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Décisions

TUE, 6e ch., 27 septembre 2012, n° T-344/06

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Total SA

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jaeger

Juges :

MM. Wahl, Soldevila Fragoso (rapporteur)

Avocats :

Mes Lamothe, Godfroid, Gosset-Grainville, Prost

TUE n° T-344/06

27 septembre 2012

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

Faits à l'origine du litige

1 La requérante, Total SA, société mère du groupe Total, détient 51,37 % de Total Holdings Europe, qui est par ailleurs détenue par Elf Aquitaine, à hauteur de 31,088 %, et par Elf Exploration Production, à hauteur de 17,537 %. Elf Aquitaine est détenue par la requérante à hauteur de 99,46 % et est propriétaire de la totalité du capital de Elf Exploration Production. Total Holdings Europe est ainsi détenue indirectement à 99,73 % par la requérante. Total Holdings Europe détient elle-même la totalité de Total Holdings Nederland BV, qui est propriétaire de la totalité de Total Nederland NV (ci-après " Total Nederland ").

2 Le groupe Total a notamment pour activités la recherche, l'exploitation, la transformation et la distribution d'hydrocarbures ainsi que le commerce de ces matières et de leurs dérivés. Ce groupe énergétique est issu de plusieurs concentrations enregistrées en novembre 1999 et en juin 2001 entre la requérante, Fina et Elf. Fina a toujours opéré sur le marché de la vente de bitume aux Pays-Bas, Elf est entrée sur ce marché en 1997 et la requérante n'avait jamais vendu de bitume aux Pays-Bas avant sa fusion avec Fina, le 1er novembre 1999, puis avec Elf en 2000. Sur la période comprise entre le 1er avril 1994 et le 15 avril 2002, le groupe Total et ses prédécesseurs étaient présents sur le marché néerlandais du bitume par le biais, jusqu'au 1er novembre 1999, de Fina Nederland BV et d'Elf Oil BV, puis, jusqu'au 31 décembre 2000, de TotalFina Nederland NV et d'Elf Oil et, enfin, jusqu'au 15 avril 2002, de TotalFinaElf Nederland NV, devenue Total Nederland le 30 juin 2003.

3 Par lettre du 20 juin 2002, British Petroleum a informé la Commission des Communautés européennes de l'existence présumée d'une entente relative au marché du bitume routier aux Pays-Bas et a présenté une demande visant à obtenir une immunité d'amendes conformément aux dispositions de la communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

4 Les 1er et 2 octobre 2002, la Commission a procédé à des vérifications surprises, notamment dans les locaux belges et néerlandais de TotalFinaElf Nederland et de TotalFinaElf België NV. La Commission a adressé des demandes de renseignements à plusieurs sociétés, dont Total Nederland, le 30 juin 2003, les 10 février et 5 avril 2004, et la requérante, les 10 février et 5 avril 2004. Total Nederland a répondu à l'ensemble de ces demandes le 13 septembre 2003, les 2 mars et 26 avril 2004.

5 Le 18 octobre 2004, la Commission a engagé une procédure et a adopté une communication des griefs, adressée le 19 octobre 2004 à plusieurs sociétés, dont la requérante et Total Nederland. Le 19 mai 2005, la requérante a répondu à cette communication des griefs. Une autre demande de renseignements relative à sa structure sociale lui a été adressée, à laquelle elle a répondu le 23 janvier 2006.

6 À la suite de l'audition des sociétés concernées, la Commission a adopté la décision C (2006) 4090 final, du 13 septembre 2006, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] [Affaire COMP-F-38.456 - Bitume (Pays-Bas)] (ci-après la " décision attaquée "), dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne du 28 juillet 2007 (JO L 196, p. 40) et qui a été notifiée à la requérante le 22 septembre 2006.

7 La Commission a indiqué, à l'article 1er de la décision attaquée, que les sociétés destinataires de celle-ci avaient participé à une infraction unique et continue à l'article 81 CE, consistant à fixer ensemble régulièrement, durant les périodes concernées, pour la vente et l'achat de bitume routier aux Pays-Bas, le prix brut, une remise uniforme sur le prix brut pour les constructeurs routiers participant à l'entente et une remise maximale réduite sur le prix brut pour les autres constructeurs routiers.

8 Total Nederland et la requérante ont été reconnues coupables de cette infraction, respectivement pour les périodes du 1er avril 1994 au 15 avril 2002 et du 1er novembre 1999 (date d'acquisition de Fina par la requérante) au 15 avril 2002 [article 1er, sous m), de la décision attaquée]. Total Nederland s'est vu infliger une amende de 20,25 millions d'euro, dont la requérante est solidairement responsable à hauteur de 13,5 millions d'euro [article 2, sous m), de la décision attaquée].

9 S'agissant du calcul du montant des amendes, la Commission a qualifié l'infraction de très grave, eu égard à sa nature, et ce même si le marché géographique concerné était limité (considérant 316 de la décision attaquée).

10 Afin de tenir compte de l'importance spécifique du comportement illicite de chaque entreprise impliquée dans le cartel et de son impact réel sur la concurrence, la Commission a opéré une distinction entre les entreprises concernées en fonction de leur importance relative sur le marché en cause, mesurée par leurs parts de marché, et les a regroupées en six catégories.

11 Sur la base de ces éléments, la Commission a retenu un montant de départ de 7,5 millions d'euro pour la requérante (considérant 322 de la décision attaquée), auquel elle a appliqué un coefficient multiplicateur de 1,5 destiné à garantir l'effet dissuasif de l'amende compte tenu de la taille et du chiffre d'affaires du groupe Total (considérants 323 à 325 de la décision attaquée).

12 En ce qui concerne la durée de l'infraction, la Commission a retenu une durée de huit ans pour Total Nederland et de deux ans et cinq mois pour la requérante, augmentant respectivement leurs montants de départ de 80 % et de 20 % (considérant 334 de la décision attaquée). Le montant de base de l'amende, déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction, a donc été fixé à 20,25 millions d'euro pour Total Nederland, dont la requérante était solidairement responsable à hauteur de 13,5 millions d'euro (considérant 335 de la décision attaquée).

13 La Commission n'a retenu aucune circonstance aggravante à l'égard de la requérante et a rejeté sa demande tendant à considérer sa coopération effective, à savoir ses réponses aux demandes de renseignements et sa reconnaissance des faits, comme une circonstance atténuante (considérants 367 à 370 de la décision attaquée).

14 La Commission n'a pas fait application de la communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, considérant que les informations fournies par la requérante n'avaient pas de valeur ajoutée significative (considérant 388 de la décision attaquée).

Procédure et conclusions des parties

15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 décembre 2006, la requérante a introduit le présent recours.

16 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 de son règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

17 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l'audience du 7 juin 2011.

18 Un membre de la sixième chambre ayant été empêché de siéger, le président du Tribunal s'est désigné, en application de l'article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure, pour compléter la chambre.

19 Par ordonnance du 18 novembre 2011, le Tribunal (sixième chambre), dans sa nouvelle composition, a rouvert la procédure orale et les parties ont été informées qu'elles seraient entendues lors d'une nouvelle audience.

20 Par lettres, respectivement, des 25 et 28 novembre 2011, la Commission et la requérante ont informé le Tribunal qu'elles renonçaient à être entendues une nouvelle fois.

21 En conséquence, le président du Tribunal a décidé de clore la procédure orale.

22 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée en tant qu'elle la vise à l'article 1er, sous m), à l'article 2, sous m), et aux articles 3 et 4 ;

- à titre subsidiaire, annuler l'article 1er, sous m), et l'article 2, sous m), et réduire corrélativement le montant de l'amende qu'elle a été condamnée à verser par la décision attaquée ;

- condamner la Commission aux dépens.

23 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

24 La requérante demande, à titre principal, l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle la concerne et, à titre subsidiaire, la suppression ou la réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée par ladite décision.

