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ADLC, 23 juillet 2012, n° 12-DCC-101

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi et Groupe Canal Plus

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Iratxe Gurpegui, de MM. Charles Bertin, Antoine Errera, Simon Genevaz, Jean-Christophe Mauger, l'intervention de Mme Nadine Mouy, rapporteure générale adjointe, par M. Bruno Lasserre Président, présidant la séance, Mmes Françoise Aubert, Elisabeth Flüry-Hérard, vice-présidentes, , M. Patrick Spilliaert, vice-président, Mmes Laurence Idot, Carol Xueref, MM. Emmanuel Combe, Jean-Bertrand Drummen, membres.

ADLC n° 12-DCC-101

23 juillet 2012

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 5 décembre 2011 et déclaré complet le 21 février 2012, relatif à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi et Groupe Canal Plus, formalisée par un protocole d'accord en date du 1er décembre 2011 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu l'avis n° 2012-0609 du 10 mai 2012 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ; Vu l'avis n° 2012-11 du 22 mai 2012 du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; Vu les engagements présentés le 27 mars 2012 par la partie notifiante ; Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DEX-03 du 17 avril 2012 ouvrant un examen approfondi de l'opération en application du dernier alinéa du III de l'article L. 430-5 du Code de commerce ; Vu les engagements présentés le 30 mai 2012 par les parties notifiantes ; Vu les observations présentées par les groupes Vivendi et Canal Plus en date du 25 juin 2012 en réponse au rapport des services d'instruction du 4 juin 2012 ; Vu la lettre en date du 3 juillet 2012 adressée par le président de l'Autorité de la concurrence aux groupes Vivendi et Canal Plus ; Vu les engagements présentés le 9 juillet 2012 par les parties notifiantes ; Vu la lettre en date du 13 juillet 2012 adressée par le président de l'Autorité de la concurrence aux groupes Vivendi et Canal Plus ; Vu les engagements présentés le 18 juillet 2012 et complétés les 19 et 20 juillet 2012 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, et les représentants des groupes Vivendi et Canal Plus entendus au cours de la séance du 2 juillet 2012 ; Les représentants des groupes TF1, M6, France Télévisions, NRJ et Gaumont entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 430-6, alinéa 3 du Code de commerce ; Adopte la décision suivante :

I. Présentation des entreprises concernées et de l'opération

1. Le groupe Vivendi est un acteur opérant dans les secteurs de la communication et du divertissement. Il a pour principales activités la production et l'édition de contenus (jeux vidéo, musique, œuvres audiovisuelles, films) et leur distribution, notamment sur les réseaux numériques. Le groupe Vivendi est ainsi présent dans les secteurs de la musique via sa filiale Universal Music Group, de la télévision et du cinéma via sa filiale Groupe Canal Plus, des jeux interactifs via sa filiale Activision Blizzard et des télécommunications mobiles et fixes via ses filiales SFR, Groupe Maroc Télécom et GVT.

2. Groupe Canal Plus (ci-après "GCP") est un groupe de télévision payante, intégralement détenu par Vivendi, principalement actif en France dans l'édition de chaînes premium et thématiques, dans l'agrégation et la distribution d'offres de télévision payante, dans les nouveaux usages télévisuels ainsi que dans la production et la distribution de films de cinéma. GCP est notamment actif, à travers sa filiale CanalSat, dans l'édition de chaînes thématiques, dans l'agrégation et la distribution de chaînes de télévision payante au sein de bouquet thématiques et de la distribution de services de télévision de rattrapage.

3. Le périmètre des activités des parties notifiantes dans ces secteurs résulte notamment de leur prise de contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite en 2006. Cette opération a fait l'objet d'une autorisation sous conditions du ministre de l'Economie le 30 août 2006 (1). L'Autorité de la concurrence a retiré cette autorisation par décision n° 11-D-12 du 20 septembre 2011 en raison de l'inexécution de dix des 59 engagements souscrits par Vivendi et GCP auprès du ministre. La concentration a été notifiée à nouveau à l'Autorité le 24 octobre 2011 et elle fait l'objet d'une décision notifiée aux parties le jour de l'adoption de la présente décision.

4. Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia sont des sociétés contrôlées exclusivement par le groupe Bolloré. Direct 8 et Direct Star sont en charge de l'édition et l'exploitation des chaînes éponymes sur la TNT gratuite, le câble, le satellite, l'ADSL et en simulcast sur les réseaux mobiles. Direct 8 est une chaîne "généraliste", c'est-à-dire dont la programmation n'est pas spécialisée et couvre des programmes destinés au grand public, notamment la diffusion d'œuvres audiovisuelles, d'œuvres cinématographiques et d'évènements sportifs. Direct Star est une chaîne musicale dont au moins 75 % du temps d'antenne est consacré à des programmes musicaux. Elle diffuse, pour le reste, des œuvres cinématographiques et audiovisuelles (séries télévisées notamment) ainsi que des programmes sportifs. Bolloré Intermédia est une régie publicitaire qui assure la commercialisation auprès des annonceurs, agences de publicité et centrales d'achat, des espaces de publicité de plusieurs médias dont les chaînes Direct 8 et Direct Star. Direct Digital opère et exploite les services de communication au public en ligne de Direct 8 et Direct Star. Enfin, Direct Productions a pour principale activité la réalisation, à la demande des chaînes Direct 8 et Direct Star, de prestations de production exécutive de programmes audiovisuels.

5. Selon le protocole d'accord du 1er décembre 2011, le groupe Bolloré s'est engagé à apporter au groupe Vivendi 60 % du capital et des droits de vote des sociétés Direct 8 et Direct Star ainsi que l'intégralité du capital et des droits de vote des sociétés Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia. Pour régir leurs relations en qualité d'actionnaires des sociétés Direct 8 et Direct Star, les groupes Bolloré et Vivendi ont arrêté les termes d'un pacte d'actionnaires. Selon ce pacte, Direct 8 et Direct Star seront gouvernées par un conseil d'administration composé de cinq membres dont trois seront nommés par Vivendi et deux par le groupe Bolloré. Les droits de ce dernier n'excéderont pas cependant ce qui est normalement consenti à des actionnaires minoritaires afin de protéger leurs intérêts financiers. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia (ci-après ensemble désignées "les sociétés cibles") par le groupe Vivendi, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euro (groupe Vivendi : 28,9 milliards d'euro pour le dernier exercice clos ; les sociétés cibles : [...] millions d'euro pour le dernier exercice clos). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euro (groupe Vivendi : 17,1 milliards d'euro pour le dernier exercice clos ; les sociétés cibles : [...] millions d'euro pour le dernier exercice clos). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Présentation du secteur de la télévision gratuite

7. Deux activités coexistent au sein du secteur de la télévision, à savoir la télévision payante et la télévision gratuite (ou "en clair").

8. Le secteur de la télévision payante est organisé de la façon suivante : les éditeurs de chaînes payantes définissent la thématique et la ligne éditoriale de leurs chaînes et, sur cette base, produisent en interne leurs propres programmes ou acquièrent auprès de tiers des droits de diffusion sur les marchés situés en amont. Les éditeurs proposent ensuite à la vente le droit de commercialiser leurs chaînes aux différents distributeurs. Ces derniers se chargent de constituer une offre de télévision payante sous forme de bouquets de chaînes, accessibles par abonnement ou "à la carte". Le distributeur doit enfin assurer la commercialisation de son offre et la gestion de la relation avec l'abonné.

9. Le secteur de la télévision gratuite est organisé de manière différente. Contrairement à l'édition de chaînes payantes, l'édition de chaînes gratuites n'est pas à proprement parler un marché dans la mesure où les distributeurs de bouquets de télévision ne rémunèrent pas les éditeurs pour pouvoir distribuer leurs chaînes. Alors que les activités correspondantes dans le secteur de la télévision payante tirent l'essentiel de leurs revenus des abonnements payés par les consommateurs finals, l'édition et la distribution de chaînes gratuites sont presque entièrement rémunérées par les recettes générées par la publicité télévisuelle.

10. Les acteurs du secteur soulignent de manière unanime que deux phénomènes affectent actuellement le secteur de la télévision gratuite. En premier lieu, le nombre des chaînes disponibles sur la télévision gratuite en France a connu une augmentation significative ces dernières années. Aux chaînes gratuites dites "historiques" se sont ajoutées 11 nouvelles chaînes gratuites numériques autorisées par la CSA lors du lancement de la télévision numérique terrestre ("TNT") en mars 2005. Les chaînes historiques comptent six chaînes privées et publiques : TF1, France 2, France 3, France 5, Arte et M6. A ces chaînes s'ajoutent les plages en clair de la chaîne Canal+. Les "nouvelles chaînes de la TNT" incluent Direct 8, W9, TMC, NT1, NRJ12, LCP-Public Sénat, France 4, BFM TV, iTélé, Gulli, France 5 et France Ô. En mai 2012, le CSA a sélectionné six nouvelles chaînes privées gratuites qui devraient commencer à émettre avant la fin de l'année 2012.

11. Si l'extension de l'offre a initialement permis de voir des acteurs indépendants entrer dans le secteur de la télévision gratuite, les mouvements de restructuration ont conduit les grands groupes audiovisuels à reprendre le contrôle de la majorité de l'offre. L'opération s'inscrit dans cette tendance en concrétisant la sortie du groupe Bolloré au bénéfice de GCP. A l'issue de la concentration, en tenant compte des 6 nouvelles chaînes gratuites sélectionnées en mai dernier par le CSA, les groupes de télévision gratuite seront les suivants :

<EMPLACEMENT TABLEAU 1>

12. L'année 2005, qui correspond au lancement de la TNT et, par conséquent, à une augmentation significative de l'offre, est donc une année clé pour la compréhension des grandes évolutions du secteur de la télévision gratuite. A partir de cette date, les nouvelles chaînes gratuites ont rapidement gagné des points d'audience au détriment des chaînes historiques pour atteindre 23,1 % de l'audience en 2011 (2).

13. En second lieu, alors que le nombre de chaînes augmente, les recettes publicitaires télévisuelles sont fortement affectées par la conjoncture économique. Après une baisse durant les années 2008 à 2010, imputée à la crise économique, les recettes publicitaires atteignent un montant global de 3,5 milliards d'euro en 2011, chiffre en légère progression par rapport à 2005 (3), alors que les recettes avaient cru deux fois plus rapidement durant la période 2000-2005, comme le montre le graphique suivant.

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE 1>

14. Enfin, il convient de noter, comme le souligne le CSA dans son avis, que l'audience totale de la télévision ne cesse de croître depuis les années 1990, pour atteindre 3 h 47 de visionnage quotidien par individu en 2011.

III. Définition des marchés concernés par l'opération

15. L'Autorité de la concurrence a déjà eu l'occasion de constater que "contrairement à l'édition de chaînes payantes, l'édition de chaînes gratuites n'est pas à proprement parler un marché dans la mesure où les distributeurs de bouquets de télévision ne rémunèrent pas les éditeurs pour pouvoir distribuer leurs chaînes" (4). Conformément à cette pratique décisionnelle, il conviendra donc d'examiner le marché de la publicité télévisuelle, qui constitue l'unique source de revenus, hors subventions publiques, des éditeurs de chaînes gratuites (B), après avoir étudié les marchés amont des acquisitions de droits de diffusion (A).

A. MARCHÉS AMONT DES ACQUISITIONS DE DROITS

16. En amont, la pratique décisionnelle a distingué les marchés relatifs à l'acquisition des droits de diffusion des films de cinéma et séries (1), et ceux portant sur la diffusion d'évènements sportifs (2).

1. MARCHÉS DES DROITS RELATIFS AUX OEUVRES CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUX SÉRIES TÉLÉVISÉES

a) Délimitation des marchés de produits

(i) Rappel de la pratique décisionnelle

17. S'agissant des œuvres cinématographiques, la pratique décisionnelle effectue traditionnellement une double segmentation en fonction des fenêtres et modes de diffusion et de l'origine de l'œuvre acquise. Par ailleurs, les autorités de concurrence considèrent que l'ensemble des marchés relatifs aux droits cinématographiques sont de dimension nationale, dans la mesure où les droits sont acquis uniquement pour le territoire national ou, tout au plus, pour une même zone linguistique (5).

18. De manière générale, l'instruction du dossier n'a pas conduit à remettre en cause cette segmentation, approuvée par les parties notifiantes ainsi que par la majorité des acteurs interrogés dans le cadre du test de marché. Ainsi, le constat effectué par la pratique décisionnelle et selon lequel la diffusion des œuvres cinématographiques est soumise à une stricte chronologie reste valable à ce jour. L'accord du 6 juillet 2009 pour le réaménagement de la chronologie des médias, dont les dispositions pertinentes sont rendues obligatoires par arrêté du ministre de la culture, prévoit ainsi les délais aux termes desquels une œuvre cinématographique peut être diffusée par les différents services audiovisuels. L'ouverture de chaque fenêtre de diffusion pour les différents supports télévisuels (exploitation en salle, en vidéo, en vidéo à la demande à l'acte, en télévision payante, etc.) entraîne généralement la fermeture de la précédente. La pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence distingue donc chacun de ces modes de diffusion comme constituant autant de marchés pertinents, ceux-ci présentant en effet de fortes différences en termes de demande, de réglementation applicable ou encore de prix (6).

19. De plus, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence distingue habituellement, s'agissant de la vidéo à la demande, du Pay Per View ("PPV") et de la télévision payante, les droits relatifs aux œuvres américaines de celles relatives aux œuvres d'expression française en raison de différences en termes de prix, d'attractivité, d'identité et de capacité de négociation des offreurs, de négociation commerciale et, enfin au regard des obligations spécifiques pesant sur les demandeurs en matière d'investissements dans le cinéma français.

20. La pratique décisionnelle a considéré qu'il convenait à tout le moins de distinguer les marchés pertinents suivants :

- le marché de l'achat de droits pour la diffusion en salle ;

- le marché de l'achat de droits portant sur l'édition vidéo ;

- l'achat de droits relatifs aux films américains récents (qui comprennent essentiellement les films produits par les grands studios hollywoodiens) pour la télévision payante ;

- l'achat de droits relatifs aux séries américaines récentes ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films d'expression originale française ("EOF") récents pour la télévision payante ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films de catalogue ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films américains récents pour l'exploitation en vidéo à la demande ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films EOF récents pour l'exploitation en vidéo à la demande ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films américains récents pour l'exploitation en PPV ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films EOF récents pour l'exploitation en PPV.

21. Une segmentation plus fine a néanmoins été défendue en ce qui concerne les marchés de l'achat de droits relatifs à des œuvres cinématographiques pour une diffusion sur la télévision payante (ii), aux films de catalogue et aux films inédits en clair (iii), et à une diffusion en rattrapage (iv), et à une diffusion sur terminaux mobiles (v). Il conviendra également de revenir sur la définition du marché pertinent relatif aux séries américaines récentes (vi).

(ii) S'agissant de l'achat de droits relatifs à des œuvres cinématographiques pour une diffusion sur la télévision payante

22. Sur les marchés de l'achat de droits cinématographiques américains et EOF pour une diffusion sur la télévision payante linéaire, le Conseil de la concurrence (7), suivi par le ministre de l'Economie (8), a envisagé d'opérer une distinction entre les droits relatifs à la première fenêtre de diffusion et ceux relatifs à la deuxième fenêtre de diffusion.

23. La plupart des participants au test de marché sont favorables à une telle distinction, tandis que les parties, comme le CSA, en contestent la pertinence.

24. Le CSA considère ainsi que "les vendeurs sur les marchés français de l'achat de droits portant sur des films récents pour la télévision payante sont les mêmes. En outre, [le CSA] émet des réserves sur l'utilisation du caractère inédit pour justifier une définition de marchés amont distincts dans le secteur de la télévision payante. En effet, pour un abonné aux chaînes de cinéma du groupe Canal Plus qui ne serait pas abonné à la chaîne Canal+ mais à une offre CanalSat, la diffusion d'un film, même en deuxième fenêtre, est susceptible de présenter un caractère de nouveauté" (9).

25. En tout état de cause, la question d'une segmentation spécifique du marché de l'achat de droits cinématographiques relatifs à une diffusion sur la télévision payante linéaire en fonction de la fenêtre de diffusion peut demeurer ouverte, les conclusions de l'analyse restant inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue.

(iii) S'agissant de l'achat de droits relatifs à des films de catalogue et aux films diffusés de manière inédite par les chaînes en clair

26. Les parties font valoir que la notion de films dits "de catalogue" recouvre les films "qui ont déjà fait l'objet d'un premier cycle d'exploitation à compter de l'ouverture de la fenêtre d'exploitation concernée (ce premier cycle d'exploitation étant successivement constitué de la VoD, du PPV, de la 1ère et 2ème fenêtre payante sur un service de cinéma, puis de la 1ère fenêtre de télévision en clair) et qui constituent ainsi des films de rediffusions" (10).

27. Le CSA partage cette analyse et considère qu'il convient de "définir un marché de l'achat de droits portant sur les films diffusés de manière inédite par les chaînes en clair distinct du marché de l'achat de droits portant sur les films de catalogue" (11). Une telle segmentation avait d'ailleurs déjà été envisagée par l'Autorité dans sa décision n° 10-DCC-11 relative à l'opération TF1/TMC-NT1 (12).

28. L'instruction a montré que les œuvres cinématographiques EOF inédites sont en effet acquises majoritairement dans le cadre de contrats de préachat de droits de diffusion et de parts de coproduction avant la période de prises de vues. Ce type d'investissement fait l'objet d'une réglementation spécifique qui impose aux chaînes de télévision d'investir un montant minimum dans l'achat d'œuvres cinématographiques EOF avant leur exploitation en salles. Les "œuvres inédites" d'origine américaine sont quant à elles acquises dans le cadre d'"output deals" ou "volume deals", par lesquels les chaînes de télévision achètent auprès des studios là les droits de diffusion télévisuelle de leur production et, dans le cas des séries, des "droits de premiers choix" sur les séries à produire qui leur permet de sélectionner en priorité les séries de leur choix parmi l'ensemble de la production d'un studio pour une année donnée.

29. Dans le prolongement du constat opéré par l'Autorité dans sa décision n° 10-DCC-11, l'instruction a également montré qu'il convient d'opérer une distinction entre : (i) les droits relatifs aux œuvres cinématographiques américaines et (ii) les droits relatifs aux œuvres cinématographiques d'expression originale française.

30. TF1 estime ainsi que pour les films inédits "du point de vue de l'offre, les types et la durée des contrats sont différents selon que la chaîne achète un film français ou un film américain. Pour les films français inédits, les droits de diffusion sont négociés film par film généralement au sein de contrats de préachat et leurs modalités d'acquisition sont fortement encadrées par la réglementation. Pour les films américains, les droits de diffusion sont achetés par la chaîne auprès des studios ou de leurs mandataires (les distributeurs) et souvent dans le cadre de contrats d'achats globaux lorsqu'il s'agit d'"œuvres inédites" (13).

31. Concernant les films de catalogue, le CSA fait valoir que, du point de vue de l'offre, "il n'est pas nécessaire de distinguer entre les films américains de catalogue et les films EOF, dans la mesure où de nombreux vendeurs détiennent ces deux types de films dans des proportions significatives" (14). Ce point peut cependant être discuté dans la mesure où le catalogue de StudioCanal dispose d'environ [...] films de catalogue français, [...] films "européens" (hors films EOF) et seulement [...] films de catalogue américains. De plus, une partie non négligeable de films de catalogue américains acquis par les chaînes historiques sont achetés directement auprès de studios américains dans le cadre d'output deals, qui ne disposent pas, par ailleurs, de droits de films EOF.

32. S'agissant enfin de la demande tant pour les films inédits que pour les films de catalogue, les œuvres américaines présentent un faible degré de substituabilité par rapport aux œuvres françaises, compte tenu des quotas de diffusion fixés par la réglementation française. En effet, les chaînes de télévision ont l'obligation de diffuser au moins 60 % d'œuvres cinématographiques d'origine européenne, dont 40 % d'œuvres cinématographiques d'expression originale française. Par conséquent, une chaîne ne pourrait pas, du fait de la réglementation, reporter ses achats vers des films américains en cas d'augmentation des prix des films français (15).

33. Compte tenu de ces éléments, il convient de distinguer les marchés (i) des achats de droits relatifs aux films inédits EOF, (ii) aux films inédits américains, (iii) aux films de catalogue EOF et (iv) aux films de catalogue américains, étant précisé que la notion de "films de catalogue" recouvre les films qui ont déjà fait l'objet d'un premier cycle d'exploitation en clair.

(iv) S'agissant de la télévision de rattrapage

34. Pour les parties notifiantes, les "services de télévision de rattrapage constituent exclusivement le prolongement de la chaîne diffusée en linéaire dans la mesure où ils sont uniquement composés de programmes diffusés en mode linéaire par la chaîne à laquelle ils se rattachent". Elles considèrent donc qu'"on ne saurait considérer qu'il y a une distinction dans la délimitation des marchés entre l'acquisition de droits pour une diffusion linéaire, et l'acquisition de droits pour une diffusion en télévision de rattrapage" (16).

35. Le CSA partage ce point de vue dans la mesure où les droits relatifs à la télévision de rattrapage sont généralement commercialisés de manière indissociée des droits relatifs à la télévision linéaire (17). De même, la très grande majorité des acteurs interrogés dans le cadre du test de marché considère qu'il n'est pas pertinent de distinguer les droits relatifs à une diffusion en télévision de rattrapage des autres droits cinématographiques.

36. Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu, pour l'examen de la présente opération, de retenir un segment de marché distinct pour l'achat de droits cinématographiques destinés à une diffusion sur télévision de rattrapage.

(v) S'agissant des droits destinés à une diffusion sur terminaux mobiles

37. Dans sa décision SFR/Neuf Cegetel du 15 avril 2008, le ministre de l'Economie avait considéré que l'achat de droits de diffusion de programmes audiovisuels destinés à la télévision mobile pouvait constituer un marché pertinent, sans toutefois trancher définitivement la question. Selon les parties notifiantes, cependant, il n'y a pas lieu de segmenter le marché de l'acquisition des droits de diffusion de programmes audiovisuels selon le type de plateforme utilisée dans la mesure où les contenus vendus pour une diffusion sur mobile sont globalement les mêmes que ceux vendus pour une diffusion télévisuelle. Les parties relèvent également que l'acquisition des droits de distribution se fait globalement pour l'ensemble des modes de diffusion y compris les terminaux mobiles et que les contrats d'acquisition prévoient généralement une redevance globale qui couvre la totalité des modes de diffusion (18).

38. Le CSA partage cette analyse et observe que "le secteur audiovisuel se caractérise depuis plusieurs années par une diversification croissante des terminaux (ordinateurs, téléphones mobiles, consoles de jeu portables ou non, tablettes). La possibilité offerte par les distributeurs à leurs abonnés de consommer des services sur des terminaux différents incite les chaînes à acquérir des droits permettant une exploitation des contenus sur l'ensemble des plateformes. De manière générale, les chaînes de télévision et les éditeurs de services de VàD sont présents sur l'ensemble des plateformes et des terminaux, fixes et mobiles, et l'acquisition de droits s'effectue aujourd'hui pour l'ensemble des modes de diffusion" (19).

39. De même, la très grande majorité des acteurs interrogés dans le cadre du test de marché considère qu'il n'est pas pertinent de définir un marché distinct des droits pour une diffusion des contenus audiovisuels à destination des terminaux mobiles. France Télévisions considère ainsi que "les droits de diffusion sur téléphone mobile doivent être appréhendés soit dans la catégorie des services linéaires soit dans la catégorie de services non linéaires. En effet, au regard de la convergence et de la neutralité technologique, la diffusion d'une chaînes reprise sur téléphone mobile se doit d'être considérée comme la reprise d'un service linéaire tandis que la diffusion à la demande d'extraits de contenus audiovisuels doit être considérée comme un service non-linéaire" (20).

40. Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de segmenter le marché d'acquisition des droits selon que ceux-ci sont destinés à une diffusion sur mobiles pour l'examen de la présente opération.

(vi) S'agissant de l'achat de droits relatifs aux séries américaines récentes

41. La pratique décisionnelle a défini un marché des séries américaines récentes au regard de l'évolution de l'attractivité de ces contenus qui revêtent "un caractère de contenu attractif autonome" (21). Elle relève ainsi que de très grandes différences demeurent entre de telles séries et les œuvres cinématographiques, en termes de prix, de conditions de négociations commerciales ou encore de réglementation applicable. Enfin, elle souligne que, compte tenu de l'absence d'un encadrement normatif des fenêtres de diffusion, la concurrence pour l'achat de séries récentes est simultanément animée par les opérateurs de télévision à péage et les opérateurs de télévision en accès libre, y compris pour l'achat de la première diffusion.

42. Les parties notifiantes ne remettent pas en cause ces conclusions. Elles précisent que la concurrence pour l'achat des droits de diffusion de séries américaines récentes est animée à la fois par les opérateurs de télévision payante et en clair, y compris pour les premières diffusions, en l'absence d'application de la chronologie des médias.

43. Les parties relèvent également que le caractère "récent" des séries visées n'aurait pas fait l'objet d'une définition par la pratique décisionnelle. Selon elles, toute saison d'une série américaine diffusée de manière inédite en France pourrait être qualifiées de "récentes" (22). Les parties notifiantes considèrent également que les "sitcoms" devraient être distinguées des autre séries en raison de la durée du programme (26 minutes pour les sitcoms contre 52 minutes pour les séries), leur exposition (les chaînes hertziennes ne diffusant pas de sitcom en prime time), leurs caractéristiques en termes de trame narrative et de format qui les distingueraient des séries (tournage en intérieur, rires en fond sonore).

44. Plusieurs répondants au test de marché estiment qu'il n'est pas pertinent d'exclure les "sitcoms" du marché des séries américaines. Ces contributeurs relèvent que si les "sitcoms" présentent des caractéristiques qui les distinguent des autres séries, en termes de durée de programme, de contenu et de format éditorial, ces seuls facteurs ne suffisent pas à exclure qu'ils remplissent la même fonction pour les clients (en l'occurrence, les chaînes de télévision). Certaines chaînes gratuites considèrent que les "sitcoms" présentent un intérêt comparable aux autres séries, en terme notamment d'exposition et de revenus tirés de leur diffusion.

45. GCP elle-même diffuse des "sitcoms" en clair sur sa chaîne Canal+ durant les plages horaires heures de grande écoute (30 Rock et Les Simpson) (23). Or, comme GCP le souligne lui-même, les programmes diffusés en clair par sa chaîne premium "constituent la vitrine de la chaîne vis-à-vis de l'ensemble des téléspectateurs, y compris les non abonnés" (24). L'horaire de diffusion choisi par GCP pour ces programmes (18 h 20) correspond également à une période des grilles durant lesquelles les audiences sont croissantes (25).

46. Par ailleurs, s'agissant du caractère "récent" des programmes susceptibles de relever du marché pertinent il ressort de l'instruction que tous les détenteurs de droits organisent contractuellement un fenêtrage de diffusion dans leurs contrats de vente distinguant une première fenêtre de "télévision payante premium" de fenêtres ultérieures pour la télévision gratuite et télévision payante non-premium. En application de ces clauses, lorsque la première fenêtre de diffusion payante d'une série est acquise, sa période d'exploitation, qui ne débute qu'un an après la première diffusion de la série aux Etats-Unis, est généralement de 12 mois. Il s'ensuit que, dans ce cas de figure, la fenêtre de diffusion en télévision en clair ne peut être exploitée avant un délai de deux ans après une première diffusion aux Etats-Unis. Les séries "récentes" au sens du marché pertinent ont donc au moins deux ans depuis leur première diffusion aux Etats-Unis.

47. De plus, selon le CSA il ne convient pas d'exclure les séries primo-diffusées sur une chaîne payante du marché pertinent puisque la rediffusion de certaines séries en clair n'exclut nullement de fédérer une audience importante. Le CSA estime donc qu'il conviendrait plutôt de qualifier de "séries américaines récentes" celles dont la première saison a été produite il y a moins de 36 mois (ou est en cours de production) (26).

48. En tout état de cause, la délimitation précise du marché pertinent peut demeurer ouverte sur ce point, car elle est sans conséquence sur l'analyse concurrentielle.

b) Délimitation des marchés géographiques

49. La pratique décisionnelle a considéré que l'ensemble des marchés relatifs aux droits cinématographiques étaient de dimension nationale, dans la mesure où les droits sont acquis uniquement pour le territoire national ou, tout au plus, pour une même zone linguistique (27). Il en va de même pour les séries.

50. Ni les parties notifiantes, ni les répondants au test de marché ne contestent la pertinence de cette analyse. Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause la délimitation géographique des marchés relatifs aux droits cinématographiques à l'occasion de l'examen de la présente opération.

2. MARCHÉ DES DROITS SPORTIFS

a) Délimitation des marchés de produit

(i) Rappel de la pratique décisionnelle

51. A l'occasion de l'examen de la prise de contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite par Vivendi et GCP en 2006, les autorités de concurrence ont considéré qu'une distinction entre les droits sportifs relatifs à une diffusion en clair et ceux relatifs à une diffusion payante (services linéaires) n'avait pas lieu d'être, dès lors que les droits sportifs sont le plus souvent vendus de manière indifférenciée, que le mode d'exploitation soit payant ou gratuit (28).

52. Les autorités de concurrence ont également distingué en 2006 un marché des droits sportifs vendus pour une diffusion en vidéo à la demande et en PPV d'un marché des droits sportifs vendus pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite, en raison essentiellement des différences en termes de demande, directe et finale, et des différences tenant aux caractéristiques des produits commercialisés.

53. De plus, la pratique décisionnelle (29) a procédé traditionnellement à une distinction entre les droits portant sur le football et les droits portant sur les autres disciplines sportives du fait de la prééminence du football et de sa capacité à générer de fortes audiences et à motiver l'abonnement à une chaîne payante.

54. La pratique décisionnelle distingue donc les marchés suivants :

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des matches de la Ligue 1 de football ;

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des championnats étrangers de football les plus attractifs ;

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des autres compétitions de football ;

- le marché de l'achat de droit pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des événements sportifs d'importance majeure autres que footballistiques ; et

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des compétitions sportives autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure.

55. Pour analyser les effets de l'opération, il convient de préciser la délimitation des marchés de l'achat de droits relatifs à des championnats étrangers de football les plus attractifs (ii) et de rappeler le régime juridique applicable aux événements sportifs d'importance majeure (iii).

(ii) S'agissant de l'achat de droits relatifs à des championnats étrangers de football les plus attractifs

56. Le ministre de l'Economie a défini en 2006 un marché des acquisitions de droits relatifs aux championnats étrangers de football attractifs comprenant notamment les championnats anglais, espagnol, italien et allemand. Dans sa décision n° 11-D-12, l'Autorité a également relevé que les cinq premiers championnats européens de l'indice UEFA (indice qui permet d'établir le classement des performances des différentes associations de football membres de l'UEFA) étaient la France, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie (30).

57. Outre l'indice UEFA, différents éléments conduisent à envisager un marché des championnats étrangers de football les plus attractifs aux contours restreints, limité aux championnats anglais, espagnol, italien et allemand. En effet, des différences significatives distinguent ces quatre championnats, en termes de prix payés par les chaînes pour l'acquisition des droits de diffusion, d'identité des acheteurs et des audiences réalisées par la diffusion des matches de ces championnats.

58. Dans son avis, le CSA relève que les parties suggèrent une définition plus étendue du marché pertinent, mais que "les parties notifiantes incluent dans le périmètre du marché des championnats qui sont peu attractifs, soit en raison de leur classement à l'indice UEFA (Écosse), soit en raison de contraintes liées au décalage horaire (Brésil, Argentine), qui diminuent l'attractivité de la programmation en direct" (31).

59. Il ressort également du test de marché que les championnats anglais, espagnol, italien et allemand présentent, pour les chaînes, une attractivité supérieure à celle d'autres championnats étrangers (32).

60. Il s'ensuit que le marché des droits de diffusion des championnats étrangers attractifs doit être défini comme comportant les droits relatifs aux championnats anglais, allemand, espagnol et italien.

(iii) S'agissant des événements sportifs d'importance majeure

61. Conformément à l'article 20-2 de la loi du 30 septembre 1986 certains événements sportifs dits "d'importance majeure", dont la liste est fixée par le décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004, doivent être retransmis "sur un service de télévision à accès libre". Ces événements sont les suivants :

1° les Jeux Olympiques ;

2° les matches de l'équipe de France de football inscrits au calendrier de la FIFA ;

3° le match d'ouverture, les demi-finales et la finale de la Coupe du monde de football ;

4° les demi-finales et la finale du Championnat d'Europe de football ;

5° la finale de la Coupe de l'UEFA lorsqu'un groupement sportif inscrit dans l'un des championnats de France y participe ;

6° la finale de la Ligue des champions de football ;

7° la finale de la Coupe de France de football ;

8° le tournoi de rugby des Six Nations ;

9° les demi-finales et la finale de la Coupe du monde de rugby ;

10° la finale du championnat de France de rugby ;

11° la finale de la coupe d'Europe de rugby lorsqu'un groupement sportif inscrit dans l'un des championnats de France y participe ;

12° les finales des simples du tournoi de tennis de Roland-Garros ;

13° les demi-finales et les finales de la Coupe Davis et de la Fed Cup lorsque l'équipe de France de tennis y participe ;

14° le Grand Prix de France de formule 1 ;

15° le Tour de France cycliste masculin ;

16° la compétition cycliste "Paris-Roubaix" ;

17° les finales masculine et féminine du championnat d'Europe de basket-ball lorsque l'équipe de France y participe :

18° les finales masculine et féminine du championnat du monde de basket-ball lorsque l'équipe de France y participe ;

19° les finales masculine et féminine du championnat d'Europe de handball lorsque l'équipe de France y participe ;

20° les finales masculine et féminine du championnat du monde de handball lorsque l'équipe de France y participe ;

21° les championnats du monde d'athlétisme.

62. En application de cette réglementation, si un opérateur de télévision payante détient les droits relatifs à un des événements sportifs cités ci-dessus, et ne peut pas ou ne veut pas assurer la diffusion en clair, il est obligé de remettre sur le marché les droits de diffusion en clair de l'événement en question à des conditions de marché équitables, raisonnables et non discriminatoires (33).

63. Ces spécificités conduisent à distinguer un marché pertinent de l'acquisition des droits de diffusion des évènements sportifs d'importance majeure.

b) Délimitation des marchés géographiques

64. La pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence (34) considère que l'ensemble des marchés relatifs aux droits sportifs est de dimension nationale. En effet, même pour des compétitions de dimension supranationale, les droits sont vendus, dans leur très grande majorité, pays par pays et sont achetés exclusivement pour le territoire national. La nécessité de circonscrire l'analyse au territoire français est encore plus importante lorsqu'il s'agit des compétitions nationales, qui présentent en effet des spécificités importantes dues, notamment, à des facteurs culturels et aux préférences nationales.

