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Décisions

TUE, 6e ch., 27 septembre 2012, n° T-355/06

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Koninklijke BAM Groep NV

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jaeger

Juges :

MM. Wahl, Soldevila Fragoso (rapporteur)

Avocats :

Mes Biesheuvel, de Pree

TUE n° T-355/06

27 septembre 2012

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

Faits à l'origine du litige

1 Koninlijke BAM NBM NV est née le 1er novembre 2000 de la reprise par Koninlijke BAM des activités de construction de NBM-Amstelland NV, acteur majeur dans ce secteur aux Pays-Bas, par le biais de ses filiales NBM-Amstelland Bouw & Infra BV et NBM Wegenbouw BV et de ses filiales d'exploitation régionales. Koninlijke BAM NBM est ainsi devenue active dans le secteur de la construction routière à partir de cette date par le biais de sa filiale BAM NBM Wegenbouw BV (ci-après " BAM NBM "), détenue à 100 %, et de ses filiales d'exploitation régionales. La requérante, Koninklijke BAM Groep NV, est née le 14 novembre 2002 du rachat de Hollandsche Beton Groep (ci-après " HBG ") par Koninlijke BAM NBM.

2 Par lettre du 20 juin 2002, British Petroleum a informé la Commission des Communautés européennes de l'existence alléguée d'une entente relative au marché du bitume routier aux Pays-Bas et a présenté une demande visant à obtenir une immunité d'amende au titre de la communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

3 BAM NBM est la société de construction routière auprès de laquelle les achats de bitume du groupe étaient centralisés. Elle détenait à 100 % BAM NBM Wegenbouw Noordwest BV (anciennement NBM Noordwest BV), filiale d'exploitation chargée de la construction routière. Le directeur des achats de BAM NBM Wegenbouw Noordwest est, selon la Commission, le salarié ayant participé aux réunions de cette entente. À partir du 1er janvier 2001, ce salarié est devenu directeur de BAM NBM et a continué à participer à ces réunions.

4 Les 1er et 2 octobre 2002, la Commission a procédé à des vérifications surprises, notamment dans les locaux de BAM NBM Wegenbouw Noordwest et de HBG Civiel BV, filiale d'exploitation de HBG. La Commission a adressé des demandes de renseignements à plusieurs sociétés, dont Koninlijke BAM NBM et HBG Civiel, le 30 juin 2003, auxquelles celles-ci ont répondu conjointement le 12 septembre 2003. Le 10 février 2004, la Commission a envoyé une nouvelle demande de renseignements, à laquelle la requérante a répondu le 20 février 2004.

5 Le 18 octobre 2004, la Commission a engagé la procédure administrative et a adopté une communication des griefs, adressée le lendemain à plusieurs sociétés, dont la requérante et BAM NBM.

6 Le 13 septembre 2006, la Commission a adopté la décision C (2006) 4090 final, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] [Affaire COMP-F-38.456 - Bitume (Pays-Bas)] (ci-après la " décision attaquée "), dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne du 28 juillet 2007 (JO L 196, p. 40) et qui a été notifiée à la requérante le 25 septembre 2006.

7 Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que les sociétés destinataires de celle-ci avaient participé à une infraction unique et continue à l'article 81, paragraphe 1, CE, consistant à fixer ensemble régulièrement, durant les périodes concernées, pour la vente et l'achat de bitume routier aux Pays-Bas, le prix brut, une remise uniforme sur le prix brut pour les constructeurs routiers participant à l'entente et une remise maximale réduite sur le prix brut pour les autres constructeurs routiers.

8 La requérante a été reconnue coupable de cette infraction, pour la période allant du 1er novembre 2000 au 15 avril 2002, tout comme sa filiale BAM NBM, pour la période allant du 1er avril 1994 au 15 avril 2002. BAM NBM s'est vu infliger une amende de 13,5 millions d'euro, dont la requérante a été tenue pour solidairement responsable du paiement à hauteur de 9 millions d'euro.

9 Le 13 juin 2007, la Commission a adopté une décision modificative, réduisant le montant de l'amende dont la requérante était tenue pour solidairement responsable du paiement à 8,25 millions d'euro, en précisant qu'elle avait commis une erreur de fait en augmentant le montant de base de l'amende de 20 %, alors que la période concernée ne justifiait qu'une augmentation de 10 %.