25 La requérante invoque cinq moyens à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle la concerne. Les premier et deuxième moyens sont tirés d'erreurs de droit et d'erreurs manifestes d'appréciation dans l'imputation à la requérante de la responsabilité de l'infraction commise par sa filiale Total Nederland. Le troisième moyen est tiré d'une méconnaissance des règles en matière de preuve. Le quatrième moyen est tiré d'une violation des principes d'interdiction de l'arbitraire et de sécurité juridique. Le cinquième moyen est tiré d'une violation du principe de bonne administration.

26 À l'appui de ses conclusions tendant à la suppression ou à la réduction du montant de l'amende, la requérante soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré de l'erreur dans la fixation de la date du début de sa participation à l'infraction et, le second, de la méconnaissance du principe de proportionnalité.

1. Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle concerne la requérante

Sur le premier moyen, tiré d'erreurs de droit relatives à la prise en compte du seul lien capitalistique pour présumer de l'exercice d'une influence déterminante de la société mère sur la politique commerciale de sa filiale

Arguments des parties

27 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission ne pouvait fonder l'absence d'autonomie de Total Nederland à son égard sur le seul critère capitalistique sans violer le principe d'autonomie des personnes morales. Le juge de l'Union aurait consacré ce principe à plusieurs reprises, lequel implique que l'imputation d'agissements d'une société à une autre ne peut intervenir que dans des cas exceptionnels, dans lesquels il est établi que la société a participé directement aux infractions ou qu'elle a donné des instructions à l'autre société pour commettre ces infractions. En l'espèce, il appartenait à la Commission d'établir que la requérante avait effectivement exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de Total Nederland.

28 En second lieu, la requérante considère que la détention de 100 % du capital d'une filiale par une société mère ne permet pas, à elle seule, d'établir l'existence d'une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale, mais qu'il appartient à la Commission de démontrer, à partir d'éléments de preuve convergents, l'exercice effectif d'une telle influence. Elle fonde son raisonnement sur plusieurs arrêts de la Cour et du Tribunal dans lesquels la responsabilité de la société mère n'aurait pas résulté de la seule détention de la totalité du capital de la filiale, mais également d'autres éléments de fait attestant de son influence sur la politique commerciale de la filiale (arrêts de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107-82, Rec. p. 3151, points 48 et 50, et du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C-286-98 P, Rec. p. I-9925, points 28 et 29 ; arrêts du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T-325-01, Rec. p. II-3319, point 218, et du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T-109-02, T-118-02, T-122-02, T-125-02, T-126-02, T-128-02, T-129-02, T-132-02 et T-136-02, Rec. p. II-947, point 132).

29 En réponse à une question écrite du Tribunal l'invitant à indiquer les conséquences qu'elle tirait des arrêts de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C-97-08 P, Rec. p. I-8237), et du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission (C-90-09 P, non encore publié au Recueil), la requérante a précisé qu'elle continuait à considérer que le fait pour la Commission de se fonder sur la seule base d'une présomption capitalistique pour imputer à une société mère la responsabilité des pratiques de sa filiale violait certains principes fondamentaux tels que l'autonomie juridique des personnes morales, la responsabilité personnelle, la charge de la preuve, la présomption d'innocence et les droits de la défense. Elle estime en outre que cette présomption, telle qu'interprétée par la Commission, est non réfragable dans la pratique, ce qui serait contraire aux droits de la défense et à la présomption d'innocence.

30 La Commission conclut au rejet de ce moyen.

Appréciation du Tribunal

31 La Commission a estimé dans la décision attaquée que, bien que Total Nederland ait été la personne morale ayant participé directement à l'infraction, la requérante, en tant que société mère la détenant indirectement à presque 100%, était capable d'exercer une influence déterminante sur sa politique commerciale pendant la période infractionnelle (considérant 251 de la décision attaquée).

32 Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que le droit de la concurrence de l'Union vise les activités des entreprises (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, point 59) et que la notion d'entreprise au sens de l'article 81 CE inclut des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à ce qu'une infraction visée par cette disposition soit commise (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9-99, Rec. p. II-1487, point 54, et la jurisprudence citée). La notion d'entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêt de la Cour du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C-217-05, Rec. p. I-1987, point 40).

33 Le comportement anticoncurrentiel d'une entreprise peut être imputé à une autre lorsqu'elle n'a pas déterminé son comportement sur le marché de manière autonome, mais a appliqué pour l'essentiel les directives émises par cette dernière, eu égard en particulier aux liens économiques et juridiques qui les unissaient (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C-294-98 P, Rec. p. I-10065, point 27 ; du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, point 117, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 29 supra, point 58). Ainsi, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère, ces deux entreprises constituant une entité économique (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48-69, Rec. p. 619, points 133 et 134).

34 Ce n'est donc pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société mère et sa filiale, ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise, au sens susmentionné, qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d'un groupe de sociétés. En effet, il y a lieu de rappeler que le droit de la concurrence de l'Union reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens des articles 81 CE et 82 CE, si les sociétés concernées ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 290).

35 Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, d'une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d'autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 29 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

36 Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l'amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n'apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêts Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 28 supra, point 29, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 29 supra, point 61).

37 S'il est vrai que la Cour a évoqué aux points 28 et 29 de l'arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 28 supra, hormis la détention de 100 % du capital de la filiale, d'autres circonstances, telles que l'absence de contestation de l'influence exercée par la société mère sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative, il n'en demeure pas moins que de telles circonstances n'ont été relevées par la Cour que dans le but d'exposer l'ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement dans cette affaire, et non pour subordonner la mise en œuvre de la présomption susmentionnée à la production d'indices supplémentaires relatifs à l'exercice effectif d'une influence de la société mère sur sa filiale (arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, point 29 supra, point 62, et General Química e.a./Commission, point 29 supra, point 41).

38 Il convient en outre de souligner que le juge de l'Union a déjà considéré que la présomption d'absence de comportement autonome sur le marché était également applicable aux filiales détenues à presque 100 % par une société mère (arrêts du Tribunal Michelin/Commission, point 34 supra, point 290, et du 30 septembre 2009, Elf Aquitaine/Commission, T-174-05, non publié au Recueil, point 197) et que l'existence de sociétés intermédiaires entre la filiale et la société mère était sans influence sur la possibilité de faire application de cette présomption (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 29 supra, points 78 et 83 ; arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, T-354-94, Rec. p. II-2111, points 80 à 85, et Michelin/Commission, point 34 supra, point 290). En l'espèce, une telle présomption est dès lors applicable à la requérante, qui détenait indirectement 99,73 % du capital de Total Nederland.

39 Afin de récuser l'utilisation de la présomption faite par la Commission, la requérante invoque le principe d'autonomie des personnes morales. Cependant, aux termes de la jurisprudence rappelée au point 33 ci-dessus, le comportement anticoncurrentiel d'une entreprise peut être imputé à une autre lorsqu'elle n'a pas déterminé son comportement sur le marché de manière autonome, mais a appliqué pour l'essentiel les directives émises par cette dernière, eu égard en particulier aux liens économiques et juridiques qui les unissaient. Ce grief doit donc être écarté.

40 La requérante estime enfin que l'interprétation retenue par la Commission de la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante d'une société mère sur sa filiale détenue à 100 % rend son renversement impossible.

41 Il ressort cependant de la jurisprudence de la Cour que, afin de renverser la présomption selon laquelle une société mère détenant 100 % du capital social de sa filiale exerce effectivement une influence déterminante sur celle-ci, il incombe à ladite société mère de soumettre à l'appréciation de la Commission puis, le cas échéant, du juge de l'Union tout élément, qu'elle considère de nature à démontrer qu'elles ne constituent pas une entité économique unique, relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre sa filiale et elle-même, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l'objet d'une énumération exhaustive (arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, point 29 supra, point 65, et General Química e.a./Commission, point 29 supra, points 51 et 52). Contrairement à ce que soutient la requérante, il s'agit dès lors d'une présomption réfragable qu'il lui appartenait de renverser.

42 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreurs de droit en considérant que la requérante détenait la quasi-totalité du capital de Total Nederland et qu'il en résultait une présomption réfragable, qui l'autorisait à imputer à la requérante la responsabilité de l'infraction commise par sa filiale Total Nederland.

