 317, mai 2011, p. 44 et 45.

182 Formulaire de notification figure 46, p. 264.

183 Formulaire de notification et la revue professionnelle Le Film Français.

184 Id.

185 Avis du CSA, p. 38.

186 Voir la réponse des groupes Vidéos Futurs et Orange à la question n° 14 du questionnaire VàD/VàDA.

187 Id.

188 Avis du CSA, p. 42.

189 Lettre n° C2006-02, p. 58.

190 Id.

191 CSA, Sport et télévision, juin 2011, p. 31. Ces ordres de grandeur ont été confirmés pas les représentants de GCP interrogés durant l'instruction.

192 Canal+ France, Document de base transmis à l'Autorité des marchés financiers, 17 février 2011, p. 61.

193 Canal+ diffusera deux matches du championnat italien, le samedi à 20h45 et le dimanche à 15h et Al Jazeera diffusera deux matches de ce championnat, le samedi à 18h et le dimanche à 20 h 45. Concernant la Bundesliga, il est prévu une alternance entre GCP et Al Jazeera pour le choix de la meilleure affiche.

194 Nouveau nom, depuis 2009, de la coupe de l'UEFA.

195 Pour la période antérieure à 2012 : [...] Meuro (GCP) et 25 Meuro (TF1) ; à partir de 2012 : [...] Meuro (GCP) et 61 Meuro (Al Jazeera).

196 Sauf la finale qui, relevant de la catégorie des événements d'importance majeure, doit être diffusée sur une chaine en clair aux termes de l'article 3 6° du décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004.

197 Avis n° 04-A-09 du 28 mai 2004 relatif à un projet de décret sur la commercialisation par les ligues professionnelles des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives ; avis n° 07-A-07 du 25 juillet 2007 relatif aux conditions de l'exercice de la concurrence dans la commercialisation des droits sportifs ; avis n° 07-A-15 du 9 novembre 2007 portant sur le projet de décret modifiant le décret n° 2004-699 relatif à la commercialisation par les ligues professionnelles des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives.

198 Auxquels s'ajoutait le lot correspondant à la diffusion sur les terminaux mobiles.

199 L'activité d'édition est assurée par la société Al Jazeera Sport France ("AJSF"), créée en décembre 2011. Cette société est contrôlée à 100 % par Al Jazeera Media Network. BeIn Sport 1 a commencé sa diffusion en juin 2012 et le lancement de BeIn Sport 2 est prévu pour la fin du mois de juillet 2012.

200 Ce calcul intègre le lot 6, qu'Al Jazeera exploitera en linéaire et non en PPV.

201 Observations des parties du 5 juin 2012, p. 36 ("qu'il s'agisse du Championnat de Ligue 1, ou de championnats étrangers attractifs, les chaînes BeIn Sport disposeront d'une offre suffisamment large et attractive pour qu'on ne puisse prétendre que le marché de l'acquisition de ce type de droits est fermé").

202 C'est-à-dire essentiellement les dépenses salariales. La masse salariale représente 75 % des produits d'exploitation des clubs de Ligue 1 (rapport d'activité, comptes des clubs professionnels, saison 2010-2011, direction nationale du contrôle de gestion). Ce ratio est très élevé par rapport à d'autres pays européens, comme l'Allemagne (53 %) ou l'Espagne (58 %).

203 Le montant cumulé des prix de réserve, rendus publics, des lots 1 à 6, était de 600 millions d'euro. Les lots 7 à 9 se sont vu affecter des prix de réserve qui n'ont pas été rendus publics.

204 Les pertes essuyées par Orange au titre de ses activités d'édition et de distribution de chaînes au cours de la période 2008-2011 s'élèveraient à 800 millions d'euro environ. Ces pertes ont principalement été imputables à l'achat de droits sportifs.

205 Avis n° 06-A-13, § 417 et 419.

206 Id., § 422.

207 Lettre C2006-02, p. 70-71.

208 [...] Meuro pour Infosport+ et [...] Meuro pour Sport+.