Procédure et conclusions des parties

10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 décembre 2006, la requérante a introduit le présent recours.

11 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 de son règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

12 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l'audience du 29 juin 2011.

13 Un membre de la sixième chambre ayant été empêché de siéger, le président du Tribunal s'est désigné, en application de l'article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, pour compléter la chambre.

14 Par ordonnance du 18 novembre 2011, le Tribunal (sixième chambre), dans sa nouvelle composition, a rouvert la procédure orale et les parties ont été informées qu'elles seraient entendues lors d'une nouvelle audience.

15 Par lettres, respectivement, des 25 et 28 novembre 2011, la Commission et la requérante ont informé le Tribunal qu'elles renonçaient à être entendues une nouvelle fois.

16 En conséquence, le président du Tribunal a décidé de clore la procédure orale.

17 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- à titre principal, annuler la décision attaquée pour autant qu'elle la concerne ;

- à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée ;

- condamner la Commission aux entiers dépens.

18 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

19 À l'appui de ses conclusions, la requérante soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré de l'existence d'erreurs manifestes d'appréciation et de droit dans l'imputation de la responsabilité de l'infraction commise par BAM NBM à la requérante et, le second, de l'erreur de fait dans le calcul de la durée pendant laquelle elle aurait été responsable de l'infraction.

1. Sur le renvoi aux moyens soulevés par BAM NBM dans sa requête

Arguments des parties

20 À titre préalable, la requérante précise qu'elle ne présente pas de moyen relatif aux faits constatés par la Commission dans la décision attaquée, mais qu'elle se joint aux moyens avancés par BAM NBM.

21 La Commission souligne que la requérante ne saurait renvoyer à des moyens invoqués par une autre partie dans une autre affaire, les dispositions de l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoyant que la requête doit contenir l'objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T-209-01, Rec. p. II-5527, points 53 à 68).

Appréciation du Tribunal

22 Aux termes des dispositions de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête doit contenir l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. De plus, selon l'article 48, paragraphe 2, dudit règlement, " [l]a production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ". Il résulte de ces dispositions que tout moyen qui n'est pas suffisamment articulé dans la requête introductive d'instance doit être considéré comme irrecevable.

23 Il résulte, en outre, de la jurisprudence que l'exposé sommaire des moyens de la partie requérante doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l'appui (arrêts du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T-145-98, Rec. p. II-387, point 66, et du 16 mars 2004, Danske Busvognmænd/Commission, T-157-01, Rec. p. II-917, point 45). Des exigences analogues sont requises lorsqu'un grief est invoqué au soutien d'un moyen (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo Och Domsjö/Commission, T-352-94, Rec. p. II-1989, point 333).

24 Par ailleurs, selon une jurisprudence bien établie, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêt de la Cour du 9 janvier 2003, Italie/Commission, C-178-00, Rec. p. I-303, point 6 ; arrêts du Tribunal du 10 avril 2003, Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, T-195-00, Rec. p. II-1677, point 26, et Danske Busvognmænd/Commission, point 23 supra, point 45).

25 À cet égard, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d'autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l'absence des éléments essentiels de l'argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête (ordonnance du Tribunal du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T-154-98, Rec. p. II-1703, point 49). En outre, il n'appartient pas au Tribunal de rechercher et d'identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu'il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêts du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T-84-96, Rec. p. II-2081, point 34 ; du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit " PVC II ", T-305-94 à T-307-94, T-313-94 à T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94 et T-335-94, Rec. p. II-931, point 39, non annulé sur ce point par la Cour, sur pourvoi, dans son arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I-8375, et du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T-231-99, Rec. p. II-2085).

26 Il convient de relever que le juge de l'Union a pu accepter que des moyens non exposés expressément dans la requête puissent être considérés comme validement soulevés du fait d'un renvoi aux moyens soulevés dans une autre affaire dans les seuls cas où la partie requérante avait renvoyé à ses propres écrits dans une autre affaire (arrêt Honeywell/Commission, point 21 supra, point 62). À l'inverse, le Tribunal considère qu'autoriser le renvoi à une requête introduite par une autre requérante permettrait le contournement des exigences impératives de l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure (arrêt Honeywell/Commission, point 21 supra, points 63 et 64).