Sur le deuxième moyen, tiré des erreurs de droit et des erreurs manifestes d'appréciation relatives à l'imputation de la responsabilité de l'infraction à la requérante

43 Aux considérants 239 à 251 de la décision attaquée, la Commission a exposé qu'elle pouvait faire application de la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante de la requérante sur Total Nederland pendant la période du 1er novembre 1999 au 15 avril 2002 en raison de la structure de participation, certes indirecte, mais à presque 100 %, existant entre ces sociétés. Elle a ensuite estimé que les éléments fournis durant la procédure administrative ne permettaient pas de réfuter cette présomption et a finalement considéré que la requérante devait être tenue solidairement responsable de l'amende infligée à Total Nederland à hauteur de 13,5 millions d'euro. Elle a en outre apporté des éléments supplémentaires destinés à renforcer cette présomption. Elle a ainsi notamment constaté que l'ensemble des activités des filiales d'exploitation de bitume en Europe était coordonné par la direction " Marketing Europe " de Total France SA, société qui n'était reliée économiquement et juridiquement à Total Nederland que par l'intermédiaire de la requérante, société mère du groupe. Au sein du groupe, les décisions stratégiques et d'investissement étaient prises par le comité exécutif (COMEX), principal organe de prise de décision du groupe, tandis que la coordination et le suivi des résultats de l'ensemble des filiales du groupe étaient assurés par le comité directeur (CODIR), ces deux organes relevant de la requérante. La Commission a également considéré que les éléments fournis par la requérante tendant à établir que ses fonctions étaient limitées à celles d'une société holding chargée de la politique de ressources humaines, de la consolidation du chiffre d'affaires, de la supervision de questions transversales, telles que l'environnement ou les fonctions financières et juridiques, et de l'examen des grands projets d'investissement des filiales étaient précisément constitutifs de l'existence d'une entité économique unique. Elle a également pris en compte le fait que plusieurs filiales d'exploitation du groupe opéraient sous la même marque et que leur chiffre d'affaires était consolidé au niveau du groupe. Enfin, elle a tenu compte du fait que des liens personnels auraient renforcé l'influence de la requérante sur la direction " Marketing Europe " et, ainsi, sur Total Nederland.

44 La requérante estime que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation en lui imputant la responsabilité de l'infraction commise par Total Nederland. À l'appui de ce moyen, la requérante avance, en substance, quatre arguments. Le premier est tiré de l'absence de contrôle de la totalité de Total Nederland. Le deuxième argument est tiré de ce que la Commission aurait à tort pris en compte l'existence d'éléments permettant d'établir que le groupe Total s'était présenté comme un seul interlocuteur pendant la procédure administrative. Le troisième argument est tiré de l'absence d'exercice effectif d'une influence déterminante de la requérante sur Total Nederland. Le quatrième argument est tiré de l'autonomie de la politique commerciale de Total Nederland.

Sur le fait que la requérante contrôlerait 100 % de Total Nederland

- Arguments des parties

45 La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'elle contrôlait directement ou indirectement Total Nederland à 100 %. Total Nederland est en effet contrôlée par une société holding intermédiaire, Total Holdings Nederland, elle-même détenue à 100 % par Total Holdings Europe, cette dernière étant codétenue par la requérante à 51 %, par Elf Aquitaine à 31,088 % et par Elf Exploration Production à 17,537 %.

46 La Commission rappelle que Total Nederland était indirectement détenue à près de 100 % par la requérante et qu'elle pouvait dès lors faire application de la présomption de contrôle effectif d'une filiale par la société mère.

- Appréciation du Tribunal

47 Il y a lieu de considérer que cet argument manque en fait. En effet, il convient de constater que la requérante détenait directement 51,37 % des parts de Total Holdings Europe et qu'elle possédait 99,46 % de celles d'Elf Aquitaine, cette dernière détenant elle-même la totalité de Elf Exploration Production. Ainsi, la requérante détenait indirectement 99,73 % de Total Nederland. Conformément à la jurisprudence et aux principes exposés aux points 35 à 38 ci-dessus, la Commission pouvait donc faire application de la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante de la requérante sur Total Nederland. La Commission n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation sur ce point et a effectué une application correcte de la jurisprudence aux faits de l'espèce.

Sur l'existence d'éléments permettant d'établir que le groupe Total s'est présenté comme un seul interlocuteur pendant la procédure administrative

- Arguments des parties

48 La Commission soutient pour la première fois dans le mémoire en défense, et en réponse à un argument de la requérante tiré de la méconnaissance du principe de bonne administration, que certains éléments de la procédure administrative indiquent que la requérante et Total Nederland ont entendu parler d'une seule voix, confortant ainsi la présomption selon laquelle elles faisaient partie d'une même entreprise. En effet, Total Nederland aurait répondu à plusieurs lettres adressées à la requérante, et ce ne serait qu'après la communication des griefs que les deux sociétés auraient répondu séparément. La requérante n'aurait d'ailleurs jamais contesté les réponses apportées par sa filiale aux questions qui lui étaient posées.

49 La requérante estime que cet argument est irrecevable, car il n'a jamais été soulevé par la Commission, ni lors de la procédure administrative, ni dans la communication des griefs, ni dans la décision attaquée. Elle indique que, en tout état de cause, les demandes de la Commission ne lui avaient pas été adressées à elle, mais au directeur " Marketing Europe " de Total France, et que, dans ses réponses, Total Nederland n'a jamais eu l'intention de répondre au nom de la requérante.

50 La Commission précise avoir adressé ses demandes de renseignements à la requérante, et plus particulièrement à la personne qui était chargée du bitume, et non à Total France. En tout état de cause, elle considère que Total Nederland a également entendu répondre au nom de la requérante et que cet élément ne lui était pas nécessaire afin de faire application de la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante de la requérante sur Total Nederland.

- Appréciation du Tribunal

51 Il convient d'examiner cet argument de manière purement subsidiaire, dès lors qu'une telle circonstance, à la supposer établie, ne saurait constituer qu'un indice supplémentaire et facultatif de l'exercice effectif d'une influence de la société mère sur sa filiale (voir point 37 ci-dessus).

52 En premier lieu, les parties s'opposent sur la question de l'identification des destinataires des demandes adressées par la Commission. Il ressort du dossier que la Commission a adressé une première demande de renseignements à Total Nederland le 30 juin 2003, mais que la deuxième demande a été adressée, le 10 février 2004, à la requérante, et plus particulièrement à la personne exerçant les fonctions de " directeur Marketing Europe ", ainsi que, en copie, à Total Nederland. Seul l'avocat de Total Nederland a cependant réagi à cette demande en sollicitant un report du délai, puis, le 2 mars 2004, seule Total Nederland a répondu à la demande, en se référant expressément à la demande adressée à la requérante. La dernière demande de la Commission avant l'envoi de la communication des griefs a été adressée, le 5 avril 2004, à la requérante et à Total Nederland et, à nouveau, seule Total Nederland y a répondu, le 26 avril 2004, en se référant expressément à la demande adressée à la requérante et à Total Nederland. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, deux demandes de renseignements lui ont bien été adressées. La circonstance selon laquelle le directeur " Marketing Europe " de Total France exerçait également d'autres fonctions au sein de la requérante et de Total France n'a aucune conséquence au regard de l'identification du destinataire de ces demandes, tout comme le fait que l'adresse de cette personne transmise par la requérante ait été en réalité située dans les locaux de Total France. Comme le relève par ailleurs la Commission, la requérante n'a jamais allégué que les réponses transmises par Total Nederland l'auraient été sans son consentement, qu'elles comporteraient des erreurs ou qu'elles ne l'engageraient pas.

53 En deuxième lieu, les parties s'opposent par ailleurs sur la question de savoir si la Commission pouvait apporter des indices relatifs à l'existence d'une entité économique unique entre la requérante et Total Nederland au stade contentieux.