65. Les répondants au test de marché ont validé cette définition. Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause cette définition pour l'analyse de la présente opération.

B. MARCHÉ DE LA PUBLICITÉ TÉLÉVISUELLE

1. DÉLIMITATION DU MARCHÉ DE PRODUITS

66. La pratique décisionnelle a considéré que le marché de la publicité télévisuelle était distinct des autres marchés de la publicité (cinéma, presse, radio, affichage, internet, etc.).

67. S'agissant en particulier de la publicité sur internet, la plupart des opérateurs de télévision gratuite qui ont répondu au test de marché reconnaissent une convergence croissante avec la publicité télévisuelle du fait du développement de la publicité par display video sur internet. A cet égard, TF1 déclare que "à ce jour, la publicité sur Internet (search et display) demeure un marché distinct de la publicité télévisée. Il existe cependant une convergence forte entre la télévision et le segment du display vidéo. Le display vidéo permet en effet la diffusion d'un spot publicitaire, souvent le même que celui diffusé en télévision. En outre, les annonceurs qui achètent des spots télévisés sont généralement les mêmes que ceux qui investissent sur le média télévisé (plus de 75 % des annonceurs présents sur le display vidéo sont des annonceurs également présents sur TF1). Cette convergence entraîne une pression concurrentielle accrue du display vidéo sur le marché de la publicité télévisée" (35).

68. Les annonceurs interrogés lors du test de marché considèrent cependant que la publicité télévisuelle et la publicité sur internet constituent encore des marchés différents. A cet égard, MMA estime que "l'internet n'a pas le même rôle que la télévision. Internet est un terme vaste pour désigner une multiplicité de sites, de formats et de modalités d'achat. La TV est un média de puissance instantanée, adressé à un ensemble de population, ciblage de masse. L'internet délivre un message destiné à une personne précise, ciblage "one to one" (36). Orange considère également qu'"internet ne permet pas encore une diffusion instantanée à un niveau d'audience équivalent à certains programmes TV" (37).

69. Dans sa décision Google/DoubleClick, la Commission européenne a ainsi considéré que la publicité en ligne et la publicité hors ligne constituaient deux marchés distincts (38). Elle a notamment relevé la spécificité en termes de ciblage de la publicité en ligne et la différence en termes de tarification entre les deux marchés. L'Autorité de la concurrence a également retenu cette distinction dans sa décision n° 10-DCC-11, relative à la prise de contrôle de TMC et NT1 par TF1, considérant par ailleurs qu'il n'était pas pertinent de segmenter le marché de la publicité télévisuelle sur la base des cibles, des horaires de diffusion et de la puissance des écrans. Le CSA et les répondants au test de marché valident cette approche dans le cas d'espèce (39).

70. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de prendre en considération un marché distinct de la publicité télévisuelle.

2. DÉLIMITATION DU MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

71. Selon les autorités de concurrence européenne et nationale (40), la dimension géographique du marché de la publicité télévisuelle est nationale, du fait des barrières linguistiques et culturelles, sauf en matière de publicité télévisuelle locale, pour laquelle le marché pertinent serait d'une dimension correspondant à la zone de diffusion de la télévision.

72. Les répondants au test de marché valident cette définition. Il n'y a donc pas lieu de la remettre en cause à l'occasion de la présente opération.

IV. Analyse concurrentielle

73. Le marché de la télévision gratuite est un marché "biface", dans la mesure où son équilibre économique ne peut être appréhendé indépendamment des conditions prévalant sur d'autres marchés (41). En effet, le marché de la publicité télévisuelle n'existerait pas en l'absence de l'audience des téléspectateurs, elle-même générée par les contenus audiovisuels acquis par les éditeurs de chaînes de télévision. Inversement, le développement des marchés de droits sur les contenus audiovisuels et la puissance d'achat des chaînes gratuites sont subordonnés aux recettes dégagées par ces dernières sur le marché de la publicité télévisuelle.

74. Afin d'évaluer de manière pertinente les effets de la présente opération sur la concurrence, il est donc indispensable de tenir compte du caractère interdépendant de ces marchés. A cet égard, dans la décision Veronica/Endemol du 20 septembre 1995 (42), la Commission européenne a mis en exergue l'interdépendance entre l'acquisition de droits, l'audience et la part de marché publicitaire, en observant que "les recettes élevées que permet d'engranger le marché de la publicité permettent l'acquisition de programmes plus attrayants et de droits sur les retransmissions sportives et, partant, de renforcer la position de l'opérateur sur le marché des téléspectateurs. L'accès privilégié aux programmes les plus attrayants renforce la position de HMG à la fois sur le marché des téléspectateurs et sur celui de la publicité (...)".

75. Au cas d'espèce, l'opération consistant en l'acquisition de deux chaînes gratuites par le principal acteur de la télévision payante française, les chevauchements d'activités sont limités (A). L'opération notifiée se distingue cependant par d'importants risques d'effets non-horizontaux puisque GCP pourra, à l'issue de la concentration, prendre appui sur sa puissance d'achat de droits de diffusion en télévision payante pour conférer à Direct 8 et Direct Star un accès privilégié aux droits de diffusion en clair des contenus les plus attractifs, verrouillant par ce biais l'accès aux droits des concurrents de la nouvelle entité. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations considèrent en effet que le "verrouillage" ou la "forclusion" d'opérateurs concurrents à la suite d'une opération de concentration, constitue une forme d'entrave ou de fermeture de l'accès des opérateurs tiers aux sources d'approvisionnement ou aux marchés, réduisant ainsi leur capacité et/ou leur incitation à animer la concurrence (43).

76. A ce titre, l'opération entraîne d'importants effets congloméraux qui consisteront pour GCP à prendre appui sur sa position dominante, voire son monopole, sur différents marchés d'acquisition de droits pour une diffusion sur télévision payante, comme d'un levier (on parle d'"effets de levier") pour obtenir des droits relatifs à une diffusion en clair dans des conditions privilégiées et hors de portée de ses concurrents (B).

77. De plus, l'opération soulève également des risques relevant d'effet verticaux, puisque GCP pourra exploiter les droits qu'il détient pour la diffusion de contenus cinématographiques (films de catalogue) ou sportifs (évènements d'importance majeure) pour restreindre l'accès des chaînes concurrentes de Direct 8 et Direct Star à ceux-ci (C).

78. Enfin, certains opérateurs ayant fait valoir que l'opération entraînait un effet dit de "spirale d'audience", il conviendra également d'examiner l'impact de la concentration à ce titre (D).

A. EFFETS HORIZONTAUX

79. Dans la mesure où les activités principales des parties prennent place sur des marchés connexes, l'opération n'entraîne que des chevauchements horizontaux limités, tant en matière d'acquisition et de diffusion de contenus cinématographiques que sportifs.

80. En matière cinématographique, les parties interviennent simultanément sur le marché des achats de films de catalogue. Sur ce marché, l'opération conduit à une addition minime de parts de marché. Il convient de noter que GCP a récemment acquis, au cours des mois d'avril et de mai 2012, les droits de diffusion en clair de [confidentiel]. De la même manière, GCP est en cours de négociation pour l'acquisition de droits de diffusion en clair [confidentiel] de films supplémentaires auprès d'autres détenteurs de droits, français [confidentiel] et étrangers [confidentiel]. Ces acquisitions, quoique non négligeables, sont cependant insuffisantes, ajoutées aux achats de Direct 8 et Direct Star, pour caractériser un effet horizontal (44).

81. En matière d'acquisitions de droits sportifs, GCP et le groupe Bolloré Médias sont simultanément présents sur le marché des compétitions sportives autre que footballistiques et hors évènements d'importance majeure et sur le marché des compétitions de football autres que la Ligue 1, les compétitions régulières auxquelles participent des clubs français et les championnats étrangers attractifs.

82. En premier lieu, sur le marché des compétitions sportives autre que footballistiques et hors évènements d'importance majeure, GCP est l'acheteur unique de droits de compétitions de rugby (Top 14), de basket (ProA et ProB, championnat d'Europe et Euro League), de handball (Championnat de France, Ligue des champions, championnat d'Europe et du monde), de tennis (Wimbledon), de golf (Ryder Cup, USPGA) et de boxe. GCP fait face à la concurrence de TF1 (Coupe du monde de rugby et Formule 1), France Télévisions (coupe d'Europe de rugby, coupe Davis), ainsi qu'Eurosport (tennis, cyclisme, sports mécaniques et sports d'hiver) et, très marginalement, de Bolloré Médias. GCP estime sa part de marché à [40-60] %.

83. Le groupe Bolloré détient pour sa part les droits des tours finaux du tournoi de tennis féminin de Paris (Open Gaz de France), des épreuves de championnat du monde de rallye WRC et de quelques réunions de boxe. Les investissements effectués par Direct 8 et Direct Star sont estimés à [...] euro par an, ce qui correspond à une part de marché de 0,2 %. Au regard du très faible chevauchement d'activité entre les parties, l'opération n'entraîne pas d'atteinte à la concurrence sur ce marché.

84. En second lieu, sur le marché des autres compétitions de football, qui regroupent les droits des compétitions autres que la Ligue 1, les compétitions régulières auxquelles participent des clubs français et les championnats étrangers attractifs, GCP détient, de façon ponctuelle, les droits de divers matches de qualification et de matches amicaux d'équipes nationales étrangères, et estime sa part de marché à environ 6 %. Le groupe Bolloré Médias détient les droits des rencontres des équipes de France espoirs et féminines et une part de marché inférieure à 1 %. Les opérateurs principaux sur ce marché sont M6 (environ 25 % de part de marché) et TF1 (environ 60 %) qui ont détenu conjointement les droits des coupes du monde de football 2006 et 2010 et des championnats d'Europe 2008 et 2012 (avec Al Jazeera pour cette dernière édition). Au regard du très faible chevauchement d'activité entre les parties, l'opération n'entraîne pas d'atteintes à la concurrence sur ce marché.

B. EFFETS CONGLOMÉRAUX

85. Une concentration est susceptible d'entrainer des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur des marchés présentant des liens de connexité avec d'autres marchés sur lesquels elle détient un pouvoir de marché. En l'espèce, l'opération permet à GCP d'étendre son activité sur les marchés de l'acquisition de droits pour la diffusion en clair de séries télévisées et films américains et sur le marché du préachat de droits de diffusion en clair de films EOF en prenant appui sur sa position prééminente sur les marchés amont de l'acquisition de droits pour une exploitation en fenêtre payante, notamment en procédant à des achats groupés.

86. De telles acquisitions peuvent porter atteinte à la concurrence sur les marchés d'achats de droits en clair dans la mesure où l'équilibre économique des chaînes de la télévision gratuite repose en grande partie sur l'accès à des droits de diffusion attractifs qui sont en nombre limité. GCP, du fait de sa position en matière d'acquisition de droits pour une diffusion en télévision payante, est un acheteur incontournable pour les détenteurs de droits. A l'issue de la concentration GCP achètera à la fois des droits pour la télévision payante et pour la télévision en clair et sera capable d'obtenir un accès privilégié à ces droits, aucun de ses concurrents sur les marchés de la télévision gratuite n'étant en mesure de répliquer ses offres. L'opération risque donc de restreindre l'accès des concurrents de la nouvelle entité à des contenus attractifs et, par conséquent, de réduire leur capacité à animer la concurrence.

87. La pratique décisionnelle européenne et nationale considère qu'une opération conglomérale porte atteinte à la concurrence lorsque la nouvelle entité a non seulement la capacité matérielle d'exercer un effet de levier, mais également lorsqu'elle est incitée à le faire et que l'exercice de cet effet de levier a un impact significatif sur la concurrence sur les marchés concernés (45). La capacité et les incitations de GCP à exploiter des effets de levier seront examinés successivement s'agissant des séries et films américains (1) et des films EOF (2). Compte tenu des caractéristiques communes des conséquences de la mise en œuvre de ces comportements sur les autres chaînes gratuites, il conviendra d'examiner conjointement l'impact concurrentiel des effets de levier pour ces deux types de produits (3).

1. EFFETS DE LEVIER S'AGISSANT DES SÉRIES ET FILMS AMÉRICAINS

88. Pour analyser les effets de levier que permettront l'opération, il convient d'expliquer les modalités de commercialisation des droits de diffusion de séries télévisées et films américains (a) avant d'examiner la capacité des parties (b) et leurs incitations à mettre en œuvre un effet de levier (c).

a) Sur les modalités de commercialisation des séries télévisées et films américains

(i) L'identité et l'offre des détenteurs de droits

89. Les droits des œuvres cinématographiques et des séries américaines sont détenus par un nombre restreint de groupes américains. Parmi ces entités, six groupes contrôlent les studios dits "majors", qui produisent la grande majorité des films et séries moteurs d'audience pour la télévision gratuite et d'abonnement pour la télévision payante. Ces groupes sont organisés autour d'une structure complexe qui intègre des activités diverses dans le secteur des médias, parmi lesquels la production de films et de séries, l'édition et la commercialisation de chaînes et de bouquets et d'autres activités :

- Paramount : une filiale du groupe Viacom, lui-même contrôlé par National Amusements, Inc. ("NAI"), dont les activités de production cinématographique sont réparties entre plusieurs entités, parmi lesquelles Paramount Pictures, MTV Films, Nickelodeon Movies, etc. Viacom édite plusieurs chaînes de télévision aux Etats-Unis, et notamment Comedy Central, BET, Nickelodeon et le bouquet Epix, une entreprise commune avec MGM et Lionsgate. NAI contrôle également CBS Corporation, dont les activités incluent le bouquet premium Showtime ;

- NBC Universal : une entreprise commune entre Comcast et GE depuis 2009. La production cinématographique de NBC Universal est réalisée par Universal Pictures et Focus Features. En matière télévisuelle, NBC Universal édite plusieurs chaînes et bouquets américains, parmi lesquels A&E Television Networks, CNBC, E !, MSNBC, SyFy et USA Network ;

- Fox Entertainment : une filiale de News Corporation, dont la production cinématographique est notamment assurée par Twentieth Century Fox Film. Fox édite un grand nombre de chaînes et a une importante activité de production et de diffusion de séries ;

- Warner Bros Entertainment : une filiale de Time Warner, dont les activités couvrent la production de films par le studio Warner Bros., et la production de séries télévisuelles, ainsi que le bouquet premium HBO ;

- The Walt Disney Company : dont les activités de production cinématographiques sont notamment assurées par Walt Disney Pictures, Touchstone Pictures, Hollywood Pictures et Disneynature. Le groupe contrôle également Disney/ABC Television, qui regroupe le bouquet ABC, dont les activités incluent la production et la diffusion de séries ;

- Sony Pictures Entertainment : une filiale de Sony Corporation dont les activités de production cinématographique sont confiées à Columbia Pictures, Sony Pictures Classics, Screen Gems et TriStar Pictures.

90. Le tableau suivant reprend, pour chaque major, les principales activités pertinentes pour la présente décision :

<EMPLACEMENT TABLEAU 2>

91. D'autres studios complètent l'offre cinématographique et séries, parmi lesquels on trouve au premier plan Lionsgate, Dreamworks, Metro-Goldwyn-Mayer Inc. ("MGM"), New Regency, The Weinstein Company. L'offre télévisuelle, notamment en matière de séries, émane également de groupes indépendants. Parmi ces groupes figurent Starz, une quatrième offre premium aux côtés de HBO, Showtime et Epix, qui diffuse également des contenus cinématographiques premium (notamment produits par Sony et Walt Disney) et des séries télévisées, ainsi que AMC Networks, qui édite les chaînes AMC, IFC et Sundance Channel.

92. Les majors produisent environ 80 % des séries américaines. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, le volume de production de séries n'est pas équivalent entre les différents studios, les deux premiers producteurs (Warner Bros. et NBC Universal) représentant, en 2011, 48 % de la production de l'ensemble des majors. Même si le nombre de séries prévues pour la saison 2012-2013 reste indicatif, la production des séries étant susceptible d'être arrêtée au cours de leur première saison lorsque leur performance est insuffisante, les chiffres indiqués ci-dessus fournissent cependant un ordre de grandeur qui tend à montrer que Warner Bros. et NBC Universal devraient continuer de représenter plus d'un tiers de la production des majors.

93. Au niveau européen, selon une étude récente (54), le groupe Paramount/CBS est le premier distributeur de séries importées avec 4 861 heures de prime time réparties sur les 119 chaînes (la plupart gratuites) dans 21 pays européens, parmi lesquels la France, avant Warner Bros., avec 3 891 heures en prime time, Disney (3 327 heures), NBC Universal (2 901 heures), Fox (2 408 heures), Sony (757 heures) et MGM (191 heures).

94. En dehors des majors, les studios américains indépendants et de petites sociétés de production assurent 20 % de la production. Parmi les studios indépendants figurent notamment Lionsgate et Dreamworks, avec 4 séries chacun en 2011.

(ii) La demande

95. Du côté de la demande, en ce qui concerne les droits d'œuvres cinématographiques, compte tenu de la chronologie des médias, les chaînes de télévision gratuites ne peuvent acheter que les droits de films inédits en clair et de films de catalogue. L'accord du 6 juillet 2009 pour le réaménagement de la chronologie des médias ouvre en effet la fenêtre de diffusion de films en clair 22 mois après la sortie des films en salle lorsque le service applique des engagements de coproduction de 3,2 % de son chiffre d'affaires, et de 30 mois dans les autres cas. Les chaînes payantes peuvent également acheter des films de catalogue mais les principales chaînes payantes sont essentiellement à la recherche de droits portant sur des films de première et/ou de seconde fenêtre payante que n'ont pas le droit d'acquérir les chaînes gratuites.

96. En revanche, il n'existe aucune réglementation relative aux fenêtres de diffusion des séries télévisuelles, et toutes les chaînes de télévision gratuites et payantes se concurrencent pour l'acquisition de ces droits.

97. Outre cet aspect réglementaire, la capacité financière des groupes audiovisuels français induit des différences significatives dans la structure de la demande, seules les chaînes nationales historiques étant en mesure d'investir dans des contrats de plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions d'euro pour les achats de droits de diffusion de films inédits en clair et de séries. Dans une moindre mesure, les nouvelles chaînes de la TNT peuvent cependant conclure des accords portant sur des contenus au potentiel d'audience moindre, consistant en des films de catalogue et des séries ayant déjà fait l'objet d'une exploitation en clair, voire sur certaines séries inédites achetées à l'unité.

(iii) Les contrats de vente et la négociation des achats de droits

98. Les droits portant sur les films américains récents et les séries américaines récentes s'obtiennent par le biais de deux types d'accords :

- des contrats-cadre ou "output deals" conclus avec les studios américains : contrats pluriannuels portant sur un ensemble d'œuvres cinématographiques non préalablement identifiés ou, en ce qui concerne les séries, garantissant un ordre de priorité dans les acquisitions de séries. Ces contrats représentent actuellement la majorité des ventes des détenteurs de droits ; ou

- des contrats ponctuels portant sur une ou plusieurs œuvres (on parle alors aussi parfois de "package deal") identifiés à la différence du contrat-cadre. Les studios américains s'engagent dans ces contrats, comme tout fournisseur de programmes, à délivrer le matériel de diffusion des films aux dates convenues avec le diffuseur et à accorder les droits de diffusion pour des périodes dont la durée est fixée par le contrat.

99. Les output deals constituent un enjeu commercial majeur sur les marchés concernés puisqu'ils représentent la grande majorité du chiffre d'affaires des détenteurs de droits auprès des opérateurs de télévision. En France, en 2011, sur le chiffre d'affaires total réalisé par les six majors pour la vente de droits de diffusion de films et séries en télévision, [60-70] % provenait d'output deals. Ce constat est encore plus marqué dans le secteur de la télévision payante, puisque les studios y réalisent, selon les groupes, entre 78 % et la totalité de leurs ventes par le biais de contrats-cadre. En télévision gratuite, les revenus tirés d'output deals représentent, en moyenne, [45-55] % du chiffre d'affaires des majors dans ce secteur en France.

100. Les contrats-cadre sont généralement conclus pour des durées allant de 3 à 6 ans. S'agissant de films américains pour une diffusion en première et deuxième fenêtre de télévision payante, l'acheteur s'engage à acquérir tous les films produits par le studio remplissant des critères prédéfinis par le contrat. L'éditeur doit acquitter un prix variable pour chaque film qui est généralement indexé sur le nombre d'abonnés au service de télévision payante ainsi que sur le nombre d'entrées en salle générées par le film en question. L'éditeur garantit au studio un prix minimum ou un nombre minimum d'abonnés. En plus des films récents, les contrats-cadre incluent généralement l'obligation pour l'éditeur d'acheter des droits relatifs aux films de catalogue ou films pour la télévision. Les œuvres cinématographiques récentes jouent ainsi un rôle moteur permettant au studio de vendre des droits moins attractifs. Certains contrats-cadre comportent également des droits de diffusion sur d'autres plateformes (diffusion sur internet, sur terminal mobile, etc.). Les droits de films pour une diffusion en télévision payante sont acquis en exclusivité, ce qui signifie qu'aucun autre diffuseur en clair et payant n'est autorisé à diffuser les programmes couverts par le contrat pendant la période d'exclusivité consentie, sauf accord de l'acquéreur.

101. Les contrats-cadre relatifs aux séries sont conclus pour des périodes de 3 à 4 ans. Comme expliqué ci-dessus, les séries n'étant pas concernées par la chronologie de médias, les éditeurs de chaînes payantes et les éditeurs de chaînes gratuites sont en concurrence pour la conclusion de contrats-cadre avec les studios américains. Les séries américaines font l'objet d'une forte demande de la part des chaînes gratuites car elles constituent un des programmes les plus rentables dans leurs grilles de programmation. Tous les contrats-cadre actuellement en vigueur sont conclus avec des chaînes gratuites. Dans le cadre de ces contrats les studios américains couplent la vente des séries avec des films pour une première diffusion en télévision gratuite et avec des œuvres de catalogue.

102. Les contrats-cadre relatifs aux séries donnent aux chaînes le droit d'acquérir en priorité par rapport à tout autre acheteur un nombre déterminé de séries parmi l'offre (le "lineup") des détenteurs de droits (on parle de système de "premiers choix") et l'obligent à acquérir un minimum garanti de séries (entre 3 et 5 selon les contrats). Il ressort de l'instruction que les premiers choix de séries (les 2 ou 3 premiers choix selon les chaînes) sont déterminants pour les chaînes étant donné le faible nombre de séries à fort potentiel de succès. Le groupe M6 indique ainsi être "très dépendant des séries américaines à succès (généralement acquises au titre des premier et second choix dans les OPD) pour ses écrans puissants" (55). De la même manière, pour TFI, "dans le cadre de screenings il y a toujours au moins 3 séries qui sont susceptibles de faire de fortes audiences" (56). Ainsi, le système des premiers choix permet aux acheteurs d'obtenir un premier regard et de sélectionner, au sein de l'offre, les produits les plus à même de fédérer une audience suffisante compte tenu de leur politique éditoriale. Les informations versées par les chaînes au dossier et leur témoignage en séance montrent que l'appréciation de l'attractivité d'une série étant un exercice qualitatif, la détention d'un droit de sélection prioritaire sur l'offre constitue un élément crucial de la capacité des chaînes à composer une grille attractive et, donc, animer la concurrence en aval. Les droits des séries qui n'ont pas été choisies peuvent être achetés par d'autres acteurs dans le cadre d'achats unitaires ponctuels.

103. Comme indiqué plus haut, les majors organisent contractuellement différentes fenêtres de diffusion, selon les services télévisuels auxquels les droits sont vendus. Ces fenêtres distinguent successivement les chaînes payantes "premium" (pay TV), les chaînes en clair (free TV) et les chaînes payantes "non-premium" (basic television) (57). Ces catégories correspondent largement aux distinctions effectuées par la pratique décisionnelle puisque les majors ont identifié que les chaînes Canal+, Orange Cinéma Séries et, anciennement, TPS Star, relevaient de la catégorie pay television, les chaînes gratuites françaises de la catégorie free television et les chaînes payantes thématiques de la catégorie basic television.

104. Afin d'assurer le caractère inédit et l'exclusivité des séries, les droits acquis font dans certains contrats l'objet de clauses dites de "holdback". Il existe deux types de clause de holdback :

- les clauses de holdback applicables avant l'ouverture de la fenêtre d'exploitation des droits achetés par l'éditeur, qui permettent de préserver le caractère inédit du programme, en évitant ou en limitant leur exploitation préalable par un autre opérateur dudit programme avant que celui-ci ne soit diffusé sur les chaînes de l'éditeur en question (ainsi, par exemple, une clause de holdback peut permettre à une chaîne gratuite d'éviter l'exploitation d'une série sur une fenêtre précédente ouverte aux chaînes payantes "premium") ;

- les clauses de holdback applicables pendant la période d'exploitation des droits achetés par l'éditeur, qui permettent de préserver le caractère exclusif du programme, en évitant ou en limitant les exploitations parallèles des mêmes programmes par d'autres opérateurs.

105. La portée des clauses de holdback varie selon les types de programmes achetés (films inédits et séries inédites). Par exemple, certains contrats-cadre limitent la clause de holdback avant l'ouverture des droits achetés par l'acquéreur, aux premier et deuxième choix de séries. Ces limitations permettent donc aux détenteurs de droits de vendre les droits de séries choisies en troisième et quatrième choix pour une exploitation en fenêtre payante avant qu'elles puissent être diffusées par le titulaire (éditeurs de chaînes gratuites) des contrats-cadre.

106. Les séries sont choisies lors du visionnage de "pilots" (premier épisode d'une nouvelle série) à l'occasion de diffusions ("screenings") qui ont lieu tous les ans au mois de mai à Los Angeles aux Etats-Unis. Lors des screenings, auxquels sont invités les acheteurs des opérateurs de télévision internationaux, les studios américains présentent une cinquantaine de pilots. Les screenings donnent donc l'occasion aux titulaires de contrats-cadre de choisir les séries qu'ils souhaitent en application de leurs priorités contractuelles. Pour les autres opérateurs, les screenings permettent de prendre connaissance de l'offre en vue de conclure des contrats d'acquisition ponctuels portant sur les séries qui ne font pas l'objet d'acquisition en application de contrats-cadre ou, si elles ont été acquises pour une diffusion en télévision gratuite en application des contrats-cadre, sont libres de droits pour d'autres fenêtres ou d'autres plateformes.

b) Sur la capacité des parties à mettre en œuvre un effet de levier sur les marchés d'achat des droits de diffusion de séries et films américains

107. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère qu'une concentration concernant plusieurs marchés connexes est susceptible d'entraîner des effets congloméraux si l'entité issue de l'opération bénéficie d'une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier. Ce risque est en principe écarté lorsque la part de la nouvelle entité sur le marché à partir duquel elle pourrait faire jouer un effet de levier ne dépasse pas 30 % (58). En revanche, s'il est établi que la nouvelle entité dispose d'un pouvoir de marché dans un marché concerné, il convient d'analyser si elle pourra en faire usage pour renforcer sa position sur un marché connexe. Il est donc nécessaire d'analyser la position que détiendra GCP après l'opération sur le marché de l'acquisition de films américains sur la télévision payante avant de démontrer si le groupe, en prenant appui sur cette position, pourra mettre en œuvre un effet de levier afin de favoriser l'acquisition de films et de séries pour une diffusion en télévision gratuite.

(i) Position des parties

Position de GCP et barrières à l'entrée

108. GCP détient une position prépondérante sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents, au moins depuis l'acquisition, en 2006, de TPS par Vivendi et GCP59. Depuis cette date, la puissance d'achat de GCP n'a pas été réellement remise en cause. Malgré l'entrée d'Orange sur le marché, le tableau ci-dessous montre que GCP a maintenu une part de marché de près de [80-90] % en nombre de films et d'environ [60-70] % en termes de montant des acquisitions.

<EMPLACEMENT TABLEAU>

109. Cette position s'est renforcée récemment avec la signature par GCP, le [confidentiel], d'un [confidentiel]. GCP sera donc désormais en situation de monopole en matière de contrats-cadre avec les majors américains. Cette situation est appelée à perdurer, compte tenu de la durée restant à courir de la plupart des contrats signés avec les studios et de leurs options de reconduction :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

110. GCP, titulaire de contrats-cadre portant sur l'acquisition des droits de diffusion de films récents en première et deuxième fenêtre avec la totalité des six majors, est donc en situation de quasi-monopsone pour l'acquisition de films américains pour une exploitation en première et deuxième fenêtre de télévision payante.

111. GCP conteste cependant ce constat en relevant que plusieurs des contrats-cadre dont il est actuellement titulaire arriveront prochainement à échéance. Néanmoins, s'il apparaît effectivement que plusieurs des contrats en cours arriveront à échéance [confidentiel], certains sont assortis de clauses de reconduction par les studios. Plus fondamentalement, l'instruction a montré qu'il n'existait, en l'état du marché, aucun acheteur alternatif pour la vente des droits de premières fenêtres de télévision payante par les studios américains.

112. En effet, ce marché est caractérisé par d'importantes barrières à l'entrée. D'abord, les contrats-cadre qui structurent les relations contractuelles avec les studios sont de longue durée (60) et très onéreux. Il existe aussi une grande opacité concernant les dates d'expiration de contrats en vigueur et les options de reconduction contenues dans les contrats renforcent cette barrière à l'entrée. Cette opacité constitue une barrière à l'entrée même si, comme l'indique GCP dans ses observations, les options de reconduction sont à l'initiative des majors.

113. De fait, la seule expérience d'entrée sur ce marché depuis l'acquisition de TPS par GCP est celle de France Télécom-Orange (ci-après, "Orange"). Orange est entré en 2008 sur le marché de l'édition et de la commercialisation de chaînes cinéma en commercialisant les chaînes du bouquet Orange Cinéma Séries ("OCS") : Orange Cinémax, Orange Cinéhappy, Orange Cinéchoc, Orange Cinénovo et Orange CinéGéants. Pour éditer ces chaînes, Orange a procédé à des acquisitions de droits de films américains et séries américaines pour une exploitation en télévision payante. Il convient donc d'examiner l'intensité de la concurrence, actuelle et potentielle, exercée par Orange et les autres acteurs du secteur.

Concurrence actuelle et potentielle d'Orange

L'entrée d'Orange sur le marché

114. Le groupe France Télécom-Orange (ci-après, "Orange") est entré sur le marché de l'acquisition des droits de films américains récents pour alimenter ses activités d'édition et de la commercialisation de chaînes cinéma, lancées en 2008, avec le bouquet OCS (61).

115. Pour alimenter les chaînes d'OCS en contenus, Orange a conclu un contrat-cadre exclusif pluriannuel portant sur tous les nouveaux films et les films de catalogue de Warner Bros. L'année du lancement de son offre cinéma, Orange a également conclu un contrat-cadre avec le studio indépendant MGM, portant sur l'acquisition des droits de télévision payante de l'ensemble des films à produire par le studio, ainsi qu'avec certaines filiales d'un major, pour leurs films. S'agissant des séries, Orange a conclu un contrat avec HBO, filiale de Time Warner.

116. Force est donc de constater que seul un nombre restreint de studios ont conclu un contrat-cadre avec le nouvel entrant, ce qui étaye l'importance des barrières à l'entrée sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films américains de première et deuxième fenêtre. De plus, la structuration des relations des studios américains autour du quasi-monopsone de GCP contribue à augmenter les barrières à l'entrée sur le marché.

117. L'impact d'Orange sur la situation concurrentielle du marché des droits relatifs aux films américains n'a été que limité et temporaire. Orange a aujourd'hui renoncé à reconduire le contrat-cadre avec le seul major avec lequel il était parvenu à conclure un accord. GCP est donc de nouveau titulaire de contrats-cadre avec l'intégralité des majors.

118. Il est en particulier peu probable qu'Orange constitue, en l'état des relations contractuelles entre les deux groupes, un débouché réellement alternatif à GCP pour les studios américains.

? Le partenariat entre GCP et Orange relatif à OCS

119. Orange et GCP ont conclu le 12 avril 2012 une série d'accords par lesquels GCP a acquis le tiers du capital d'une société à laquelle Orange apporte les chaînes du bouquet OCS. Ces accords ont été analysés par la Commission européenne comme conférant à GCP le contrôle conjoint de l'entreprise commune. La Commission a néanmoins considéré que l'entreprise commune n'était pas de plein exercice et, par conséquent, ne constituait pas une concentration au sens du règlement n° 139-2004 dès lors qu'elle ne devrait pas assumer toutes les fonctions d'une entité économique autonome (62).

120. En effet, selon l'article 14 k) de statuts de la société Orange Cinéma Séries-OCS, GCP dispose du pouvoir [confidentiel]. Le vote favorable d'au moins un membre du conseil nommé par Multithématiques SA, filiale de GCP, est nécessaire pour prendre certaines décisions importantes (63), parmi lesquelles les décisions relatives aux investissements ou endettements supérieurs à [...] millions d'euro non compris dans le budget annuel. L'entrée de GCP au capital s'est aussi accompagnée [confidentiel]. L'article 5.1.3 du pacte d'associés stipule en effet que les coûts prévus dans le budget annuel pour l'acquisition et la production de programmes [confidentiel].

121. Par ailleurs, [confidentiel] (64). GCP peut également se voir confier l'achat de droits et la fourniture de programmes pour le compte d'OCS (65).

122. Néanmoins, l'entreprise commune n'assumera pas de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome, puisque sa distribution sera pour l'essentiel assurée par ses sociétés mères. Selon le budget annuel annexé au pacte d'associés les ventes aux tiers sont estimées à [confidentiel] des revenus d'OCS pour l'exercice 2012.

Concurrence potentielle d'Orange

123. Il résulte de ce qui précède que la position d'Orange sur le marché amont de l'acquisition des droits de diffusion de films est considérablement affaiblie, OCS ne constituant désormais plus un concurrent indépendant de GCP. Dans le cadre de l'examen de la notification à nouveau de la prise de contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite par Vivendi et GCP, des mesures ont en conséquence été enjointes à GCP par l'Autorité afin de restaurer l'autonomie d'OCS.

124. Il convient cependant de relever qu'Orange s'interroge actuellement sur l'opportunité de recentrer son activité sur les séries (66). Ce changement stratégique, qui semble en réalité déjà entamé au vu du comportement d'OCS à l'amont, et notamment de l'absence de reconduction du contrat-cadre conclu avec le seul major qui lui avait vendu les droits de diffusion de sa production, amènerait la chaîne à consacrer son budget prioritairement à l'acquisition de séries américaines récentes et de séries originales françaises plutôt qu'à des premières fenêtres de diffusion de cinéma.

125. La baisse considérable des acquisitions d'OCS est également étayée par le fait que, alors même que ses investissements [confidentiel], le budget annuel d'OCS prévoit en réalité un coût annuel d'acquisition de programmes de [...] millions d'euros (67). Le montant investi par OCS pour des acquisitions de programmes sera donc [confidentiel] dès la première année qui suit l'établissement de son partenariat avec GCP (68).