209 Les Échos¸7 mars 2012 : Orange Sport s'arrête et cherche à valoriser ses droits.

210 Réponse de la LFP à l'enquête de marché.

211 Le Figaro, Foot : Al Jazeera Sport s'appuie sur son allié espagnol Mediapro, 14 mars 2012.

212 Avis n° 06-A-13, § 447 et lettre n° C2006-02, p. 78.

213 Avis n° 06-A-13, § 451 et lettre n° C2006-02, p. 78.

214 Lettre n° C2006-02, p. 78.

215 Id., pp. 79-80 et engagements 37 à 39 et 44.

216 Avis n° 06-A-13, §453 et lettre n° C2006-02, p. 81.

217 Avis n° 06-A-13, §454-455 et lettre n° C2006-02, p. 81.

218 Avis n° 06-A-13, §457-458.

219 Lettre n° C2006-02, p. 81.

220 Voir les engagements 40 à 42 souscrits en 2006.

221 Décision 11-D-12 précitée, § 197 et 198.

222 Annexe 5 du formulaire de notification consolidé.

223 Avis n° 06-A-13, §457-458.

224 Voir en particulier la réponse de Motors TV au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 35.

225 Id., question n° 36.

226 Voir la réponse de l'Equipe 24/24 au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 36.

227 Voir la réponse de Trace TV au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 35.

228 Voir la réponse du SIRTI au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 43.

229 Décision n° 2007-471 du 17 juillet 2007 relative à un différend opposant les sociétés Voyage et CanalSatellite.

230 Avis n° 2011-11 du 12 juillet 2011 relatif à une saisine de l'Autorité de la concurrence par la société France Télécom à l'encontre des sociétés Groupe Canal +, TF1 et Métropole Télévision.

231 Avis du CSA, p. 89.

232 Avis du Conseil de la concurrence du 13 juillet 2006 précité, §498 et lettre n° C2006-02, p 86.

233 Formulaire de notification, p. 503.

234 Lignes directrices de l'autorité de la concurrence en matière de contrôle des concentrations, § 160.

235 Voir la communication de la Commission européenne sur la définition du marché en cause aux fins du droit européen de la concurrence JOCE 9.12.1997, C.372, p. 5, § 55. Voir aussi décision 10-D-32 du 16 novembre 2010 précitée, § 277.

236 Formulaire de notification, p.500-508.

237 Formulaire de notification, p. 503-505.

238 Formulaire de notification, p. 505-507.

239 Les revenus totaux des différents opérateurs sont obtenus en prenant en compte les redevances versées par GCP aux FAI pour la distribution de ses offres sur leurs réseaux (ces redevances sont soustraites aux revenus de GCP et s'ajoutent aux revenus des FAI).

240 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 370.

241 Lettre n° C2006-02, p. 66.

242 Voir réponse du groupe TF1 au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 15.

243 Ces chaînes sont depuis 2006 mis à disposition des distributeurs tiers dans le cadre des engagements souscrits par GCP en août 2006 ayant conduit à l'autorisation de la concentration faisant l'objet de la présente analyse. Contrairement à Sport+, GCP n'en a pas repris la distribution exclusive en avril 2012.

244 [confidentiel].