54 Il convient de relever que la Commission n'a pas fait mention de ces réponses communes à ses demandes de renseignements dans la communication des griefs ou dans la décision attaquée. Elle explique cependant, dans la duplique, qu'elle n'a mentionné cet élément dans le mémoire en défense qu'afin de répondre au moyen de la requête tiré de la violation du principe de bonne administration, par lequel la requérante lui reprocherait de ne pas lui avoir transmis de demande de renseignements jusqu'à l'envoi de la communication des griefs.

55 Le juge de l'Union considère en effet que, dans le cadre d'un recours en annulation introduit en vertu de l'article 230 CE, si la Commission ne saurait avancer, à l'appui de la décision attaquée, de nouveaux éléments de preuve à charge non retenus dans celle-ci, elle est cependant en droit de répondre aux arguments de la requérante lorsque celle-ci cherche à établir, sur la base d'autres documents qu'elle a déposés devant le Tribunal, que la thèse de la Commission est erronée en fait (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67-00, T-68-00, T-71-00 et T-78-00, Rec. p. II-2501, points 175 et 176). De plus, la Cour a déjà reconnu que l'auteur d'une décision attaquée pouvait apporter des précisions au stade de la procédure contentieuse afin de compléter une motivation déjà suffisante en elle-même, celles-ci pouvant être utiles au contrôle interne des motifs de la décision exercé par le juge de l'Union, en ce qu'elles permettent à l'institution d'expliciter les raisons qui sont à la base de sa décision (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Finnboard/Commission, C-298-98 P, Rec. p. I-10157, point 46).

56 En troisième lieu, en ce qui concerne la circonstance selon laquelle la requérante et Total Nederland auraient entendu parler d'une seule voix au cours de la procédure administrative, il convient de rappeler que le juge de l'Union considère que le fait pour une société mère de se présenter comme l'unique interlocuteur de la Commission lors de la phase administrative peut constituer un indice confortant la présomption selon laquelle elles faisaient, avec sa filiale, partie d'une même entreprise (arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 28 supra, point 29, et arrêt du Tribunal du 18 décembre 2008, General Química e.a./Commission, T-85-06, non publié au Recueil, point 66). Il convient cependant de relever que, en l'espèce, la requérante et Total Nederland ne se sont pas présentées comme un interlocuteur unique durant la totalité de la procédure administrative, mais uniquement jusqu'à leur réponse à la communication des griefs. Dès lors, le Tribunal estime que les réponses communes apportées par la requérante et Total Nederland aux deux demandes de renseignements de la Commission ne constituent qu'un indice faible de l'existence d'une entité économique unique, qui doit être corroborée par d'autres éléments.

Sur l'exercice effectif d'une influence déterminante de la requérante sur Total Nederland

- Arguments des parties

57 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en ignorant qu'elle n'exerçait que des fonctions de holding financière et n'avait aucune activité opérationnelle. Ses fonctions se limiteraient ainsi à la gestion optimale des participations qu'elle détient dans le groupe, à la détermination de la politique générale en matière de ressources humaines, à la tenue des comptes consolidés, à une assistance fonctionnelle aux filiales en matière d'assurance, de financement, de fonctions juridiques et de relations avec les institutions, ainsi qu'au contrôle des grands projets d'investissement. Or, la Commission n'aurait pas établi en quoi ces fonctions permettaient de prouver qu'elle aurait exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de Total Nederland. La requérante estime d'ailleurs que la Commission s'est méprise sur le rôle du COMEX et du CODIR, qui ne disposent d'aucun pouvoir de décision sur la politique commerciale des filiales et n'ont jamais adopté de décision relative à Total Nederland. Le COMEX aurait ainsi pour seule mission d'avaliser les décisions stratégiques les plus importantes du groupe dans le cadre de la stratégie générale définie par le conseil d'administration de la requérante et le CODIR serait une simple instance d'information chargée de la coordination et du suivi a posteriori du groupe, mais aucune de ces deux instances n'auraient adopté de décision ou examiné un rapport relatif à Total Nederland. En tout état de cause, ces deux instances n'auraient pas vocation à décider de la politique commerciale des filiales de la requérante, et encore moins de leur politique tarifaire.

58 De plus, alors même qu'elle aurait reconnu le rôle spécifique joué par Total France, la Commission n'aurait pas pris en compte le fait que Total France, société pleinement autonome et dotée de tous les moyens nécessaires pour remplir sa mission, superviserait l'ensemble des filiales du groupe de la branche raffinage et distribution pétrolière, dont Total Nederland. Ainsi, au sein de la direction " Spécialités " de Total France, le département " Bitumes ", à l'égard duquel la requérante n'exerce que des responsabilités d'actionnaire, est seul chargé de la supervision et de l'orientation du comportement de l'ensemble des sociétés du groupe sur le marché des bitumes.

59 En second lieu, la requérante a souligné que la décentralisation poussée du groupe, liée à sa taille et à la diversité de ses activités, constituait un obstacle à ce qu'elle exerce une fonction de coordination des activités commerciales de ses nombreuses filiales, dont le nombre est supérieur à 1 500.

60 La Commission rejette les arguments de la requérante.

- Appréciation du Tribunal

61 Il ressort des écritures de la requérante et de la décision attaquée que la requérante était chargée de missions de gestion de la trésorerie remontée par les filiales, de l'assistance juridique et institutionnelle à l'ensemble des filiales et de l'examen des projets d'investissements importants des filiales. De telles fonctions constituent des indices de l'exercice effectif d'une influence déterminante de la société mère sur ses filiales.

62 Par ailleurs, il convient de tenir compte des missions des deux principaux organes de la requérante que sont le COMEX et le CODIR. Il y a lieu en effet de rappeler que le COMEX constitue l'instance de direction du groupe qui met en œuvre les orientations stratégiques déterminées par le conseil d'administration et autorise les investissements correspondants. Par ailleurs, il est constant que le CODIR assure la coordination des différentes entités du groupe, le suivi des résultats d'exploitation des directions opérationnelles et l'examen des rapports d'activité des directions fonctionnelles. Comme l'indique la Commission dans ses écritures, les prises de décision au sein du COMEX et du CODIR ne peuvent s'effectuer de manière abstraite, sans un suivi des résultats des filiales. Ces éléments constituent donc des indices de l'exercice effectif d'une influence importante de ces deux organes sur l'ensemble des filiales du groupe, dont Total Nederland, et ne sont mis en cause par aucune des allégations de la requérante.

63 En outre, en ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel la Commission a ignoré le rôle de supervision de l'ensemble des sociétés du groupe sur le marché des bitumes joué par Total France, société entièrement autonome, qui était seule chargée de superviser et d'orienter l'activité de Total Nederland, il convient de relever que, dans sa réponse du 2 mars 2004 à une demande de renseignements de la Commission, relative notamment aux mécanismes d'information (reporting), Total Nederland a précisé que les filiales chargées de la vente de bitume transmettaient de manière mensuelle à la direction " Marketing Europe " de Total France les informations relatives aux volumes des ventes, aux marges brutes, aux coûts variables et fixes et aux résultats d'exploitation et que cette direction était également chargée de déterminer le budget annuel des filiales. La direction " Marketing Europe ", d'une part, était en effet chargée de coordonner la production de bitume avec les prévisions de vente à trois mois fournies par les filiales du groupe et, d'autre part, assurait un service centralisé de recherche-développement, de promotion et de publicité, de développement d'outils d'entreprises et d'information sur les marchés. Total Nederland a également indiqué que la direction " Marketing Europe " était chargée de transmettre l'ensemble de ces informations au directeur " Spécialités " de Total France et que, si ces deux directions étaient juridiquement dépendantes de Total France, elles ne constituaient cependant pas des entités juridiques distinctes, leur rattachement à Total France étant uniquement dû à leur localisation physique à Paris. Il convient de souligner, à cet égard, que, même si la direction " Marketing Europe " et la direction " Spécialités " étaient formellement rattachées à Total France, elles dépendaient directement du directeur général de la requérante et de l'instance de direction du groupe, le COMEX.