126. Le modèle de distribution des chaînes OCS au sein de l'offre CanalSat privilégie leur adjonction aux chaînes de cinéma éditées par GCP. En effet, les 5 chaînes OCS seront distribuées de trois manières :

- dans une option, facturée 12 euro par mois, pour les abonnés à CanalSat souhaitant simplement ajouter les chaînes OCS à leur offre sans en changer autrement le périmètre (offre dite "stand alone") ;

- dans un bouquet "grand cinéma", facturé 15 euro par mois (qui inclut aussi le pack cinéma composé de 10 chaînes cinéma dont les 7 chaînes cinéma éditées par GCP), ou bien inclus dans les offres "les thématiques +2 packs au choix" (41,90 euro/mois), et "les thématiques +3 packs au choix" (44,90 euro/mois) ; et

- dans l'abonnement "Tout CanalSat" à 64,90 euro par mois.

127. L'offre "stand alone", facturée à 12 euro par mois, ne peut être considérée comme commercialement intéressante dès lors que le bouquet "grand cinéma" à 15 euro par mois inclut un nombre très supérieur de chaînes, notamment les 5 chaînes OCS ainsi que les 10 chaînes cinéma du bouquet "cinéma". Le mode de référencement retenu pourrait permettre une pénétration sensible des chaînes OCS si les abonnés optent pour le pack "grand cinéma" au lieu du pack "cinéma".

128. Il en découle qu'en l'état du partenariat entre GCP et Orange, ce dernier ne sera pas susceptible d'exercer, à l'avenir, une concurrence potentielle significative sur GCP. La prise de contrôle conjoint d'OCS par GCP a entraîné une modification structurelle du marché dont il résulte qu'Orange n'est plus un concurrent indépendant de GCP. Les mesures adoptées par l'Autorité dans le cadre de l'examen de l'acquisition de TPS par GCP et le groupe Vivendi devraient restaurer cette autonomie. Il ressort cependant des faits constatés qu'Orange tend à se désengager du marché de l'acquisition des droits sur les films américains récents.

Pression concurrentielle des éditeurs de chaînes et FAI autres qu'Orange

129. Les parties notifiantes considèrent subir la concurrence d'autres éditeurs de chaînes et des fournisseurs d'accès à internet ("FAI").

130. S'agissant des éditeurs de chaînes, GCP fait en particulier valoir la concurrence de Disney, qui réserverait les premières exclusivités télévisuelles de ses films d'animation à sa propre chaîne. Il ressort néanmoins de l'instruction que Disney n'a réservé que trois de ses films à ses propres chaînes thématiques en 2010, soit une portion négligeable des films américains récents pour la télévision payante. Cette situation n'est donc aucunement de nature à remettre en cause le quasi-monopsone de l'entité fusionnée sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents. En outre, la position de Disney n'a pas évolué depuis 2006 et aucun élément du dossier n'indique que cette situation serait susceptible de se modifier à l'avenir. Enfin, quelle que soit la politique d'acquisition de Disney, GCP en bénéficie indirectement puisque sa filiale de distribution de chaînes thématiques, CanalSat, diffuse en exclusivité toutes les chaînes de Disney à l'exception de Disney Channel (également distribuée depuis avril 2011 par Numéricâble et les FAI).

131. S'agissant de la concurrence potentielle des FAI autres qu'Orange, l'ARCEP considère que "les conditions qu'un FAI doit remplir pour pénétrer avec succès le marché de l'édition, voire celui de l'acquisition de droits télévisuels, sont d'ores et déjà difficiles à réunir". Selon l'ARCEP, l'effort d'investissement requis pour entrer sur les marchés amont est tel que "les opérateurs avec l'assise financière et/ou la base d'abonnés la plus large seraient les seuls à même d'envisager une telle stratégie". Le régulateur sectoriel ajoute que "malgré la structuration du marché autour de 5 grands acteurs (Orange, SFR, Free, Bouygues Telecom, Numéricable), certains d'entre eux ne semblent pas avoir cette taille critique" (69). Conformément à cette analyse, aucun FAI à l'exception d'Orange n'a remonté la chaîne de valeur depuis 2006.

Concurrence actuelle et potentielle des opérateurs de vidéo à la demande

132. GCP prétend être confronté à une vive concurrence exercée potentiellement par de nouveaux acteurs sur le marché de l'acquisition de droits tels que les opérateurs de vidéo à la demande. A l'appui de cette affirmation, GCP mentionne la progression des offres cinéma en vidéo à la demande par abonnements d'opérateurs tels que Netflix et l'opérateur de commerce en ligne Amazon (LoveFilm) aux Etats-Unis et au Royaume-Uni ainsi que l'essor de la vidéo à la demande à l'acte en France depuis 2007.

133. Pourtant, les marchés de l'acquisition de droits de films américains pour une diffusion en vidéo à la demande à l'acte, par abonnement et en télévision payante linéaire constituent trois marchés distincts en raison, entre autres, des différentes fenêtres d'exploitation prévues par la chronologie des médias.

134. De plus, deux barrières spécifiques s'opposent à ce jour au développement des offres non linéaires et, donc, à l'entrée d'acheteurs alternatifs à GCP au stade de l'acquisition des droits.

La chronologie des médias et le comportement des acteurs

135. Le premier obstacle tient à la chronologie des médias. Les préoccupations liées au financement de la création cinématographique française ont conduit à aménager des fenêtres d'exploitation de la vidéo à la demande tout en préservant celles des autres modes de diffusion des œuvres, dont les offres de télévision payante linéaires. L'accord du 6 juillet 2009 pour le réaménagement de la chronologie des médias ouvre une première fenêtre d'exploitation exclusive pour la vidéo à la demande à l'acte commune à celle des vidéos sur supports physiques (DVD et Bluray) entre 4 et 10 mois après la sortie des films en salle. L'exploitation en vidéo à la demande à l'acte sous forme locative pourrait, sur la base de ce texte, se poursuivre pendant les fenêtres d'exploitation des chaînes de télévision payantes (entre 10 et 22 mois après la sortie en salles) puis gratuites (entre 22 et 36 mois).

136. Toutefois, les conditions de préachat de films négociés par GCP, acheteur quasi-exclusif pour les fenêtres payantes, prévoient systématiquement le retrait des œuvres des offres locatives de vidéo à la demande après 10 ou 12 mois. Un rapport de 2010 rendu par Mme Sylvie Hubac au CNC note à ce sujet que "toutes les personnes rencontrées au cours de la mission reconnaissent cependant que la fenêtre des chaînes payantes qui contribuent de manière essentielle au préfinancement du cinéma français, en particulier Canal Plus pour près de 240 millions d'euro, doit être préservée car la concurrence serait trop directe entre deux modèles payants, accessibles directement sur l'écran de télévision" (70).

137. Le gel des fenêtres de diffusion se poursuit, à l'exception d'Arte, pour les fenêtres gratuites à l'initiative des chaînes ayant contribué au préfinancement de l'œuvre. De ce fait, de nombreux films, et notamment les plus attractifs, ne sont pas disponibles pour une location en vidéo à la demande dans l'intervalle existant entre le dixième et le trentième mois après leur sortie en salle (voire encore plus tard en fonction des dispositions contractuelles lorsque le film a été acheté par la télévision gratuite).

138. Quant à la vidéo à la demande par abonnement, l'accord de 2009, récemment reconduit, ne l'autorise que pour les films sortis en salle depuis plus de 36 mois. L'application de la chronologie des médias prive donc les concurrents potentiels en matière de vidéo à la demande par abonnement de la possibilité de diffuser des films récents. Ce texte, comme le gel des fenêtres, a pour conséquence d'éviter toute pression concurrentielle de la vidéo à la demande sur les opérateurs de télévision payante, au premier rang desquels GCP.

139. Les parties font valoir qu'à l'étranger les détenteurs de droits et les éditeurs de services audiovisuels négocient également un système de fenêtres pour la télévision payante et la vidéo à la demande, que GCP assimile à la chronologie des médias. Ce système n'est cependant pas rendu obligatoire par la loi comme il l'est en France et de fait, les durées peuvent être négociées différemment d'un studio à l'autre et d'un contrat à l'autre, les fenêtres de télévision payante restant toutefois toujours exclusives.

140. Les grands acteurs internationaux de la vidéo à la demande par abonnement comme Netflix et LoveFilm ont donc la possibilité, en dehors de la France, de négocier avec les studios américains des droits de première ou deuxième fenêtre payante et donc de proposer des films en vidéo à la demande par abonnement quelques mois après leur sortie en salles et sans que ces films soient retirés de l'offre quelques mois après. Netflix est par exemple titulaire d'un contrat avec Paramount pour le Canada et avec Dreamworks Animation pour les Etats-Unis. De plus, pour les Etats-Unis, Netflix est titulaire d'un contrat avec Paramount pour diffuser des films en vidéo à la demande 90 jours seulement après leur diffusion sur la chaîne payante Epix. De la même manière, LoveFilm dispose d'un contrat avec Paramount pour l'Allemagne.

141. De même, si l'offre de vidéo à la demande par abonnement de Netflix ou LoveFilm est effectivement en partie composée de films de catalogue, c'est-à-dire après un premier cycle d'exploitation en télévision payante et gratuite, cela ne signifie nullement qu'une offre totalement dénuée de films récents pourrait s'avérer compétitive, sinon viable. L'étude de l'IDATE précitée, remise au CSA en juin 2011, précise ainsi qu'"un service comme celui de Netflix serait bien entendu impossible à opérer en France où la chronologie des médias fixe à 36 mois à compter de la date de sortie en salles le délai à partir duquel un film peut être exploité sur un service de médias audiovisuel à la demande" (71).

142. En comparaison de ce qui peut être observé dans d'autres pays, la rigidité induite par l'actuelle chronologie des médias freine donc effectivement l'offre de vidéo à la demande en France et toute pression concurrentielle sur GCP au stade de l'acquisition des droits.

Les contributions au financement du cinéma

143. Le décret du 12 novembre 2010 impose des obligations aux services de médias audiovisuels à la demande en matière de contribution au développement de la production d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques. Cette contribution est fixée pour la vidéo à la demande à l'acte comme par abonnement à 15 % du chiffre d'affaires en faveur des œuvres européennes et à 12 % en faveur des œuvres françaises. Une contribution plus élevée de 26 % du chiffre d'affaires dans la production d'œuvres audiovisuelles ou cinématographiques européennes et de 22 % du chiffre d'affaires dans la production d'œuvres EOF a par ailleurs été prévue si le service propose 10 films de cinéma avant 22 mois après la sortie en salles, taux qui serait applicable dans l'hypothèse où la chronologie des médias était réaménagée pour permettre un accès de la vidéo à la demande par abonnement à des films plus récents qu'en l'état de la réglementation. De plus, un quota d'exposition de 60 % pour les œuvres européennes et de 40 % pour les œuvres EOF est imposé à l'ensemble du catalogue (50 et 35 % pendant les trois premières années) (72). Ces dispositions constituent des barrières importantes à l'entrée pour de nouveaux acteurs, tant du point de vue financier que du point de vue de la formulation d'offres adaptées aux préférences des utilisateurs en fonction de leurs visites passées, que ce soit lors des visites suivantes ou sous forme de messages électroniques qui leur sont ensuite adressés, et qui seraient incompatibles avec les obligations de quotas d'exposition.

144. Certes, comme le souligne le rapport Hubac, ces dispositions ne peuvent être imposées qu'aux acteurs installés en France. Par exemple, Apple, qui propose son offre de vidéo à la demande sur iTunes à partir du Luxembourg ne serait pas tenu de respecter cette réglementation.

145. D'autres obstacles au développement des offres de vidéo à la demande à l'acte, analysés dans le rapport Hubac et l'étude de l'IDATE, sont cependant de nature à relativiser les perspectives d'entrée à court terme :

- des difficultés d'accès des services de vidéo à la demande aux offres audiovisuelles des FAI ;

- un partage de la valeur ajoutée défavorable à l'éditeur du service, en particulier lorsque celui-ci est hébergé par un FAI ;

- l'existence d'un minimum garanti de rémunération des ayants droits par acte de location qui freine les offres promotionnelles.

146. Le fait que jusqu'à présent les grands acteurs internationaux de l'internet et de la vidéo à la demande se sont montrés particulièrement prudents dans leur approche du marché français confirme qu'ils perçoivent ces obstacles. GCP ne subit donc à ce titre aucune pression concurrentielle au stade de l'acquisition des droits.

Contrepouvoir des détenteurs de droits

147. Alors que les sommes versées par GCP en application des différents contrats-cadre représentaient en 2006 0,2 % du chiffre d'affaires total réalisé par les studios américains, les éléments communiqués par les studios au cours de l'enquête montrent que ce pourcentage s'élève aujourd'hui à environ 0,6 %. Le marché français de vente de droits continue donc à représenter une proportion limitée du chiffre d'affaires global des studios, ce qui leur confère effectivement un pouvoir de négociation suffisant pour organiser la vente de leurs droits selon les modèles économiques qui leur sont favorables. En outre, les studios sont en mesure de contourner les éditeurs de chaînes traditionnels en développant leur propre activité d'édition. En effet, certains studios comme Disney ou Turner ont déjà leurs chaînes propriétaires.

148. Il n'en reste pas moins que les studios américains font face à un unique acheteur pour la vente en France des droits des deux premières fenêtres de télévision payante linéaire, ce qui assure aux parties notifiantes une position de force incontestable dans les négociations. La plupart de studios américains ont ainsi considéré au cours de l'enquête que GCP jouit d'un fort pouvoir de négociation. En outre, selon une étude statistique du "British Films Institute" de 2011, la France représente un marché géographique important pour les studios américains. En 2010, les Etats Unis représentaient près de 41 % de revenus totaux générés au niveau mondial par des films. La France représentait la 5ème source de revenus pour les studios après des pays comme le Japon et le Royaume-Uni (73).

149. En outre, GCP a bénéficié depuis l'acquisition de TPS en 2006 d'un fort renforcement de sa position sur les marchés intermédiaire et aval. L'acquisition de TPS a eu pour résultat de conférer à GCP le monopole de l'édition et de la commercialisation de chaînes premium et de renforcer sa position sur les marchés de l'édition et de la commercialisation de chaînes thématiques payantes de cinéma. GCP auto-distribue la plupart de ces chaînes, ce qui lui donne un accès direct à une large base d'abonnés et renforce sa position sur le marché aval de la télévision payante. Le contrôle de cette base d'abonnés confère en retour à GCP une position privilégiée lorsqu'il intervient sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents puisqu'il reste le seul opérateur capable d'amortir de lourds investissements dans les contenus. En l'état des marchés de la télévision payante, aucun élément ne permet d'anticiper une évolution de cette situation.

150. Dans ce contexte, rien n'établit que les majors puissent s'opposer à d'éventuels achats groupés ou liés de droits de diffusion en télévision payante et gratuite par GCP. Dans leurs réponses aux tests de marchés, les majors ont unanimement indiqué être incités à vendre à la fois leurs droits payants et gratuits à un même opérateur capable de les diffuser tant en crypté qu'en clair, dans la mesure où cela permettrait aux studios de maximiser leurs revenus totaux (74). La plupart des majors expliquent vendre d'ores et déjà leurs droits payants et gratuits aux mêmes opérateurs dans d'autres Etats européens, comme l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, la Pologne, la Suède ou le Danemark.

151. En France, la vente de droits pour une diffusion de films en télévision payante représente, en moyenne, [25-35] % du chiffre d'affaires que les studios américains réalisent sur le marché national et constitue de ce fait une partie significative de leurs revenus. Pour la moitié des majors, les revenus tirés des ventes de droits des deux premières fenêtres de télévision payante pour les films sont supérieurs aux revenus tirés des ventes totales (contrats-cadre et ventes ponctuelles inclues) de droits de diffusion de séries aux chaînes de télévision gratuite. Pour quatre des six majors, les revenus tirés des ventes de droits des deux premières fenêtres de télévision payante pour les films sont supérieurs aux revenus tirés des ventes par le biais de contrats-cadre avec les opérateurs de télévision gratuite. Pour les studios pour lesquels les revenus tirés des ventes de séries aux chaînes gratuites surpassent ceux tirés des ventes de droits premium payants, il n'en reste pas moins que ces derniers constituent une part très substantielle ([20-30] %) de leurs revenus totaux en France).

152. Compte tenu de ces éléments, et des incitations en jeu, il est peu probable que les majors refusent d'éventuelles ventes couplées à GCP.

Position de GCP en matière d'acquisition de séries américaines récentes

153. GCP, qui ne conteste pas détenir une "position prépondérante" sur le marché de l'acquisition de films américains pour une exploitation payante, fait en revanche valoir que sa position en matière d'acquisition de séries américaines est "minime" face aux chaînes de télévision en clair75. GCP observe notamment qu'elle ne détient aujourd'hui aucun contrat-cadre pour l'acquisition de séries américaines. GCP relève en outre que les chaînes historiques comme TF1 et M6, qui sont actuellement titulaires des contrats-cadre avec les majors pour la diffusion de films et de séries en clair, peuvent réaliser des achats groupés pour plusieurs chaînes.

154. La position de GCP avant la concentration sur le marché de l'acquisition de séries américaines n'est cependant pas pertinente pour l'analyse des effets de l'opération. Comme expliqué ci-dessus, les effets qui découlent de l'opération sont des effets de levier qui consistent en l'utilisation par la nouvelle entité de sa situation de quasi-monopsone sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents pour une diffusion payante pour renforcer sa position sur le marché de l'acquisition de droits de films et de séries américaines récentes pour une diffusion en clair. L'absence de pouvoir de marché pour l'acquisition de droits de diffusion de séries en clair avant l'opération ne s'oppose donc pas au constat de ces effets puisque c'est précisément sur ce marché que l'opération risque de conduire GCP, grâce à sa puissance d'achat sur un marché connexe, à verrouiller l'accès de ses concurrents aux programmes attractifs.

(ii) Caractéristiques du marché permettant la mise en œuvre d'un effet de levier

155. Quatre principaux facteurs permettent d'établir que GCP sera capable, à l'issue de l'opération, de mettre en œuvre un effet de levier pour l'acquisition de films et de séries pour une diffusion en télévision gratuite, en prenant appui sur son quasi-monopole sur le marché de l'acquisition de films pour une exploitation en télévision payante.

156. Premièrement, le fait que les studios organisent la commercialisation des droits de diffusion en télévision des films et des séries par le biais de contrats-cadre portant sur leur production groupée des années couvertes par le contrat focalise l'enjeu concurrentiel du marché sur un nombre limité de contrats, à savoir 6 contrats relatifs aux droits de diffusion en télévision payante et 6 contrats relatifs aux droits de diffusion en clair. Dans ce contexte, l'exercice d'un effet de levier portant aussi bien sur l'acquisition de droits de diffusion en clair de films que de séries américaines est facilité par le fait que ces deux types de contenus font l'objet des mêmes contrats-cadre avec les chaînes gratuites. L'intégralité des contrats-cadre en cours dont sont titulaires les opérateurs historiques de télévision gratuite comportent en effet des droits de diffusion de films et de séries.

157. De plus, selon les résultats d'une étude récente, dont les constatations concordent avec les témoignages versés au dossier, "le nombre d'heures issues de chaque catalogue de distribution équivaut à un petit nombre de programmes à succès. L'année 2011 est ainsi caractérisée par une forte diffusion des séries CSI (Les Experts) et NCIS dans les cases de grande écoute européenne" (76). L'effet de levier porte donc sur un nombre restreint de contrats et de programmes, ce qui en facilitera la mise en œuvre.

158. Deuxièmement, les droits de diffusion des séries et des films américains pour une diffusion linéaire (payante et gratuite) se négocient auprès des mêmes interlocuteurs au sein des studios américains. GCP fait cependant valoir que les dates d'échéance des contrats-cadre concernant la télévision payante ne correspondent pas nécessairement à celle des contrats concernant la télévision gratuite, ce qui limiterait ses possibilités d'achats groupés ou liés. Il ressort néanmoins des éléments au dossier, et notamment des output deals en cours, que l'échéance de la moitié d'entre eux est bien concomitante pour les droits payants et en clair. De plus, nonobstant ce constat, rien n'empêcherait GCP de grouper ou lier ses achats, même en l'absence de concordance exacte entre les échéances des différents contrats. En effet, l'exercice d'un effet de levier ne nécessite nullement que GCP globalise tous ses achats de droits dans un contrat unique ou dans des contrats à la même date. Etant donné l'absence d'acheteurs alternatifs en matière de premières fenêtres de télévision payante, GCP sera en mesure d'exercer une menace crédible pour les détenteurs de droits s'il souhaite conditionner l'acquisition des droits payants à l'obtention de droits en clair.

159. Par ailleurs, les répondants au test de marché, et en particulier tous les majors à l'exception de la Fox, ont expliqué que les personnels des studios en charge de la vente des droits pour une diffusion en télévision payante et en télévision gratuite étaient les mêmes. GCP a également reconnu cet état de fait (77). L'intégralité des majors, sans exception, explique également que les mêmes interlocuteurs sont chargés de la commercialisation des droits portant sur les films et les séries.

160. Il n'existe donc pas d'obstacle concret s'opposant à ce que GCP utilise sa puissance d'achat en matière de droits de diffusion en télévision payante pour acquérir, par effet de levier, les droits en clair de films et de séries.

161. Troisièmement, l'instruction a montré que la vente couplée de droits pour une diffusion payante et de droits pour une diffusion en clair est une pratique courante des studios américains partout dans le monde, et en particulier en Europe. A cet égard, les studios ont mentionné plusieurs éléments qui contribuent à les inciter à vendre les droits payants et gratuits à un même opérateur. Comme mentionné plus haut, la maximisation des revenus est le premier (voire l'unique) motif de vente groupée ou liée pour les détenteurs de droits. Par ailleurs, certains studios prennent également en compte des éléments supplémentaires comme la réduction des coûts de transaction (simplification des relations contractuelles) ou la nécessité de récupérer les investissements que le studio a fait pour produire du contenu (78). Seul un studio explique a contrario se préoccuper des éventuels bénéfices tirés de la possibilité de négocier ses ventes avec plusieurs acheteurs potentiels.

162. Quatrièmement, plusieurs concurrents de GCP ont soutenu que leurs achats de droits en clair avaient été différés par les studios au motif qu'ils attendaient que GCP ait fait son choix. La préemption de droits en clair par GCP a ainsi été confirmée dans au moins un cas (79).

163. Il ressort de ces éléments que GCP aurait la capacité de procéder à des achats couplés de droits portant sur la diffusion de films en premières fenêtres de télévision payante et de films et/ou de séries inédites en clair sur Direct 8 et Direct Star.

c) Sur les incitations de GCP à mettre en œuvre un effet de levier sur les marchés d'achat des droits de diffusion de séries et films américains

164. L'Autorité de la concurrence évalue la crédibilité des scénarios de transactions liées à la suite de concentrations conglomérales en examinant plusieurs types de preuves, parmi lesquelles, notamment, les documents attestant de l'intention de la société acquérante d'adopter de tels comportements (80). En l'espèce, l'incitation de GCP à faire jouer l'effet de levier est l'une des motivations centrales de l'opération pour GCP. Un des principaux dirigeants de GCP a ainsi reconnu son intention d'utiliser sa position sur le marché de la télévision payante pour alimenter la grille de ces chaînes gratuites. Les parties notifiantes soulignent que "c'est d'ailleurs l'objet même de l'opération" (81).

165. GCP justifie cette position en considérant qu'"il n'y a pas une chaîne de la TNT qui ne soit pas adossée à une chaîne historique et qui ait réussi à survivre (même Lagardère, AB et Pathé ont jeté l'éponge). Seules les chaînes TNT qui arrivent à bénéficier de l'accès aux droits d'une chaîne mère ont pu obtenir des programmes performants à un prix suffisamment compétitif pour une petite chaîne. Direct Star ne marche pas aujourd'hui et NRJ et BFM perdent de l'argent. TMC, NT1, W9, adossées à TF1 et M6, sont les seules chaînes qui marchent. Si nous n'avons pas accès aux droits qu'ont les grandes chaînes gratuites aujourd'hui, nous ne pourrons pas réussir. TF1 dépense 1 million d'euro l'heure sur le prime time. A titre de comparaison, la grille de Direct 8 représente [...] millions d'euro par an. Si je ne peux pas faire levier de mes acquisitions sur Canal Plus pour nourrir Direct 8, l'opération perd tout intérêt et la chaîne Direct 8 tout espoir de développement" (82).

166. GCP entend augmenter le coût de la grille de Direct 8 à 120 millions d'euro à une échéance de trois ans pour augmenter l'audience de la chaîne à 4 %, se fixant un objectif comparable à celui des audiences réalisées par les chaînes de la TNT lancées en 2005.

167. GCP affirme notamment souhaiter renforcer les programmations des chaînes Direct 8 et Direct Star avec davantage de séries américaines, en les diffusant d'abord sur les chaînes payantes du groupe puis, dans un délai d'un an, sur les chaînes gratuites (83). L'opération permettrait à GCP de signer des contrats-cadre avec les studios américains aussi bien pour l'acquisition de séries que de films pour une diffusion en clair, ce qu'il ne pouvait faire auparavant faute de pouvoir exploiter de tels droits sur un volume de grille en clair suffisant.

168. Ainsi, s'agissant plus particulièrement des acquisitions de séries, GCP affirme que son objectif est "d'obtenir un "gros" contrat-cadre avec un studio tel que [confidentiel], pour un montant annuel d'environ [...] millions d'euro. Après l'opération la chaîne Canal+ pourrait partager avec Direct 8 le coût et la programmation des contenus issus de ce contrat-cadre" (84).

169. Les constatations effectuées au cours de l'instruction corroborent également le fait que GCP s'est déjà employé, avant même la réalisation de l'opération, à acquérir les droits en clair de contenus vendus par les ayants-droits américains, soit dans le but de préserver ses propres contenus de télévision payante contre la diffusion en clair de contenus américains portant sur des thématiques similaires, soit dans le simple but d'acquérir les droits de certaines séries, éventuellement dans la perspective de la réalisation de la présente opération. A ce jour, GCP a en effet acquis les droits payants et gratuits des séries The Event, auprès d'Universal, The Borgias, auprès de Showtime (CBS) (85), et les droits gratuits de la série [confidentiel] (86).

170. De plus, les documents internes de GCP montrent que l'objectif de l'opération pour le groupe est d'être présent sur l'ensemble des fenêtres d'exploitation en y exploitant des marques fortes (87). L'exploitation des mêmes contenus sur plusieurs fenêtres, y compris de télévision payante et gratuite, permettrait donc à GCP de mieux rentabiliser ses actifs et d'utiliser ses savoir-faire existants en matière d'acquisition de droits.

171. Au final, il ressort donc de l'instruction que l'exercice d'un effet de levier pour obtenir des droits de diffusion en télévision gratuite de films et séries par GCP s'inscrirait dans une logique de rentabilité globale des activités du groupe. Les majors américains ne disposant d'aucune alternative crédible en dehors de GCP pour négocier des contrats-cadre portant sur les droits de diffusion de leurs films en première fenêtre de télévision payante, l'incitation à mettre en œuvre ce type de comportement est établie compte tenu à la fois des gains que GCP tirerait d'achats liés et des ambitions affichées du groupe.

2. EFFETS DE LEVIER S'AGISSANT DES FILMS EOF

172. L'opération notifiée entraîne également un risque d'effet congloméral sur les marchés de préachat de droits de diffusion de films EOF. En effet, elle permettra à GCP, acteur incontournable du préachat de droits de diffusion de films EOF en télévision payante, d'entrer sur le marché du préachat de droits de diffusion de films inédits en clair en réservant à ses propres chaînes un accès privilégié aux films présentant les meilleurs potentiels d'audience dans des conditions non-réplicables par ses concurrents. Avant de présenter la capacité des parties (b) ainsi que leur incitation à mettre en œuvre un effet de levier (c), il convient de rappeler le régime juridique du financement des films européens et EOF auquel sont notamment soumises les chaînes de GCP (a).

a) Rappel du cadre juridique

173. Le régime juridique du financement des films européens et EOF soumet les chaînes de télévision, et notamment celles de GCP, à des obligations spécifiques.

174. Cette réglementation impose d'abord un niveau d'investissement déterminé, pour chaque chaîne, en fonction de deux critères que sont (i) la sous-catégorie à laquelle elle appartient au sein de la catégorie des services de cinéma telle que définie par le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 et (ii) son mode de distribution, la réglementation faisant une distinction entre les services diffusés par voie hertzienne terrestre et les services diffusés sur les autres réseaux.

175. De plus, les investissements des chaînes sont encadrés par les engagements de diversité des services de cinéma (88), tels qu'ils résultent des accords conclus avec les organisations professionnelles du cinéma, et qui imposent qu'un pourcentage de leurs obligations globales d'investissements soit consacré au financement de films à petit ou moyen budget. Des montants, fixés par mois et par abonné, font l'objet d'accords conclus entre les différentes chaînes et les organisations professionnelles de producteurs et sont ensuite rendus obligatoires dans le cadre des conventions conclues par chaque chaîne avec le CSA.

176. La chaîne Canal+ doit ainsi consacrer à l'acquisition de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques européennes et EOF respectivement au moins 12,5 % et 9,5 % de ses ressources annuelles avec un minimum garanti fixé à 3,61 euro et 2,73 euro hors taxe par mois et par abonné. Par ailleurs, s'agissant de l'obligation d'acquisition d'œuvres EOF, au moins 75 % du montant prévu doit être consacré à la production indépendante, 17 % doit concerner des films dont le devis est inférieur ou égal à 4 millions d'euro et 80 % du montant prévu doit prendre la forme de préachats de droits.

177. Le service Ciné+ (89) (composé de 7 chaînes) doit, pour sa part, consacrer chaque année à l'acquisition de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques européennes et EOF respectivement au moins 27 % et 25 % des ressources totales de l'exercice en cours avec un minimum garanti fixé à 1 euro et 0,85 euro hors taxe par mois et par abonné. Par ailleurs, s'agissant de l'obligation d'acquisition d'œuvres EOF par la chaîne, au moins 75 % du montant prévu doit être consacré à la production indépendante et 25 % doit concerner des films dont le devis est inférieur ou égal à 5,35 millions d'euro.

178. Les chaînes en clair se voient également imposer des obligations d'investissement, dès lors qu'elles diffusent plus de 52 œuvres cinématographiques de longue durée par an ou plus de 104 diffusions et rediffusions de ces films. Ces chaînes doivent en effet consacrer un minimum de 3,2 % de leur chiffre d'affaires net de l'année précédente à des dépenses contribuant au développement de la production d'œuvres cinématographiques européennes, dont 2,5 % d'œuvres EOF (90). Les trois quarts de ces dépenses doivent respecter des critères d'indépendance (91).

179. L'ensemble des investissements générés par ces obligations prennent la forme de préachats de droits de diffusion et de parts de coproduction. En contrepartie de leur participation financière, les chaînes payantes se voient attribuer un droit d'exploitation, pour une première fenêtre de diffusion, après un délai de 10 ou 12 mois à compter de la date de sortie en salles. Une seconde fenêtre de diffusion sur une chaîne de télévision payante de cinéma peut également être acquise à l'expiration d'un délai de 22 ou 24 mois à compter de la date de sortie en salles. De même, les chaînes en clair acquièrent, pour les films qu'elles ont préfinancés, une à deux périodes successives de droits exclusifs de diffusion d'une durée de 18 mois chacune, une fois la diffusion par une chaîne de télévision payante terminée.

180. Compte tenu de ce cadre juridique, l'objectif des chaînes de télévision, qu'elles soient gratuites ou payantes, est d'optimiser l'ensemble de ces investissements cinématographiques obligatoires. Pour ce faire, les chaînes se concurrencent afin de préacheter les droits de diffusion des films les plus attractifs, susceptibles de générer de fortes audiences lors de leur diffusion télévisuelle.

b) Sur la capacité de GCP à mettre en œuvre un effet de levier sur les marchés d'achat de droits de diffusion de films EOF

181. Comme indiqué plus haut en ce qui concerne les séries et films américains, il convient d'examiner si l'entité issue de l'opération bénéficiera d'une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier. Il convient donc d'analyser la position que détiendra GCP après l'opération sur les marchés de préachat de droits de diffusion de films EOF sur la télévision payante et gratuite (i), avant d'examiner si le groupe pourra (ii) et sera incité (iii) à utiliser cette position pour mettre en œuvre un effet de levier.

(i) Position des parties

Position des parties sur le marché des préachats de droits de diffusion de films de cinéma français sur la télévision payante

182. GCP a été à l'origine de l'intégralité des montants investis pour le préachat de droits de diffusion pour la télévision payante durant la période 2006-2007, comme l'indiquent les parts de marché présentées dans le tableau suivant :

Investissements dans le préachat de films d'initiative française en 2005-2007 (92)

<EMPLACEMENT TABLEAU 3>

183. Le paysage concurrentiel a évolué à partir de 2008 avec l'entrée d'Orange et le lancement du bouquet OCS. Néanmoins, si la position de GCP a reculé avec l'arrivée d'OCS comme le montre le tableau ci-dessous, elle est demeurée extrêmement élevée et sans commune mesure avec celle d'Orange sur le marché de l'acquisition de droits cinématographiques (supérieure à 90 % sur l'ensemble de la période).

Investissements dans le préachat de film d'initiative française en 2008-2011 (93)

<EMPLACEMENT TABLEAU 4>

184. Les parties notifiantes font toutefois valoir que "si GCP détient toujours une position forte sur ce marché, celle-ci découle surtout des obligations réglementaires qui s'imposent à lui" (94). Ce raisonnement ne saurait cependant être suivi. Les obligations réglementaires qui pèsent sur les éditeurs de chaînes déterminent la valeur absolue des investissements réalisés par les chaînes payantes, mais elles n'ont aucune incidence sur la position relative de chacun de ces opérateurs et n'imposent nullement la détention par GCP d'un quasi-monopole.

Concurrence actuelle et potentielle d'Orange

185. Selon les parties notifiantes, "OCS connaît une progression importante sur ce marché dans le préachat de films d'initiative française. Ces investissements ont été trois fois plus importants en 2010 qu'en 2009 et ont porté sur quelques-uns des plus gros succès du box-office" (95). Ce constat ne saurait toutefois contrebalancer la puissance d'achat de GCP, pour plusieurs raisons.

186. Premièrement, les données publiées par le CNC montrent que l'entrée d'Orange sur le marché amont a eu un impact qui demeure jusqu'à présent modeste sur la situation concurrentielle. La part de marché d'Orange a d'ailleurs baissé entre 2010 et 2011 avec un montant d'investissement en recul de 14 %.