245 Voir réponse de l'Equipe 24/24 au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question 31.

246 Voir réponse de Lagardère Active au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 31.

247 Voir réponse de TF6 et Série Club au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, questions n° 31 et 32.

248 La proposition pour une distribution exclusive prévoyait également une baisse de rémunération [confidentiel].

249 Voir réponse de Fox au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 33.

250 Procès-verbal d'audition de MM. Belmer et Saada du 17 avril 2012, p. 4.

251 Avis du CSA, p. 91.

252 Voir réponse de TF1 au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 32 f).

253 Voir réponse de TF1 au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 33 c) et d).

254 Avis du CSA p. 91-92. En 2011, dans le cadre de la deuxième consultation des distributeurs organisée par le groupe TF1 pour la distribution de ses chaînes, celui-ci a saisi le Conseil de demandes de règlement de différends l'opposant au GCP. S'agissant par exemple des chaînes Eurosport et Eurosport 2, il lui reprochait de proposer une diminution de rémunération injustifiée. Canal+ Distribution avait en effet proposé [confidentiel]. Le groupe TF1 estimait que la décote de [...] % proposée entraînait une diminution substantielle de la principale source de revenus ([...] millions d'euro) qui ne pourrait pas être compensée par les offres des autres distributeurs. Le groupe TF1 s'est finalement désisté au cours de l'instruction des demandes de ses demandes par le Conseil, GCP ayant formulé une nouvelle offre de rémunération de la chaîne. Voir la décision n° 2011-1133 du 15 novembre 2011 donnant acte du désistement des sociétés Eurosport et Eurosport France, Histoire, Tv Breizh, Société Paneuropéenne d'Edition et d'Exploitation de Documentaires - Ushuaia TV et Société d'exploitation de Documentaires - Stylia de leurs demandes de règlement de différends avec les sociétés Canal+ Distribution et Canal+ France.

255 Voir réponse de TF1 au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 33 f).

256 Réponse en date du 2 mai 2012 des sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi au questionnaire des services d'instruction en date du 23 avril 2012, question n° 12.

257 En règle générale, ainsi que la décision n° 11-D-12 l'a établi, la fusion CanalSat/TPS a plutôt donné lieu, pour les chaînes qui étaient distribuées par TPS, à des passages d'une rémunération proportionnée au chiffre d'affaires ou au nombre d'abonnés à une rémunération forfaitaire, afin de neutraliser le gain pour les chaînes résultant d'un accroissement mécanique du nombre d'abonnés de CanalSat par l'adjonction de ceux de TPS. La rémunération de ces chaînes est ainsi restée globalement stable depuis 2006, alors qu'elle avait fortement progressé entre 2001 et 2006.

258 Voir procès-verbal d'audition du groupe AB du 12 avril 2012.

259 Id.

260 Id.

261 Voir procès-verbal d'audition du groupe AB du 12 avril 2012.

262 Voir réponse de la LFP au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question 33.

263 Compte-rendu de la réunion du mercredi 18 janvier relative aux marchés intermédiaires.

264 Lettre n° C2006-02, p. 27 ; avis n° 06-A-13, p. 12 et s ; avis de l'ARCEP.

265 Avis de l'ARCEP, p. 8 et s.

266 CanalSat n'est pas distribué sur le câble, car du fait des liens historiques entre Numericable et les éditeurs de chaînes thématiques, Numericable a directement accès, sur le marché de gros, aux chaines thématiques, qu'il distribue dans ses propres bouquets.

267 Avis de l'Autorité de la concurrence n° 09-A-42 du 7 juillet 2009 sur les relations d'exclusivité entre activités d'opérateurs de communications électroniques et activités de distribution de contenus et de services, § 50 et s.

268 Compte-rendu de la réunion du mercredi 18 janvier relative aux marchés intermédiaires.

269 Id.

270 Id., § 52.

271 Id., § 53.

272 Le fait que certains FAI complètent leur offre ADSL par une offre satellite dans les zones non couvertes par l'ADSL ne change pas ce constat : ainsi qu'il a été expliqué plus haut, l'offre satellite des FAI n'est nullement commercialisée de façon autonome, et n'est qu'un substitut à l'ADSL qui n'est proposée qu'aux seuls abonnés résidant en zone non-couvertes. Il s'agit là d'une différence majeure par rapport à l'offre CanalSat, qui est commercialisée de façon autonome sur l'ensemble du territoire.

273 Voir la réponse de TF1 au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question 40.

274 Avis n° 06-A-13, § 636.

275 Avis du CSA, p. 68.

276 Voir annexe 4 de l'avis du CSA relative aux stipulations financières de la distribution agréée des offres de Canal+ et le formulaire de notification, §462-467.

277 Formulaire de notification, §1754 et procès-verbal d'audition de Rodolphe Belmer, directeur général de Canal + France, et Maxime Saada, directeur général adjoint chargé de la distribution et de CanalSat du 17 avril 2012.