27 En l'espèce, en l'absence d'identité des requérantes, un tel renvoi n'est pas possible. Il convient, en conséquent, de considérer que le renvoi par la requérante à la requête déposée par BAM NBM dans l'affaire T-354-06 n'a pas pour effet d'incorporer dans sa requête les moyens soulevés par BAM NBM dans ladite affaire.

2. Sur le premier moyen, tiré de l'existence d'erreurs de droit et d'erreurs manifestes d'appréciation dans l'imputation de la responsabilité de l'infraction commise par BAM NBM à la requérante

Sur l'erreur de droit tirée de la prise en compte du seul lien capitalistique pour présumer l'exercice effectif d'une influence déterminante de la société mère sur la politique commerciale de sa filiale

Arguments des parties

28 La requérante estime que la Commission a méconnu les dispositions de l'article 81 CE, de l'article 7 et de l'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), en lui imputant la responsabilité de l'infraction commise par BAM NBM.

29 En premier lieu, elle considère que, selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, les seuls cas dans lesquels une société mère s'est vu imputer la responsabilité d'une infraction commise par sa filiale sont ceux dans lesquels prévalaient des circonstances particulières telles que l'exercice d'une influence de la société mère sur la politique de prix de ses filiales (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48-69, Rec. p. 619, point 137, et du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107-82, Rec. p. 3151, points 50 et 51), le suivi des instructions de la société mère par la filiale en ce qui concernait l'infraction (arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6-72, Rec. p. 215, point 16) ou encore l'implication concrète des sociétés mères dans l'infraction (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C-286-98 P, Rec. p. I-9925, points 25 à 29 ; Metsä-Serla e.a./Commission, C-294-98 P, Rec. p. I-10065, points 32 à 36, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123 ; arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9-99, Rec. p. II-1487, point 102). La Commission ne saurait, dès lors, procéder à une telle imputation lorsqu'une société mère n'a exercé aucune influence effective sur les activités de sa filiale sur le marché sur lequel l'infraction a été commise.

30 En deuxième lieu, elle soutient que la Commission a, dans sa pratique décisionnelle, régulièrement écarté l'imputation à une société mère de la responsabilité des comportements d'une filiale détenue à 100 % lorsqu'elle n'était pas en mesure d'établir que la société mère avait donné des instructions à sa filiale relatives à l'infraction. Elle estime que le fait pour la Commission de revenir sur cette pratique décisionnelle est contraire aux principes d'égalité, de non-discrimination, de sécurité juridique et de légalité des délits et des peines.

31 En troisième lieu, la requérante reproche à la Commission d'avoir utilisé la notion d'entreprise pour méconnaître le principe d'autonomie de la personnalité juridique des personnes morales. En vertu de ce principe reconnu dans tous les États membres, les infractions aux règles légales ne peuvent être imputées à une autre personne que celle ayant commis l'infraction que s'il existe une justification particulière. Elle rappelle que, au sein d'un groupe, les différentes sociétés qui le composent sont nécessairement réunies sous une direction centrale qui doit pouvoir librement décider s'il est opportun qu'elles se fassent concurrence entre elles ou non.

32 En quatrième lieu, elle relève que l'interprétation de la jurisprudence retenue par la Commission revient à mettre en place un mécanisme automatique de responsabilité des sociétés mères pour les infractions commises par leurs filiales au sein des groupes. Une telle approche serait contraire au principe de présomption d'innocence reconnu par l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la " CEDH ").

33 Enfin, elle estime que la seule théorie de l'entité économique ne saurait conférer à la Commission une totale liberté d'appréciation eu égard au choix des destinataires de ses décisions parmi les différentes sociétés d'un même groupe.

34 La Commission réfute l'ensemble des arguments de la requérante.

Appréciation du Tribunal

35 La Commission a estimé, dans la décision attaquée, bien que NBM Noordwest ait été l'unique personne morale ayant participé directement à l'entente jusqu'au 1er janvier 2001 et que, selon elle, BAM NBM ait directement participé aux réunions de l'entente après cette date, que BAM NBM, en tant que successeur de NBM Wegenbouw et société mère détenant NBM Noordwest à 100 %, était capable d'exercer effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale depuis le 1er avril 1994. De même, elle a considéré que la requérante (en tant que successeur de Koninklijke BAM NBM à compter du 14 novembre 2002), société mère à 100 % de BAM NBM à compter du 1er novembre 2000, était capable d'exercer effectivement une influence déterminante sur cette dernière (considérants 286 à 290 de la décision attaquée).