187. Deuxièmement, si les investissements d'Orange ont progressé entre 2008 et 2011, ceux pratiqués par TPS avant son acquisition par GCP leur étaient très nettement supérieurs. Les investissements de TPS en 2005 s'élevaient à 32,5 millions d'euro soit 60 % de plus que ceux consentis par OCS en 2011 (19,7 millions d'euro). Comme le confirment les réponses obtenues dans le cadre du test de marché, il en résulte que toute pression concurrentielle exercée par Orange sur GCP pour l'achat de droits demeure significativement inférieure à celle qui émanait de TPS avant son acquisition par GCP et le groupe Vivendi. Ceci est désormais d'autant plus vrai pour les droits relatifs à la première fenêtre de diffusion, compte tenu de la dégradation progressive de TPS Star, comme le montre le tableau suivant :

Nombre de films préachetés en fonction de la fenêtre de diffusion sur télévision payante en 2011 (96)

<EMPLACEMENT TABLEAU 5>

188. Troisièmement, ainsi qu'il a été exposé s'agissant des droits des films américains récents, le partenariat conclu entre GCP et Orange conduit à la disparition de l'unique concurrent de GCP et supprime pour les producteurs la capacité de diversifier leurs débouchés. Le CSA observe également sur ce point que "la prise de participation minoritaire du groupe Canal Plus dans la société éditant les chaînes Orange Cinéma Séries pourrait empêcher France Télécom de maîtriser pleinement le niveau et le choix de ses investissements. L'accord contient en effet des clauses qui viennent restreindre la pression concurrentielle des chaînes Orange Cinéma Séries" (97).

189. Conformément aux mesures adoptées par l'Autorité dans le cadre de son examen de l'acquisition de TPS par GCP, ce dernier pourrait se retirer du partenariat ou, à tout le moins, mettre en œuvre des mesures de nature à limiter l'exercice d'une influence déterminante sur OCS. Néanmoins, même si ces mesures sont mises en place, Orange a d'ores et déjà réduit ses investissements dans les acquisitions de contenus cinématographiques et manifesté son intention de recentrer éventuellement l'activité d'OCS sur les séries. L'offre d'Orange ne remet donc nullement en cause la puissance d'achat que détient GCP sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films de cinéma français sur la télévision payante. Elle démontre au contraire les difficultés, y compris pour un groupe de la taille de celle d'Orange, à contester les positions de GCP.

Concurrence actuelle et potentielle des autres acteurs du marché

190. L'exercice d'une concurrence accrue sur le marché nécessiterait, en l'état, l'entrée de nouveaux opérateurs. Or l'entrée sur le marché de l'acquisition de droits portant sur des films EOF pour une diffusion en télévision payante nécessite d'éditer une chaîne thématique de cinéma pour exploiter et rentabiliser les contenus acquis. Les investissements dans l'achat de droits sont toutefois très importants et interviennent, pour tout éventuel nouvel entrant, avant même de pouvoir bénéficier de la base d'abonnés nécessaire à leur amortissement. Compte tenu de cette contrainte, d'éventuelles nouvelles entrées seraient d'autant plus difficiles qu'elles prendraient place dans un environnement de marché extrêmement asymétrique, caractérisé par la prédominance de GCP. Ce dernier bénéficie en effet d'une base d'abonnés très importante qui lui confère un avantage concurrentiel significatif. Par ailleurs, la création d'une chaîne suppose la détention d'un savoir-faire spécifique et la construction d'une notoriété nécessaire à la stabilisation des parts d'audience.

191. Il s'ensuit que l'émergence, même potentielle, de nouvelles sources de pression concurrentielle sur le marché du préachat de films EOF pour une exploitation en télévision payante est peu probable en l'état des marchés concernés.

Contrepouvoir des détenteurs de droits

192. GCP est le premier contributeur au financement de la production cinématographique française, sa seule chaîne Canal+ ayant préacheté plus de 75 % de la production en volume en 2010 (155 films sur les 203 produits cette année). A titre de comparaison, OCS a préacheté à peine 12 % de la production en 2010 (24 films).

193. La position de GCP face aux détenteurs de droits est par ailleurs renforcée par trois éléments. D'une part, le secteur de la production de films est très atomisé, puisque les 203 films d'initiative française comptabilisés pour l'année 2010 ont été produits par 175 entreprises différentes, les cinq sociétés les plus actives au cours de l'année (98) ne représentant que 12 % de la production. D'autre part, la contribution des chaînes de télévision payante est indispensable au financement de la production cinématographique. En effet, selon le CNC (99) les préachats et apports en coproduction ont représenté 32,4 % du financement des films produits en 2010. Moins de 20 % des films produits en 2010 ont ainsi pu être produits sans le préachat d'une chaîne de télévision payante. Enfin, GCP possède, avec StudioCanal, un acteur majeur du secteur de la production qui enrichit régulièrement son portefeuille de droits en prenant des parts de coproduction dans les œuvres parmi les plus importantes produites chaque année.

194. Par ailleurs, la vente de droits de diffusion pour la deuxième fenêtre de télévision payante constitue un enjeu économique significatif pour les détenteurs de droits. Or l'offre de chaînes cinéma de GCP lui permet de se positionner simultanément sur le préachat de droits de diffusion en première et deuxième fenêtre.

195. Le CSA relève également que "la stratégie des chaînes cinéma du groupe Canal Plus est complémentaire : les chaînes Canal+ préachètent la première fenêtre des films qu'elles financent et, pour la majorité d'entre eux, les chaînes Ciné+ préachètent la deuxième fenêtre payante (100), cette dernière étant négociée pour un montant souvent assez modique (0,21 million d'euro en moyenne en 2011). Ainsi, le groupe peut proposer aux producteurs de films de leur acheter deux fenêtres payantes, leur permettant ainsi de maximiser leurs revenus sur ce marché. Le caractère "premium" des chaînes Canal+ est donc conforté par la première diffusion sur son antenne d'un nombre très significatif de films EOF ou européens, souvent les plus porteurs (101). Les chaînes Ciné+ peuvent bénéficier d'une fenêtre de diffusion juste après Canal+, et avant la première diffusion sur une chaîne en clair, la chronologie des médias étant favorable à la deuxième fenêtre payante (102)" (103).

196. Dans un tel contexte, si l'arrivée d'OCS a permis de diversifier les sources de financement des films d'initiative française, les niveaux d'investissements d'Orange sont demeurés très inférieurs à ceux pratiqués par GCP, ou même par TPS avant son acquisition par GCP en 2006.

197. Ensuite, la forte atomicité des producteurs français et l'importance de leurs besoins de financement les placent dans une situation de dépendance face à GCP, qui jouit d'un quasi-monopsone sur le marché du préachat et qui est susceptible de compléter son plan de financement grâce à une intervention en coproduction de StudioCanal. Les ayant droits, compte tenu de la nécessité pour les chaînes Canal+ d'optimiser leurs investissements obligatoires, peuvent certes ponctuellement bénéficier d'un certain pouvoir de négociation. Néanmoins, la capacité de GCP à imposer ses prix reste d'autant plus forte qu'il est le principal interlocuteur pour la cession des droits payants : un refus de financement de sa part entraîne dans la majorité des cas l'abandon du projet de film. Ce constat s'impose d'ailleurs d'autant plus qu'OCS, contrôlée par GCP, ne constitue plus, en l'état, un débouché alternatif indépendant sur lequel les producteurs pourront s'appuyer pour faire jouer la concurrence.

Position des parties sur le marché des préachats de droits de diffusion de films de cinéma français sur la télévision gratuite

198. La société Direct Production, à travers son label "Direct Cinéma", intervient depuis 2011 dans la coproduction de plusieurs films en contrepartie de leur diffusion exclusive en clair sur les chaînes Direct 8 et Direct Star. Le total des investissements correspondants est évalué à [...] millions d'euro dans [...] films EOF (104).

199. En 2011, les chaînes en clair ont préfinancé un total de 116 films pour un montant de 143,88 millions d'euro (105). Le tableau suivant présente le détail de ces investissements pour les années 2009 à 2011 et les parts de marché correspondantes :

Investissements des chaînes en clair de 2009 à 2011 (106)

<EMPLACEMENT TABLEAU 6>

200. Il en découle que les chaînes du groupe Bolloré occupent une faible position (inférieure à 1 % en 2011) en matière de préachat de droits de diffusion de films inédits en clair, sans commune mesure avec celle de groupes tels que France Télévisions (48,4 % de part de marché en 2011) ou TF1 (35,6 %).

201. La partie notifiante fait d'ailleurs valoir que l'importance des chaînes gratuites historiques peut également être évaluée au regard de leur poids dans le financement des films français récents aux devis les plus élevés, films qui possèdent a priori le plus fort potentiel d'audience et de succès (107). Le CNC relève en effet qu'en 2011 "48 des 52 films d'initiative française dont le devis dépasse 7 M€ sont financés par au moins une chaîne historique en clair. TF1 finance dix-sept de ces films, France 2 dix-huit films, France 3 dix films et M6 six films. Par ailleurs, trois films d'initiative française dont le devis est supérieur à 7 M€ ont fait l'objet d'un financement conjoint de deux chaînes historiques en clair" (108).

(ii) Caractéristiques du marché permettant la mise en œuvre d'un effet de levier

202. A l'issue de l'opération, la partie notifiante pourrait utiliser sa position sur le marché de l'acquisition des droits cinématographiques EOF pour une diffusion sur la télévision payante pour acquérir, auprès des producteurs, la première exclusivité en clair des films les plus attractifs, aujourd'hui préachetée majoritairement par les chaînes gratuites historiques. Trois caractéristiques du marché montrent que GCP sera effectivement capable de mettre en œuvre un tel effet de levier.

203. En premier lieu, si le nombre de films EOF financés par an est relativement élevé (207 en 2011 selon le CNC), les films à succès, recherché par les chaînes pour une programmation en prime time, sont nettement moins nombreux. En effet, comme relevé ci-dessus, l'objectif des chaînes de télévision consiste à optimiser l'ensemble de leurs investissements cinématographiques obligatoires. Pour ce faire, les chaînes se concurrencent principalement pour le préachat des droits de diffusion des films les plus attractifs, susceptibles de générer de fortes audiences lors de leur diffusion télévisuelle.

204. De manière générale, il est évident que l'appréciation de l'attractivité et du potentiel d'audience d'une œuvre cinématographique avant sa production est délicate. Toutefois comme le suggère la partie notifiante (109), le devis d'un film se révèle, dans la plupart des cas, un indicateur pertinent de son potentiel d'audience et de succès, notamment parce qu'il reflète en partie la popularité de son casting. Ainsi, les films EOF figurant parmi les dix meilleures audiences cinématographiques de TF1 et M6 en 2011 ont des budgets supérieurs à 10 millions d'euro, deux d'entre eux ayant un devis supérieur à 15 millions d'euro (110).

205. En retenant le devis comme indicateur a priori d'attractivité, on constate que seuls 28 films financés en 2011 avaient un devis supérieur à 10 millions d'euro et seulement 12 d'entre eux dépassaient les 15 millions d'euro (111). Ces données confirment l'affirmation du groupe TF1 selon lequel "les films EOF inédits qui présentent un fort potentiel d'audience sont rares" (112). Par conséquent la mise en œuvre d'un effet de levier par GCP portera sur un nombre restreint de films.

206. Les parties font cependant valoir que la capacité financière de Direct 8 et Direct Star restera, à l'issue de l'opération, largement inférieure à celle de leurs concurrents (TF1, M6 et France Télévisions) (113). Néanmoins, la capacité financière des chaînes cibles ne peut être envisagée isolément de leur adossement aux parties notifiantes à l'issue de l'opération. Après la concentration, l'intégration de Direct 8 et Direct Star au sein de GCP permettra à ce dernier d'utiliser les revenus générés par ses activités de télévision payante pour investir directement sur des contenus destinés à une diffusion en clair, voire de faciliter l'ensemble de ses acquisitions en en mutualisant l'amortissement sur l'ensemble des fenêtres qu'il exploitera.

207. En deuxième lieu, les producteurs français sont fortement dépendants financièrement des investissements réalisés par les chaînes payantes via le préachat de fenêtre de diffusion, marché sur lequel GCP occupe une position de monopsone. Dès lors, comme le note TF1 "les producteurs de films EOF ne seront pas en mesure de refuser les propositions d'achats couplés de GCP, qui bénéficie d'une position incontournable dans le financement des films français. En effet, les producteurs de films EOF ne peuvent pas investir ni amortir le coût d'une production d'un film, si celui-ci n'est pas diffusé en télévision payante. En règle générale, un refus de financement par GCP se traduira par un abandon du projet de film, ce qui rend les producteurs de films EOF totalement dépendants de GCP" (114). Le groupe Gaumont a également indiqué en séance qu'il n'était pas possible de financer un film sans la participation de GCP.

208. Comme relevé ci-dessus dans les développements relatifs au contrepouvoir des détenteurs de droits, la partie notifiante est en effet le premier contributeur au financement de la production cinématographique française, sa seule chaîne Canal+ a ainsi préacheté en 2010 les droits de 133 films d'initiative française sur les 203 produits cette année, position qui est considérablement renforcée par la dépendance d'un secteur de la production très atomisé face à un unique opérateur.

209. Cette situation confèrera à GCP, à l'issue de l'opération, la capacité d'imposer aux producteurs l'achat groupé des fenêtres de diffusion payante et gratuite pour des films que GCP aurait auparavant financés aux côtés de chaînes en clair. D'après les données fournies par les opérateurs de la télévision gratuite, GCP a en effet financé 90 % des films dont ces opérateurs ont préacheté les droits de diffusion inédits en clair en 2011.

210. Le groupe TF1 note ainsi que, "s'agissant du préfinancement pour la fenêtre payante, les producteurs négocient avec un seul acteur : Canal+. L'affaire n'est jamais bouclée si le producteur n'arrive pas à obtenir un préfinancement de la part de Canal+. C'est pourquoi on dit que Canal est le "gatekeeper" du cinéma français. Si Canal n'investit pas dans le préfinancement d'un film, ce film n'existera pas. Le cinéma français est donc dépendant de Canal+. Ceci est d'autant plus vrai pour les petits producteurs. Cette situation est ancienne, à titre d'exemple, TPS avait demandé aux producteurs français les droits en PPV pour les films français qui avaient été préfinancés par Canal+ mais que celui-ci ne diffusait pas sur son service de PPV. Les producteurs ont refusé de nous vendre les droits car ils craignaient des représailles de la part de Canal+ concernant le préfinancement de futurs projets. Canal+ a été condamné à l'époque. Aujourd'hui, on risque de faire face à des situations similaires, Canal+ pourrait refuser de financer certains films si la fenêtre gratuite n'allait pas vers Direct 8" (115).

211. Le groupe NRJ relève également que "Groupe Canal Plus est de très loin le premier investisseur dans la production de films français (il préachète ou co-finance avec d'autres chaînes environ 99 % des nouvelles productions françaises). Du fait de cette position incontournable pour les producteurs, il disposerait d'un levier de négociation puissant pour négocier des droits en clair pour la diffusion de ces films en première exclusivité gratuite sur Direct 8 et Direct Star, ceci au détriment des chaînes gratuites concurrentes" (116).

212. En troisième lieu, les opérateurs de la télévision gratuite ont peu de moyens de réagir face à la mise en œuvre par GCP d'un effet de levier. En effet, il est très peu probable que les chaînes en clair investissent le secteur de la télévision payante pour répliquer l'avantage concurrentiel dont bénéficiera la nouvelle entité. L'entrée sur le marché de l'acquisition de droits cinématographiques pour une diffusion sur télévision payante nécessite en effet de franchir des barrières importantes, tenant à la création d'une chaîne thématique cinéma, dotée d'une notoriété suffisante pour stabiliser des parts d'audience et aux investissements importants pour acquérir des droits avant même de pouvoir bénéficier de la base d'abonnés nécessaire à leur amortissement.

213. Lors de la séance, les parties ont fait valoir que les opérateurs de la télévision gratuite étaient toutefois capables, face à la nouvelle entité, de faire jouer un effet de levier en globalisant leurs achats de droits de diffusion pour l'ensemble de leur chaînes en clair. Une telle stratégie ne saurait cependant être qualifiée d'"effet de levier" dans la mesure où elle ne fait intervenir que le seul marché des droits en clair. En effet, même s'ils peuvent mutualiser les achats de droits de diffusion en clair sur l'ensemble de leurs chaînes, les opérateurs de la télévision gratuite, contrairement à la nouvelle entité, sont incapables de s'appuyer sur leurs activités de télévision payante pour obtenir des films EOF attractifs en clair.

Conclusion

214. GCP détenant un quasi-monopole sur le marché des préachats de droits de diffusion de films EOF en première et deuxième fenêtres de télévision payante, le groupe pourra, à l'issue de l'acquisition, faire jouer un effet de levier par lequel il privera les chaînes de télévision gratuite concurrentes des droits de diffusion en clair des films EOF inédits attractifs.

d) Sur l'incitation de GCP à mettre en œuvre un effet de levier sur les marchés d'achat de droits de diffusion de films EOF

215. Comme indiqué ci-dessus s'agissant des droits de diffusion de séries et films américains, la crédibilité d'une stratégie d'achats groupés ou liés peut être démontrée notamment au moyen de documents attestant de l'intention de la société acquéreuse d'adopter un tel comportement.

216. En l'espèce, les déclarations des représentants de GCP attestent de cette intention. Selon un dirigeant de GCP, l'exploitation de sa position sur le marché d'acquisition des droits de diffusion de films EOF en télévision payante pour alimenter les grilles de ses futures chaînes en clair est l'un des principaux intérêts opérationnels de l'opération puisque, "[s'agissant de l'entrée de GCP dans le gratuit,] l'idée générale est d'avoir un continuum éditorial entre Canal+ et ses diverses chaînes permettant d'exploiter plusieurs fois les œuvres -à l'instar de ce que le cinéma fait très bien grâce à la chronologie des médias- afin d'avoir le financement le plus compétitif" (117).

217. La mise en œuvre d'une stratégie par laquelle GCP pourrait acquérir des droits de diffusion sur les fenêtres en clair en supplément des droits acquis pour les fenêtres en télévision payante apparaît également dans les documents internes de GCP relatifs au projet d'acquisition (118) et a été confirmée par les parties dans leurs observations écrites et en séance.

218. L'exploitation des mêmes films sur plusieurs fenêtres, y compris de télévision payante et gratuite, permettrait en effet au GCP de mieux rentabiliser ses actifs et d'utiliser ses savoir-faire existants en matière d'acquisition de droits de diffusion de films EOF. Comme en matière de programmes américains, l'exercice d'un effet de levier pour obtenir des droits de diffusion en télévision gratuite de films EOF par GCP s'inscrit dans une logique de rentabilité globale des activités du groupe.

219. Au demeurant, l'incitation de GCP à mettre en œuvre cette stratégie apparaît forte dans la mesure où elle lui permettrait d'augmenter l'attractivité de Direct 8 et Direct Star que ce soit de manière absolue par l'enrichissement de la grille proposée par ces deux chaînes, ou de manière relative par l'appauvrissement des films EOF inédits auxquels auront accès les chaînes en clair concurrentes.

3. IMPACT CONCURRENTIEL DE LA MISE EN OEUVRE D'UN EFFET DE LEVIER SUR LES MARCHÉS CONCERNÉS

220. L'équilibre financier des chaînes gratuites dépend de leur capacité à générer de l'audience au moyen de contenus attractifs (a) parmi lesquels les films et séries jouent un rôle central (b). Compte tenu de la relative rareté de ces contenus, leur préemption par GCP restreindrait la capacité des chaînes gratuites à animer la concurrence (c) sans que les gains d'efficacités attendus de l'opération permettent d'en compenser les effets (d).

a) Sur la capacité des chaînes à générer de l'audience pour assurer leur financement

221. L'opération renforce les activités de GCP dans un secteur, la télévision gratuite, où l'essentiel des recettes des opérateurs sont tirées de la vente d'espaces publicitaires. Les chaînes de télévision gratuite génèrent en effet des revenus en commercialisant leurs écrans publicitaires auprès d'annonceurs. De manière générale, l'audience d'une chaîne de télévision (d'un programme télévisé/d'un écran publicitaire) est représentée par le nombre de personnes ayant regardé cette chaîne (ce programme/cet écran). La part d'audience d'une chaîne correspond ainsi au pourcentage des personnes ayant regardé cette chaîne par rapport à l'audience globale du support télévision. L'audience peut être mesurée globalement ou par catégorie de téléspectateurs (on parle alors de "cible"). Les différentes chaînes se concurrencent ainsi pour proposer des écrans publicitaires dont la valeur est proportionnelle à leur "puissance", c'est-à-dire leur capacité d'établir un nombre important de contacts d'une cible commerciale parmi les téléspectateurs. La constitution d'écrans "puissants" nécessite par conséquent de diffuser des contenus attractifs, fortement générateurs d'audience.

222. Lorsqu'elles vendent des espaces publicitaires, les chaînes commercialisent le nombre de contacts établis par un écran publicitaire sur une cible donnée. Le nombre de contacts établis est exprimé en Gross Rating Point ("GRP"), qui correspond au nombre de contacts publicitaires obtenus sur 100 individus de la cible visée. En d'autres termes, le GRP d'un spot publicitaire correspond à l'audience du spot publicitaire sur la cible étudiée, exprimée en pourcentage. Le GRP d'un spot donné est mesuré sur chaque cible : par exemple, si 8 % des hommes de 25 à 49 ans ayant la télévision ont regardé un spot, le GRP de ce spot est de 8 sur cette cible.

223. Le prix du spot publicitaire est déterminé par les régies en fonction, notamment, d'une extrapolation d'audience de l'écran considéré, i.e. une extrapolation des GRP atteints sur une cible. Cette extrapolation s'appuie en pratique sur les audiences passées de la chaîne, la nature des programmes diffusés avant ou après l'écran concerné ou encore la programmation des chaînes concurrentes.

224. Schématiquement il existe aujourd'hui deux mécanismes de négociation des prix des spots publicitaires ce qui s'explique par la coexistence de deux méthodes de mesure d'audience proposé par Médiamétrie :

- la première, utilisée principalement par les chaînes gratuites historiques, permet de connaître l'audience exacte des écrans publicitaires ;

- la seconde, employée par les nouvelles chaînes de la TNT, n'indique en revanche que les audiences des deux derniers mois écoulés, agrégées par quarts d'heure, sans distinction des programmes et des écrans publicitaires. Ce découpage par quart d'heure peut surestimer l'audience des écrans publicitaires car il ne permet pas de faire apparaître la baisse d'audience des spots par rapport au programme dans lequel ils sont insérés.

225. Compte tenu de leur mécanisme de mesure d'audience, les régies des chaînes gratuites historiques fixent traditionnellement le tarif de leurs écrans et négocient un taux de remise avec les annonceurs (119). L'annonceur achète alors un certain nombre de spots sur une chaîne en vue d'atteindre un nombre de GRP sur une cible donnée.

226. Les nouvelles chaînes de la TNT commercialisent en revanche des écrans en coût GRP garanti. L'annonceur négocie alors avec la régie, dans le cadre d'un contrat annuel ou pour une campagne ponctuelle, un coût GRP qu'il garantit sur une cible donnée. Si les spots achetés n'atteignent pas le nombre de GRP anticipés, la régie devra fournir à l'annonceur des spots à titre gracieux afin que celui-ci puisse toucher le nombre d'individus initialement prévu, au coût GRP contractuellement convenu. A défaut de spots gracieux, la régie peut restituer une partie du prix payé par l'annonceur sous forme d'avoir ou de numéraire.

227. Au regard de ces éléments, toute baisse d'audience sur un écran d'une chaîne gratuite historique réduira le GRP extrapolé à la période suivante et donc le consentement à payer des annonceurs. Pour les nouvelles chaînes de la TNT, une baisse d'audience sur un écran se traduira par un déficit de GRP qui devra être remboursé à l'annonceur. Selon les données recueillies au cours de l'enquête, la perte d'un point d'audience annuel pour une nouvelle chaîne de la TNT généraliste pourra ainsi conduire à une diminution du chiffre d'affaires comprise entre 20 et 40 millions d'euro.

228. Cet effet apparaît d'autant plus significatif pour l'économie des chaînes de télévision gratuite que le prix du point de GRP est croissant. En effet, plus l'écran est susceptible d'atteindre un nombre de GRP élevé d'une cible, plus le coût GRP est élevé. Les éléments recueillis au cours de l'enquête montrent ainsi que le coût GRP des écrans puissants (8 GRP ou plus) est significativement supérieur à celui des écrans plus faibles (120). Ainsi, le coût GRP des écrans puissants d'une chaîne gratuite (8 GRP ou plus) est [50-100] % supérieur au coût GRP des écrans faiblement puissants (entre 0 et 3 GRP). Or, qu'il s'agisse de séries américaines ou de films français ou américains, les contenus attractifs capables de générer de fortes audiences sont rares. Par conséquent le nombre d'écrans puissants dont disposent les chaînes, qui correspondent aux coûts GRP (et donc aux revenus) les plus élevés, est beaucoup plus faible que le nombre d'écrans moins puissants.

229. Du point de vue des annonceurs, chaque campagne publicitaire fait appel à des écrans de différente puissance, mais l'obtention de GRP puissants est indispensable pour bâtir un plan média dans la mesure où ces écrans assurent une forte visibilité en même temps qu'une rapide montée en couverture (121). Il s'ensuit que, pour les annonceurs comme pour les chaînes, il existe un lien de causalité entre la qualité des programmes diffusés et l'attractivité des écrans publicitaires. Ainsi, les informations recueillies au cours de l'instruction auprès de centrales d'achat d'opérateurs émanant d'industries diverses (automobile, banque, assurance, télécommunications et produits de consommation) montrent que tous les annonceurs comme les agences qui négocient avec les régies déterminent les achats d'espaces publicitaires notamment en fonction de la pertinence des programmes et de l'audience des chaînes. Par conséquent, les annonceurs considèrent généralement que l'impact de l'opération dépendra des programmes diffusés sur Direct 8 et Direct Star à l'issue de la concentration.

230. Il en découle que, même si toute perte de point de GRP est susceptible d'entraîner une baisse de revenus pour les chaînes gratuites, cet effet est particulièrement sensible lorsqu'il concerne les écrans les plus puissants, c'est-à-dire les programmes générateurs des meilleures audiences des chaînes. En d'autres termes, plus l'écran est puissant, plus la perte d'un point de GRP est coûteuse pour les chaînes. France Télévisions n'offrant quasiment plus d'écrans puissants depuis la disparition début 2009 de la publicité en soirée (122), cette problématique concerne actuellement surtout les chaînes gratuites privées.

b) Sur le caractère incontournable pour les chaînes en clair généralistes des programmes sur lesquels porterait l'effet de levier

231. Les chaînes généralistes diffusent différents types de programmes et principalement des films, des séries étrangères (américaines pour l'essentiel), des fictions EOF, des évènements sportifs, des jeux et des programmes de divertissement ainsi que d'information. Alors que ces programmes sont d'une importance inégale dans l'économie des chaînes, les films et les séries jouent un rôle de premier plan.

(i) L'importance des séries américaines pour les chaînes gratuites

232. Les séries américaines récentes représentent la majorité des meilleures audiences des chaînes gratuites historiques. Selon les données communiquées par le CSA, en 2011, sur 365 cases de premières parties de soirée, TF1 en a alloué 95 à ce type de programme et M6 144. Dans l'offre totale de fiction télévisuelle diffusée entre 20 h et 23 h, les séries américaines représentent près ou plus de la moitié de la programmation de huit des treize chaînes gratuites, comme résumé dans le graphique suivant :

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE 2>

233. L'importance des séries américaines pour les chaînes gratuites se constate également dans les palmarès d'audiences. Le CSA estime que, depuis 2009, environ 65 des 100 meilleures audiences de l'année toutes chaînes confondues sont réalisées par des épisodes de séries américaines (123), ce qui a été confirmé par l'instruction (124). Comme le montre le graphique suivant, cette tendance est marquée et très significative depuis 5 ans, la place des séries américaines dans les fictions à forte audience connaissant une croissance considérable :

Place de la fiction dans les 100 meilleures audiences de l'année et répartition par origine

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE 3>

234. Enfin, le CSA relève que "les séries américaines semblent être une des rares catégories de programmes profitables pour les chaînes gratuites" et que leur diffusion en première partie de soirée "aurait permis à TF1 de dégager des taux de marge nette importants" (125).

235. En effet, les données versées au dossier par les chaînes gratuites privées montrent que les séries contribuent de manière considérable à la rentabilité de l'activité des chaînes.

236. Les différentes chaînes ont ainsi versé des données confidentielles exprimées en marges brutes dégagées par la diffusion des différents programmes en prime time rapportées à la marge brute totale des chaînes en prime time. Le résultat des chaînes en prime time est en effet crucial pour leur équilibre économique dans la mesure où cette période de diffusion représente l'audience la plus importante de la journée et, donc, les revenus publicitaires les plus élevés dans une journée (126). Le CNC observe également que "la première partie de soirée revêt un caractère stratégique dans la mesure où elle présente le bassin d'audience le plus large : plus de 40 % de la population française âgée de 4 ans et plus regarde la télévision à cet horaire" (127).

237. Or il ressort de ces données que la diffusion des séries américaines contribue à l'essentiel de la marge brute des chaînes historiques en prime time et constitue de fait un pilier fondamental dans l'équilibre économique des chaînes. La marge brute générée en prime time par les séries américaines apparaît, selon les cas, jusqu'à 7,5 fois supérieur à la marge brute du deuxième programme le plus performant. Les éléments versés au dossier montrent qu'en moyenne, sur la période 2009 à 2011, les revenus tirés de la diffusion de séries américaines représentent une partie très significative de la marge brute totale des chaînes en prime time, voire représentent, à eux seuls, un montant de marge brute supérieur à la marge brute totale des chaînes.

238. Il existe donc une très grande disproportion entre la marge bénéficiaire dégagée par les chaînes pour la diffusion de séries américaines et celle d'autres programmes, dont la contribution à la rentabilité des chaînes en prime time est soit nettement moindre, soit négative. Cette disproportion explique qu'une perte même partielle des écrans puissants tirés de la diffusion de séries américaine induirait, en l'état de l'économie des chaînes, une marge brute totale négative en prime time.

239. GCP n'ignore pas cet état de fait puisqu'il observe "que traditionnellement, les programmes les plus rentables de la télévision gratuite sont les séries américaines. Les analystes calculent que toute la rentabilité de TF1 en prime time est générée par les séries américaines" (128).

240. La diffusion des séries permet ainsi aux chaînes, tout en restant globalement rentables, de subventionner l'acquisition et la diffusion de programmes générateurs de pertes mais essentiels pour leur cohérence éditoriale.

241. La contribution des revenus tirés de la diffusion de séries américaines reste moindre pour les nouvelles chaînes de la TNT, en raison notamment de leurs plus faibles capacités d'achat. Les séries américaines constituent néanmoins également un des principaux programmes qui leur permettent de dégager des marges bénéficiaires et, donc, de financer les programmes moins rentables. La qualité des données versées au dossier est moindre que pour les chaînes historiques privées, toutes les nouvelles chaînes de la TNT n'ayant pas été en mesure de communiquer les marges dégagées par programme. Néanmoins, sous cette réserve, pour ce qui concerne les chaînes qui ont pu contribuer à l'instruction sur ce point, la contribution moyenne (129) de la diffusion des séries américaines à la rentabilité globale des nouvelles chaînes de la TNT en prime time est d'un ordre de grandeur proche de 50 %, ce qui reste globalement très significatif.

(ii) L'importance des films EOF pour les chaînes gratuites

242. Les films inédits en clair sont principalement diffusés par les chaînes gratuites historiques. Selon les données du CNC, les nouvelles chaînes de la TNT diffusent très majoritairement des films de catalogue. Ainsi seuls 13 films inédits ont été diffusés sur les chaînes privées de la TNT en 2010 soit 1,6 % de leur programmation cinématographique (130). Ce constat s'explique, d'une part, par le coût relativement élevé d'acquisition de droits de diffusion de films inédits et, d'autre part, par la distribution des obligations de financement du cinéma français, qui pèsent, pour le secteur de la télévision en clair, quasi-exclusivement sur les chaînes historiques compte tenu du niveau relatif de leurs recettes financières.

243. Le CSA observe ainsi que "les nouvelles chaînes gratuites de la TNT offrent peu de films inédits français, l'approvisionnement en films EOF ou européens récents des chaînes en clair se faisant principalement par le biais du préfinancement des œuvres cinématographiques (préachats et parts de coproduction). Ces chaînes investissent de façon encore très marginale dans le préachat de films français car la plupart d'entre elles n'ont pas d'obligation en la matière" (131).

244. En revanche, sur les chaînes historiques, les œuvres françaises réalisent de très bonnes performances. Ainsi, deux films EOF inédits ont réuni plus de dix millions de téléspectateurs en 2010 : Bienvenue chez les Ch'tis (14,4 millions de téléspectateurs et 51 % de part de marché) et Astérix aux Jeux Olympiques (10,1 millions de téléspectateurs et 38,4 % de part de marché) (132), tous deux diffusés sur TF1. Sur M6, la meilleure audience de films est également réalisée par une œuvre inédite française. Le film français Ne le dis à personne arrive ainsi en première position (5,5 millions de téléspectateurs, soit 23 % de part de marché) devant le film britannique Nanny McPhee (5 millions).

245. De manière plus générale, d'après les informations du CNC, 44 % des dix meilleures audiences cinématographiques des chaînes historiques gratuites sont atteintes par des films français en 2010. Les dix meilleures audiences cinématographiques des chaînes historiques gratuites en 2010 sont des films inédits.

246. Les films inédits EOF apparaissent particulièrement importants pour la programmation des chaînes en première partie de soirée (20 h-22 h). En effet, comme l'avait noté l'Autorité de la concurrence dans sa décision n° 10-DCC-11 (133), c'est sur cette tranche horaire que se concentrent les écrans de forte puissance (i.e., dont le coût GRP est élevé). Or, selon les données fournies par le CNC134, en 2010 les films inédits français représentent entre 30 et 40 % de la programmation cinématographique de TF1 et M6 en première partie de soirée. Par ailleurs, plus d'un film inédit sur trois diffusés par les chaînes de France Télévisions en première partie de soirée est français.

247. De plus, il convient de rappeler que les acquisitions de films par les chaînes gratuites sont contraintes par des obligations réglementaires. En application de ces dispositions, les chaînes doivent consacrer à la production d'œuvres cinématographiques 3,2 % de leur chiffre d'affaires net de l'exercice précédent (3,5 % pour les chaînes France 2 et France 3), dont 2,5 % pour les œuvres EOF135, si elles diffusent plus de 52 films par an (104 rediffusions maximum). Comme le CSA le rappelle dans son avis, la nature de ces investissements dans la production est liée à leur niveau de développement économique136. Ainsi, les chaînes qui réalisent plus de 150 millions d'euro de chiffres d'affaires annuel doivent consacrer l'intégralité de leur contribution aux préachats et aux parts de coproduction. Les chaînes dont le chiffre d'affaires se situe entre 75 millions d'euro et 150 millions d'euro peuvent remplir leurs obligations avec une part plus ou moins importante d'achats de droits. Celles qui réalisent moins de 75 millions d'euro de chiffre d'affaires peuvent ne pas investir dans le préachat et les parts de coproduction.