64 À titre subsidiaire, il y a lieu de relever que Total France et Total Nederland ne sont liées économiquement et juridiquement que par l'intermédiaire de la requérante. Il en découle que Total France exerce un pouvoir de contrôle sur Total Nederland par le biais d'une délégation de la requérante. Bien que le juge de l'Union opère une distinction entre l'existence et l'exercice du contrôle d'une société sur une autre du groupe, il considère cependant qu'il est superflu de vérifier si ce contrôle a effectivement été exercé, lorsqu'il s'agit d'une filiale détenue à 100 % (arrêt AEG-Telefunken/Commission, point 28 supra, point 50). De même, lorsqu'une société mère a décidé de déléguer son contrôle sur l'une de ses filiales à une autre, il convient d'utiliser le seul critère de l'existence du contrôle comme critère déterminant pour imputer à la société mère la responsabilité du comportement infractionnel de sa filiale, afin d'éviter que les sociétés mères, qui détiennent la possibilité d'exercer ce contrôle, délèguent systématiquement et artificiellement son exercice effectif à une plus petite entité. En tout état de cause, l'acte même de délégation de ses pouvoirs à un niveau subalterne par une société mère peut être interprété comme un indice de l'exercice d'une influence déterminante (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, points 96 à 98). Enfin, le juge de l'Union admet que, lorsqu'une société supervise une société sœur impliquée dans un comportement infractionnel, il peut être présumé que c'est la société mère commune qui a confié ces pouvoirs de supervision à cette société soeur (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43-02, Rec. p. II-3435, point 129).

65 En second lieu, la requérante soutient que la décentralisation poussée du groupe, liée à sa taille et à la diversité de ses activités, constitue un obstacle à ce qu'elle exerce une fonction de coordination des activités commerciales de ses nombreuses filiales. Comme l'a souligné à juste titre la Commission au considérant 245 de la décision attaquée, la requérante ne se trouve cependant pas dans une situation exceptionnelle, et il en résulte que la seule circonstance selon laquelle le groupe serait organisé de manière décentralisée ne permet pas de renverser la présomption découlant de sa possession de la totalité du capital de Total Nederland. Si cette circonstance explique que l'exercice du contrôle de la requérante prenne des caractéristiques particulières, tel que l'exercice du contrôle par le biais d'une autre filiale de la requérante, elle n'établit en revanche en rien que la requérante aurait renoncé à l'exercice de son pouvoir de contrôle. De même, à les supposer exactes, les affirmations de la requérante relatives à l'importance mineure, d'une part, de ses activités dans le secteur du bitume et, d'autre part, du chiffre d'affaires de Total Nederland au sein du groupe Total ne prouvent pas qu'elle ait laissé à Total Nederland une autonomie totale pour définir son comportement sur le marché.

66 L'ensemble de ces éléments a permis à la Commission de considérer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que la requérante exerçait effectivement une influence déterminante sur Total Nederland.

Sur l'autonomie de la politique commerciale de Total Nederland

- Arguments des parties

67 En premier lieu, la requérante conteste le lien établi par la Commission entre le bitume et la production de carburant. Elle affirme que la production de carburant dépend de la direction " Marketing Europe " de Total France, alors que le bitume est géré par la direction " Spécialités " de cette société, que ces deux directions sont composées de personnes différentes et qu'il n'existe aucune procédure de consultation entre elles. Total Nederland exercerait ses activités indépendamment de la production de carburant du groupe, le bitume et le carburant constituant des marchés de produits différents et géographiquement indépendants. La Commission aurait d'ailleurs constaté lors de l'enquête que l'activité du bitume constituait un marché à part entière.

68 En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation et de droit en considérant qu'elle avait des liens personnels avec Total Nederland en la personne du directeur " Marketing Europe ", qui était à la fois membre du CODIR et membre du conseil de surveillance de Total Nederland. Pour qu'un tel élément puisse permettre d'établir l'influence d'une société mère sur la gestion d'une filiale, le juge de l'Union exigerait une présence massive de membres de la société mère dans les organes de direction de la filiale (arrêt Bolloré e.a./Commission, point 28 supra, point 138). Elle souligne que cette personne n'a été nommée membre du CODIR qu'en février 2002, alors que l'infraction en cause a cessé le 15 avril 2002, et qu'elle n'a été le directeur général de Fina Nederland que de 1991 à 1993, soit avant le début de l'infraction. La requérante affirme par ailleurs que le CODIR ne dispose d'aucun pouvoir de décision sur les filiales et que le conseil de surveillance de Total Nederland n'a qu'une fonction statutaire de vérification a posteriori de la gestion de la société, et non de détermination de la politique commerciale. Enfin, elle rappelle que la direction " Marketing Europe " de Total France est uniquement compétente pour la supervision des grands produits (essence, fioul domestique et gasoil) et non pour le bitume, qui relève de la direction " Spécialités " de Total France.

69 En troisième lieu, la requérante estime que la Commission, bien qu'ayant reconnu qu'elle n'était pas l'entité chargée de la coordination commerciale de ses filiales, n'en a pas tiré les conséquences. La Commission aurait en effet admis que Total France était la seule entité chargée de la coordination de la politique commerciale des filiales spécialisées dans le bitume, mais elle aurait commis une erreur de droit en considérant que la société mère d'un groupe est nécessairement chargée de la politique commerciale, sans que ce rôle puisse être imputé à une société intermédiaire. La Commission, confirmée en cela par le Tribunal, aurait pourtant considéré comme possible d'imputer des infractions à une société mère (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11-89, Rec. p. II-757, point 312, et Jungbunzlauer/Commission, point 64 supra, points 120 et 122 à 130). En revanche, le juge de l'Union n'exigerait pas l'existence d'un lien capitalistique direct entre deux sociétés pour imputer la responsabilité de l'une à l'autre. Il considère que le raisonnement inverse reviendrait à imputer systématiquement aux sociétés holdings la responsabilité des actes de leurs filiales, même en l'absence de toute faute commise par la société mère.

70 La Commission réfute l'ensemble des arguments de la requérante.

- Appréciation du Tribunal

71 Si, selon la jurisprudence, l'appréciation de l'influence de la société mère sur sa filiale ne se limite pas à l'examen de la politique commerciale stricto sensu (conclusions de l'avocat général Mme Kokott sous l'arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 29 supra, Rec. p. I-8241, points 86 et 87 ; arrêts de la Cour Imperial Chemical Industries/Commission, point 33 supra, point 133 ; du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52-69, Rec. p. 787, point 44, et du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6-72, Rec. p. 215, point 15), le juge de l'Union conserve cependant la possibilité de prendre en compte des éléments relatifs à la politique commerciale afin d'apprécier si les deux sociétés forment une entité économique unique. En l'espèce, la requérante affirme que Total Nederland est pleinement autonome à son égard dans la détermination de sa stratégie commerciale pour trois raisons. La première serait liée à l'indépendance des activités de production de carburant et de bitume, la deuxième à l'absence de liens personnels forts entre la requérante et Total Nederland et, la troisième, au rôle joué par Total France.

72 En premier lieu, il convient cependant de relever que, dans sa réponse du 2 mars 2004 à une demande de renseignements de la Commission, Total Nederland a notamment indiqué que l'activité relative au bitume dépendait des activités relatives aux autres produits et qu'il existait un mécanisme de concertation entre les deux directions de Total France (direction " Marketing Europe " et direction " Spécialités ") afin d'ajuster l'offre de carburant aux prévisions de demande de bitume.

73 En deuxième lieu, selon la décision attaquée, des liens personnels auraient renforcé l'influence de la requérante sur le comportement de Total Nederland (considérant 250). Il ressort ainsi du dossier que le directeur " Marketing Europe " du groupe (rattaché formellement à Total France, voir point 52 et 63 ci-dessus), qui était également membre du CODIR depuis février 2002, avait été le directeur général de Fina Nederland, prédécesseur de Total Nederland, de 1991 à 1993, et est devenu membre du conseil de surveillance de Total Nederland en novembre 2001. Selon la requérante, la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation et de droit en considérant qu'elle avait des liens personnels avec Total Nederland. Tout d'abord, il convient de préciser que, contrairement à ce que soutient la requérante, le juge de l'Union considère que la représentation de la société mère dans les organes de direction de sa filiale constitue un élément de preuve pertinent de l'exercice d'un contrôle effectif sur la politique commerciale de sa filiale (arrêts Bolloré e.a./Commission, point 28 supra, point 137, et du 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 38 supra, points 80 à 85) et qu'elle n'impose en revanche pas que cette présence de membres de la société mère dans les organes de direction de la filiale soit massive. En l'espèce, même si cette personne n'a été nommée au CODIR qu'en février 2002, soit deux mois avant la cessation de l'infraction, et indépendamment de l'étendue des pouvoirs de cet organe sur les filiales de la requérante, ces éléments peuvent être considérés comme constituant des indices de l'existence de liens personnels étroits et durables entre la direction de Total Nederland, la direction " Marketing Europe " de Total France et la requérante.