- Sur l'interprétation de la jurisprudence relative à l'imputation des agissements d'une filiale à sa société mère

36 La requérante estime que, selon la jurisprudence, la responsabilité d'une infraction commise par une filiale ne peut être imputée à sa société mère la détenant à 100 % que dans des circonstances très particulières.

37 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que le droit de la concurrence de l'Union vise les activités des entreprises (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 29 supra, point 59) et que la notion d'entreprise au sens de l'article 81 CE inclut des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à ce qu'une infraction visée par cette disposition soit commise (voir arrêt HFB e.a./Commission, point 29 supra, point 54, et la jurisprudence citée). La notion d'entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêt de la Cour du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C-217-05, Rec. p. I-11987, point 40).

38 Le comportement anticoncurrentiel d'une entreprise peut être imputé à une autre lorsqu'elle n'a pas déterminé son comportement sur le marché de manière autonome, mais a appliqué pour l'essentiel les directives émises par cette dernière, eu égard en particulier aux liens économiques et juridiques qui les unissaient (arrêts de la Cour Metsä-Serla e.a./Commission, point 29 supra, point 27 ; du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, point 117, et du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97-08 P, Rec. p. I-8237, point 58). Ainsi, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère, ces deux entreprises constituant une entité économique (arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, point 29 supra, points 133 et 134).

39 Ce n'est donc pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d'un groupe de sociétés. En effet, il y a lieu de rappeler que le droit de la concurrence de l'Union reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens des articles 81 CE et 82 CE, si les sociétés concernées ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 290).

40 Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, d'une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d'autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 38 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

41 Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité ou la quasi-totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l'amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n'apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêts Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 29 supra, point 29, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 38 supra, point 61).

42 S'il est vrai que la Cour a évoqué, aux points 28 et 29 de l'arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 29 supra, hormis la détention de 100 % du capital de la filiale, d'autres circonstances, telles que l'absence de contestation de l'influence exercée par la société mère sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative, il n'en demeure pas moins que de telles circonstances n'ont été relevées par la Cour que dans le but d'exposer l'ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement dans cette affaire, et non pas pour subordonner la mise en œuvre de la présomption susmentionnée à la production d'indices supplémentaires relatifs à l'exercice effectif d'une influence de la société mère sur sa filiale (arrêts de la Cour Akzo Nobel e.a./Commission, point 38 supra, point 62, et du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C-90-09 P, non encore publié au Recueil, point 41).

43 En l'espèce, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que la requérante était la société mère à 100 % de BAM NBM depuis le 1er novembre 2000, ce que la requérante n'a pas contesté. La Commission a déduit de cette participation de la requérante dans le capital de BAM NBM qu'elle avait effectivement exercé une influence déterminante sur cette dernière et, partant, l'a considérée comme responsable de l'infraction commise par cette dernière (considérant 288 de la décision attaquée). Il convient de préciser que, contrairement à ce qu'a affirmé la requérante dans sa réponse du 24 mars 2011 à une question écrite posée par le Tribunal, la Commission n'a cependant pas estimé que la requérante avait directement participé à l'infraction en cause.

- Sur la méconnaissance par la Commission de sa pratique décisionnelle antérieure

44 La requérante considère que la Commission a méconnu les principes d'égalité, de non-discrimination, de sécurité juridique et de légalité des délits et des peines en affirmant qu'elle disposait d'une marge d'appréciation pour décider quelles étaient les entités d'une entreprise qu'elle considérait comme responsables d'une infraction et en modifiant sa pratique décisionnelle en la matière.

45 Il est de jurisprudence constante qu'est d'application en droit de l'Union le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege), consacré par l'article 7, paragraphe 1, de la CEDH, en tant que principe général de droit de l'Union, dans des affaires concernant le droit de la concurrence, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêts de la Cour Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 38 supra, points 215 et suivants, et du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C-3-06 P, Rec. p. I-1331, points 87 à 91 ; arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43-02, Rec. p. II-3435, points 71 et suivants).

46 D'une manière générale, ce principe exige, notamment, que toute réglementation de l'Union, en particulier lorsqu'elle impose ou permet d'imposer des sanctions, soit claire et précise, afin que les personnes concernées puissent connaître sans ambiguïté les droits et les obligations qui en découlent et puissent prendre leurs dispositions en conséquence. Le juge de l'Union a cependant reconnu que ce principe ne saurait être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l'interprétation juridictionnelle (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 38 supra, point 217).