248. A ces contraintes s'ajoutent les quotas de diffusion imposés aux chaînes, les obligeant à diffuser au moins 60 % d'œuvres cinématographiques d'origine européenne, dont 40 % d'œuvres cinématographiques d'expression originale française (137). L'offre de films EOF étant plus importante que celle de films d'origine européenne, les films EOF représentent la grande majorité des diffusions de ces "films de quotas".

249. Par conséquent, les témoignages au dossier montrent que, si GCP mettait en œuvre un effet de levier limitant l'accès des chaînes en clair aux films EOF attractifs, ces dernières ne pourraient pas, du fait de la réglementation, reporter leurs achats vers des films américains (ou d'autres contenus attractifs) pour maintenir leur audience (138). Les chaînes concurrentes devraient ainsi consacrer leur budget à des films peu attractifs, ou ne correspondant pas à leur ligne éditoriale, qu'elles seraient par ailleurs obligées de diffuser pour respecter leur quotas.

250. Compte tenu de ce qui précède, l'impact d'un assèchement même partiel de l'accès des chaînes en clair au préachat des films inédits EOF serait d'autant plus sensible que ces contenus, incontournables pour les chaînes en raison de leurs obligations légales, constituent un des éléments majeurs de leur programmation et sont susceptibles de générer des audiences importantes.

c) Sur la rareté des programmes concernés par l'effet de levier et l'impact de leur préemption sur la capacité des chaînes en clair à animer la concurrence

(i) Sur les séries et les films américains

251. L'appréciation de l'attractivité d'un programme est un exercice qualitatif difficile et au moins partiellement spéculatif. Les opérateurs interrogés durant l'instruction ont néanmoins indiqué que deux facteurs contribuaient fortement à l'attractivité d'un programme, à savoir sa "fraîcheur" (c'est-à-dire son caractère inédit en clair) et le budget alloué à sa production. A ces facteurs s'ajoutent d'autres caractéristiques, comme le casting ou la qualité éditoriale du programme.

252. En pratique, le nombre de films et de séries à gros budget produites chaque année est limité. Selon les données obtenues par l'instruction, les séries américaines à fort potentiel sont peu nombreuses, le groupe M6 soulignant par exemple que "sur 10 années de Screenings (2002-2011), on dénombre seulement 11 séries américaines à fort potentiel prime time". Le nombre restreint de séries capables de fédérer une audience importante est également confirmé par la proportion importante des nouvelles séries dont la production est stoppée en raison d'audiences insuffisantes. Le CNC relève ainsi que "parmi les 30 nouvelles séries lancées entre septembre 2009 et juin 2010 sur les cinq principaux réseaux américains (ABC, CBS, Fox, NBC et The CW), 17 séries (soit 56,7 % du total) ont été arrêtées avant leur terme ou à la fin de leur première saison parce qu'elles ne répondaient pas aux objectifs de leur diffuseur en termes d'audience" (139). De plus, "le taux de réussite des nouvelles séries américaines sur ces cinq chaînes aux Etats-Unis est de 25,6 % pour la saison 2010-2011. Parmi les 39 nouvelles séries lancées au cours de cette saison sur les cinq principaux réseaux américains, 29 séries ont été arrêtées après leur première saison" (140).

253. Comme indiqué ci-dessus, les résultats d'une étude récente montrent qu'au niveau européen, "le nombre d'heures issues de chaque catalogue de distribution équivaut à un petit nombre de programmes à succès. L'année 2011 est ainsi caractérisée par une forte diffusion des séries CSI (Les Experts) et NCIS dans les cases de grande écoute européenne" (141). De la même manière, au niveau national, le CNC constate qu'"en 2011, la fiction réalise 76 des 100 meilleures audiences de la télévision (69 en 2010). La présence des séries américaines dans le classement atteint un nouveau record historique. Il est composé de 72 épisodes de séries américaines - essentiellement issus de trois séries (26 épisodes de Mentalist, 21 épisodes de Dr House, 20 épisodes de Esprits criminels)" (142).

254. Un petit nombre de séries américaines représentent ainsi entre 60 et 80 % des 100 meilleures audiences des chaînes gratuites historiques en 2011 en prime time. Ce nombre restreint de programmes contribue cependant à l'essentiel de la marge brute des chaînes historiques en prime time. Les éléments au dossier montrent que la grande majorité de contacts de la cible dite des "femmes responsables des achats de moins de 50 ans" générés par des écrans de plus de 10 GRP correspondant aux séries américaines dépendent d'un nombre très limité de séries (3 séries environ pour les chaînes historiques).

255. Compte tenu du nombre restreint de contenus fortement attractifs et générateurs de revenus, les chaînes gratuites historiques utilisent leur capacité d'achat pour garantir leur approvisionnement en concluant des contrats-cadre qui leurs donnent le premier choix ou l'exclusivité de l'offre d'un studio. Ces contrats-cadre constituent donc un élément crucial de la concurrence entre les chaînes pour les meilleures audiences.

256. Dans ces conditions, la mise en œuvre d'un effet de levier par lequel GCP préempterait au bénéfice de ses propres chaînes les premiers choix d'un nombre significatif de séries offertes par les studios en prenant appui sur son pouvoir de marché dans le secteur de la télévision payante serait susceptible de déstabiliser significativement l'équilibre économique des chaînes gratuites (143). Un tel comportement pourrait priver les chaînes gratuites d'un nombre important d'écrans puissants et réduirait d'autant plus fortement leurs revenus qu'elles seraient contraintes de se reporter sur des programmes moins attractifs ou, du moins, moins rentables. Les coûts par GRP étant croissants à la marge, la perte subie en raison du verrouillage des contenus les plus attractifs serait, de fait, particulièrement importante.

257. En ce qui concerne les nouvelles chaînes de la TNT, l'instruction a montré que ce sont les films de catalogue qui leur permettent de réaliser leurs meilleures audiences (entre 30 et 50 % des 100 meilleures audiences). Ces chaînes seront, par conséquent, davantage impactées par les effets verticaux de l'opération. Néanmoins, si les effets congloméraux de l'opération se matérialisent par la mise en œuvre d'un effet de levier favorisant la nouvelle entité, compte tenu de la faibles croissance du marché de la publicité depuis 2008 l'accroissement des revenus publicitaires des chaînes Direct 8 et Direct Star affectera en premier lieu les nouvelles chaînes de la TNT qui se situent aujourd'hui dans le même environnement concurrentiel que les chaînes qui font l'objet de l'acquisition (144).

(ii) Sur les films EOF

258. Afin de maximiser les investissements qu'elles réalisent dans le cadre de leurs obligations, les chaînes financent en priorité les films EOF aux devis élevés, dont on peut anticiper, comme l'observe la partie notifiante (145), qu'il s'agira de films attractifs, capables de générer une audience importante lors de leur diffusion en clair (146). Les chaînes gratuites historiques privées focalisent ainsi leurs préachats sur la petite minorité de films français à gros budget (supérieur à 10 millions d'euro) produits chaque année. Le CNC observe que le devis moyen des films dans lesquels TF1 et M6 ont investi en 2011 s'élève respectivement à 15,5 et 11,5 millions d'euro (147). Or, si le nombre annuel de films EOF en quête de financement est important (207 en 2011), les œuvres dont le devis est supérieur à 10 millions d'euro sont relativement peu nombreuses et représente une petite minorité de la production annuelle, comme l'illustre le tableau suivant :

Films EOF produits durant la période 2009-2011 par tranches de devis

<EMPLACEMENT TABLEAU 6>

259. La mise en œuvre d'un effet de levier par la nouvelle entité priverait ainsi les chaînes gratuites de la possibilité d'effectuer le préachat de films attractifs, et ces dernières, contraintes de préacheter des films EOF, n'auraient pas d'autre choix que de reporter leurs investissements vers des films au devis plus modeste moins susceptibles de générer de fortes audiences sur des grilles de programmes destinés au grand public.

260. Compte tenu de l'importance des films EOF inédits dans la programmation des chaînes en clair, notamment en première partie de soirée, si l'attractivité de ces derniers diminue, le GRP des écrans publicitaires correspondants devrait également décroître. Cet effet sera d'autant plus significatif pour les chaînes de télévision gratuite que le prix du point de GRP est croissant à la marge : plus l'écran concerné est puissant, plus la perte d'un point de GRP est coûteuse pour les chaînes. Dès lors, comme en matière de séries, si GCP préempte par effet de levier les droits de diffusion de films inédits attractifs, il dégradera l'audience de certains des écrans puissants des chaînes gratuites, diminuant d'autant plus fortement leurs recettes publicitaires. Par conséquent, la contribution des autres chaînes en clair au cinéma français ainsi que leur capacité à proposer aux téléspectateurs des contenus attractifs et différenciants sera affectée.

261. Les parties ont cependant fait valoir en séance que la dégradation des chaînes en clair concurrentes, si elle était vérifiée, serait compensée par l'amélioration de la qualité de Direct 8. Dès lors, selon les parties, l'effet final sur le bien-être du téléspectateur serait neutre, voire positif.

262. Cependant, la mise en œuvre d'un effet de levier par lequel GCP réserverait les droits de diffusion en clair des films EOF inédits les plus attractifs à Direct 8 ne pourrait, en tout état de cause, s'avérer neutre pour le bien-être du consommateur. En 2011, l'intégralité des films dont le devis était supérieur à 15 millions d'euro ont été coproduits par une chaîne en clair historique. Dès lors, si la nouvelle entité met en œuvre un effet de levier, du point de vue de l'offre de contenus celui-ci se traduira par un simple transfert de films inédits d'une chaîne en clair vers une autre. En revanche, en ce que l'effet de levier aura pour conséquence de réduire les revenus publicitaires des chaînes gratuites concurrentes de Direct 8 et Direct Star, il réduira aussi bien leur contribution au financement de la production que leur capacité à proposer des contenus attractifs et différenciants, tout en portant atteinte au libre jeu de la concurrence. Les conséquences de l'effet de levier auront donc, à terme, un impact négatif sur le bien-être du consommateur.

d) Sur la contribution de l'opération au progrès économique

263. En application des dispositions de l'article L. 430-6 du Code de commerce, lorsque l'Autorité procède à l'examen approfondi d'une opération de concentration, elle "apprécie si l'opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence". L'Autorité apprécie, en particulier, si les gains d'efficacité économique de l'opération peuvent accroître l'incitation de l'entreprise résultant de l'opération à adopter un comportement favorable à la concurrence (148). Il convient donc d'examiner les gains d'efficacité dont les parties se prévalent (i), avant d'examiner si les éléments qu'elles font valoir à ce titre remplissent les critères de prise en compte de tels gains (ii) et dans quelle mesure ils sont susceptibles de contrebalancer les effets anticoncurrentiels de l'opération (iii).

(i) Sur les gains d'efficacité invoqués par les parties

264. En l'espèce, les parties se prévalent de gains d'efficacité liés à trois types d'effets. Premièrement, GCP soutient que l'opération améliorera globalement la qualité des contenus produits ou acquis par le groupe en permettant de constituer un continuum éditorial entre ses chaînes payantes et en clair qui augmentera ses capacités de financement, dans la mesure où chaque fenêtre de diffusion apportera à GCP une source de financement supplémentaire. GCP considère que cette amélioration prendra place sur un marché dans lequel les nouvelles chaînes de la TNT n'apportent que peu d'améliorations qualitatives à l'offre télévisuelle en clair. A ce titre, l'opération générera des gains d'efficacité favorables au secteur de la télévision en clair et aux consommateurs finals selon les parties notifiantes.

265. Deuxièmement, GCP entend répondre à une demande spécifique des annonceurs en développant une offre d'espaces publicitaires sur Direct 8 et Direct Star focalisée sur la cible dite des "CSP+", soit une tranche d'environ 20 % de la population française représentant les revenus les plus élevés. GCP ferait ainsi bénéficier ses chaînes gratuites de son expertise sur cette cible de manière à permettre l'émergence d'une offre pour des annonceurs particuliers, émanant notamment de l'industrie du luxe, de l'électroménager grand public et des services.

L'opération entraînera donc, selon les parties, des gains d'efficacité favorables aux annonceurs.

266. Enfin, troisièmement, GCP considère que les gains qu'il invoque tiennent à la mise en œuvre de l'effet de levier. GCP soutient qu'il suffit de tirer les leçons des échecs de groupes tels que Lagardère ou Bolloré dans la TNT gratuite qui enseigneraient que seul un accès aux droits de diffusion de contenus "puissants" qu'exploitent les grands groupes historiques de télévision en clair permettrait de les concurrencer de manière effective. GCP soutient également que les opérateurs historiques de la télévision gratuite mettent eux-mêmes en œuvre un "effet de levier" en achetant des droits de diffusion qu'ils exploitent ensuite sur plusieurs de leurs chaînes149. GCP estime donc qu'il devrait légitimement pouvoir mettre en œuvre un effet de levier prenant appui sur sa propre chaîne historique, Canal+, pour obtenir des contenus que le groupe pourra ensuite diffuser sur ses chaînes en clair à l'issue de l'opération.

(ii) Sur les critères d'appréciation des gains d'efficacité

267. Il incombe aux parties qui souhaitent faire valoir des gains d'efficacité de construire un argumentaire étayé et quantifié démontrant que les gains d'efficacité économique de l'opération sont susceptibles de contrebalancer ses effets anticoncurrentiels, et de fournir tous les éléments de preuve utiles pour soutenir cette démonstration (150). Ceci implique que les gains d'efficacité invoqués par les parties soient présentés avec un détail et une spécificité suffisante pour en contrôler l'existence, à défaut de quoi "l'imprécision des données fournies ne permet pas d'établir que les effets anticoncurrentiels de l'opération envisagée pourraient être compensés par une contribution suffisante au progrès économique et social" (151).

268. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence mettent en exergue trois critères dégagés par la pratique décisionnelle et la jurisprudence pour prendre en compte des gains d'efficacité. Les gains dont les parties se prévalent doivent être (i) quantifiables et vérifiables, (ii) spécifiques à la concentration et (iii) une part de ces gains doit être transférée aux consommateurs (152).

269. En l'espèce, cependant, les parties s'en tiennent à décrire les gains attendus de la concentration sans verser au dossier aucun élément de nature à les quantifier. Il est donc impossible, en l'espèce, de vérifier l'existence des gains d'efficacité dont les parties se prévalent. Les parties ne démontrent pas plus dans quelle mesure les critères d'appréciation des gains d'efficacité sont remplis.

270. GCP estime que les gains attendus de l'opération sont difficiles à chiffrer. Le groupe considère néanmoins que ces gains découleront d'une meilleure exploitation des mêmes contenus sur les fenêtres de télévision payantes puis sur les fenêtres en clair. Par ce biais, GCP estime pouvoir donner aux téléspectateurs du grand public accès à une nouvelle offre tout en améliorant la capacité de GCP à en financer l'acquisition. La nature des gains allégués n'exclut donc nullement qu'ils puissent faire l'objet d'une évaluation de la part des parties notifiantes. L'absence de toute estimation des gains d'efficacité au dossier apparaît à cet égard d'autant moins justifiable que GCP décrit les gains attendus comme une des motivations de l'opération.

271. Enfin et surtout, en considérant que seule la mise en œuvre des effets de levier dénoncés lui permettraient de tirer des gains d'efficacité de la réalisation de l'opération, GCP entretient délibérément une confusion entre son accès aux contenus et l'effet de levier. Cependant, rien n'empêchera GCP d'acheter des droits de diffusions en clair en utilisant sa propre puissance financière, sans nécessairement mettre en œuvre une stratégie de couplage ou d'achats liant ou groupant ces droits à des acquisitions destinées à une diffusion en télévision payante. Au contraire, le seul fait d'être adossé à GCP conférera à Direct 8 et Direct Star une capacité accrue de financement pour acheter de meilleurs contenus. GCP soutient d'ailleurs qu'il envisage d'augmenter le montant des investissements consacrés à la composition de la grille annuelle des chaînes cibles (le "coût de grille"). GCP entend ainsi faire progresser le coût de grille de Direct 8 pour atteindre 120 millions d'euro à l'échéance 2015 (153). GCP projette donc de tripler le coût de grille actuel de la chaîne (154) pour atteindre un niveau considérable par comparaison aux autres nouvelles chaînes de la TNT.

272. En effet, selon le CSA, avec un tel montant, Direct 8 se retrouvera dans une position "charnière", derrière les six chaînes gratuites historiques, mais "loin devant" les nouvelles chaînes de la TNT (155). En effet, ce montant représente près de quatre fois le coût de grille moyen des nouvelles chaînes de la TNT. L'investissement qu'est prêt à consentir GCP dans la grille de Direct 8 en augmentera donc considérablement l'attractivité, à des niveaux sans équivalent parmi les nouvelles chaînes de la TNT. La convention de Direct Star en faisant une chaîne musicale, GCP disposera d'une moindre marge d'action pour en faire évoluer la programmation, même si le groupe envisage d'ores et déjà d'en faire une chaîne pour les téléspectateurs de 15 à 35 ans, dont la grille sera composée de musique et de séries françaises et américaines (156).

273. Les gains qui découleront de la hausse des investissements des chaînes cibles dans les contenus sont donc parfaitement accessibles sans que GCP ait besoin de mettre en œuvre un quelconque effet de levier impliquant la puissance d'achat qu'il tire de ses positions quasi-monopolistiques sur les marchés amont de l'acquisition de droits de diffusion en télévision payante. Les gains d'efficacité dont se prévaut GCP ne présupposent donc pas nécessairement la mise en œuvre des effets anticoncurrentiels de l'opération.

(iii) L'insuffisance des gains d'efficacité pour contrebalancer les effets de l'opération

274. Si les gains d'efficacité allégués par GCP ne sont pas quantifiables, faute de données suffisamment précises communiquées par les parties, le verrouillage que serait susceptible d'entrainer la mise en œuvre d'un effet de levier est, en revanche, évaluable.

275. Ainsi, par exemple, si GCP prend appui sur son monopole d'acquisition de droits de diffusion en télévision payante de films américains récents pour conclure des contrats-cadre pour l'acquisition de droits de diffusion en clair avec les deux premiers majors en termes de production de séries, GCP pourra se réserver un droit de premier regard et de préemption sur plus de 48 % de l'offre (157) sans concurrence de la part des autres opérateurs de télévision gratuite. Une telle hypothèse apparaît d'ailleurs vraisemblable dans la mesure où les contrats-cadre des deux premiers producteurs de séries arrivent tous deux à échéance dans un délai de deux ans, ce qui donnerait à GCP la possibilité d'en négocier l'acquisition une fois passée la période de lancement des chaînes cibles. Un tel niveau de préemption amputerait considérablement l'offre disponible pour les concurrents des parties dans le secteur de la télévision gratuite et serait donc susceptible d'entraîner une contraction significative des marges de ces derniers, sans que la concentration aboutisse à accroître la concurrence sur le marché amont.

276. De la même manière, s'agissant des films EOF, GCP entend prendre appui sur son pouvoir d'achat vis-à-vis de producteurs français pour acquérir les droits en clair [confidentiel] de films. En focalisant ses acquisitions sur les films à plus fort potentiel d'audience, c'est-à-dire dont le devis est supérieur à 10 millions d'euro, GCP pourrait verrouiller plus de [70-80] % de la production des films dotés de ces montants de budget.

277. Les parties notifiantes soutiennent cependant que le fait de faciliter l'acquisition de contenus par Direct 8 et Direct Star en permettant à GCP d'exploiter la segmentation dans le temps des différentes fenêtres de diffusion, payantes et en clair, constitue un effet pro-concurrentiel. Il ressort effectivement des observations des parties et de leurs déclarations en séance qu'ils auraient l'intention de diffuser sur les chaînes cibles des programmes qui n'étaient auparavant pas disponibles en clair. Or la mise en œuvre d'une stratégie par laquelle GCP financerait la diffusion de tels programmes en clair grâce aux économies permises par l'achat lié ou groupé de droits de diffusion en télévision payante et en clair constituerait effectivement, par principe, un progrès économique dans la mesure où elle aboutirait à enrichir l'offre en clair au consommateur final.

278. Mais telle n'est pas la démarche que décrit GCP quand il explique également souhaiter acquérir les contenus achetés avant la concentration par les acteurs historiques de la télévision en clair, en exploitant la puissance d'achat dont le groupe jouit, à la différence de ces derniers, en matière d'acquisition pour la télévision payante. Dans cette hypothèse, les parties ne prétendent plus vouloir diffuser en clair des contenus qui n'y auraient pas trouvé de débouché avant l'opération, mais simplement préempter une partie de l'offre existante. Le raisonnement par lequel GCP avance que ceci constituerait un "gain d'efficacité" ne saurait être admis. En effet, GCP n'envisage alors nullement de concurrencer dans des conditions non-entravées les opérateurs historiques de la télévision en clair pour l'acquisition de droits de diffusion en clair, mais bien de les obtenir par le biais d'un effet de levier, en portant atteinte à la capacité de ces opérateurs de proposer une offre alternative viable sur le marché amont.

279. La mise en œuvre d'une telle stratégie ne transmettrait aucun gain tangible aux consommateurs puisqu'elle n'aboutirait pas à offrir de nouveaux contenus attractifs. Le seul effet concret des synergies de l'opération serait de proposer sur Direct 8 et Direct Star des films et séries qui auparavant auraient été diffusés sur M6 et TF1. En outre, les annonceurs ne bénéficieraient pas non plus des synergies de l'opération puisque le principal résultat serait de déplacer des écrans puissants des grilles de programmation de TF1 et M6 vers les grilles de Direct 8 et Direct Star. Or les annonceurs interrogés lors du test de marché estiment que l'opération n'aurait un impact bénéfique sur leur activité que si elle impliquait une offre de programmes plus qualitative et innovante qui leur permettrait effectivement d'avoir accès à des nouveaux espaces publicitaires.

280. Dans la mesure où la contribution au progrès économique dont GCP se prévaut dans cette situation consistent en la simple préemption par la nouvelle entité de programmes aujourd'hui accessibles aux opérateurs de télévision gratuite, en se soustrayant à toute concurrence du fait de la mise en œuvre d'un effet de levier, les seuls "gains" réels seront tirés par la nouvelle entité des économies d'échelle permises par l'exploitation de fenêtres de diffusion complémentaires. Si de tels gains étaient susceptibles d'être favorisés grâce aux fenêtres en clair obtenues par GCP à la suite de la concentration, ils ne constitueraient qu'un avantage pour GCP, sans transmission aux consommateurs. Ils ne constituent donc pas, en tant que tels, et n'apportent pas à eux seuls une contribution au progrès économique de nature à compenser les effets anticoncurrentiels de l'opération (158).

C. EFFETS VERTICAUX

281. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents, ou les marchés amont lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.

282. En l'espèce, au regard des activités exercées par les parties, l'opération est susceptible d'entrainer un effet de verrouillage sur les marchés de droits de films de catalogue. La concentration renforce en effet la position de GCP en tant qu'acheteur sur les marchés de la vente de droits de films de catalogue, sur lesquels il était, préalablement à l'opération, uniquement actif au titre de ses activités de télévision payante. Dans la mesure où StudioCanal, filiale de GCP, est un des principaux vendeurs de droits de films de catalogue, à l'issue de l'opération la nouvelle entité pourra restreindre l'accès à ce type de droits pour privilégier ses chaînes en clair au détriment des opérateurs concurrents de télévision gratuite, en particulier des nouvelles chaînes de la TNT non adossées à un groupe audiovisuel historique (1).

283. Par ailleurs, GCP contrôlant aujourd'hui plusieurs compétitions pouvant comporter des évènements sportifs d'importance majeure qu'il doit rétrocéder aux chaînes gratuites faute de pouvoir en assurer la diffusion en clair (159), l'intégration de chaînes gratuites aux activités du groupe mettra GCP en mesure de diffuser ces contenus sur ses propres chaînes, en préemptant toute possibilité pour les autres chaînes gratuites d'y accéder (2).

284. Enfin, certains opérateurs ont évoqué un troisième risque d'effet vertical au cours de l'enquête. Celui-ci découle de la possibilité que pourrait avoir la nouvelle entité de bénéficier d'un accès privilégié à la ressource publicitaire compte tenu des liens capitalistiques qui existeront entre Vivendi et Bolloré à l'issue de l'opération. Sur le marché de la publicité télévisée, GCP est en effet présent par l'intermédiaire de sa filiale Canal+ Régie qui commercialise les espaces publicitaires de l'ensemble de ses chaînes. Les espaces publicitaires des chaînes Direct 8 et Direct Star sont pour leur part commercialisés par la société Bolloré Intermedia. Le groupe Bolloré détient par ailleurs des participations dans deux agences média que sont Havas et Aegis. Il conviendra donc d'examiner la probabilité d'un tel effet (3).

1. EFFETS VERTICAUX S'AGISSANT DES FILMS DE CATALOGUE

285. Conformément à la pratique décisionnelle, la probabilité que l'opération fausse le jeu de la concurrence par des effets verticaux dépend de la capacité de GCP à restreindre l'accès de ses concurrents aux droits de films de catalogue (a), de l'incitation du groupe à mettre en œuvre une telle stratégie (b) et des effets de cette stratégie sur les marchés en cause (c) (160).

a) Sur la capacité des parties à verrouiller les achats de films de catalogue

(i) Position des parties

286. La faisabilité et l'intérêt pour GCP d'une stratégie visant à restreindre l'accès de ses concurrents aux droits de diffusion des films de catalogue qu'il détient dépendent en premier lieu de sa maîtrise de l'accès à ces droits. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence écarte en principe le risque que le renforcement vertical causé par une opération de concentration entraîne un effet de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 % (161). Il convient donc au cas d'espèce d'analyser la position que détiendra GCP après l'opération sur les marchés des droits des films de catalogue aussi bien à l'amont, du côté de l'offre de droits, qu'à l'aval, du côté de la demande.

Du côté de l'offre

287. GCP commercialise des droits de diffusion de films de catalogue par le biais de sa filiale StudioCanal. Cette dernière détient un portefeuille de [...] œuvres cinématographiques dont l'origine est présentée dans le tableau suivant (162) :

Composition du catalogue de StudioCanal (163)

<EMPLACEMENT TABLEAU 6>

288. La partie notifiante observe que la collection d'œuvres présente au catalogue de StudioCanal est relativement ancienne puisque [70-80] % des titres concernés ont plus de 15 ans.

Position s'agissant du stock de films disponibles

289. D'après les données recueillies dans le cadre du test de marché, StudioCanal est en France le leader de la distribution de films de catalogue toutes origines confondues. Sa part de marché en volume (nombre de films en portefeuille), ainsi que celle de ses principaux concurrents, sont présentées dans le tableau suivant pour les années 2008, 2009, 2010 :

<EMPLACEMENT TABLEAU 7>

290. Sur le marché des films de catalogue EOF et européens, StudioCanal détient [...] œuvres cinématographiques, soit environ [30-40] % du nombre des films dits "de quotas" susceptibles d'être achetés par les chaînes auprès des détenteurs de droits français. Ses premiers concurrents, notamment les groupes Gaumont et Pathé, détiennent des portefeuilles de droits beaucoup plus étroits, représentant chacun à peine 10 % des films de quotas disponibles (164). Ainsi, même si les chaînes en clair peuvent, en cas de verrouillage de l'accès au catalogue de StudioCanal, s'adresser à des fournisseurs alternatifs, ces derniers n'apparaissent pas en mesure de proposer une offre d'une profondeur équivalente à celle de GCP.

291. L'enquête a également montré que le portefeuille de droits détenu par StudioCanal se distingue par l'attractivité des films concernés, en particulier pour les nouvelles chaînes de la TNT. Selon les estimations versées au dossier, [20-30] % des films français diffusés en prime time sur TMC, NT1, Direct 8, W9 et NRJ 12 étaient des films de StudioCanal. [10-20] % des films diffusés tous quotas confondus en prime time sur ces mêmes chaînes provenaient également du portefeuille de StudioCanal.

? Position s'agissant du chiffre d'affaires annuel réalisé sur le marché

292. Les éléments au dossier montrent que le chiffre d'affaires global généré par la vente de droits de films de catalogue, toutes origines confondues, était de l'ordre de 230 millions d'euro en 2011. StudioCanal a réalisé un chiffre d'affaires de [...] millions d'euros (165), ce qui représente [20-30] % de la valeur totale des ventes de droits de films de catalogue toutes origines confondues en 2011.

293. S'agissant des droits portant sur des films de catalogue EOF en 2011, le chiffre d'affaires total peut être estimé à 105 millions d'euro (166), dont [...] millions d'euro (167) pour StudioCanal, soit [20-30] %. StudioCanal, qui commercialise l'ensemble des droits de films qu'il détient auprès d'un grand nombre de chaînes diffusées en France, réalise près de [70-80] % de son chiffre d'affaires auprès des opérateurs de la télévision gratuite. Le tableau suivant décrit la répartition de son chiffre d'affaires réalisé auprès de ses différents clients :

Part des différents groupes audiovisuels dans l'ensemble des ventes de droits catalogue de StudioCanal (168)

<EMPLACEMENT TABLEAU 8>

Du côté de la demande

294. GCP, comme les sociétés cibles, est un acheteur de droits de diffusion pour les chaînes qu'il édite. Un grand nombre de chaînes concurrentes, payantes ou non, spécialisées ou généralistes, acquièrent également des droits portant sur des films de catalogue.

295. En 2011, GCP a dépensé [...] millions d'euro (169) pour l'achat de films de catalogue toutes origines confondues. Le volume d'achat global pouvant être estimé à 230 millions d'euro selon les données recueillies au cours de l'enquête, les parties notifiantes représentent [10-20] % du marché. Les investissements des chaînes cibles s'élèvent pour leur part à [...] millions d'euro en 2011, soit une part de marché de [0-5] %. A l'issue de l'opération, la position de la nouvelle entité restera inférieure à celle détenue par les groupes TF1 et France Télévisions.

296. Sur le marché plus étroit de l'acquisition de droits relatifs aux films de catalogue EOF, les acquisitions de GCP s'élèvent à [...] millions d'euro en 2011. Le marché total étant estimé à 105 millions d'euro, GCP représentera [10-20] % de la valeur des achats. Direct 8 et Direct Star ont pour leur part investi [...] millions d'euro pour l'achat de droits de films de catalogue EOF, soit une part de marché de [0-5] %. La position de GCP après l'opération sera donc de [10-20] %, et restera inférieure à celles des groupes TF1 et France Télévisions, comprises entre 20 % et 30 %.

Conclusion sur la position des parties

297. Même si la nouvelle entité disposera de parts de marché inférieures à 30 % en valeur sur les marchés des droits de films de catalogue à l'issue de l'opération, aussi bien du côté de l'offre que du côté de la demande, le portefeuille de StudioCanal restera le plus important du marché pour les droits de films EOF. StudioCanal détient ainsi 38 % des films "de quotas".

298. Or les films de catalogue EOF représentent un intrant incontournable pour l'édition des chaînes en clair dans la mesure où, en application de l'article 7 du décret n° 90-66 (170) celles-ci sont dans l'obligation de diffuser au moins 60 % d'œuvres cinématographiques d'origine européenne, dont 40 % d'œuvres cinématographiques EOF. Compte tenu de ces contraintes réglementaires, le risque d'effet vertical concernant cette catégorie de droits ne peut être exclu. En revanche, tout risque d'atteinte à la concurrence par le biais d'un verrouillage de l'accès aux droits de films de catalogue d'origine autre que française peut être écarté.

(ii) Caractéristiques du marché permettant la mise en œuvre d'un effet de verrouillage

299. Selon les informations fournies par la partie notifiante (171), StudioCanal cède les droits qu'il détient aux chaînes gratuites selon un processus de négociation de gré à gré, film par film, ce qui correspondrait à une pratique généralisée du secteur.

300. En pratique, l'instruction a montré que StudioCanal adresse aux chaînes des listes de films (ou "packages") à plusieurs moments dans l'année et celles-ci font alors connaître leur demande pour tel ou tel film. Une négociation a alors lieu entre StudioCanal et la chaîne sur le tarif et les modalités de cession des droits du film en question. StudioCanal arbitre en fonction des préférences de chacun de ses clients pour obtenir un ensemble de listes qui conviennent à chacun d'entre eux. Selon TF1 "il n'y a pas que des bons films dans le package" (172). Parallèlement, certains films peuvent être achetés à l'unité (ce cas de figure concerne principalement les chaînes gratuites historiques) (173).

301. Il ressort de l'instruction que ce mécanisme de vente, fondé sur des listes adaptées à la ligne éditoriale et à la propension à payer de chaque chaîne, tend à privilégier les opérateurs les plus puissants au détriment des nouveaux entrants indépendants. Les listes sont en effet d'abord proposées aux chaînes gratuites historiques puis aux nouvelles chaînes de la TNT, les disponibilités des films s'amenuisant au fil des achats des premiers acheteurs sollicités. Par conséquent, les nouveaux entrants de la télévision gratuite qui ne sont pas adossés à un grand groupe audiovisuel français ne peuvent obtenir que des listes qui sont adaptées par le vendeur à leur capacité de paiement et, en tout état de cause, ne peuvent acheter les droits devenus indisponibles en raison des acquisitions des grands groupes.

302. Les films sont achetés pour une durée qui va de six mois à deux ans. Les films les plus attractifs ne sont généralement pas reproposés immédiatement à la vente pour préserver une certaine durée entre deux diffusions. Pendant ce délai, les films concernés ne sont plus mis en vente afin de conserver un certain degré de rareté ce qui permet de maintenir leur valeur. Celle-ci est en effet susceptible de diminuer lorsqu'un film est diffusé un grand nombre de fois à la télévision sur de courtes périodes, ce qui entraîne une "usure" du film en termes de potentiel d'audience.

303. Il convient de souligner que certains groupes audiovisuels, détenant plusieurs chaînes, tels que TF1, M6 ou France Télévisions, demandent à StudioCanal une négociation groupée pour l'ensemble de leurs chaînes (y compris payantes).

304. La demande des chaînes varie en fonction de leur politique éditoriale propre. De même, les prix d'acquisition des films varient en fonction des chaînes, c'est-à-dire en fonction de l'audience, de l'exposition et la promotion du film. Par conséquent certains films attractifs, dont les prix peuvent être élevés, sont, en pratique, fréquemment achetés par les chaînes gratuites historiques dont les budgets sont moins contraints que ceux des nouvelles chaînes de la TNT.

(iii) Capacité des concurrents des parties à contrer un verrouillage des achats de films de catalogue

305. L'instruction a montré qu'une partie significative des droits de films de catalogue détenus par StudioCanal ne pourrait pas faire l'objet d'un verrouillage au bénéfice de Direct 8 et Direct Star. En effet, GCP explique qu'après "une première diffusion inédite en clair, les films EOF préfinancés par les chaînes hertziennes historiques en clair (devenus des films "de catalogue") ne sont pas immédiatement disponibles pour les chaînes tierces, n'appartenant pas à leur groupe de communication audiovisuelle, du fait de la mise en œuvre d'options prioritaires et de droits de préemption. Dès la conclusion du contrat initial avec le producteur, les chaînes hertziennes historiques peuvent acquérir une option prioritaire pour l'obtention des droits d'exploitation des films qu'elles ont préfinancés sur tout service audiovisuel payant ou gratuit des sociétés affiliées au groupe auquel elles appartiennent" (174).