74 En troisième lieu, en ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs au rôle prépondérant joué uniquement par Total France eu égard à la coordination commerciale des filiales du groupe spécialisées dans le bitume, il convient de renvoyer à l'appréciation portée par le Tribunal aux points 63 à 65 ci-dessus.

75 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les éléments présentés par la requérante ne permettent pas de renverser la présomption selon laquelle, en détenant près de 100 % du capital de Total Nederland, elle a exercé une influence déterminante sur la politique de Total Nederland. Il y a, dès lors, lieu de conclure que la requérante constitue avec Total Nederland une entreprise au sens de l'article 81 CE, sans qu'il soit besoin de vérifier si la requérante a exercé une influence sur le comportement de sa filiale.

76 Le deuxième moyen doit, par conséquent, être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation des règles en matière de preuve

Arguments des parties

77 La requérante estime que la Commission aurait méconnu l'article 2 du règlement (CE) nº 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), en se fondant sur une simple présomption liée au critère capitalistique pour lui imputer les infractions commises par sa filiale, alors qu'il lui appartenait de démontrer qu'elle avait exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de celle-ci. La Commission aurait ainsi violé le principe actori incumbit probatio en vertu duquel il n'est pas possible de faire peser sur une partie la charge de la preuve de son innocence.

78 Elle reproche en outre à la Commission de ne pas avoir répondu aux éléments de preuve qu'elle a apportés en réponse à la communication des griefs et qui auraient pourtant établi qu'elle n'avait exercé aucune influence sur la politique commerciale de Total Nederland.

79 La Commission rejette les arguments de la requérante.

Appréciation du Tribunal

80 En substance, la requérante reproche à la Commission la violation du principe de présomption d'innocence.

81 En vertu des dispositions de l'article 2 du règlement n° 1-2003, qui reflète le principe de présomption d'innocence affirmé 162003à l'article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, la charge de la preuve d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE incombe à l'autorité qui l'allègue. Le recours à une telle présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante d'une société mère sur sa filiale détenue à 100 % n'entraîne pas un renversement de la charge de la preuve, mais fixe le niveau de preuve à respecter pour déterminer si la responsabilité d'une infraction incombe à la société mère ou à la filiale. Dans la mesure où le fait que la société mère détient la totalité du capital de sa filiale permet de présumer qu'une influence est exercée, cette présomption est réputée satisfaire aux exigences en matière de charge de la preuve si la société mère ne la réfute pas en présentant des preuves concluantes en sens contraire (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 32 supra, point 79). Ainsi, en amont de la question de la répartition de la charge de la preuve, les parties sont toutes appelées à satisfaire à leur obligation d'exposer leurs thèses (conclusions de l'avocat général Mme Kokott sous l'arrêt Akzo Nobel e.a/Commission, point 71 supra, point 74, et sous l'arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105-04 P, Rec. p. I-8725, I-8730, point 73).

82 En ce qui concerne le grief de la requérante relatif à l'absence de réfutation des arguments qu'elle a présentés dans sa réponse à la communication des griefs, il convient de rappeler que la Commission est tenue de procéder à une analyse des éléments de preuve relatifs à leurs liens organisationnels, économiques et juridiques présentés par une société mère en vue de renverser la présomption d'exercice d'une influence déterminante sur sa filiale ayant directement participé à l'infraction (arrêt du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, point 29 supra, points 75 à 79). Or, en l'espèce, il ressort des considérants 239 à 250 de la décision attaquée que la Commission a procédé à un examen des éléments de preuve présentés par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs, relatifs à son absence d'influence sur la politique commerciale de Total Nederland, tels qu'ils sont exposés au considérant 242 de cette décision. Par ailleurs, il résulte des points 47 à 75 ci-dessus que l'examen opéré par la Commission fonde, à juste titre, la conclusion de cette dernière selon laquelle la requérante exerçait une influence sur Total Nederland et n'est pas mis en cause par les éléments ajoutés par la requérante.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes d'interdiction de l'arbitraire et de sécurité juridique

Arguments des parties

83 La requérante considère que la Commission s'est octroyée un véritable pouvoir arbitraire et a méconnu le principe de sécurité juridique en affirmant qu'elle disposait d'une marge d'appréciation pour décider quelles sont les entités d'une entreprise qu'elle considère comme responsables d'une infraction. La Commission ne pourrait pourtant imputer une infraction à une société qu'en disposant d'éléments de preuve suffisants, soumis au contrôle du juge.

84 La Commission réfute les arguments de la requérante.

Appréciation du Tribunal

85 En affirmant que la Commission ne saurait disposer d'une marge d'appréciation pour décider quelles sont les entités d'une entreprise qu'elle considère comme responsables d'une infraction, la requérante se prévaut des principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique.

86 Le juge de l'Union a déjà appliqué le principe de légalité des délits et des peines, consacré par l'article 7, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant que principe général de droit de l'Union, dans des affaires concernant le droit de la concurrence, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêts de la Cour Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 33 supra, points 215 et suivants, et du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C-3-06 P, Rec. p. I-1331, points 87 à 91 ; arrêts du Tribunal Jungbunzlauer/Commission, point 64 supra, points 71 et suivants, et du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T-99-04, Rec. p. II-1501, points 137 à 146). D'une manière générale, ce principe, qui est un corollaire du principe de sécurité juridique, exige, notamment, que toute réglementation de l'Union, en particulier lorsqu'elle impose ou permet d'imposer des sanctions, soit claire et précise, afin que les personnes concernées puissent connaître sans ambiguïté les droits et les obligations qui en découlent et puissent prendre leurs dispositions en conséquence. Le juge a cependant reconnu que ce principe ne saurait être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l'interprétation judiciaire (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 33 supra, point 217).

87 Or, il ressort d'une jurisprudence constante que le droit de la concurrence de l'Union vise les activités des entreprises (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 32 supra, point 59) et que la notion d'entreprise au sens de l'article 81 CE inclut des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à ce qu'une infraction visée par cette disposition soit commise (voir arrêt HFB e.a./Commission, point 32 supra, point 54, et la jurisprudence citée). La jurisprudence considère, en conséquence, que la Commission dispose d'une liberté de choix quant à la société à sanctionner en matière de comportement anticoncurrentiel, entre la société directement impliquée dans l'infraction et la société la contrôlant (arrêts du Tribunal Michelin/Commission, point 34 supra, point 290, et du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T-259-02 à T-264-02 et T-271-02, Rec. p. II-5169, points 331 à 335, confirmé par la Cour dans l'arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C-125-07 P, C-133-07 P, C-135-07 P et C-137-07 P, Rec. p. I-8681, point 82). Cette liberté de choix dont dispose la Commission concourt à garantir le recouvrement effectif des amendes et participe à l'objectif de dissuasion qui est généralement poursuivi par le droit de la concurrence.

88 Dès lors, il y a lieu de considérer que la Commission, en imputant à la requérante la responsabilité de l'infraction commise par Total Nederland, n'a méconnu ni le principe de légalité des délits et des peines ni le principe de sécurité juridique.