47 Néanmoins, ce principe peut s'opposer à l'application rétroactive d'une nouvelle interprétation d'une norme établissant une infraction. Il en est particulièrement ainsi si le résultat de cette interprétation n'était pas raisonnablement prévisible au moment où l'infraction a été commise, au vu notamment de l'interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 38 supra, point 218, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T-99-04, Rec. p. II-1501, point 142).

48 Il ressort d'une jurisprudence constante que la Commission dispose d'une liberté de choix quant à la société à sanctionner en matière de comportement anticoncurrentiel, entre la société directement impliquée dans l'infraction et la société la contrôlant (arrêt Michelin/Commission, point 39 supra, point 290 ; arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T-259-02 à T-264-02 et T-271-02, Rec. p. II-5169, points 331 à 335, confirmé arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C-125-07 P, C-133-07 P, C-135-07 P et C-137-07 P, Rec. p. I-8681, point 82).

49 Il convient, par ailleurs, de rappeler que les principes d'égalité et de non-discrimination s'opposent à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et à ce que des situations différentes soient traitées de manière semblable, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié. Ces principes s'imposent à la Commission lorsqu'elle inflige une amende à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence comme à toute institution dans toutes ses activités (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T-31-99, Rec. p. II-1881, point 240).

50 Cependant, selon la jurisprudence, la circonstance selon laquelle, dans des affaires similaires précédentes concernant des ententes, la Commission n'a pas estimé qu'il y avait lieu d'infliger une amende à certaines sociétés ne saurait la priver du pouvoir de décider différemment dans une affaire nouvelle, dès lors que sont réunies les conditions auxquelles l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 soumet l'exercice du pouvoir d'infliger une amende et qu'une telle différenciation ne constitue pas une violation du principe de non-discrimination (arrêt de la Cour du 12 juillet 1979, BMW Belgium e.a./Commission, 32-78 et 36-78 à 82-78, Rec. p. 2435).

51 Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que, en imputant à la requérante la responsabilité de l'infraction commise par BAM NBM, la Commission n'a méconnu ni le principe de légalité des délits et des peines, ni le principe de sécurité juridique, ni les principes d'égalité et de non-discrimination.

- Sur la violation du principe d'autonomie des personnes morales

52 La requérante reproche à la Commission d'avoir utilisé la notion d'entreprise pour méconnaître le principe d'autonomie de la personnalité juridique des personnes morales, en vertu duquel les infractions aux règles légales ne pourraient être imputées à une autre personne que celle qui a commis l'infraction que s'il existe une justification particulière.

53 Il résulte cependant de la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus que le comportement anticoncurrentiel d'une entreprise peut être imputé à une autre lorsqu'elle n'a pas déterminé son comportement sur le marché de manière autonome, mais a appliqué pour l'essentiel les directives émises par cette dernière, eu égard en particulier aux liens économiques et juridiques qui les unissaient.

54 Ce grief doit donc être écarté.

- Sur la mise en place d'un mécanisme d'imputation automatique

55 La requérante estime que l'interprétation retenue par la Commission de la présomption d'exercice d'une influence décisive d'une société mère sur sa filiale détenue à 100 % rend son renversement impossible, dans un contexte de groupe.

56 Il ressort cependant de la jurisprudence de la Cour que, afin de renverser la présomption selon laquelle une société mère détenant 100 % du capital social de sa filiale exerce effectivement une influence déterminante sur celle ci, il incombe à ladite société mère de soumettre à l'appréciation de la Commission puis, le cas échéant, du juge de l'Union tout élément qu'elle considère de nature à démontrer qu'elles ne constituent pas une entité économique unique, relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques, entre sa filiale et elle-même, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l'objet d'une énumération exhaustive (arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, point 38 supra, point 65, et General Química e.a./Commission, point 42 supra, points 51 et 52).

57 Contrairement à ce que soutient la requérante, il s'agit dès lors d'une présomption réfragable qu'il lui appartenait de renverser.

- Sur la violation de la présomption d'innocence

58 La requérante estime que l'approche retenue par la Commission est contraire à la présomption d'innocence reconnue par l'article 6 de la CEDH. En vertu des dispositions de l'article 2 du règlement n° 1-2003, la charge de la preuve d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE incomberait à l'autorité qui l'allègue.