278 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, p. 97

279 Id., p. 96 et s.

280 Lignes directrices de la Commission européenne sur l'appréciation des concentrations non horizontales, § 36.

281 Avis n° 06-A-13, § 121.

282 CSA, "L'économie des chaînes en 2010".

283 Lignes directrices de l'Autorité précitées, p. 96 et s.

284 CRA Charles River Associates, "Analyse concurrentielle du marché de la télévision payante", 4 juin 2012, en annexe aux observations des parties notifiantes du 5 juin 2012

285 Les "abonnés" correspondent au nombre de clients qui souscrivent à au moins une offre de GCP et les "abonnements" correspondant à somme de chaque souscription aux différentes offres de GCP. Le nombre d'abonnements est donc supérieur au nombre d'abonnés, qui inclut des clients qui souscrivent individuellement à plusieurs offres de GCP.

286 Avis du Conseil de la concurrence, § 60.

287 En incluant l'offre des chaînes Canal+, GCP regroupe [70-80] % des abonnements totaux aux offres de télévision payante (à l'exclusion des offres de premier niveau de service des FAI).

288 Voir les données de reporting de GCP au groupe Lagardère.

289 Observations des parties du 5 juillet 2012, § 206.

290 Il est renvoyé sur ce point aux développements des paragraphes 0 et s.

291 Voir, par exemple, les déclarations de M. Bertrand Méheut, dans l'Équipe, 13 mai 2011 : "Nous n'avons pas l'intention d'augmenter notre contribution financière. Nous ne voulons pas de la Ligue 1 à n'importe quel prix. Lors du dernier appel d'offres (en 2008), nous avons défini une stratégie et un prix (465 millions d'euro) en réduisant notre investissement. Nous nous y tenons" ; dans Les Echos, 17 février 2011 : "Êtes-vous toujours aussi dépendants du football ? La Ligue 1 reste et restera un produit important de notre offre. Mais nous sommes globalement de moins en moins dépendants du football et, en particulier, du football français. (...) Voulez-vous encore faire des économies sur les droits du foot? Je pense que les droits sportifs sont encore trop chers. La réalité doit prendre en compte ce que nos abonnés sont prêts à payer. Il faut trouver un juste équilibre entre la réduction des coûts des droits et le maintien de l'indispensable qualité du spectacle que nos abonnés attendent." (voir http://archives.lesechos.fr/archives/2011/lesechos.fr/02/17/0201157720060.html).

292 Sauf la TNT, l'attribution de fréquences TNT ne pouvant se faire qu'au profit d'éditeurs français. L'article 40 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que : "Sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France, aucune personne de nationalité étrangère ne peut procéder à une acquisition ayant pour effet de porter, directement ou indirectement, la part du capital détenue par des étrangers à plus de 20 % du capital social ou des droits de vote dans les assemblées générales d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service de radio ou de télévision par voie hertzienne terrestre assuré en langue française".

293 Voir le document de base de Canal+ France transmis à l'Autorité des marchés financiers, 17 février 2011, page 41 ("Dès 2011, le Groupe prévoit ainsi de renforcer ses investissements dans ses propres chaînes, en particulier celles qui jouent un rôle moteur au sein de leurs thématiques respectives (CinéCinéma pour le cinéma, Planète pour le documentaire et Jimmy pour les séries télévisées). L'objectif est de donner à ces chaînes un caractère semi-premium avec des programmes différenciant basés sur une proportion croissante de productions propres. Dans le même temps, le Groupe prévoit de renforcer la marque de ses chaînes thématiques en capitalisant sur la marque forte des Chaînes Canal+").

294 Avis du CSA, p. 90.

295 Voir la réponse du groupe AB au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 39.

296 Voir la réponse de Fox au questionnaire adressé aux éditeurs de chaînes le 24 janvier 2012, question n° 39.

297 Procès-verbal d'audition de MM. Belmer et Saada du 17 avril 2012.

298 Le directeur général de GCP, a indiqué dans le magazine des abonnés CanalSat du mois de juin 2011 que ces chaines "gagnent un "+" qui souligne leur appartenance au groupe Canal+ et signifie aussi une montée en qualité et en exclusivités".