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

Arguments des parties

89 La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir fait usage des pouvoirs que lui confèrent les articles 2 et 18 à 20 du règlement n° 1-2003 en ne lui adressant aucune demande d'information lors de la phase d'instruction, alors même que les autres sociétés concernées ont été impliquées dans la procédure administrative dès la phase d'instruction. Cela l'aurait empêchée de donner à la Commission des éléments démontrant qu'il n'y avait pas lieu de lui transmettre la communication des griefs. En conduisant la procédure de manière partiale, la Commission aurait méconnu le principe de bonne administration.

90 La Commission rejette les arguments de la requérante.

Appréciation du Tribunal

91 Comme cela a été indiqué au point 52 ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que la Commission a adressé une première demande de renseignements à Total Nederland le 30 juin 2003, et que la deuxième demande a été adressée le 10 février 2004 à la requérante ainsi qu'en copie à Total Nederland. La dernière demande adressée par la Commission avant l'envoi de la communication des griefs l'a été le 5 avril 2004, à la requérante et à Total Nederland. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission lui a adressé deux demandes de renseignements. Le moyen tiré de la violation du principe de bonne administration doit donc être rejeté comme manquant en fait.

92 Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions en annulation de la requête.

2. Sur les conclusions tendant à la suppression ou à la réduction du montant de l'amende

Sur la date de début de participation de la requérante à l'infraction

Arguments des parties

93 Selon la requérante, aucun élément ne permet à la Commission d'affirmer que son influence déterminante sur la politique commerciale de Total Nederland aurait débuté le 1er novembre 1999, jour du rachat de Fina par la requérante Elle rappelle que la Commission a admis qu'elle n'était pas présente sur le marché du bitume avant cette date, rendant ainsi une période d'intégration nécessaire. Par ailleurs, la Commission aurait déjà reconnu, dans sa décision 84-388-CEE, du 23 juillet 1984, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] (IV-30.988 - Accords et pratiques concertées dans le secteur du verre plat dans les pays du Benelux) (JO L 212, p. 13), qu'une société qui venait d'acquérir 80 % du capital de deux autres sociétés n'avait pas eu le temps d'assumer le contrôle de leur politique commerciale en l'espace de cinq mois. La Commission aurait donc dû, en l'espèce, établir que la requérante avait immédiatement eu connaissance de l'infraction.

94 La Commission avait considéré dans ses écritures que ce moyen était irrecevable dès lors qu'il n'avait pas été soulevé par la requérante au cours de la procédure administrative. Cependant, en réponse à une question posée par le Tribunal relative à l'arrêt de la Cour du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission (C-407-08 P, Rec. p. I-6371, points 89 à 92), la Commission a déclaré ne plus s'opposer à la recevabilité de ce moyen.

95 La Commission estime que ce moyen est non fondé. En outre, les arguments présentés par la requérante dans la réplique seraient irrecevables, conformément aux dispositions de l'article 48 du règlement de procédure, dès lors que le moyen soulevé dans la requête ne traitait que du défaut de motivation de la décision sur ce point et non de son bien-fondé, moyen qui n'aurait été développé qu'au stade de la réplique.

96 Selon la requérante, il s'agit d'un moyen tiré " d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ".

Appréciation du Tribunal

97 Afin d'apprécier la recevabilité des arguments présentés par la requérante dans la réplique, il appartient au Tribunal de déterminer la nature du moyen soulevé dans la requête. L'examen des arguments présentés par la requérante dans la requête comme dans la réplique montre que celle-ci vise en fait à établir que la Commission a commis une erreur de droit en considérant de manière générale qu'une société pourrait exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale dès le jour de son acquisition, ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation en considérant, en l'espèce, qu'elle avait pu exercer une telle influence dès cette date.

98 Aux termes de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, " la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ". Le juge de l'Union considère qu'un moyen qui constitue l'ampliation d'un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d'instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci est recevable (arrêt du Tribunal du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T-212-97, Rec. FP p. I-A-41 et II-185, point 87, et ordonnance du Tribunal du 25 juillet 2000, RJB Mining/Commission, T-110-98, Rec. p. II-2971). Par ailleurs, rien ne s'oppose à l'examen d'arguments nouveaux développés à l'appui de moyens déjà présentés dans la requête (arrêt de la Cour du 12 juin 1958, Compagnie des hauts fourneaux de Chasse/Haute Autorité, 2-57, Rec. p. 129, 131). Enfin, dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le juge ne peut accueillir de nouveaux moyens ou arguments qu'à la double condition que ceux-ci soient opérants aux fins de son office et qu'ils ne soient pas fondés sur un motif d'illégalité différent de ceux soulevés dans la requête (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C-104-97 P, Rec. p. I-6983, points 27 à 29).

99 En l'espèce, la requérante ayant, dès la requête, entendu contester par ce moyen le bien-fondé de la décision et non sa motivation, l'irrecevabilité soulevée par la Commission dans la duplique doit être rejetée. En effet, la réplique ne comporte que des éléments ayant un lien étroit avec le moyen tiré de l'erreur de droit, soulevé dans la requête.

100 Sur le fond, et eu égard à l'argument de la requérante concernant la décision 84-388, il convient tout d'abord de rappeler que, selon la jurisprudence, la pratique décisionnelle de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, la Commission disposant dans le domaine de la fixation du montant des amendes d'un large pouvoir d'appréciation et celle-ci n'étant pas liée par les appréciations qu'elle a portées antérieurement (arrêts de la Cour Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 33 supra, points 209 à 213, et du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C-510-06 P, Rec. p. I-1843, point 82). En l'espèce, il convient de souligner que le cas de la requérante, qui a détenu 99,73 % de Total Nederland pendant deux ans et cinq mois au cours de la période infractionnelle, est sensiblement différent de celui de l'affaire ayant donné lieu à la décision 84-388.

101 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, il incombe, en principe, à la personne physique ou morale qui dirigeait l'entreprise concernée au moment où l'infraction a été commise de répondre de celle-ci, même si, au jour de l'adoption de la décision constatant l'infraction, l'exploitation de l'entreprise a été placée sous la responsabilité d'une autre personne (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C-279-98 P, Rec. p. I-9693, point 78). Tant que la personne morale qui dirigeait l'entreprise au moment de l'infraction existe, la responsabilité du comportement infractionnel de l'entreprise suit cette personne morale, même si les éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction ont été cédés après la période d'infraction à des personnes tierces (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T-327-94, Rec. p. II-1373, point 63, confirmé par arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C-297-98 P, Rec. p. I-10101, point 25). En revanche, lorsque, entre le moment où l'infraction est commise et le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne responsable de l'exploitation de cette entreprise a cessé d'exister juridiquement, il convient de localiser, dans un premier temps, l'ensemble des éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction pour identifier, dans un second temps, la personne qui est devenue responsable de l'exploitation de cet ensemble, afin d'éviter que, en raison de la disparition de la personne responsable de son exploitation au moment de la commission de l'infraction, l'entreprise puisse ne pas répondre de celle-ci (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit " PVC II ", T-305-94 à T-307-94, T-313-94 à T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94 et T-335-94, Rec. p. II-931, point 953). Lorsque l'entreprise en cause cesse d'exister du fait qu'elle a été absorbée par un acquéreur, ce dernier reprend ses actifs et passifs, y compris ses responsabilités pour cause d'infraction au droit de l'Union (conclusions de l'avocat général M. Mischo sous l'arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 28 supra, Rec. p. I-9928, point 75). Dans cette hypothèse, la responsabilité de l'infraction commise par l'entreprise absorbée peut être imputée à l'acquéreur (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, point 145, et Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 87 supra, points 324 à 326), sans que la Commission soit obligée de vérifier si l'entreprise a agi de façon autonome ou selon les directives d'une société mère. Le Tribunal a estimé que, s'il en était autrement, les enquêtes de la Commission seraient considérablement alourdies par la nécessité de vérifier, dans chaque cas de succession dans le contrôle d'une entreprise, dans quelle mesure les agissements de celle-ci peuvent être imputés à l'ancienne société mère (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 87 supra, point 335).