59 Le recours à la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante d'une société mère sur sa filiale détenue à 100 % n'entraîne pas un renversement de la charge de la preuve, mais fixe le niveau de preuve à respecter pour déterminer si la responsabilité d'une infraction incombe à la société mère ou à la filiale. Dans la mesure où le fait que la société mère détient la totalité du capital de sa filiale permet de présumer qu'une influence est effectivement exercée, cette présomption est réputée satisfaire aux exigences en matière de charge de la preuve si la société mère ne la réfute pas en présentant des preuves concluantes en sens contraire (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 29 supra, point 79). Ainsi, en amont de la question de la répartition de la charge de la preuve, les parties sont toutes appelées à satisfaire à leur obligation d'exposer leurs thèses (conclusions de l'avocat général Mme Kokott sous l'arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 38 supra, Rec. p. I-8241, point 74, et sous l'arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105-04 P, Rec. p. I-8725, I-8730, point 73).

60 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la Commission n'a pas méconnu les dispositions de l'article 81 CE, de l'article 7 et de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 en imputant à la requérante la responsabilité de l'infraction commise par BAM NBM.

Sur les erreurs manifestes d'appréciation relatives à l'imputation de la responsabilité de l'infraction commise par la filiale

Arguments des parties

61 La requérante estime, par ailleurs, que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation des circonstances particulières sur lesquelles elle avait entendu se fonder dans la décision attaquée pour lui imputer la responsabilité de l'infraction commise par BAM NBM.

62 Elle considère ainsi que le fait que BAM NBM ait dû se conformer aux orientations générales fixées dans le plan d'entreprise du groupe permet seulement de confirmer que BAM NBM faisait partie du groupe et elle soutient que ces orientations ne concernaient pas l'achat de bitume, qui ne constituait que 1 % des coûts des projets de construction routière, comme elle l'avait souligné dans la réponse à la communication des griefs.

63 De même, le fait qu'elle ait été membre du conseil d'administration de BAM NBM entre le mois de janvier 2002 et le mois de février 2003 ne saurait suffire à justifier l'imputation de la responsabilité de l'infraction, compte tenu de la brièveté de cette période, qui ne correspond, en outre, pas totalement à la période infractionnelle, et du caractère purement formel de cette direction. Selon elle, seules les filiales de BAM NBM menaient des activités opérationnelles dans le domaine de la construction routière.

64 En outre, le fait que chaque membre de son conseil d'administration s'occupait d'un domaine précis du marché et que son directeur général et son directeur financier examinaient trimestriellement l'activité de chaque division opérationnelle ne sauraient constituer un indice de l'exercice effectif d'une influence dans le domaine de l'achat du bitume, compte tenu de la taille du groupe, du nombre de ses sociétés opérationnelles et du caractère très général du contrôle ainsi exercé sur ses filiales.

65 Enfin, la requérante souligne que ses sociétés opérationnelles bénéficient d'une large autonomie dans leurs domaines d'activités et que le groupe est organisé de manière très décentralisée.

66 La Commission rejette l'ensemble des arguments de la requérante.

Appréciation du Tribunal

67 Il s'agit, en répondant aux griefs visant à établir que la Commission aurait commis des erreurs manifestes d'appréciation en lui imputant la responsabilité de l'infraction commise par BAM NBM, de déterminer si la requérante a apporté des éléments permettant de renverser la présomption selon laquelle ces deux sociétés constituaient une entité économique unique.

68 Aux considérants 286 à 290 de la décision attaquée, la Commission expose qu'elle pouvait faire application de la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante de la requérante sur BAM NBM pour la période allant du 1er novembre 2000, date de son acquisition de 100 % du capital de cette dernière, au 15 avril 2002. Elle a ensuite estimé que plusieurs éléments relatifs à la structure hiérarchique du groupe venaient renforcer cette présomption. Ainsi, les instructions de la société mère aux sociétés du groupe prévoyaient que ces dernières se conforment aux orientations générales formulées dans le plan d'entreprise du groupe relatif à la politique financière, économique et sociale ainsi qu'à la spécialisation, au partage des tâches entre les sociétés du groupe, à la répartition régionale, aux livraisons internes, etc. De plus, la Commission a souligné que la requérante était membre institutionnel du conseil d'administration de BAM NBM entre le mois de janvier 2002 et le mois de février 2003. Enfin, elle a tenu compte du fait que chaque membre du conseil d'administration de la société mère s'occupait d'un domaine précis afin de permettre un meilleur contrôle du groupe et que le directeur général et le directeur financier de la société mère examinaient l'activité de chaque division opérationnelle au moins une fois par trimestre.