299 Décision du ministre, p. 87.

300 Id., engagement n° 49.

301 CRA Charles River Associates, "Analyse concurrentielle du marché de la télévision payante", 4 juin 2012, en annexe aux observations des parties notifiantes du 5 juin 2012.

302 P. 120.

303 P. 34.

304 Observations du 5 juin 2012, p. 21.

305 Sur la base des prix publics des offres, hors promotions et sans tenir compte de l'inflation. * (Erreur matérielle rectifiée).

306 Canal+ France, Document de base transmis à l'Autorité des marchés financiers, 17 février 2011, page 41.

307 http://www.canalplusfrance.fr/canal-plus-france/chiffres-cles.htm (visité le 26 juin 2012).

308 Point de vue de M. Bertrand Méheut, Le Monde daté du 7 mars 2012.

309 Présentation à l'Autorité de la concurrence, Canal Plus Groupe, DGA Finance et Stratégie, 11 juin 2012, p. 7.

310 Compte rendu de la réunion, question 22, p. 10.

311 Voir notamment, une question parlementaire http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-69334QE.htm

312 Observations du 5 juin 2012, p. 76.

313 Avis n° 06-A-13, § 526.

314 Avis n° 06-A-13, §526 à 529.

315 Lettre n° C2006-02, engagements n° 34 et 35.

316 Etude Tic Track, Indicateurs de TV payante, réalisée par Ipsos Océan Indien, résultats 1er trimestre 2011.

317 Canal+ France, Document de base transmis à l'Autorité des marchés financiers, 17 février 2011, page 85.

318 Etude Tic Track, Indicateurs de TV payante, réalisée par Ipsos Océan Indien, résultats 1er trimestre 2011, p. 12.

319 Décision n° 11-D-12, § 156.

320 Id., § 156-157.

321 Id., § 163.

322 Id., § 160.

323 Parabole Réunion a perdu l'exclusivité des chaines de cinéma éditées par GCP en avril 2007. À compter de l'été 2007, TPS Foot a vu sa qualité se dégrader (plus de matches en direct : la chaine ne diffuse les rencontres qu'avec une semaine de décalage). La diffusion de la Premier League anglaise sur la chaine TPS Star a été arrêtée à l'été 2007, la compétition étant à partir de cette date diffusée en exclusivité sur les chaines Canal+ et Canal+ Sport. La diffusion de la Premier League sur TPS Star a repris à partir de la fin du mois d'août 2009, mais sous une forme dégradée, c'est-à-dire avec des rencontres impliquant des équipes peu attractives (§ 89 à 95 de la décision n° 11-D-12 du 20 septembre 2011).

324 Annexe 21-2 au test de marché de Parabole Réunion.

325 Etude Louis Harris 2 DOM, cotes 1470 à 14195.

326 Etude Louis Harris 2 DOM, p. 7 : "Les clients résiliés partis chez Canal s'appuient 4 fois sur 10 sur le contenu premium, notamment cinématographique, pour justifier l'opinion qu'ils ont d'une offre Canal supérieure à celle de Parabole." et "Le premium semble expliquer à lui seul environ 30 % des départs récents de clients de Parabole vers Canal".

327 Annexe 21-2 de la réponse de Parabole Réunion au test de marché, actualisation des données de l'étude Alliott de 2008, cote 14361.

328 Le chiffre d'affaires de Parabole Réunion stagne : [confidentiel]. Réponse de Parabole Réunion au TDM, p. 41. Le chiffre d'affaires de Canal+ Overseas, dont l'Océan Indien constitue l'un des principaux marchés, est quant à lui passé de 328 M d'euro en 2008 à 428 M d'euro en 2010 (+30 %) et son résultat opérationnel de 83 à 103 M d'euro (+24 %). Source : Canal+ France, Document de base transmis à l'Autorité des marchés financiers, 17 février 2011, page 11.