102 En l'espèce, Fina Nederland ayant été rachetée intégralement par TotalFina Nederland NV (devenue TotalFinaElf Nederland NV, puis Total Nederland) et, indirectement, par la requérante, le 1er novembre 1999, il convient de considérer que la responsabilité pour l'infraction commise par TotalFina Nederland NV, peut être imputée à la requérante, à compter de cette date, sans que la Commission ait été obligée de vérifier si TotalFina Nederland NV avait agi de manière autonome ou selon les directives d'une ancienne société mère.

103 Par ailleurs, la requérante n'a pas étayé ses allégations selon lesquelles elle n'aurait pas pu exercer effectivement une influence déterminante sur TotalFina Nederland NV avant une certaine période d'intégration. Il convient en outre de tenir compte de ce que l'acquisition d'une société par une autre est généralement précédée d'une négociation entre les parties et de ce que, compte tenu des infrastructures juridico-économiques de la requérante et de son expérience dans le secteur du bitume sur d'autres marchés géographiques, il est possible de présumer qu'elle jouissait des connaissances et des moyens structurels suffisants afin d'exercer, dès le premier jour du rachat de TotalFina Nederland NV, une influence déterminante sur cette dernière.

104 Enfin, il y a lieu d'écarter comme inopérant l'argument de la requérante selon lequel elle n'aurait pas été en mesure d'avoir connaissance de l'infraction dès le premier jour du rachat de TotalFina Nederland NV (devenue TotalFinaElf Nederland NV, puis Total Nederland). En effet, ainsi qu'il résulte des points 31 à 42 ci-dessus, l'imputation de la responsabilité de l'infraction à la requérante résulte du fait qu'elle était l'une des entités juridiques composant l'entreprise qui a enfreint le droit de la concurrence, sans considération du fait de savoir si elle avait ou non connaissance de l'existence de ladite infraction.

105 Il convient dès lors de rejeter ce moyen dans son ensemble.

Sur le principe de proportionnalité

Arguments des parties

106 La requérante soulève un moyen exclusivement tiré de la méconnaissance, par la Commission, de la violation du principe de proportionnalité. Elle considère ainsi que, en lui appliquant un coefficient de dissuasion de 1,5, la Commission a méconnu ce principe. La Commission aurait ignoré le fait que, du 1er avril 1994 au 1er novembre 1999, la requérante n'était pas concernée par l'infraction en cause, commise par Fina Nederland, alors membre du groupe Petrofina, dont le chiffre d'affaires était bien plus faible que le sien. La Commission, qui doit tenir compte du chiffre d'affaires de l'entreprise à la période pendant laquelle l'infraction a été commise (arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C-76-06 P, Rec. p. I-4405, point 25), a d'ailleurs appliqué un coefficient limité à 1,1 à Kuwait Petroleum, qui avait réalisé en 2005 un chiffre d'affaires comparable à celui de Petrofina en 1999.

107 La Commission rejette les arguments de la requérante.

Appréciation du Tribunal

108 Aux termes du point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices "), " [i]l sera en outre nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif ". Le point 1 A, cinquième alinéa, des lignes directrices précise que, " [d]e manière générale, il pourra également être tenu compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps de connaissances et des infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence ".

109 Le juge de l'Union considère qu'il résulte de ces dispositions que, eu égard à la détermination du montant des amendes pour infraction au droit de la concurrence, la Commission doit non seulement prendre en compte la gravité de l'infraction et les circonstances particulières de l'espèce, mais aussi le contexte dans lequel ladite infraction a été commise et veiller au caractère dissuasif de son action, surtout pour les types d'infractions particulièrement nuisibles pour la réalisation des objectifs de l'Union (voir, en ce sens, arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 64 supra, point 106). À cet égard, les lignes directrices prévoient ainsi que, mis à part la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché et l'étendue géographique de celui-ci, il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices). Par ailleurs, il peut également être tenu compte du fait que les entreprises de grande dimension sont mieux à même d'apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent (point 1 A, cinquième alinéa, des lignes directrices) (arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279-02, Rec. p. II-897, points 272 à 274).

110 En premier lieu, en application de ces principes, le juge de l'Union a considéré que l'objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d'une amende vise à assurer le respect par les entreprises des règles de concurrence fixées pour la conduite de leurs activités au sein de l'Union et que cet objectif ne peut être valablement atteint qu'en considération de la situation de l'entreprise au jour où l'amende est infligée (arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, dit " Tokai I ", T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 241, et Degussa/Commission, point 109 supra, points 279 à 285). Il a notamment précisé que la nécessité d'assurer un effet dissuasif suffisant à l'amende exige que le montant de l'amende soit modulé afin de tenir compte de l'impact recherché sur l'entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l'amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l'entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d'une part, de la nécessité d'assurer l'effectivité de l'amende et, d'autre part, du respect du principe de proportionnalité (arrêt Degussa/Commission, point 109 supra, point 283).

111 En second lieu, selon la jurisprudence, la Commission peut, conformément aux lignes directrices, prendre en compte, aux fins de la majoration du montant de base de l'amende, les infrastructures juridico-économiques dont disposent les entreprises afin d'être en mesure d'apprécier le caractère infractionnel de leur comportement (arrêt Degussa/Commission, point 109 supra, point 289). Le juge de l'Union estime que cet élément vise à punir davantage les grandes entreprises, dont il est présumé qu'elles jouissent des connaissances et des moyens structurels suffisants afin d'avoir conscience du caractère infractionnel de leur comportement et d'en évaluer les bénéfices éventuels, et que, dans cette hypothèse, le chiffre d'affaires sur la base duquel la Commission détermine la taille des entreprises en cause, et donc leur capacité à déterminer le caractère et les conséquences de leur comportement, doit se rapporter à leur situation au moment de l'infraction (arrêt Degussa/Commission, point 109 supra, points 289 et 290).

112 En l'espèce, la Commission a fait application d'un coefficient multiplicateur de 1,5 à la requérante compte tenu du chiffres d'affaires mondial réalisé en 2005. Elle a précisé que ce coefficient multiplicateur avait pour objet de dissuader l'entreprise concernée et d'autres entreprises de taille comparable d'adopter à l'avenir un tel comportement illicite et qu'il devait correspondre à la taille globale de l'entreprise peu de temps avant que l'amende ne lui soit effectivement infligée (considérants 323 et 324 de la décision attaquée). Elle n'a en revanche pas pris en compte, aux fins de la majoration du montant de base de l'amende, les infrastructures juridico-économiques dont disposent les entreprises afin d'être en mesure d'apprécier le caractère infractionnel de leur comportement. Il lui appartenait dès lors uniquement, en application de la jurisprudence exposée aux points précédents, de tenir compte du chiffre d'affaires de la requérante à une date proche du jour où l'amende allait être infligée.

113 La requérante ne saurait en outre se prévaloir de la jurisprudence issue de l'arrêt Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 106 supra, aux termes de laquelle, selon elle, la Commission doit tenir compte du chiffre d'affaires de l'entreprise à la période pendant laquelle l'infraction a été commise. Il convient en effet de relever que cette jurisprudence concerne l'interprétation de la notion d'" exercice social précédent " dans le calcul du plafond de l'amende pouvant être imposée à l'entreprise, notamment dans le cas où son chiffre d'affaires de l'année précédant la décision était nul, et concerne donc un problème distinct de celui de l'application d'un coefficient multiplicateur à des fins dissuasives (arrêt Britannia Alloys & Chemicals/Commission, précité, point 106 supra, points 19 à 33).

114 En l'espèce, la Commission a donc infligé un coefficient multiplicateur de 1,5 à la requérante afin de garantir l'effet dissuasif suffisant de l'amende. Conformément à la jurisprudence, elle devait effectivement prendre en compte la situation financière de la requérante à une date proche de celle à laquelle l'amende lui serait infligée, soit en 2005. La requérante ne saurait dès lors se prévaloir d'une comparaison entre le chiffre d'affaires réalisé par Kuwait Petroleum en 2005 et celui de Petrofina en 1999.

115 Il convient dès lors de rejeter ce moyen dans son ensemble.

116 Par conséquent, il convient de rejeter les conclusions de la requérante tendant à la suppression ou à la réduction du montant de l'amende et, partant, le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

117 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Total SA est condamnée aux dépens.