306. GCP précise que "ces options prioritaires sont également complétées par des droits de préemption. Ces droits de préemption signifient que le producteur s'engage à adresser à la chaîne historique toute proposition qui lui aura été faite par un tiers d'acquisition des droits de diffusion de son film. La chaîne a alors la possibilité de s'aligner ou de surenchérir pour obtenir ces droits de diffusion. Les droits ainsi préemptés peuvent en outre bénéficier aux filiales des chaînes hertziennes historiques, par le biais de clauses permettant à ces dernières de se substituer leurs filiales dans le bénéfice des droits cédés. Il faut noter que ces droits d'option prioritaire et de préemption sont le plus souvent valables sans limitation de temps (pendant toute la période où la chaîne dispose des droits sur un film). A chaque fois que le film est à vendre pour une nouvelle diffusion, la chaîne peut exercer son droit de préemption qui se renouvelle donc dans le temps" (175).

307. L'Autorité de la concurrence a en effet déjà eu l'occasion de relever que les chaînes qui disposent des droits de diffusion inédits en clair "restreignent l'accès à ce marché par plusieurs moyens dont certains ont été reconduits à l'occasion de la conclusion des derniers accords interprofessionnels avec les syndicats de producteurs : (...) droit de premier et de dernier refus : le producteur est tenu d'informer la chaîne de son intention de céder les droits portant sur l'œuvre dont elle a été coproductrice ou qu'elle a pré-achetée. Cette dernière a un certain délai pour faire valoir son droit de premier refus par lequel le producteur s'engage à négocier exclusivement avec elle. En cas d'échec de la négociation, le producteur est tout de même tenu d'informer la chaîne de l'existence d'une offre faite à un tiers. Si la chaîne fait valoir son droit de dernier refus dans un certain délai et propose un prix égal à celui demandé par le producteur au tiers, le producteur est alors tenu de lui céder les droits. Ce refus peut cependant dans certains cas être exercé en contrepartie d'une "simple" compensation (...)" (176).

308. Le groupe NRJ observe également que "les groupes historiques sont le plus souvent coproducteurs de films et fictions françaises ou ont participé à leur financement au moyen de conventions de préachats de droits de diffusion. Ils bénéficient de ce fait de droits exclusifs de diffusion sur ces programmes et de droits de préemption à l'issue de ces exclusivités. Ces droits permettent aux groupes historiques de préempter les programmes à plus fort potentiel d'audience pour leurs propres chaînes" (177).

309. En pratique, il ressort des éléments versés au dossier que, parmi les 55 films coproduits par StudioCanal entre 2008 et 2012, 50 ont été coproduits par une chaîne gratuite historique et comportent un droit de préemption ou une option prioritaire au bénéfice de cette même chaîne (178). De plus, GCP indique que, parmi les 530 films coproduits depuis 1987 (année de la privatisation de la chaîne TF1 et de la création de la chaîne M6) et figurant au catalogue de StudioCanal, plus de [...] font l'objet d'une clause de préemption par les chaînes historiques, soit [50-60] % du total.

310. GCP a également fourni une liste des films coproduits par StudioCanal et une chaîne gratuite historique et diffusés sur les chaînes gratuites historiques en 2010 et 2011 qui montre que, parmi les 77 films recensés, seuls deux ne bénéficiaient pas d'un droit de préemption ou d'une option prioritaire.

311. Enfin, selon les estimations de GCP, les quatre premiers diffuseurs que sont TF1, France 2, France 3 et M6 utilisent leurs droits à ce titre dans 60 à 80 % des cas. Le groupe NRJ observe pour sa part qu'"en général, ces problèmes [de préemption] concernent un deal sur deux" (179).

312. Compte tenu de ces éléments, la capacité de la partie notifiante à mettre en œuvre une stratégie de verrouillage de l'accès aux droits de films de catalogue EOF apparaît fortement limitée par les droits de préemption que possèdent les chaînes coproductrices. Toutefois, ces droits concernent principalement les chaînes gratuites historiques qui représentent la grande majorité de l'investissement des chaînes en clair dans la production cinématographique. Ainsi, sur les 272 films français produits en 2011, 125 ont été préachetés par une ou plusieurs chaînes en clair dont 116 par les chaînes historiques et seulement 16 par les nouvelles chaînes de la TNT. Les nouvelles chaînes de la TNT ont ainsi représenté 1,2 % de l'investissement total des chaînes gratuites dans la production française en 2011 (180).

313. Il s'ensuit que ces chaînes, qui ne contribuent pas à ce jour significativement à la production cinématographique, ne jouissent par définition que d'un nombre très marginal de droits de préemption. GCP est donc capable de verrouiller l'accès des nouvelles chaînes de la TNT au portefeuille de films de StudioCanal.

b) Sur l'incitation des parties à verrouiller les achats de films de catalogue

314. Un verrouillage de l'accès aux droits de films de catalogue EOF de StudioCanal pourrait permettre à GCP d'augmenter l'attractivité relative de Direct 8 et Direct Star en appauvrissant la programmation cinématographique des chaînes concurrentes. Compte tenu des quotas obligatoires de diffusion de films européens en EOF imposés par la réglementation (181), les opérateurs concurrents ne pourraient pas reporter leurs achats vers des films américains (ou autres) pour maintenir l'attractivité de leur chaîne, en cas de verrouillage. En améliorant ainsi l'audience de Direct 8 et Direct Star au détriment de ses concurrents, la nouvelle entité augmenterait ses recettes publicitaires, selon le mécanisme décrit plus haut s'agissant des effets congloméraux.

315. Toutefois, en verrouillant l'accès à ses droits de films de catalogue EOF, GCP se priverait d'une part substantielle des revenus de StudioCanal. Les chaînes en clair sont en effet les premiers acheteurs de ce type de droit dont les ventes ont représenté [...] millions d'euro de recettes pour GCP en 2011. Une stratégie consistant à restreindre l'accès aux droits sans en verrouiller totalement l'accès pourrait également conduire à des pertes similaires pour la nouvelle entité, les opérateurs en clair étant susceptibles de faire valoir leur contrepouvoir en reportant l'intégralité de leurs achats vers d'autres détenteurs de catalogue. Ceci est d'autant plus vraisemblable que certains d'entre eux disposent également d'un portefeuille de droits de films de catalogue. Ainsi, la Société nouvelle de distribution ("SND") appartenant au groupe M6, qui détient les droits d'environ 700 œuvres (182), a représenté entre 20 et 30 % des achats de films de catalogue EOF diffusés par la chaîne en 2011. Par conséquent, même si la stratégie de verrouillage envisagée permettait à la nouvelle entité d'augmenter les recettes publicitaires d'une chaîne comme Direct 8 (actuellement de l'ordre de [...] millions d'euro), il paraît peu probable que cette augmentation compense la baisse de chiffre d'affaires que subirait StudioCanal, compte tenu du poids financier des chaînes en clair concurrentes. GCP ne serait donc pas incité à adopter une stratégie généralisée de verrouillage.

316. Les incitations de StudioCanal s'avèrent en revanche différentes vis-à-vis des nouvelles chaînes de la TNT, non adossées à de grands groupes audiovisuels, dont le positionnement concurrentiel est plus proche des chaînes Direct 8 et Direct Star que les chaînes gratuites historiques. Alors que celles-ci sont très dépendantes des films de catalogue pour la composition de leurs grilles, les nouvelles chaînes de la TNT représentent moins de 10 % des débouchés totaux du marché des films de catalogue (183). Les chaînes généralistes indépendantes de la TNT représentent actuellement environ [10-20] % des recettes de StudioCanal, proportion qui se réduira à environ [10-20] % à l'issue de l'opération. Il s'ensuit que l'éviction de chaînes de ce type, en particulier NRJ 12, par le verrouillage de l'accès au portefeuille de films EOF de StudioCanal améliorerait l'audience relative de Direct 8 et Direct Star par comparaison à ses plus proches concurrents, sans pour autant représenter une perte de revenus particulièrement significative pour GCP. La mise en œuvre d'une telle stratégie vis-à-vis des chaînes sélectionnées par le CSA en mai 2012 pour élargir l'offre de la TNT gratuite est également d'autant plus vraisemblable qu'elle n'entraînerait aucune perte pour StudioCanal.

317. Il s'ensuit que GCP sera incité, à l'issue de l'opération, à verrouiller l'accès des nouvelles chaînes indépendantes de la TNT au portefeuille de droits de StudioCanal.

c) Sur l'impact d'un verrouillage des achats de films de catalogue

318. Compte tenu des développements précédents, il n'y a pas lieu de retenir un risque de verrouillage vis-à-vis des grands groupes historiques de télévision gratuite. Tel n'est en revanche pas le cas pour les nouvelles chaînes indépendantes de la TNT, pour lesquelles ce risque ne peut pas être exclu.

319. Or, le verrouillage de l'accès à des intrants est susceptible de porter atteinte à la concurrence, même s'il ne concerne que des entreprises qui ne représentent qu'une petite partie du marché, dès lors que ces dernières animent effectivement la concurrence. A l'instar de la Commission européenne, il convient de considérer qu'"un verrouillage anticoncurrentiel du marché peut se produire lorsqu'une concentration verticale permet aux parties à la concentration d'augmenter les coûts de leurs concurrents situés en aval, exerçant ainsi une pression à la hausse sur leurs prix de vente. Pour que l'on puisse parler d'atteinte significative à la concurrence effective, il faut normalement que les sociétés évincées jouent un rôle suffisamment important dans le jeu de la concurrence sur le marché situé en aval. (...) Bien que ne disposant que d'une part de marché relativement limitée par rapport aux autres acteurs, une société déterminée peut jouer un rôle important dans le jeu de la concurrence par rapport à ces derniers, par exemple parce qu'elle est un concurrent proche de la société verticalement intégrée ou un concurrent particulièrement agressif" (184).

320. StudioCanal est l'un des principaux vendeurs de droits de films catalogue de quotas auprès des chaînes gratuites. Ceci est particulièrement vrai pour les nouvelles chaînes de la TNT, pour lesquelles StudioCanal figure actuellement au [1-3]ème rang des fournisseurs en films de catalogue EOF des nouvelles chaînes généralistes.

321. Par ailleurs, comme l'ont souligné les opérateurs de la télévision gratuite au cours de l'enquête, le portefeuille de droits de films de catalogue EOF détenu par StudioCanal se distingue par l'attractivité des films concernés. TF1 note pour sa part que "le catalogue de StudioCanal est également le plus attractif pour les chaînes de télévision comme pour les téléspectateurs, puisqu'il inclut les films les plus "multidiffusés" et ayant permis les meilleures audiences, ainsi que des films du patrimoine cinématographique français (par ex. La Grande Vadrouille, Le Corniaud, etc.)" (185).

322. Les données fournies par trois nouvelles chaînes généralistes de la TNT permettent de constater qu'elles ont respectivement consacré entre 30 et près de 40 % du total de leurs achats de droits de diffusion de films de catalogue EOF et européens au portefeuille de StudioCanal. Pour chacune de ces chaînes, le deuxième fournisseur le plus important de tels films, derrière GCP, représentait une part des achats inférieure de moitié à celle consacrée à StudioCanal.

323. Il convient certes de noter, comme le reconnaît par exemple le groupe NRJ, que si les films de catalogue permettent de fédérer des audiences importantes pour les chaînes de la TNT, ce sont les films de catalogue américains qui, à ce jour, permettent de réaliser les meilleurs scores (186). En effet, selon les données recueillies au cours de l'enquête de seconde phase, les films de catalogue ayant réalisé, en 2010 et 2011, les 20 meilleures audiences sur chacune des chaînes en clair, et donc les plus rémunérateurs en termes de recettes publicitaires, sont très majoritairement des films américains et non français. Selon un rapport du CNC, sur les dix meilleures audiences réalisées sur les nouvelles chaînes de la TNT en première partie de soirée en 2010, seuls deux ont été réalisées par des films français (187).

324. Il n'en reste pas moins que les contraintes réglementaires de diffusion qui pèsent sur les chaînes font qu'en cas de verrouillage, celles-ci ne pourraient pas se reporter sur des films étrangers, une partie significative de leur programmation devant comporter des films EOF et européens, segment sur lequel StudioCanal dispose d'une position importante.

325. Or le positionnement concurrentiel de Direct 8 est très proche de celui des autres nouvelles chaînes généralistes de la TNT, et notamment de NRJ 12, autre chaîne encore non-adossée à un groupe historique. Jouissant toutes deux du statut de chaînes généralistes, ces chaînes ont actuellement un coût de grille comparable ([...] millions d'euro pour Direct 8 et [...] pour NRJ 12). NRJ 12 reconnaît cette proximité concurrentielle, soulignant se trouver actuellement en concurrence avec Direct 8 pour des achats de droits portant sur des contenus comparables, généralement issus des reliquats après les acquisitions des grands groupes audiovisuels français, notamment en matière de fictions et de films de catalogue (188).

326. L'opération modifiera ce paysage concurrentiel : les objectifs affichés par GCP pour Direct 8 consistent à la placer parmi les premières chaînes de la TNT. Un tel objectif implique que tout facteur tendant à différencier Direct 8 de ses concurrents les plus proches, à savoir les chaînes TMC, NT1 et NRJ 12, voire à en entraver le développement, sera susceptible de renforcer la position de GCP en matière de télévision gratuite. Cette différenciation pourra se fonder sur un verrouillage des films de catalogue EOF de StudioCanal, cette stratégie aboutissant à l'amélioration de la qualité relative des contenus de Direct 8 au détriment de ses concurrents les plus proches.

327. Notamment, à l'issue de l'opération, NRJ 12 demeurera la seule chaîne généraliste de la TNT non-adossée à un des principaux groupes audiovisuels français. Alors que la chaîne n'est que récemment parvenue à un équilibre économique et considère se situer "dans une économie très fragile" (189) elle apparaît particulièrement vulnérable à tout effet de verrouillage.

328. De la même manière, plusieurs chaînes indépendantes ont été sélectionnées par le CSA en 2012 pour étendre et diversifier l'offre de la TNT gratuite, parmi lesquelles plusieurs chaînes susceptibles de recourir, comme les chaînes actuelles, à un approvisionnement significatif en films de catalogue (notamment Chérie HD et TVous). Leur statut de nouvel entrant les placera également dans une position particulièrement défavorable vis-à-vis d'un fournisseur majeur récemment intégré en aval et souhaitant y conquérir des parts de marché.

329. Compte tenu de ce qui précède, la mise en œuvre par GCP d'une stratégie de verrouillage verticale pourrait avoir un impact significatif sur l'audience des nouvelles chaînes indépendantes de la TNT. D'après les données communiquées par les chaînes au cours de l'instruction (190), les contenus cinématographiques représentent en effet entre 30 et 60 % des 100 meilleures audiences réalisées par les chaînes de la TNT en 2011. Les œuvres cinématographiques permettent par ailleurs de "sur-performer" significativement l'audience globale réalisée par ces chaînes. Les nouvelles chaînes de la TNT réalisent ainsi [0,5-1] point d'audience supplémentaire, par rapport à leur audience moyenne, lorsqu'elles diffusent des films de catalogue EOF. Or, selon les informations recueillies au cours de l'enquête, la perte d'un dixième de point d'audience annuelle pour une nouvelle chaîne de la TNT généraliste peut conduire à une diminution de son chiffre d'affaires comprise en 2 et 4 millions d'euro. Par conséquent, la mise en œuvre d'une stratégie de verrouillage verticale par GCP, privant les chaînes indépendantes de la TNT d'un accès aux films de catalogue EOF de StudioCanal, aurait un impact significatif sur leurs ressources publicitaires.

330. Les parties ont cependant fait valoir en séance que cette éventuelle dégradation serait en toute hypothèse compensée par l'amélioration de la qualité de Direct 8, qui diffusera les films auxquels ses concurrents n'auront pas accès. Dès lors, selon les parties, l'effet final sur le bien-être du téléspectateur serait neutre, voire positif.

331. Contrairement à la thèse des parties, il convient de souligner que la mise en œuvre d'une stratégie de verrouillage verticale par laquelle GCP réserverait ses films de catalogue les plus attractifs à Direct 8 ne peut pas accroître le bien-être du téléspectateur. Si, du point de vue de l'offre de contenus cette stratégie se traduirait en effet par un simple transfert de programmes d'une chaîne en clair vers une autre, du point de vue de la demande, elle dégraderait l'audience des chaînes concurrentes et réduirait donc leurs revenus publicitaires. La mise en œuvre d'un effet de verrouillage porterait donc atteinte à la capacité des nouvelles chaînes de la TNT à proposer des contenus attractifs et différenciant, ce qui entraînerait, à terme, un impact négatif sur le bien-être du consommateur, la chaîne Direct 8 ne pouvant à elle seule offrir la variété et le pluralisme des programmes que peut attendre le téléspectateur du développement des nombreuses chaînes concurrentes.

2. EFFETS VERTICAUX S'AGISSANT DES ÉVÈNEMENTS SPORTIFS D'IMPORTANCE MAJEURE

332. Comme pour ce qui concerne les films de catalogue, la probabilité que l'opération fausse le jeu de la concurrence par des effets verticaux dépend de la capacité de GCP à restreindre l'accès de ses concurrents aux droits de diffusion d'évènements sportifs d'importance majeure (a), de l'incitation du groupe à mettre en œuvre une telle stratégie (b) et des effets de cette stratégie sur les marchés en cause (c).

a) Sur la capacité des parties à verrouiller les achats de droits relatifs aux évènements sportifs

(i) Position de GCP et caractéristique des marchés relatifs aux droits sportifs

333. GCP dispose d'une position prépondérante sur un grand nombre de marchés d'acquisition de droits sportifs. La position de GCP est particulièrement importante en matière de football, notamment pour les droits du championnat français de Ligue 1 et pour les championnats étrangers attractifs.

334. S'agissant des droits de la Ligue 1, GCP dispose d'une position très significative pour les périodes 2008-2012 et 2012-2016, sans que l'entrée de nouveaux acteurs (Orange, désormais sorti du marché, et Al Jazeera) ait fait baisser sa part de marché en dessous de 70 %, comme le montre le tableau suivant.

<EMPLACEMENT TABLEAU 9>

335. S'agissant des droits des championnats étrangers attractifs, GCP a totalisé en moyenne [90-100] % des acquisitions de droits relatifs aux championnats étrangers attractifs pour la période 2006 à 2012, contre [10-20] % pour Orange. L'entrée d'Al Jazeera sur ce marché a modifié cette position, avec [50-60] % de parts de marché pour GCP, mais la répartition des parts de marché pourrait être amenée à évoluer en 2013 avec la remise en jeu des droits pour la diffusion en France du championnat anglais.

336. En ce qui concerne les droits pour les autres compétitions de football à caractère régulier qui ont lieu chaque année et auxquelles participent des clubs français, la part de marché de GCP, quoique significative, est inférieure ([30-40] %).

337. Les caractéristiques du marché conduisent cependant à écarter le risque d'effet vertical lié à l'acquisition de Direct 8 et Direct Star pour les droits de la Ligue 1 et des championnats étrangers attractifs. En effet, GCP n'a juridiquement pas la possibilité d'exploiter les droits concédés par la Ligue de Football Professionnel ("LFP") pour la diffusion des matches de la Ligue 1 sur Direct 8 ou Direct Star. En effet, GCP s'est engagé dans l'offre qu'a acceptée la LFP, en réponse à l'appel à candidatures pour la Ligue 1, à n'exploiter les lots acquis que sur les chaînes "Canal+ Premium et/ou Canal+ Sport du Service Désigné Canal+". Les contrats avec les ayants-droits des championnats étrangers attractifs comportent des clauses analogues.

(ii) Position de GCP et caractéristique des marchés relatifs aux évènements d'importance majeure

338. GCP est également présent sur le marché des droits des évènements d'importance majeure. Comme il a été indiqué plus haut, les évènements d'importance majeure ne peuvent être retransmis en exclusivité par le détenteur de leurs droits d'une manière qui aboutisse à priver une part importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé sur un service de télévision à accès libre (191). Une compétition peut être classée comme étant d'importance majeure dans son intégralité (comme les Jeux Olympiques) ou seulement pour ses tours d'ouverture et finaux (demi-finale et finale), ou seulement la finale si l'équipe de France y participe (comme le championnat du monde de handball, par exemple).

339. En application des dispositions du décret du 22 décembre 2004, si un éditeur de chaîne de télévision à accès payant n'est pas en mesure de diffuser en clair un évènement d'importance majeure pour lequel il dispose de droits exclusifs, il est tenu de proposer la cession de ces droits aux éditeurs de services de télévision à accès libre. Cette offre doit être formulée dans un délai raisonnable avant l'évènement et selon des termes et des conditions de marché équitables, raisonnables et non discriminatoires. Si aucune proposition n'est faite, le titulaire du droit peut l'utiliser dans les conditions qu'il souhaite (192).

340. Compte tenu de la spécificité du régime des évènements d'importance majeure, lorsque GCP acquiert les droits de tels événements, il ne s'en réserve pas pour autant la diffusion. Il a en effet cédé à France Télévisions les droits des finales des championnats du monde masculin et féminin de handball en 2009, de la finale du championnat d'Europe masculin de hand-ball en 2010, et des finales des championnats du monde masculin et féminin de handball ainsi que de la finale du championnat d'Europe de basket-ball masculin en 2011 (193).

341. Ces compétitions sont en effet vendues en bloc par les fédérations concernées et seuls des groupes disposant de chaînes thématiques sportives, comme GCP, sont en mesure d'absorber la diffusion du volume important de matches qu'elles représentent. Bien que susceptibles de devenir des évènements d'importance majeure (si l'équipe de France y participe), les finales ne peuvent en pratique être vendues séparément, les dispositions du décret du 22 décembre 2004 étant les seules à même de garantir l'accès général du public à ces évènements (194).

342. GCP est donc en position d'acquérir des droits de compétitions sportives d'importance majeure (ou incluant des évènements d'importance majeure) mais doit aujourd'hui conclure des partenariats avec des chaines gratuites pour partager ces droits ou céder la fraction de la compétition qui est classée comme étant d'importance majeure à des chaînes gratuites en mesure de la diffuser. A l'issue de la concentration, rien ne s'opposerait à ce que GCP mette fin à cette pratique pour réserver à ses propres chaînes en clair la diffusion des droits d'importance majeure qu'il détient.

b) Sur les incitations des parties à verrouiller les achats de droits relatifs aux évènements sportifs d'importance majeure

343. L'acquisition d'une chaîne gratuite généraliste modifiera le positionnement de GCP vis-à-vis des vendeurs de droits. En effet, comme le montrent ses parts de marché, GCP est actuellement un acheteur majeur de droits sportifs. Il est toutefois principalement positionné sur les droits des compétitions annuelles à caractère régulier (Ligue 1 et championnats étrangers attractifs), qui sont les plus susceptibles d'être diffusées sur des chaînes payantes et donc avec un handicap relatif pour les évènements d'importance majeure ou les compétitions dont les ayants droits sont soucieux de bénéficier d'une exposition en clair.

344. L'opération entraînera une modification significative de cette situation, dans la mesure où GCP disposera d'une chaîne généraliste en clair sur laquelle il sera en mesure de diffuser les évènements d'importance majeure qu'il est aujourd'hui contraint de rétrocéder à des chaînes gratuites. C'est ainsi que les concurrents de GCP pourraient ne plus avoir accès aux évènements d'importance majeure qui leur étaient auparavant rétrocédés, comme les finales des championnats du monde de hand-ball ou de basket-ball.

345. A l'issue de l'opération, GCP sera en effet capable de diffuser ces évènements sur Direct 8 sans devoir recourir au marché comme il l'a fait entre 2009 et 2011. De même, GCP, qui détient les droits du championnat de France de rugby, pourra diffuser la finale en clair sur Direct 8, le partage des droits de la finale avec France Télévisions ne se justifiant plus nécessairement.

346. Certes, GCP serait confronté, à l'issue de la concentration, à un arbitrage suivant lequel le groupe devrait trancher entre les pertes qui découleraient du renoncement à vendre les droits qu'il détient à une autre chaîne en clair pour les diffuser sur Direct 8. Néanmoins, le gain tiré, en termes de recettes publicitaires, de la diffusion d'évènements sportifs obligatoirement diffusés en clair est considérable. Dans une étude publiée en 2011, le CSA constate en effet que "les dix meilleures audiences enregistrées depuis 1989 sont des retransmissions sportives. Ces dernières occupent quatorze des quinze premières places de ce palmarès recouvrant vingt-et-une années de télévision" (195). Le CSA note également que la diffusion d'évènements sportifs constitue un élément de la stratégie de développement des nouvelles chaînes en clair de la TNT puisque "face à certains programmes sportifs dont le potentiel de fédération d'audience semblait important, la tentation a été grande pour les nouvelles chaînes gratuites (...) d'acquérir les droits de diffusion d'une compétition de football non couverte, au moins en télévision gratuite, en entrant en concurrence avec les chaînes payantes de sport. Cette tentation s'explique d'autant mieux que les nouvelles chaînes gratuites ont obtenu, à l'occasion de certaines retransmissions, des audiences importantes, au-delà du million de téléspectateurs, ce qui constitue pour elles des niveaux élevés" et qu'"un constat identique peut être effectué pour le rugby, le tennis ou le cyclisme" (196).

347. S'agissant plus particulièrement des évènements d'importance majeure, ceux-ci ont précisément été sélectionnés notamment parce qu'ils fédèrent un public plus large que celui qui est traditionnellement concerné et parce qu'ils réunissent traditionnellement une large audience (197). Le CSA s'interroge d'ailleurs quant à la pertinence du dispositif réglementaire en ce que celui-ci aurait pu permettre à GCP de se réserver la diffusion des évènements. En effet, alors que les textes visent à "protéger effectivement l'accès du plus large public aux événements jugés d'une importance majeure pour la société, une difficulté s'était fait jour lors de la finale du Championnat d'Europe de handball masculin 2006, à laquelle participait l'équipe de France et qui entrait de fait dans le champ d'application du décret. Canal+, détenteur des droits de la compétition, avait pu, en respectant la lettre du texte réglementaire, réserver à ses seuls abonnés payants l'accès à cette finale" (198).

348. Il s'ensuit qu'au regard tant du potentiel important d'audience que représentent les droits de diffusion des évènements d'importance majeure, en particulier au vu des objectifs assignés à cet égard par GCP à l'acquisition de Direct 8 et Direct Star, et du comportement passé de GCP, le groupe sera incité à réserver à ses propres chaînes en clair la diffusion des évènements d'importance majeure dont il détient les droits.

c) Sur les effets d'un verrouillage des droits relatifs aux évènements sportifs d'importance majeure

349. Le risque de marginalisation des chaînes gratuites en ce qui concerne les évènements d'importance majeure est d'autant plus significatif que GCP se positionne de manière croissante sur des lots de droits auparavant diffusés sur des chaînes gratuites, dans un contexte d'intensification de la concurrence entre chaînes gratuites et payantes pour les droits sportifs. C'est ainsi que GCP a fait, en décembre 2011, l'acquisition d'un lot de Ligue des champions comportant les 13 meilleures affiches, dont la finale, lot auparavant diffusé par TF1. Cette finale, qui fait partie des événements d'importance majeure qui doivent être diffusés en clair, pourrait donc l'être sur Direct 8.

350. De même, en 2011, pour la première fois, GCP s'est porté candidat pour la diffusion de la coupe de la Ligue (période 2012-2016), en surenchérissant par rapport à France Télévisions, diffuseur historique de cette compétition. GCP a ainsi déposé une offre de [...] millions d'euro, supérieure à celle de France Télévisions (10 millions d'euro). La LFP a cependant retenu l'offre de France Télévisions, qui pouvait garantir une diffusion en clair et une organisation spécifique grâce aux déclinaisons régionales de France 3 (199).

351. Ces précédents étayent donc l'existence d'un phénomène de report par lequel GCP acquiert ou cherche à acquérir les droits de diffusion de compétitions auparavant diffusées sur des chaînes en clair et, par conséquent, l'incitation accrue de GCP à verrouiller l'accès des chaînes gratuites aux droits qu'il détient pour les réserver à ses propres chaînes en clair.

352. L'intensification de la concurrence entre chaînes gratuites et payantes place GCP dans une situation particulièrement favorable. A l'issue de l'acquisition de Direct 8 et Direct Star, GCP sera présent sur les deux marchés concernés et sera donc en mesure, après avoir acquis l'intégralité d'une compétition, de la répartir entre son offre thématique sportive (pour la fraction de la compétition s'adressant aux passionnés), son offre payante premium et son offre en clair (pour la partie la plus évènementielle de la compétition). Alors qu'il est déjà incontournable pour les ayants droits, GCP disposera ainsi d'un avantage significatif vis-à-vis de ces derniers, auxquels il pourra proposer le volume de diffusion propre aux chaînes thématiques payantes ainsi que l'exposition apportée par une chaîne en clair. Cette position sera unique sur le marché, puisque les chaînes exclusivement gratuites ou exclusivement payantes (comme Al Jazeera, qui a revendu une partie des droits des championnats d'Europe de football 2012 et 2016 à TF1 et M6) ne disposent pas de ces avantages.

353. Une telle situation aurait un impact significatif sur les chaînes de télévision en clair, au premier rang desquelles France Télévisions, qui a été dans un passé récent le premier bénéficiaire des rétrocessions des droits d'événements d'importance majeure par GCP. France Télévisions se trouve en effet, en ce qui concerne les droits sportifs, dans une situation plus contrainte que certaines de ses concurrentes, dans la mesure où sa vocation à diffuser une offre sportive diversifiée nécessite une répartition de ses achats de droits d'évènements sportifs entre de nombreux évènements, et non une concentration sur les évènements les plus porteurs. Ses ressources financières limitées, dans un contexte d'inflation du montant des droits sportifs, n'ont pas non plus permis à France Télévisions de se porter candidat à l'achat des droits de certaines compétitions majeures, comme la Coupe du monde de football ou la coupe du monde de rugby.

354. Historiquement toutefois, le fait de bénéficier d'une forte capacité d'exposition en clair a parfois permis à France Télévisions, en matière de droits sportifs, de compenser ses ressources financières inférieures à celles de ses concurrents et, par conséquent, a permis d'intensifier l'animation concurrentielle du marché. Il est toutefois à craindre que la possibilité de combiner, dans le cadre de l'opération projetée, le volume de diffusion propre aux chaînes payantes et la force d'exposition apportée par les chaînes en clair, ne modifie les conditions de concurrence au bénéfice de GCP et au détriment des chaînes en clair, en réduisant la capacité concurrentielle de ces dernières.

355. La position prépondérante dont bénéficie GCP sur les marchés des compétitions sportives régulières, notamment de football, pourrait donc être utilisée comme un levier sur le marché des évènements d'importance majeure. En l'absence de mesures correctrices adaptées, elle pourrait aboutir à la marginalisation progressive de certains acteurs sur ce marché des évènements d'importance majeure.

356. S'agissant en revanche des droits de la Ligue 1 ou des championnats étrangers attractifs, outre l'impossibilité juridique de diffuser les matches de ces championnats sur Direct 8 et Direct Star, il convient de constater que, l'attractivité du spectacle sportif résidant dans la diffusion exclusive en direct de l'évènement, toute diffusion d'un spectacle sportif premium sur une chaîne en clair priverait les chaînes payantes de GCP de cet évènement et contribuerait à diminuer l'attractivité de l'offre payante du groupe, ce qui serait contraire à ses intérêts. Le risque de mise en œuvre d'un effet vertical concernant ce type de contenus peut donc être écarté.

3. EFFETS VERTICAUX S'AGISSANT DU MARCHÉ DE LA PUBLICITÉ TÉLÉVISÉE

357. Sur le marché de la publicité télévisée, GCP est présent par l'intermédiaire de sa filiale Canal+ Régie qui commercialise les espaces publicitaires de l'ensemble de ses chaînes. Les espaces publicitaires des chaînes Direct 8 et Direct Star sont pour leur part commercialisés par la société Bolloré Intermedia. A l'issue de l'opération notifiée, l'activité de cette dernière sera intégrée dans le périmètre de Canal+ Régie. La part de marché qui sera ainsi détenue par la nouvelle entité est présentée dans le tableau suivant :

<EMPLACEMENT TABLEAU 10>

358. A l'issue de la concentration, la position de GCP sur le marché de la publicité restera relativement faible (7,7 %), sans commune mesure avec celle des groupes TF1 (46,4 %) et M6 (22,1 %).

359. Toutefois, certains opérateurs interrogés dans le cadre du test de marché se sont inquiétés de la possibilité que pourrait avoir la nouvelle entité de bénéficier d'un accès privilégié à la ressource publicitaire compte tenu des liens capitalistiques qui existeront entre Vivendi et Bolloré à l'issue de l'opération. TF1 relève ainsi que "Bolloré Intermedia dispose (...) d'un avantage concurrentiel dans la mesure où le groupe Bolloré contrôle Havas et qu'il est l'actionnaire de référence de Aegis (dont il détient 27 % du capital) (200), deux des plus importantes agences médias actives en France. Ces agences ont un rôle de prescripteur auprès des annonceurs en ce sens qu'elles recommandent aux annonceurs d'investir sur une chaîne plutôt qu'une autre. A l'issue de l'opération, le groupe Bolloré deviendra un actionnaire de référence de Vivendi. Il sera alors incité à faire bénéficier GCP de ses relations privilégiées avec Havas et Aegis pour favoriser la vente d'espaces publicitaires sur Direct 8 et Direct Star ainsi que sur les autres chaînes de GCP, ceci au détriment des chaînes concurrentes. A noter également qu'à la connaissance de TF1, Vivendi recourt déjà exclusivement à l'agence Havas pour l'achat de ses espaces publicitaires" (201).

360. Ces inquiétudes sont partagées par les autres opérateurs de chaînes en clair. France Télévisions observe notamment qu'"en 2010, les chaînes Direct 8 et Direct Star appartenant au groupe Bolloré semblent avoir été surinvesties par le groupe Havas Média par rapport aux autres chaînes. En 2010, alors que Direct 8 pesait 10 % du marché publicitaire des chaînes de la TNT, cette part de marché s'élevait à 20,2 % en ne tenant compte que des investissements réalisés par Havas Média. Pour les cinq premiers mois de 2011, ces chiffres monteraient, respectivement, à 10,7 % et 17,4 %. Environ 36,8 % des investissements bruts sur Direct 8 provenaient en 2010 de MPG, l'agence principale d'Havas Média, alors que MPG n'achetait sur la même période que 15,4 % des investissements totaux des chaînes de la TNT. Par conséquent, à l'issue de l'opération, l'ensemble des chaînes éditées par GCP bénéficieront de cet avantage" (202).