329 TPS Star, Ciné+ Premier, Ciné+ Frissons, Ciné+ Emotions, Ciné+ Famiz, Ciné+ Star, Ciné+ Club, Ciné+ Classic, Infosport+, TPS Foot, Piwi+, Teletoon+, Planète Justice+.

330 Canal+ France, Document de base transmis à l'Autorité des marchés financiers, 17 février 2011, page 87 (les bouquets distribués par Canal+ Overseas "comportent également quelques chaînes à forte notoriété et exclusive comme Eurosport, Disney ainsi que la chaîne Trace qui a réussi à se placer dans le top dix des chaînes les plus regardées dans ces régions grâce à l'adéquation de sa ligne éditoriale avec les attentes des populations locales").

331 Formulaire de notification, § 1574.

332 Formulaire de notification § 1558 ; Journal de l'Ile de la Réunion, 24 septembre 2011.

333 Journal de l'Ile de la Réunion, 24 septembre 2011, déclarations de M. Rodolphe Pacaud, directeur général de Canal+ Réunion ("je pense que non [on n'assistera pas au même engouement pour l'ADSL à la Réunion qu'en métropole]. Il devrait rester ici un mode de diffusion de distribution complémentaire du satellite").

334 Canal+ France, Document de base transmis à l'Autorité des marchés financiers, 17 février 2011, page 56.

335 Formulaire de notification, § 1595.

336 Voir, par exemple, la réponse de Numericable au test de marché, p. 14.

337 Document de base relatif à l'introduction en bourse de Canal+ France, p. 88.

338 Avis n° 06-A-13, précité.

339 Décision n° 11-D-12 précitée, § 16.

340 Voir notamment l'avis n° 06-A-13, point 619.

341 Id.

342 Voir notamment la lettre n° C2006-02, p. 84 et l'avis n° 06-A-13, p. 88.

343 Décision n° 11-D-12, précitée, § 241.

344 Voir, a contrario, Conseil d'Etat, Sect., 9 avril 2004, Société The Coca-Cola Company.

345 Paragraphe 525 des lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations.

346 Id, paragraphe 526.

347 Id, paragraphe 528.

348 Décision du Conseil d'Etat du 30 décembre 2010, Société Métropole Télévision, n° 338197.

349 A supposer, par hypothèse, que l'ADSL et les réseaux fibrés constituent une seule et même plateforme technique de diffusion, ce qui n'est pas établit.

350 Formulaire de notification, §1024-1031.

351 Lettre du président du CNC du 6 février 2012 - cote 5998 et suivantes.

352 Id.

353 Note du Bloc du 20 janvier 2012, p. 15.

354 Seule Orange Ciné Géants n'est pas une chaîne de première diffusion au sens du décret n°90-66 du 17 janvier 1990. L'ensemble des chaînes Orange Cinéma a diffusé en 2011 45 films de première fenêtre et 38 films de deuxième fenêtre et a acheté 15 films EOF en pré-achat.

355 Aux termes de l'article L. 221-13 du Code de commerce, les parts sociales des SNC "ne peuvent être cédées qu'avec le consentement de tous les associés. Toute clause contraire est réputée non écrite".

356 Les offres de télévision payantes sur le câble sont pour la quasi-totalité des abonnés concernés faites par Numericable, qui est actif dans les grandes villes mais il existe de petits opérateurs indépendants ou des régies municipales dans les plus petites villes.

357 En application de la classification définie par le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990.

358 Avis du CSA, p. 86.

359 A titre illustratif, le pôle distribution a versé au pôle édition [...] millions d'euro en 2010 pour les chaînes Ciné+ distribuées par CanalSat, ce qui pour un nombre d'abonnés à ces chaînes de [...] millions, donne un tarif de [...] euro/mois/abonné.

360 [confidentiel].

361 Conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public, Conseil d'Etat, société Métropole Télévision (M6), séance du 17 décembre 2010, n° 338197 et 338273.