361. En effet, sur le marché de la publicité télévisée, la quasi-totalité des annonceurs ont recours aux services des agences médias pour leur relation avec les régies. Les agences médias appartiennent à de grands groupes de communication internationaux, comprenant souvent également des agences de publicité et de relations publiques. Parmi ces acteurs figure le groupe Bolloré qui, avec Havas Médias représente une part du marché de la publicité télévisée de l'ordre de 16 % (203).

362. Cependant, compte tenu de la position occupée par les groupes TF1, M6 et France Télévisions en termes d'audience et d'investissements publicitaires, il semble peu probable que les agences liées au groupe Bolloré soient incitées à exclure ces chaînes historiques du périmètre de leur activité publicitaire au profit des chaînes de GCP, au motif que le groupe Bolloré se retrouvera actionnaire minoritaire de Vivendi à l'issue de la concentration. Le test de marché mené au cours de l'instruction confirme par ailleurs que les chaînes gratuites historiques demeurent aujourd'hui incontournables sur le marché de la publicité pour les annonceurs.

363. Il convient également d'ajouter que, comme le relèvent certaines réponses du test de marché notamment de la part de centrales d'achats, l'arbitrage entre différentes régies publicitaires s'effectue pour un annonceur en fonction de la catégorie de public ciblé. Or l'objectif de GCP serait de faire de Direct 8 une chaîne destinée spécifiquement à la cible dite "CSP+", contrairement aux chaînes historiques qui visent un public plus large et moins différencié. Par conséquent, un large report des achats d'espaces publicitaires par les agences média dans lesquelles le groupe Bolloré détient des participations vers Direct 8 risquerait de se heurter à la cohérence de la politique marketing des annonceurs que ces agences représentent (204).

364. Par ailleurs, les agences média dans lesquelles le groupe Bolloré détient des participations jouent un rôle d'intermédiaire entre, d'une part, leurs clients annonceurs et d'autre part les régies publicitaires. Dès lors, une stratégie qui consisterait pour ces agences à acheter de manière disproportionnée des espaces publicitaires sur les chaînes Direct 8 et Direct Star, dont les audiences sont très inférieures à celles de la plupart des chaînes en clair, paraît peu vraisemblable. Une telle stratégie serait en effet incompatible avec les intérêts des clients annonceurs qui risqueraient alors de se détourner des agences concernées. Il apparaît improbable que ces agences encourent un tel risque vis-à-vis de leurs clients pour favoriser le groupe Vivendi.

365. Enfin, il convient de rappeler que, alors que le groupe Bolloré détenait le contrôle exclusif des chaînes Direct 8 et Direct Star avant la concentration, celle-ci réduira sa participation dans les chaînes cibles à une portion minoritaire. En l'absence d'autres éléments susceptibles d'influer sur les décisions stratégiques du groupe Bolloré, il est donc improbable que la concentration renforce ses incitations à surinvestir Direct 8 et Direct Star.

366. Compte tenu de ce qui précède, l'opération notifiée ne serait pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la publicité par le biais d'effets verticaux.

D. EFFETS DITS DE "SPIRALE D'AUDIENCE"

1. LE SCÉNARIO ANTICONCURRENTIEL

367. A l'occasion de sa décision n° 10-DCC-11 relative à l'opération TF1/TMC-NT1, l'Autorité de la concurrence a fondé son analyse sur un scénario d'éviction dynamique propre au secteur de la télévision gratuite, appelé "effet de spirale". Ce scénario, qui procède des interdépendances qui existent entre le marché de la publicité télévisée, les marchés des droits et l'audience des chaînes, peut conduire à plus ou moins long terme au renforcement d'une position dominante et à l'affaiblissement voire l'exclusion des opérateurs concurrents.

368. La télévision gratuite est en effet un marché biface mettant en relation des annonceurs et des téléspectateurs. Une chaîne de télévision gratuite fournit aux téléspectateurs des programmes dont la qualité conditionne l'audience. A son tour, l'audience conditionne la valeur des espaces publicitaires de la chaîne et donc les revenus avec lesquels cette dernière pourra acquérir des programmes attractifs.

369. Dans un tel contexte, le renforcement du pouvoir de marché d'un acteur en matière d'acquisition de droits de diffusion serait susceptible de se transmettre sur le marché de la publicité télévisuelle, dans la mesure où l'accroissement de l'attractivité de ses programmes lui donne les moyens d'obtenir des recettes publicitaires plus élevées, puis à nouveau sur les marchés des droits, les revenus publicitaires soutenant la qualité des contenus diffusés et avec eux l'audience et la demande des annonceurs.

370. Dans le cadre de l'opération notifiée, plusieurs répondants ont fait valoir que la nouvelle entité pourra, à l'issue de la concentration, exploiter un tel effet, conduisant à l'affaiblissement des autres chaînes gratuites. TF1 observe ainsi que "du fait de ses positions dominantes sur les marchés d'acquisition de droits, GCP sera en mesure d'alimenter Direct 8 et Direct Star en programmes attractifs en clair. Ces programmes attractifs permettront aux chaînes Direct 8 et Direct Star d'augmenter leurs audiences et, par conséquent leurs recettes publicitaires, lesquelles peuvent permettre en retour d'acquérir de nouveaux contenus attractifs. L'opération permet ainsi à GCP d'exercer un "effet de levier" sur les marchés des droits, lequel permet l'enclenchement d'un "effet spirale" ou "effet d'éviction dynamique" (205).

371. Pour sa part le groupe M6 relève que "GCP va chercher à développer rapidement l'audience des chaînes Direct 8 et Direct Star en alimentant leurs grilles de programmes en contenus attractif et en leur faisant bénéficier du savoir-faire et de la réputation acquis par GCP en tant qu´opérateur de télévision payante. Cet objectif sera atteint grâce à la position dominante de GCP sur les marchés de la télévision payante qui lui permettront d'initier des leviers entrainant une distorsion de concurrence significative au détriment des autres chaines gratuites. (...) [CONFIDENTIEL]. Par le biais de l'effet de spirale souligné par l'Autorité de la concurrence dans sa décision n° 10-DCC-11, Direct 8 et Direct Star pourront ainsi renforcer encore davantage leur position sur les marchés de l'achat de droits, ce qui se traduira par des gains de parts de marché supplémentaires sur le marché de la publicité. En définitive, si l'opération Canal+/Bolloré devait être autorisée, GCP pourrait amorcer une dynamique lui permettant d'accroître significativement les ressources publicitaires des chaînes Direct 8 et Direct Star et donc de renforcer la position de Canal+ Régie sur le marché de la publicité télévisée" (206).

2. LES EFFETS DE L'OPÉRATION

372. Les contributeurs à l'enquête soutiennent qu'appliqué au cas d'espèce, le mécanisme d'éviction dynamique trouverait son origine dans la capacité qu'aura GCP d'améliorer la grille des chaînes cibles, grâce à l'accès privilégié dont il dispose aux contenus attractifs, du fait de sa situation sur les marchés de la télévision payante. Comme relevé plus haut, GCP pourra en effet exploiter des effets de levier consistant à utiliser les positions dominantes qu'il détient sur les différents marchés des droits afin d'alimenter en contenus Direct 8, chaîne généraliste, et Direct Star, spécialisée sur la thématique musicale mais qui peut diffuser des programmes généralistes aux heures de grande écoute. Par conséquent, l'augmentation de l'audience des chaînes en clair de GCP conduirait à l'accroissement de leurs recettes publicitaires, ce qui amorcerait un effet de spirale d'audience.

373. Il n'en reste pas moins que l'Autorité de la concurrence a considéré, dans sa décision n° 10-DCC-11, que "le renforcement du pouvoir de marché d'un acteur sur le marché de la publicité télévisuelle est susceptible de se transmettre sur les marchés des droits, dans la mesure où l'accroissement de ses recettes publicitaires lui donne les moyens d'obtenir des programmes plus attractifs, puis à nouveau sur le marché de la publicité, l'attractivité des programmes soutenant l'audience et donc la demande des annonceurs" (207). Le scénario sur lequel se fondait, dans cette décision, l'effet de spirale, reposait donc sur le renforcement du pouvoir de marché du groupe TF1 sur le marché de la publicité.

374. Tel n'est pas le cas en l'espèce, où les positions de Direct 8 et Direct Star sur le marché de la publicité télévisuelle sont trop modestes pour laisser penser que celles-ci disposent d'un pouvoir de marché que l'opération viendrait renforcer. Certes, comme démontré dans les développements ci-dessus, les risques que GCP mette en œuvre des stratégies dont l'un des effets sera d'améliorer les grilles de programmes diffusés par Direct 8 et Direct Star en préemptant des droits attractifs au détriment des autres chaînes en clair sont significatifs. Néanmoins, à ce stade, les éléments au dossier ne peuvent conduire à conclure que la nouvelle entité serait capable de renforcer sa position sur le marché de la publicité télévisuelle au point d'y détenir un pouvoir de marché suffisant pour amorcer un effet de spirale.

375. Au demeurant, le constat d'un effet de spirale repose sur un double postulat :

- d'une part, l'amélioration de la qualité des programmes proposés par Direct 8 et Direct Star s'effectuerait dans des conditions de concurrence entravées dans lesquelles les autres chaînes gratuites, victimes d'un effet anticoncurrentiel d'éviction, ne pourraient s'engager dans une dynamique concurrentielle vertueuse ;

- d'autre part, l'accroissement du bien-être des téléspectateurs consécutif à l'amélioration des programmes qui leur seraient proposés à court terme par Direct 8 et Direct Star serait surcompensé par l'effet négatif induit par la détérioration, à moyen ou long terme, de la qualité des contenus proposés par les autres chaînes gratuites.

376. Avant de discuter la vraisemblance de ces deux hypothèses, il convient de préciser que si, compte tenu de la maturité du marché, l'augmentation des revenus publicitaires de Direct 8 et Direct Star pourrait se faire au détriment des recettes des autres chaînes, ce phénomène ne constitue pas en soi une atteinte à la concurrence. Lorsqu'une ressource est disponible en quantité limitée, son allocation à l'opérateur le plus efficace est en effet un résultat naturel qui maximise le surplus collectif lorsqu'il résulte du libre jeu de la concurrence. Il est donc nécessaire de s'assurer qu'une telle allocation est bien le fruit des caractéristiques intrinsèques du marché et des performances des chaînes, et non celui de pratiques visant à restreindre la concurrence. Ce questionnement renvoie au premier postulat et il convient donc d'apprécier si, une fois l'opération réalisée, Direct 8 et Direct Star auront les moyens de s'affranchir de la concurrence exercée par les autres chaînes gratuites pour l'obtention de recettes publicitaires.

377. En l'occurrence, il a précédemment été démontré que GCP, du fait de sa position sur les marchés de la télévision payante, pourra assécher les droits en clair les plus attractifs pour alimenter ses propres chaines en clair au détriment des opérateurs concurrents. GCP pourrait ainsi améliorer la qualité relative des programmes de Direct 8 et Direct Star et, par conséquent, leurs revenus issus de la publicité, grâce aux effets de levier mis en œuvre par GCP sur les marchés de droits, sans que les autres chaînes puissent efficacement les concurrencer.

378. Toutefois, l'adoption de mesures correctives pour prévenir les risques d'effets congloméraux qu'entraîne l'opération réduit considérablement la probabilité qu'un effet d'éviction dynamique puisse se produire. En effet, le premier postulat se trouverait invalidé si, du fait de la mise en œuvre effective de remèdes adéquats, les chaînes concurrentes de Direct 8 et Direct Star étaient assurées d'avoir accès aux droits attractifs (qu'il s'agisse de cinéma, de séries ou de sport) dans des conditions de concurrence non entravées. Dès lors, ces dernières pourront répondre efficacement à toute amélioration des contenus de Direct 8 et Direct Star, amorçant une dynamique concurrentielle vertueuse pour l'obtention de recettes publicitaires, qui bénéficiera aux téléspectateurs.

V. Les engagements

A. LES MESURES CORRECTIVES PROPOSÉES

379. Les parties notifiantes ont présenté le 30 mai 2012 des engagements relatifs à leurs acquisitions de droits de diffusion de séries et films américains, de films EOF récents, de films EOF de catalogue et d'évènements sportifs d'importance majeure. Ces engagements ont fait l'objet d'un test de marché auprès de détenteurs de droits et de concurrents des parties.

380. Le contenu de l'ensemble des engagements a fait l'objet de discussions, portant à la fois sur leur substance et sur leur forme, au cours de la séance du 2 juillet et lors de réunions de travail ultérieures, avant d'être formulés de manière définitive le 20 juillet 2012. C'est dans cette version ultime, qui répond aux préoccupations exprimées par l'Autorité, qu'ils sont présentés ci-après.

1. ENGAGEMENT RELATIFS AUX ACQUISITIONS DE DROITS DE DIFFUSION DE SÉRIES ET FILMS AMÉRICAINS

381. Les parties notifiantes s'engagent à ne pas conclure auprès de plus d'un major des contrats cadre par lesquels elles détiendraient les droits de diffusion de films inédits en télévision payante et les droits de diffusion en clair de films et/ou de séries récentes.

382. Les parties conserveront la possibilité de cumuler les droits de diffusion en clair et en télévision payante de films et de séries qu'elles auront éventuellement acquis auprès des mêmes majors par le biais d'achats ponctuels unitaires, ou portant sur un nombre d'œuvres non significatif.

383. Par ailleurs, dans la mesure où les parties ne pourront cumuler leurs acquisitions de droits de diffusion en clair et en télévision payante par contrats cadre qu'auprès d'un seul major, si les parties souhaitent changer de fournisseur des dispositions sont prévues afin de tenir compte d'éventuels chevauchements dans les dates des contrats concernés. Ainsi, à l'échéance d'un premier contrat cadre portant sur des droits de diffusion en clair avec un major auprès duquel les parties sont également titulaires d'un contrat cadre pour les droits de diffusion en télévision payante, les parties ne pourront changer de fournisseur avant l'échéance du premier contrat que si elles revendent les droits acquis par son entremise ("clause de chevauchement"). Cette revente sera effectuée par le biais d'une procédure de mise en concurrence ouverte, transparente et non discriminatoire mise en œuvre par le mandataire en charge du suivi des engagements. En toute hypothèse, tout chevauchement ne pourra excéder 18 mois.

2. ENGAGEMENT RELATIF AUX ACQUISITIONS DE DROITS DE DIFFUSION DE FILMS EOF

384. Les parties notifiantes s'engagent à ne pas acquérir au cours d'une même année calendaire les droits de diffusion en télévision payante et en clair du même film EOF récent, au-delà d'un plafond de 20 films. En-deçà de ce plafond, les parties ne pourront acquérir à la fois les droits en clair et en télévision payante de plus de deux films d'un devis supérieur à 15 millions d'euro, de 3 films d'un devis compris entre 10 et 15 millions d'euro et de 5 films d'un devis compris entre 7 et 10 millions d'euro.

3. ENGAGEMENT RELATIF AUX ACQUISITIONS DE DROITS DE DIFFUSION DE FILMS DE CATALOGUE EOF AUPRÈS DE STUDIOCANAL

385. Les parties notifiantes s'engagent à ne pas consacrer plus de 36 % des achats totaux annuels de films de catalogue EOF de chacune des chaînes Direct 8 et Direct Star à StudioCanal. De plus, ces acquisitions ne pourront pas excéder 41 % de la valeur totale de leurs acquisitions annuelles. Ces plafonds seront sans préjudice d'une variation de plus ou moins 4 points, qui sera corrigée sur l'année suivante.

386. Les parties s'engagent à effectuer ces acquisitions à des conditions ni préférentielles, ni discriminatoires.

387. Les droits de diffusion acquis seront limités à 6 mois.

4. ENGAGEMENT RELATIF AUX ACQUISITIONS DE DROITS DE DIFFUSION EN CLAIR D'ÉVÈNEMENTS SPORTIFS D'IMPORTANCE MAJEURE QUE LES PARTIES DÉTIENNENT

388. Les parties notifiantes s'engagent à céder à tout opérateur intéressé les droits de diffusion d'évènements sportifs d'importance majeure au sens du décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 qu'elles détiendraient et qui ne seraient pas diffusés en clair sur Canal+. Cette cession sera effectuée dans le cadre d'une procédure de mise en concurrence ouverte, transparente et non discriminatoire dont la mise en œuvre sera confiée au mandataire en charge du suivi des engagements.

5. ENGAGEMENT RELATIF À LA SÉPARATION DES ÉQUIPES D'ACHATS DES DROITS DE DIFFUSION EN CLAIR ET EN TÉLÉVISION PAYANTE

389. Les parties notifiantes s'engagent à confier leurs acquisitions de droits de diffusion en clair de films EOF récents, de séries et de films américains récents ainsi que d'évènements sportifs d'importance majeure à des équipes d'achats spécifiques, distinctes de leurs équipes chargées des acquisitions de droits de diffusion en télévision payante. Ces acquisitions seront donc effectuées de manière séparée et sans aucune forme de couplage, subordination, avantage ou contrepartie susceptibles de les lier à des achats de droits de diffusion en télévision payante.

390. Les équipes en charge de ces acquisitions seront affectées à une société juridiquement distincte de celles en charge des acquisitions pour la télévision payante. Cette société procédera à leur recrutement et les emploiera. Les équipes d'achat ainsi distinctes disposeront des moyens nécessaires pour effectuer des négociations et des acquisitions de manière autonome. De plus, les parties s'engagent à prendre toutes mesures propres à préserver la confidentialité des informations relatives aux acquisitions, stratégies, négociations, conditions commerciales et contractuelles vis-à-vis des autres activités des parties.

391. Seules les acquisitions couplées permises par les autres engagements, c'est-à-dire les droits de diffusion en clair de séries et films avec un studio avec lequel GCP disposera également d'un contrat cadre pour télévision payante ainsi que 20 films EOF récents pourront, par exception, faire l'objet d'acquisitions par les mêmes équipes et par le biais d'un éventuel couplage des droits de diffusion en clair et en télévision payante. Toute autre acquisition de droits de diffusion en clair de films EOF récents, de séries et de films américains récents devront faire l'objet d'acquisitions séparées par des équipes distinctes. Il en ira de même des évènements sportifs d'importance majeure.

6. SUR LA DURÉE DES ENGAGEMENTS

392. Les engagements sont souscrits pour une durée de 5 ans à compter de la présente décision, renouvelable une fois. Cette durée sera sans préjudice de la possibilité pour les parties de demander la levée totale ou partielle des engagements si l'évolution des conditions de droit ou de fait prises en compte pour l'examen de l'opération le justifient.

B. L'APPRÉCIATION DES MESURES PROPOSÉES

1. SUR LES PRINCIPES D'APPRÉCIATION

393. Les mesures destinées à remédier aux atteintes à la concurrence résultant de l'opération notifiée doivent être conformes aux critères généraux définis par la pratique décisionnelle et la jurisprudence afin d'être jugées aptes à assurer une concurrence suffisante, conformément aux dispositions de l'article L. 430-7 du Code de commerce.

394. Ainsi que le précisent les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, ces mesures doivent être efficaces en permettant pleinement de remédier aux atteintes à la concurrence identifiées. A cette fin, leur mise en œuvre ne doit pas soulever de doute, ce qui implique qu'elles soient rédigées de manière suffisamment précise et que les modalités opérationnelles pour les réaliser soient suffisamment détaillées. Leur mise en œuvre doit également être rapide, la concurrence n'étant pas préservée tant qu'elles ne sont pas réalisées. Elles doivent en outre être contrôlables (208). Enfin, l'Autorité doit veiller à ce que les mesures correctives soient neutres, au sens où elles doivent viser à protéger la concurrence en tant que telle et non des concurrents spécifiques, et proportionnées, dans la mesure où elles doivent être nécessaires pour maintenir ou rétablir une concurrence suffisante (209).

395. Par ailleurs, afin de remédier aux atteintes résultant d'une opération de concentration, l'Autorité recherche généralement en priorité des mesures structurelles, qui visent à garantir des structures de marché compétitives par des cessions d'activités ou de certains actifs à un acquéreur approprié, susceptible d'exercer une concurrence réelle, ou l'élimination de liens capitalistiques entre des concurrents (210). Toutefois, dans la mesure où, afin de satisfaire l'objectif de neutralité qui s'impose à l'Autorité, des remèdes de nature comportementale apparaîtraient au cas d'espèce plus appropriés pour compenser certaines des atteintes à la concurrence résultant de l'opération, il convient de définir de tels remèdes de manière à assurer leur efficacité et leur contrôlabilité. Il est notamment impératif que l'efficacité des mesures prescrites dans le cadre de la présente décision ne puisse dépendre de la seule diligence et du bon vouloir des parties notifiantes.

2. SUR LE CARACTÈRE APPROPRIÉ DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS

396. Les engagements proposés par les parties ont pour but de remédier aux atteintes à la concurrence qu'entraîne l'opération par le biais d'effets congloméraux sur les marchés des acquisitions de droits de diffusion de séries et films américains (a) et de films EOF récents (b). L'opération soulève également des risques d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux en matière d'acquisitions de droits de diffusion de films de catalogue EOF (c) et d'évènements sportifs d'importance majeure (d). Pour y remédier efficacement, les engagements sont assortis de mesures de séparation des équipes d'achat des droits de diffusion en clair concernés. Enfin, il conviendra de se prononcer sur le caractère approprié de la durée retenue pour l'application des engagements (e).

a) Mesures relatives aux droits de diffusion de séries et films américains récents

397. Avant d'être formulés de manière définitive, les engagements proposés ont fait l'objet de discussions approfondies et ont significativement évolué au cours de la procédure en ce qui concerne principalement le champ des contrats cadre (i), le degré de limitation du cumul des droits de diffusion en clair et en télévision payante avec les mêmes studios (ii), l'éventuel chevauchement de contrats cadre successifs (iii), ainsi que la séparation des équipes chargées des acquisitions de droits de diffusion en clair et en télévision payante (iv).

(i) Sur la définition des contrats cadre

398. L'objectif des engagements consiste à éviter que, par le biais d'acquisitions fondées sur un effet de levier par lequel GCP utiliserait son pouvoir d'achat de droits de diffusion en télévision payante pour obtenir des droits de diffusion en clair, la nouvelle entité ne puisse fausser la concurrence vis-à-vis des autres chaînes en clair à l'issue de l'opération. Or les contrats cadre constituent la modalité par laquelle les majors américains choisissent de commercialiser la grande majorité de leurs droits de diffusion de films et de séries télévisées, en clair comme en télévision payante. S'ils ne constituent pas, en soi, le produit qui fait l'objet des acquisitions, ils en matérialisent en revanche la principale modalité de vente et, donc, le premier moyen par lequel un éventuel effet de levier pourrait être exercé sur le marché. L'adoption d'une définition appropriée de ces contrats est donc déterminante pour assurer l'efficacité des mesures correctives et éviter toute possibilité de contournement des engagements par les parties.

399. Dans leurs propositions initiales d'engagements, les parties ont ainsi proposé de définir les contrats cadre comme ceux par lesquels les majors vendent la majorité de leurs droits. Une telle définition ferait néanmoins dépendre l'efficacité des engagements d'un volume prédéfini (plus de la moitié de la production d'un studio) et par conséquent aisément contournable puisqu'il suffirait que la nouvelle entité ou les studios fassent porter leurs contrats sur une portion significative, mais non majoritaire, de la production, pour priver les engagements d'effet. Il convient donc de faire porter l'engagement sur les contrats portant sur une partie significative de la production annuelle inédite en France des studios concernés.

400. De même, les contrats cadre portent généralement sur la production future du détenteur de droits et, de fait, sur des films ou des séries qui ne sont pas identifiés dans le contrat. Ceci découle néanmoins d'un choix stratégique parfaitement réversible de la part des détenteurs de droits. L'instruction a ainsi montré que, par le passé, au moins un major avait pu, temporairement, renoncer à vendre ses droits par le biais de contrats cadre pour les commercialiser dans des package deals, c'est-à-dire des contrats de vente de plusieurs œuvres identifiées. L'adoption d'une telle stratégie de vente pour échapper aux obligations souscrites au titre des engagements doit donc être prévenue. Il convient par conséquent d'appliquer les engagements aux accords portant sur l'acquisition de droits de diffusion de films ou de séries, qu'ils soient ou non identifiés au contrat.

401. Il n'est en revanche pas nécessaire d'inclure dans le champ des engagements la totalité des studios américains. En effet, en l'état, les chaînes en clair n'acquièrent de droits de diffusion par le biais de contrats cadre qu'auprès des six majors américains, à l'exclusion d'autres producteurs qui proposent néanmoins une production annuelle non négligeable (tels les studios Lionsgate ou Dreamworks), voire certaines filiales des majors (comme, par exemple, HBO, filiale de Warner Bros.). Dès lors, l'exercice par GCP d'un effet de levier pour l'acquisition de contenus qui ne trouvent pas, actuellement, de débouchés sur la télévision en clair ne saurait, par définition, générer d'effet anticoncurrentiel d'assèchement. Au contraire, comme expliqué au paragraphe 277 ci-dessus, la diffusion en clair de contenus nouveaux acquis auprès de détenteurs de droits qui, du fait de l'opération, trouvent un débouché auparavant absent sur la télévision gratuite, participe d'un gain pour le consommateur final.

402. Il convient de donc de ne faire porter l'engagement que sur les majors et leurs filiales qui concluent effectivement des accords cadre pour une exploitation en France de droits de diffusion en clair à la date de la décision, ou toutes entités qui s'y substitueraient à l'avenir.

(ii) Sur le degré de limitation du cumul des droits de diffusion en clair et en télévision payante avec les mêmes studios

403. Compte tenu de la nature particulière des produits achetés, dont chacun constitue un prototype dont la valeur n'est pas connue par avance, et de l'opacité des conditions dans lesquelles se déroulent les négociations avec les ayants-droits, une simple obligation de moyens consistant à négocier séparément les acquisitions de droits sur les différents marchés susceptibles de faire l'objet d'un effet de levier n'est pas suffisante. Il convient donc d'agir directement sur la possibilité même pour la nouvelle entité d'acheter de façon simultanée des droits de diffusion en télévision payante et gratuite auprès des mêmes ayants-droits.

404. A cet effet, il convient de rappeler que la demande des chaînes en clair est essentiellement tournée vers un nombre restreint de majors qui représentent la grande majorité de l'offre. L'enjeu concurrentiel porte donc sur un nombre limité de contrats-cadre d'acquisition des droits de diffusion des films et séries. Or GCP est à ce jour titulaire de contrats-cadre avec l'intégralité des majors pour l'acquisition des droits de diffusion en première et deuxième fenêtres de télévision payante. Il convient donc de remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération en limitant la possibilité, pour GCP, de cumuler les droits de diffusion en télévision payante et en clair. Un tel remède limitera effectivement la possibilité pour GCP de grouper ou lier ses achats pour favoriser ses conditions d'acquisition de droits en clair.

405. Dans leurs propositions initiales, les parties notifiantes envisageaient de s'engager à ne pas acquérir auprès de plus de deux majors des contrats cadre par lesquels elles pourraient procéder à de telles acquisitions groupées ou liées. Cependant, l'exercice d'un effet de levier par lequel la nouvelle entité prendrait appui sur sa puissance d'achat en matière de télévision payante pour obtenir des droits de diffusion en clair des films ou des séries de deux majors américains aboutirait à un verrouillage significatif de l'offre et à une atteinte sensible à la capacité des autres opérateurs de la télévision gratuite à animer la concurrence. Il est renvoyé, pour cette appréciation, à l'analyse exposée ci-dessus notamment aux paragraphes 88 et suivants ainsi que 275.

406. Les parties notifiantes ont donc modifié leur engagement. Vivendi et GCP ont ainsi proposé de limiter à un major le cumul et l'achat commun de droits de diffusion de films en télévision payante et de diffusion en clair de films et/ou de séries. Un tel remède neutralise la capacité de la nouvelle entité à verrouiller l'accès aux films et séries américains : GCP n'étant plus en mesure d'exploiter un effet de levier auprès de cinq majors sur six, il ne lui sera pas possible de préempter une part significative des droits commercialisés par ces studios, au détriment des chaînes gratuites concurrentes. L'engagement garantit ainsi la capacité des opérateurs de la télévision gratuite à s'approvisionner en contenus américains attractifs tout en permettant à la nouvelle entité d'appuyer son entrée dans le secteur de la télévision gratuite sur les avantages tirés des achats en commun et de l'exploitation sur plusieurs fenêtres des droits ainsi acquis (211).

(iii) Sur l'éventuel chevauchement de contrats cadre successifs

407. La clause de chevauchement prévue dans les engagements a pour objectif de permettre aux parties notifiantes de conclure des contrats cadre successifs avec différents majors sans être contraintes par les échéances variables des différents contrats. En l'absence d'une telle clause, en effet, les parties pourraient se retrouver dans l'obligation de conserver le même fournisseur pour toute la durée des engagements. L'existence d'une clause de chevauchement est donc, dans son principe, justifiée en ce qu'elle confère à la nouvelle entité une souplesse nécessaire pour modifier ses acquisitions, dans le cadre des engagements, en fonction de ses besoins et de l'état de l'offre.

408. Afin de garantir néanmoins que cette souplesse ne permette pas à la nouvelle entité de verrouiller une portion significative de l'offre, les parties s'engagent à céder les droits acquis en application d'un premier contrat cadre en cas de chevauchement avec un second, auprès d'un autre studio. Cette cession permettra de prévenir tout verrouillage en garantissant la disponibilité des droits concernés aux chaînes concurrentes de la télévision gratuite.

409. De plus, toute cession de droits à ce titre sera effectuée par le biais d'une mise en concurrence ouverte, transparente et non discriminatoire au terme de laquelle le repreneur sera sélectionné sur la base de critères économiques objectifs. Les parties notifiantes, qui confieront la mise en œuvre de cette procédure au mandataire, ne pourront s'immiscer dans la sélection de l'acquéreur.

(iv) Sur la séparation des équipes chargées des acquisitions de droits de diffusion en clair et en télévision payante

410. Il découle de l'analyse concurrentielle que la concentration entraîne des risques d'atteinte à la concurrence sur les marchés d'acquisitions de droits de diffusion en clair. L'objectif consistant à garantir que l'acquisition de ces droits s'effectue à des conditions normales de marché, qui sous-tend l'ensemble des mesures ci-dessus, figure donc au coeur du dispositif correctif. Le rétablissement d'une concurrence suffisante sur les marchés amont de l'acquisition des droits nécessite donc, outre les mesures de plafonnement des acquisitions cumulées de droits de diffusion en télévision payante et en clair par GCP, de garantir une stricte séparation des équipes commerciales en charge des achats de Direct 8 et Direct Star vis-à-vis du reste de l'entité qui sera issue de la concentration.

411. Le CSA souligne à cet égard que, "pour limiter ces risques d'atteinte à la concurrence, certaines mesures correctives de nature structurelle seraient justifiées. Elles visent en particulier à garantir que (...) les chaînes Direct 8 et Direct Star acquièrent des droits de diffusion à des conditions, notamment tarifaires, conformes aux usages du marché. A cet égard, le Conseil estime qu'il est nécessaire d'imposer au groupe Canal Plus de mettre en place une organisation des achats des droits au profit des chaînes Direct 8 et Direct Star qui soit strictement séparée de celle des chaînes payantes du groupe Canal Plus. Cette séparation des centrales d'achats devra être accompagnée d'obligations en matière de gouvernance au sein du groupe Vivendi afin de limiter les échanges d'informations entre le pôle consacré à la télévision payante et le pôle consacré à la télévision gratuite" (212).

412. De la même manière, de nombreux opérateurs ont mis en évidence, en réponse au test des engagements proposés par GCP, la nécessité de séparer les équipes d'achat des droits en clair et pour la télévision payante de la nouvelle entité. Par exemple, un contributeur souligne que "la séparation totale de la centrale d'achat des chaînes Direct 8 et Direct Star vis-à-vis de toute structure d'achat de GCP est nécessaire afin que ces chaînes négocient et acquièrent leurs droits de façon autonome et selon leur propre économie" (213).

413. Deux principales raisons expliquent la nécessité de telles mesures en l'espèce.

414. En premier lieu, la séparation des équipes en charge des achats sur les marchés d'acquisition des droits de diffusion dans lesquels l'opération entraîne des risques d'atteinte à la concurrence s'impose afin de compléter l'engagement de plafonnement des acquisitions. En effet, afin de remédier aux effets congloméraux de l'opération, deux types de restrictions sont envisageables. Le premier type consiste à adopter une mesure dont l'effet est d'empêcher la nouvelle entité de procéder à toute acquisition lui permettant de cumuler des droits de diffusion en clair et en télévision payante, quitte à prévoir des exceptions dont le champ est suffisamment limité pour prémunir les marchés concernés d'un verrouillage significatif. Le second type de mesure corrective consiste, tout en permettant à la nouvelle entité de cumuler des droits de diffusion en clair et en télévision payante, de garantir que ces acquisitions se feront dans des conditions de concurrence non faussées vis-à-vis des autres acteurs de la télévision gratuite.

415. L'engagement de plafonnement des acquisitions de contrats cadre auprès des majors relève du premier type de mesure. Cet engagement vise ainsi à cantonner les achats par lesquels la nouvelle entité pourra grouper ou lier les droits de diffusion en clair et en télévision payante à un niveau en-deçà duquel ceux-ci n'entraîneront pas d'effets significatifs sur les marchés en cause et à empêcher tout cumul de droits au-delà de ce seuil. Comme expliqué plus haut, s'agissant des séries et films américains, il convient de faire porter ce type d'engagement sur les contrats cadre dans la mesure où ceux-ci constituent la principale forme d'achat des droits couvrant la grande majorité des œuvres sur le marché.

416. Cependant, au-delà de ces limitations, la nouvelle entité pourra procéder à l'acquisition de droits de diffusion d'œuvres vendus "à l'unité" ou en nombre non significatif. Elle serait alors capable d'exercer un effet de levier de nature à fausser les conditions de concurrence pour l'acquisition des droits les plus attractifs. Ce risque est d'autant plus vraisemblable que, comme indiqué plus haut, il sera loisible aux détenteurs de droits à l'issue de l'opération de retirer du champ des contrats-cadre les droits de diffusion d'œuvres spécifiques, particulièrement attractives. L'instruction a ainsi montré que tel a pu être le cas dans un passé récent, un major ayant retiré du champ d'un contrat-cadre les droits de diffusion d'une franchise de films à forte notoriété (214).

417. Afin de garantir que d'éventuelles acquisitions de droits dans de telles conditions se déroulent dans des conditions de marché non faussées, il est nécessaire de retenir une mesure par laquelle les équipes d'achats de la nouvelle entité affronteront celles de ses concurrents sans exercer de levier par lequel elles exploiteraient la puissance d'achat de GCP en matière de télévision payante.

418. En second lieu, la séparation des équipes d'achat s'impose dans la mesure où elle constitue une garantie de l'effectivité des engagements, en permettant d'en contrôler la mise en œuvre, conformément à la pratique décisionnelle de l'Autorité (215). En effet, si les parties sont contraintes de distinguer leurs acquisitions de droits de diffusion en clair de leurs achats pour la télévision payante afin de rétablir une concurrence suffisante sur les marchés concernés, la mise en œuvre d'un tel principe n'est concevable en pratique que par l'entremise d'équipes commerciales distinctes.

419. Les parties ont donc proposé de s'engager, le 20 juillet 2012, à doter Direct 8 et Direct Star de leurs propres équipes d'acquisition, séparées de celles de GCP, pour l'achat des droits de diffusion de séries et de films américains récents, et à s'abstenir de toute forme de couplage, de subordination, d'avantage ou de contrepartie entre ces différentes activités, à l'exception d'un contrat cadre avec un unique major américain pour lequel elles détiendraient également un contrat cadre pour la diffusion d'œuvres en télévision payante.

b) Mesures relatives aux droits de diffusion de films EOF récents

420. S'agissant des films EOF, il est nécessaire de remédier à un risque d'assèchement de l'accès des chaînes gratuites aux droits de diffusion en clair dont le potentiel d'audience est le plus élevé. Selon les estimations de GCP, confirmées par les résultats de l'enquête, même si le succès de tout film préacheté est nécessairement incertain, le budget des films concernés est considéré comme une indication fiable de l'attractivité d'un projet. Or un nombre limité de films à fort budget est produit chaque année. Les bilans de la production annuelle française dressés par le CNC montrent ainsi que seule une trentaine de films sont dotés d'un devis de production supérieur à 10 millions d'euro, dont une douzaine dotés d'un devis dépassant 15 millions d'euro.

421. L'enjeu concurrentiel étant ainsi focalisé sur une portion restreinte de la production annuelle, il convient de s'assurer que GCP ne puisse verrouiller une partie significative de l'offre en cumulant le préachat de droits de diffusion en télévision payante et en clair des projets les plus attractifs.

422. GCP avait ainsi initialement proposé de s'engager à ne pas acheter les droits de diffusion en télévision payante et en clair de plus de 20 films, dont 15 films d'un devis inférieur à 10 millions d'euro (dits "films du milieu"). La grande majorité des acteurs consultés dans le test de marché ont relevé que cet engagement n'était pas contraignant. Plusieurs répondants ont ainsi souligné que, contrairement à ce que prévoyait la proposition de GCP, les "films du milieu" correspondent plutôt aux œuvres dont le devis est inférieur à 7 millions d'euro. Par ailleurs, selon les réponses obtenues, la possibilité réservée à GCP de faire jouer un effet de levier sur cinq films "à gros budget" était suffisante pour emporter un effet d'éviction significatif sur le marché des droits de diffusion en clair de films EOF récents étant donné la rareté de ce type de films. Un tel engagement aurait en effet permis à la nouvelle entité de préempter, par un effet de levier, près de la moitié des films produits en 2011 avec un devis supérieur à 15 millions d'euro (5 films sur 12).

423. Les engagements définitifs des parties du 20 juillet 2012, en distinguant quatre tranches de devis de films, au sens des "devis de production" recensés par le CNC, correspondant aux catégories reconnues par les acteurs du secteur de la production (216), permettent de limiter l'effet de verrouillage induit par d'éventuels achats cumulés des fenêtres de télévision payante et gratuite par GCP. Les éléments présentés dans le tableau suivant montrent qu'en application de l'engagement, et sur la base de la production annuelle moyenne des trois dernières années, les plafonds d'acquisitions prévus par GCP empêcheraient la nouvelle entité de verrouiller un pourcentage supérieur à environ 20 % de l'offre dans chaque catégorie de films :

<EMPLACEMENT TABLEAU 11>

424. Les engagements limiteront donc le verrouillage qui découlerait d'un effet de levier à une portion de la production suffisamment réduite pour éviter un risque d'atteinte significative à la concurrence sur le marché.

425. Afin de garantir l'effectivité de cet engagement et de permettre le suivi de sa mise en œuvre, les parties notifiantes se sont également engagées à séparer les équipes affectées aux achats de la nouvelle entité de droits de diffusion en clair d'œuvres cinématographiques EOF récentes. Cette séparation s'appliquera pour toute acquisition au-delà des 20 films visés par l'engagement de plafonnement des acquisitions groupées de droits de diffusion en clair et en télévision payante.

c) Mesures relatives aux droits de diffusion de films de catalogue EOF

426. S'agissant des films de catalogue EOF, il est nécessaire d'assurer que la concentration n'aboutisse pas à verrouiller l'accès des chaînes en clair indépendantes qui ne sont pas adossées à un grand groupe audiovisuel au portefeuille de droits détenus par StudioCanal.

427. Pour réaliser cet objectif, les parties ont proposé de s'engager à respecter un principe de limitation de l'auto-alimentation des chaînes gratuites du groupe à l'issue de l'opération aux niveaux constatés antérieurement à celle-ci. Les parties notifiantes ont versé au dossier la part des films diffusés par Direct 8 et Direct Star dont les droits ont été achetés auprès de StudioCanal, rapportée au nombre et à la valeur totale des films EOF diffusés par ces chaînes durant la période 2009 à 2011, et proposé de respecter ces proportions pendant la durée des engagements.

428. Compte tenu de ces éléments, l'engagement proposé par GCP limitera l'auto-alimentation de Direct 8 et Direct Star auprès de StudioCanal à 36 % du volume de leurs acquisitions totales de films de catalogue EOF et à 41 % de la valeur de ces acquisitions.

429. Par ailleurs, compte tenu des variations du montant des acquisitions auprès de StudioCanal d'une année à l'autre, effectivement constatée durant la période 2009-2011, les parties souhaitent conserver une marge de variation de leurs acquisitions de plus ou moins quatre points par rapport aux plafonds retenus. Les variations constatées seraient corrigées l'année suivante pour garantir l'effectivité des engagements.

430. Enfin, les engagements proposés comportent des dispositions visant à interdire à GCP tout comportement discriminatoire dans la vente de films de catalogue EOF à Direct 8 et Direct Star consistant en particulier à leur accorder des conditions préférentielles. Une mesure est également prévue afin d'éviter tout achat par Direct 8 et Direct Star des droits vendus par StudioCanal pour une période excédant 6 mois, ce qui correspond à la pratique du marché et permettra de garantir que la nouvelle entité ne puisse faire obstacle à une circulation normale des droits.

d) Mesures relatives aux droits de diffusion d'évènements sportifs d'importance majeure

431. En ce qui concerne les évènements sportifs d'importance majeure, le rétablissement d'une concurrence suffisante suppose de maintenir la situation préexistant à l'opération selon laquelle GCP était juridiquement contraint de proposer ces droits aux opérateurs de télévision gratuite pour assurer leur diffusion en clair lorsqu'il ne pouvait l'assurer lui-même sur les plages en clair de la chaîne Canal+.

432. Les parties s'engagent donc à continuer de procéder à ces cessions par le biais d'une mise en concurrence ouverte, transparente et non discriminatoire. Elles n'entendent cependant pas interdire aux chaînes cibles de participer à ces procédures, ce qui nécessite d'adopter des mesures de nature à garantir que les propres chaînes de GCP ne puissent être favorisées par rapport aux autres candidats.

433. A cet égard, les premières propositions des parties étaient insuffisante en ce qu'elles prévoyaient que la sélection des acquéreurs ne serait pas effectuée sur la base de critères économiques objectifs mais "sur la base de critères définis par les Parties", déterminés de façon discrétionnaire et postérieurement à la réalisation de la concentration. Par ailleurs, les dispositions des engagements relatives aux conditions de mise en concurrence des candidats à l'acquisition des droits, tout en confiant ces procédures au mandataire nommé pour le suivi des engagements, limitaient le champ d'intervention de ce dernier.

434. Les parties ont donc modifié leur proposition en prévoyant que la sélection de la meilleure offre pour la reprise des droits de diffusion en clair des évènements sportifs d'importance majeure qu'elles détiendraient devra être effectuée en application de critères économiques objectifs, transparents et non discriminatoires, dans le cadre d'une procédure dont la mise en œuvre sera entièrement confiée au mandataire. Les parties s'engagent ainsi à ne pas s'immiscer dans la procédure de cession au-delà de ce qui sera nécessaire pour permettre au mandataire d'exercer sa mission. Les parties devront notamment assurer la confidentialité des offres remises au mandataire, dont elles ne pourront prendre connaissance.

e) La durée retenue pour les engagements

435. La durée retenue au titre des présents engagements est de cinq années, renouvelable une fois.

436. La proposition initiale des parties notifiantes, limitée à cinq ans sans renouvellement possible, était insuffisante compte tenu de la nature des effets de l'opération. Ceux-ci découlent, en effet, de la puissance d'achat que les parties tirent de positions dominantes, voire monopolistiques, pour l'acquisition de droits de diffusion en télévision payante. Cette puissance d'achat demeure largement incontestée au moins depuis l'acquisition par les parties des activités de TPS, leur principal concurrent en matière de télévision payante en 2006. GCP jouit donc depuis plus de 5 ans d'une forte puissance d'achat notamment pour l'acquisition de films américains et EOF récents. Ce pouvoir n'a pas pu être véritablement contesté compte tenu du retrait récent d'OCS des acquisitions de droits de diffusion auprès des majors.

437. Les parties ont cependant prétendu qu'en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat, l'Autorité serait infondée à exiger des parties qu'elles s'engagent pour une durée de 5 ans renouvelable. Cette argumentation n'a pu être admise puisque, au contraire, la jurisprudence du Conseil d'Etat établit qu'une durée plus longue, voire une clause de renouvellement des engagements, est proportionnée si l'analyse concurrentielle le justifie (217).

438. Il convient à cet égard de préciser que, dans ses conclusions dans l'affaire Société Métropole Télévision relatif à un recours dirigé contre la décision autorisant sous conditions l'acquisition de TMC et NT1 par TF1, le rapporteur public auprès du Conseil d'Etat avait indiqué qu'une clause de renouvellement pouvait être justifiée dans le cas d'une opération dont les effets propres ne peuvent être regardés avec certitude comme étant de nature à se diluer dans les évolutions prévisibles du marché au terme de la durée initiale des engagements, compte tenu du caractère insuffisant du dispositif "de rattrapage" a posteriori prévu par l'article L. 430-9 du Code de commerce (218).

439. En l'espèce, l'objectif des engagements est de remédier à des effets dont le caractère durable est établi à défaut de modification prévisible des structures des marchés concernés. Les présentes mesures visent ainsi à prévenir, à l'issue de l'opération, l'extension de la puissance d'achat détenue par les parties dans la télévision payante au secteur de la télévision gratuite. Dès lors, à défaut d'une modification structurelle significative et pérenne des marchés amont de la télévision payante, et compte tenu du caractère remarquablement durable de la puissance d'achat détenue par GCP (219), il convient de prévoir une clause de réexamen à l'issue de laquelle l'Autorité décidera, par une décision motivée et après avoir recueilli les observations des parties, s'il y a lieu de prolonger l'application des présents engagements, en tout ou en partie, en considération de l'évolution des circonstances de droit ou de fait prises en compte à l'occasion de l'examen de la présente opération.

440. Au demeurant, les parties notifiantes pourront à tout moment adresser à l'Autorité une demande de levée ou de révision partielle ou totale des présents engagements, si les circonstances de droit ou de fait prises en compte à l'occasion de l'examen de l'opération venaient à être modifiées de manière significative au point de remettre en cause l'analyse concurrentielle sur les marchés concernés et, donc, la nécessité des mesures correctives.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 11-239 est autorisée sous réserve des engagements décrits ci-dessus et annexés à la présente décision.

Notes :

1 Lettre n° C2006-02 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 30 août 2006 aux conseils de la société Vivendi Universal, relative à une concentration dans le secteur de la télévision payante, BOCCRF n° 7 bis du 15 septembre 2006.

2 Avis du CSA, d'après des données Médiamétrie, p. 6.

3 Voir avis du CSA, p. 6 et 7.

4 Décision de l'Autorité n° 11-DCC-10 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1de la société NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB), § 33.

5 Lettre n° C2006-02 précitée, p. 7 et s. ; avis n° 06-A-13, p. 10 ; décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11, précitée.

6 Lettre n° C2006-02, précitée.

7 Voir l'avis du Conseil de la concurrence de 2006.

8 Voir la décision du ministre de 2006.

9 Avis du CSA, p. 16-17.

10 Formulaire de notification, § 206.

11 Avis du CSA, p. 17.

12 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11, du 26 janvier 2010, § 53.

13 Id.

14 Avis du CSA, p. 18.

15 Voir réponse au test de marché phase I de TF1.

16 Formulaire de notification, § 188 et 197.

17 Avis du CSA, p. 16.

18 Formulaire de notification, § 168.

19 Avis du CSA, p. 15.

20 Voir réponse au test de marché de phase I de France Télévision.

21 Lettre n° C2006-02 et décision n° 10-DCC-11, précitées.

22 Formulaire de notification, § 221.

23 Les heures de "grande écoute" sont comprises entre 9 et 12 h et entre 15 et 23 h (avis du CSA, p. 12, note 23). Les heures de grande écoute ne correspondent donc pas exactement au "prime time" (19 h-23 h).

24 Canal+ France, document de base enregistré auprès de l'Autorité des marchés financiers le 16 février 2011, p. 32.

25 Voir l'avis du CSA, annexe 1 relative au "déroulement d'une campagne publicitaire", évolution des audiences selon les grandes périodes de la journée, p. 91.

26 Avis du CSA, p. 18.

27 Voir notamment l'avis du Conseil de la concurrence de 2006 ; la décision du ministre de 2006 ainsi que la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11, du 26 janvier 2010.

28 Lettre n° C2006-02 précitée, p. 13.

29 Décision de la Commission européenne GCP/RTL/GJCD du 13 novembre 2001 ; lettre n° C2006-02 ; décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010.

30 Lettre n° C2006-02 précitée, § 87 et 95.

31 Avis du CSA, p. 19.

32 Voir, par exemple, la réponse du groupe M6 au test de marché de phase I, question n° 16.

33 Articles 4 et 5 du décret du 22 décembre 2004.

34 Voir la lettre du ministre de l'Economie n° C2006-02, précitée.

35 Réponse du groupe TF1 au test de marché de phase I.

36 Réponse du groupe MMA au test de marché de phase II.

37 Réponse du groupe Orange au test de marché de phase II.

38 Décision de la Commission européenne du 11 mars 2008, n° COMP-M.4731, Google/ DoubleClick.

39 Voir, notamment, l'avis du CSA, p. 19.

40 Voir décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11 ; l'avis du Conseil de la concurrence n° 06-A-13 du 13 juillet 2006 relatif à l'acquisition des sociétés TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus ; lettres du ministre de l'Economie n° C2006-02 et C2004-127 ; décision de la Commission, RTL/Veronica/Endemol, précitée.

41 Décision n° 10-DCC-11, précitée, § 192.

42 Décision n° IV-M.553, point 30.

43 Voir, notamment, les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 393, et les lignes directrices de la Commission européenne sur l'appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, § 18.

44 A titre de comparaison, en 2010, les chaînes gratuites ont diffusés 1 654 films de catalogue, dont 857 pour les nouvelles chaînes de la TNT.

45 Voir, par exemple, l'arrêt du tribunal de première instance du 14 décembre 2005, aff. T-210-01, General Electric Co c/ Commission, § 405.

Notes du Tableau 2 :

- 46 Données issues d'estimations communiquées par le CSA.

- 47 Données publiques (http://www.videoageinternational.com/screenings/screen-new-series-12.htm).

- 48 Total des films exploités en salle aux Etats-Unis par chaque studio en 2011, inclus une partie de la production de 2010 qui continue d'être exploités en salle en 2011 (source : http://boxofficemojo.com/studio/?view=company&view2=yearly&yr=2011&p=.htm).

- 49 Part de marché exprimée en pourcentage du box office américain total en 2011 et tirée des revenus de films exploités en 2011 (source : http://boxofficemojo.com/studio/?view=company&view2=yearly&yr=2011&p=.htm).

- 50 Inclus la production de Focus Features.

- 51 Inclus la production de CBS Films.

- 52 Inclus la production de Sony Classics.

- 53 Inclus la production de Fox Searchlight.

54 Voir Satellifax, n° 3797, 14 mars 2012 (http://www.satellifax.com/lettre/gratuit/ cb24cfde96bdd53244c46e703a4436aaad3bbd1a/2012-03-14.pdf), p. 4-5 (données tirées du rapport "Imported Drama Series in Europe" publié par ETS, Madigan Cluff et Digital TV Research, mars 2012).

55 Réponse du groupe M6 au test de marché de phase II.

56 Procès-verbal d'audition de TF1 du 9 mai 2012.

57 Ces notions font l'objet de définitions contractuelles dont le sens est le même d'un studio à l'autre : les chaînes gratuites sont celles qui sont accessibles aux téléspectateurs sans abonnement ; les chaînes payantes non-premium sont visées sous la dénomination "basic television", qui vise les chaînes non-premium comprises dans les bouquets de distributeurs comme CanalSat, accessibles contre le paiement d'un abonnement ; et les chaînes payantes premium sont visées sous la dénomination "pay TV", qui vise les chaînes diffusant des contenus premium contre le paiement d'un abonnement correspondant, comme la chaîne Canal+. En utilisant ces dénominations et en leur conférant des fenêtres spécifiques de diffusion, les ayants-droits créent contractuellement une chronologie des diffusions entre ces différents services de télévision.

58 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence sur le contrôle des concentrations, § 430.

59 Lettre C2006-02, précitée.

60 Ces contrats étaient limités à 3 ans en application des engagements pris par GCP pour obtenir l'autorisation de prendre le contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite en 2006.

61 OCS comporte les chaînes suivantes : Orange Cinémax, Orange Cinéhappy, Orange Cinéchoc, Orange Cinénovo et Orange CinéGéants.

62 Lettre du 9 février 2012 de la Commission européenne, considérant que l'entreprise commune sera contrôlée conjointement par GCP et Orange, mais ne sera pas de plein exercice, échappant de ce fait au contrôle des concentrations.

63 Article 2.2.1 du pacte d'associés.

64 Le pacte d'associé prévoit que (confidentiel).

65 Contrat-cadre de prestation de services conclu entre OCS et Canal+ France le 12 avril 2012.

66 Voir Le Figaro, 10 avril 2012, "Orange refond complètement son offre de télévision", déclaration de Serge Laroye, directeur des contenus : "Sans abandonner le cinéma français et européen, nous allons nous concentrer davantage sur les séries pour lesquelles nous avons un réel savoir-faire".

67 A ce chiffre viendra s'ajouter l'amortissement exceptionnel d'un stock de programmes de (...) millions d'euro effectués par la société Orange Cinéma Séries-OCS.

68 Orange avait consacré 90 millions d'euro aux acquisitions de programme en 2011.

69 Avis de l'ARCEP sur l'opération notifiée sous le n° 11-194, joint à son avis relatif à la présente opération, p 34.

70 Mission sur le développement des services de vidéo à la demande et leur impact sur la création confiée à Mme Sylvie Hubac, rapport au CNC, décembre 2010 (ci-après, le "rapport Hubac"), p. 16.

71 Etude sur les modèles économiques des services de médias audiovisuels à la demande actifs sur le marché français, Rapport final d'IDATE Consulting & Research remis au CSA 15 juin 2011, p. 18.

72 Décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande.

73 British Film Institute Yearbook 2011, p. 123 (http://www.bfi.org.uk/sites/bfi.org.uk/files/downloads/bfi-statistical-yearbook-2011.pdf).

74 Voir réponse des majors au test de marché de phase II.

75 Observations des parties notifiantes du 25 juin 2012, p. 13.

76 Voir Satellifax, n° 3797, 14 mars 2012, reprise des conclusions du rapport "Imported Drama Series in Europe" précité.

77 Voir procès-verbal d'audition de M. Belmer du 10 mai 2012.

78 Voir réponses de studios américains au test de marché de phase II.

79 Procès-verbal d'audition de M. Belmer du 10 mai 2012, réponse à la question n° 17.

80 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 434.

81 Observations des parties notifiantes du 25 juin 2012.

82 Procès-verbal d'audition de M. Belmer du 10 mai 2012

83 Id.

84 Id.

85 La série américaine The Borgias a été produite et diffusée par Showtime concomitamment à une série produite sur le même thème par GCP et quasiment éponyme ("Borgia"). GCP en a acquis les droits de diffusion pour une période de (...) mois, alors que la fenêtre de droits payants se limite généralement à 12 mois. GCP a ainsi empêché toute chaîne gratuite d'acheter les droits de diffusion en clair, dans une fenêtre concomitante à la diffusion par les chaînes de GCP de sa propre série.

86 Selon le témoignage d'une chaîne gratuite interrogée au cours de l'enquête, GCP aurait obtenu les droits de diffusion en clair de cette série à un prix très supérieur à celui que proposent de manière générale les chaînes gratuites et non-réplicable par les nouvelles chaînes de la TNT. Les éléments d'information communiqués par GCP sur ce point montrent effectivement que le groupe a payé (...) euro pour ces droits, soit environ le (...) du montant consentis pour les droits en clair de The Borgias et (...) fois ceux payés pour les droits en clair de The Event.

87 Présentation du "Projet Claire" de Canal+, non daté.

88 Pris dans le cadre de la fusion Canal+/TPS et ultérieurement par GCP.

89 Depuis la dernière négociation intervenue en 2011 avec les organisations professionnelles du cinéma, il est prévu de ramener l'obligation d'investissement de Ciné+ en matière d'acquisition de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques d'expression originale française à 22 %, de fixer à 0,70 € Hors TVA par mois et par abonné la part devant être consacrée aux œuvres cinématographiques de long métrage d'expression originale française au sein du minimum garanti actuellement fixé pour les œuvres européennes et de porter le taux de la diversité de 25 % à 28,4 % pour maintenir un niveau de diversité comparable au précédent, eu égard à la modification prévue du niveau de l'obligation d'acquisition des œuvres cinématographiques d'expression originale française.

90 Décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ; décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de radio distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le CSA.

91 La qualification d'œuvre relevant de la "production indépendante" est attribuée par le CSA après avis du CNC.

Note du Tableau 3 :

- 92 CNC - La production cinématographique en 2010. Les données présentées tiennent compte à la fois des droits de diffusion en première et deuxième fenêtre payante.

Note du Tableau 4 :

- 93 Id.

94 Formulaire de notification, § 519.

95 Formulaire de notification, § 96 CNC - La production cinématographique en 2011.

97 Avis du CSA, p.26.

98 Les Films d'Ici, Europacorp, Fidélité Film, Pathé Production et Films Pélleas.

99 CNC - La production cinématographique en 2010.

100 En 2011, d'après les données du CNC, 66 % des films préacheté par les chaînes Canal+ en première fenêtre ont été préachetés par les chaînes Ciné + en deuxième fenêtre.

101 En 2010, sur les 50 films à financement totalement hexagonal dont le devis était supérieur à 5 millions d'euro, 43 avaient une première fenêtre préachetée par les chaînes Canal+, 3 par TPS Star, 3 par les chaînes Orange Cinéma Séries et 1 par les chaînes Ciné+.

102 D'une durée de 6 mois, celle-ci se situe au 22ème mois après la sortie du film en salles. Cette fenêtre est prioritaire sur la première fenêtre gratuite, cette dernière étant donc reculée de 6 mois en cas de négociation de la deuxième fenêtre payante.

103 Avis du CSA, p. 25.

104 Formulaire de notification § 525.

105 CNC - La production cinématographique en 2011.

106 Id.

107 Formulaire de notification § 536.

108 CNC - La production cinématographique en 2011, p. 16.

109 Formulaire de notification § 536.

110 Données CNC.

111 CNC - La production cinématographique en 2011.

112 Réponse du groupe TF1 au test des engagements déposés par les parties en phase I.

113 Observations des parties notifiantes du 25 juin 2012, § 95 et 123.

114 Réponse du groupe TF1 au test de marché des engagements déposés par les parties le 27 mars 2012.

115 Procès-verbal d'audition du groupe TF1, réponse à la question n° 3.

116 Réponse à la question n° 61 du test de marché de phase I, Chaines TV.

117 Interview de M. Rodolphe Belmer dans le Film Français du 18 mai 2012 et procès-verbal des déclarations de M. Belmer du 10 mai 2012.

118 Voir présentation du "Projet Claire" de Canal+, non daté, p. 5.

119 Les chaînes historiques commercialisent également une minorité d'écrans publicitaires en GRP garantis.

120 Sur ce point, voir notamment la note du groupe TF1 du 22 mai 2012.

121 Voir réponse de M6 du 6 mars 2012.

122 Voir, sur ce point, la décision n° 10-DC-11, précitée, §433. Il convient cependant de noter que la contrainte réglementaire qui pèse sur France Télévisions n'est cependant pas immuable (voir, par exemple, http://www.lefigaro.fr/medias/ 2012/06/01/20004-20120601ARTFIG00626-france-televisions-en-quete-d-argent.php).

123 Avis du CSA, p. 34.

124 Voir réponses au test de marché de phase II de TF1 et M6.

125 Avis du CSA, p. 35.

126 Avis du CSA, annexe 1, p. 91.

127 La diffusion de la fiction à la télévision en 2011, précité, p. 7. Le CNC ajoute qu'"en 2011, l'offre de fiction augmente de 62 soirées sur les chaînes nationales historiques, essentiellement en raison de la progression du nombre de soirées de fiction étrangère (+ 60 soirées)".

128 Procès-verbal d'audition de Monsieur Belmer du 10 mai 2012.

129 Les proportions varient de manière significative en fonction des chaînes.

130 Diffusion des œuvres cinématographiques à la télévision en 2010, CNC, juillet 2011.

131 Avis du CSA, p. 28.

132 Id.

133 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010, § 366.

134 Diffusion des œuvres cinématographiques à la télévision en 2010, CNC, juillet 2011.

135 Décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ; décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de radio distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

136 Avis du CSA, p. 28.

137 Article 7 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision

138 Voir notamment la question n° 13 du questionnaire de phase I adressé aux chaînes en clair.

139 La diffusion de la fiction à la télévision en 2010, les études du CNC, avril 2011, p. 41.

140 La diffusion de la fiction à la télévision en 2011, les études du CNC, avril 2012, p. 35.

141 Voir Satellifax, n° 3797, 14 mars 2012, reprise des conclusions du rapport "Imported Drama Series in Europe" précité, p. 5.

142 La diffusion de la fiction à la télévision en 2011, les études du CNC, avril 2012, p. 36.

143 Comme expliqué plus haut, les contrats-cadre des chaînes gratuites portent généralement sur les deux types de contenus (séries et films), ce qui justifie de globaliser l'analyse des effets sur ceux-ci. Toutefois, le rôle que jouent les séries américaines dans l'économie des chaînes gratuites montre que l'essentiel de l'impact de la mise en œuvre d'un effet de levier portera sur ce type de contenu.

144 Voir, en ce sens, le procès-verbal des déclarations des représentants de NRJ 12.

145 Formulaire de notification, § 536.

146 Procès-verbal d'audition du groupe M6 du 3 mai 2012, réponse à la question n° 16.

147 CNC - La production cinématographique en 2011.

148 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 488.

149 Si la capacité des opérateurs historiques de la télévision en clair de rentabiliser des droits acquis sur plusieurs chaînes constitue bien un avantage concurrentiel (voir, sur ce point, la décision de l'Autorité n° 10-DCC-11, précitée, § 260 et s.), il ne s'agit cependant pas d'un effet de levier au sens des effets de la présente opération. Par ailleurs, l'acquisition de GCP porte également sur plusieurs chaînes en clair ce qui signifie que GCP pourra exploiter les 25 % du temps d'antenne de Direct Star utilisables pour des contenus non-musicaux selon les termes actuels de sa convention pour diffuser des contenus rentabilisables sur plusieurs chaînes.

150 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 489.

151 Arrêt de Conseil d'Etat du 9 avril 1999, The Coca Cola Company, n° 201853.

152 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 491.

153 Selon les déclarations de GCP, la structure de grille hebdomadaire de la chaîne généraliste Direct 8 à l'issue de l'opération serait la suivante : [confidentiel].

154 Le coût de grille actuel de Direct 8 s'élève à 37,6 millions d'euro.

155 Avis du CSA, p. 59.

156 La convention de Direct Star prévoit que au moins 75 % du temps d'antenne doit être consacrés à des programmes musicaux sous toutes leurs formes. Le CSA indique que la convention est susceptible d'être modifiée de manière marginale, suite à une demande en ce sens du groupe Bolloré. Cette démarche est cependant en cours d'instruction par le CSA.

157 Sur la base de l'offre de séries américaines en 2011.

158 Voir en ce sens l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 octobre 2000, société Pernod-Ricard, n° 216645.

159 Sauf dérogation permettant une diffusion en clair sur l'antenne de Canal+.

160 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 396.

161 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 343.

162 Formulaire de notification.

163 Réponse de GCP au questionnaire de phase II en date du 14 mai 2012.

164 Formulaire de notification et la revue professionnelle Le Film Français.

165 Réponse de GCP au questionnaire de phase II en date du 14 mai 2012.

166 Estimation établie à partir des données fournies en réponse au test de marché de phase II et du Bilan 2011 du CNC.

167 Réponse de GCP au questionnaire de phase II en date du 14 mai 2012.

168 Formulaire de notification.

169 Réponse de GCP du 31 mai 2012 au questionnaire du 24 mai 2012.

170 Décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision.

171 Réponse de GCP au questionnaire de phase II en date du 14 mai 2012.

172 Procès-verbal de l'audition du groupe TF1 en date du 9 mai 2011, réponse à la question n° 6.

173 Procès-verbal de l'audition du groupe M6, réponse à la question n° 14.

174 Réponse de GCP au questionnaire du 14 mai 2012.

175 Id.

176 Décision n° 10-DCC-11, précitée, § 282.

177 Réponse du groupe NRJ au test de marché de phase I, question n° 38.

178 Questionnaire du 14 mai 2012.

179 Procès-verbal de l'audition du groupe NRJ le 11 mai 2012, réponse à la question n° 7.

180 Voir les données présentées dans l'avis du CSA, p. 29-30.

181 Décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision

182 Revue professionnelle Le Film Français.

183 Avis du CSA, p. 33.

184 Lignes directrices de la Commission européenne sur l'appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, § 48.

185 Réponse au test de marché, question n° 61.

186 Réponse du groupe NRJ au test de marché de phase II.

187 Diffusion des œuvres cinématographiques à la télévision en 2010, CNC, juillet 2011.

188 Voir procès-verbal d'audition des représentants de NRJ 12 du 11 mai 2012.

189 Id.

190 Réponses au test de marché de phase II.

191 Loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

192 Article 5 du décret n° 2004-1932 du 22 décembre 2004 relatif à la diffusion des évènements d'importance majeure.

193 Réponse de GCP au questionnaire des services d'instruction en date du 14 mai 2012, question n° 7d. Ces évènements ne sont considérés comme étant d'importance majeure que dans la mesure où l'équipe de France y participe, ce qui était le cas ces années-là.

194 La situation de la finale du championnat de France de rugby est différente puisque GCP partage les droits de la finale avec France Télévisions, qui achète les droits de la finale seule (GCP ayant fait pour sa part l'acquisition de l'intégralité de la compétition).

195 CSA, Sport et télévision : quels défis pour le régulateur dans le nouvel équilibre gratuit-payant ?, juin 2011, p. 18.

196 Id., p. 20-21.

197 Id., p. 47.

198 Id., p. 48.

199 Les Échos, 24 janvier 2012, Foot : la LFP inflige deux nouveaux revers à Canal+.

200 Il convient cependant de noter que le groupe Bolloré a récemment annoncé la cession de sa participation dans Aegis.

201 Réponse au test de marché, question n° 56.

202 Réponse du groupe France Télévisions au test de marché, question n° 61.

203 Voir la décision n° 10-DCC-11 précitée, §411.

204 Le même raisonnement est applicable à Direct Star, dans la mesure où GCP souhaite focaliser la chaîne sur un public dont la tranche d'âge correspondrait aux "15-35 ans" (voir procès-verbal d'audition de M. Belmer du 10 mai 2012).

205 Réponse du groupe TF1 au test de marché de phase I.

206 Réponse du groupe M6 au test de marché de phase I.

207 Décision de l'Autorité n° 10-DCC-11, précitée, § 557.

208 Paragraphe 525 des lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations.

209 Id., paragraphe 526.

210 Id., paragraphe 528.

211 Il convient de préciser que ces avantages ne constituent néanmoins pas des "gains d'efficacité", au sens du contrôle des concentrations, conformément à l'analyse présentée aux paragraphes 278 et suivants de la présente décision.

212 Avis du CSA, p. 77-78.

213 Réponses obtenues au test des engagements du 30 mai 2012.

214 Voir annexes à la réponse de M6 du 14 mai 2012 au questionnaire adressé aux chaînes en phase II. Par "franchise" on entend une série d'œuvres portant sur le même thème, voire une même fiction, qu'il s'agisse de films ou d'une série, dont les épisodes sont successifs, et présentant des caractéristiques (personnages, scenario) récurrentes ou présentant une forme de continuité.

215 Voir, par exemple, la décision n° 12-DCC-20 du 7 février 2012 relative à la prise de contrôle exclusif d'Enerest par Electricité de Strasbourg, § 84.

216 Réponse de la société Gaumont du 20 juin 2012 au questionnaire relatif aux engagements proposés par les parties notifiantes.

217 Arrêt du Conseil d'Etat du 30 décembre 2010, société Métropole Télévision, n° 338197 ("si la [requérante] soutient que la durée de cinq ans pour laquelle les engagements ont été pris par les parties est insuffisante, elle n'apporte au soutien de cette affirmation aucun élément de nature à établir que, compte tenu des changements rapides et de toutes natures qui affectent le secteur audiovisuel, des engagements d'une durée plus longue ou une clause de réexamen, à les supposer pertinents, eussent été proportionnés à l'objectif de maîtrise des effets propres de l'opération et de prévention des atteintes à la concurrence qui sont susceptibles d'en résulter").

218 Conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public, Conseil d'Etat, société Métropole Télévision (M6), séance du 17 décembre 2010, n° 338197 et 338273.

219 Une telle modification des marchés amont de la télévision payante pourrait découler de l'émergence de nouveaux acteurs exerçant sur GCP une pression concurrentielle significative, comme le permettront les opportunités ouvertes pour la concurrence par les mesures correctives enjointes aux parties par l'Autorité dans le cadre du nouvel examen de l'acquisition de TPS et CanalSatellite. Néanmoins, au-delà de la mise en œuvre de ces mesures, un tel résultat ne pourra découler que d'une contestation significative et durable des positions détenues par GCP dans les marchés concernés.