69 La requérante estime que la Commission aurait dû s'appuyer sur des éléments permettant d'apprécier son rôle au regard du comportement infractionnel en cause. Il convient cependant de rappeler que, selon la jurisprudence, le contrôle exercé par la société mère sur sa filiale ne doit pas nécessairement avoir un lien avec le comportement infractionnel (voir point 39 ci-dessus et arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, point 38 supra, point 59, et General Química e.a./Commission, point 42 supra, points 38, 102 et 103).

70 La requérante estime, en outre, que le fait que BAM NBM ait dû se conformer aux orientations générales fixées dans le plan d'entreprise du groupe permet seulement de confirmer que BAM NBM faisait partie du groupe.

71 Il ressort cependant de l'examen du dossier que plusieurs éléments établissent l'existence de liens hiérarchiques importants et actifs entre la requérante et BAM NBM. Ainsi, comme l'indique la décision attaquée, la société mère déterminait les orientations générales formulées dans le plan d'entreprise du groupe relatif à la politique financière, économique et sociale ainsi qu'à la spécialisation, au partage des tâches entre les sociétés du groupe, à la répartition régionale et aux livraisons internes. De plus, il ressort du dossier que la requérante a elle-même reconnu que chaque membre de son conseil d'administration s'occupait d'un domaine précis afin de permettre un meilleur contrôle du groupe et que le directeur général et le directeur financier de la société mère examinaient l'activité de chaque division opérationnelle au moins une fois par trimestre. Par ailleurs, même si la période pendant laquelle la requérante était membre du conseil d'administration de BAM NBM a été limitée et ne correspond pas entièrement à la période infractionnelle, elle constitue cependant un indice de l'existence de liens hiérarchiques et de relations étroites entre ces deux sociétés. Enfin, il convient de préciser que les affirmations de la requérante relatives à l'importance mineure des coûts du bitume, à les supposer exactes, ne prouvent aucunement qu'elle ait laissé à BAM NBM une autonomie totale pour définir son comportement sur le marché.

72 La requérante soutient, enfin, que la décentralisation poussée du groupe, liée à sa taille et au nombre important de ses sociétés opérationnelles, constituait un obstacle à ce qu'elle exerçât une fonction de coordination des activités de ses nombreuses filiales d'exploitation et que le contrôle qu'elle exerçait sur celles-ci était ainsi très général. Il convient cependant de rappeler que la requérante ne se trouvait pas dans une situation exceptionnelle et que cette seule circonstance est insuffisante pour renverser la présomption fondée sur sa possession de la totalité du capital de BAM NBM. Si cette circonstance explique que l'exercice de son contrôle revêtait des caractéristiques particulières, elle n'établit pas, en revanche, que la Commission se serait appuyée à tort sur les éléments précités pour retenir que la requérante avait exercé une influence déterminante sur ses filiales.

73 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les éléments présentés par la requérante ne permettent pas de renverser la présomption selon laquelle, en détenant 100 % de son capital, elle a effectivement exercé une influence déterminante sur la politique de sa filiale. Il y a lieu, dès lors, de conclure que la requérante constituait avec BAM NBM une entreprise au sens de l'article 81 CE, sans qu'il soit besoin de vérifier si la requérante a exercé une influence sur le comportement infractionnel de sa filiale.

74 Le premier moyen doit, par conséquent, être rejeté dans son ensemble.

3. Sur le second moyen, tiré d'une erreur dans le calcul de la durée de l'infraction

Arguments des parties

75 Le second moyen, soulevé à titre subsidiaire, porte sur une erreur de calcul relative à la détermination de la durée pendant laquelle la requérante aurait été responsable de l'infraction. En effet, la Commission aurait reconnu qu'elle avait été actionnaire à 100 % de BAM NBM du 1er novembre 2000 au 15 avril 2002, mais en aurait conclu à tort que cette période correspondait à une durée de deux ans et cinq mois, alors qu'il s'agirait d'une durée de un an et cinq mois.

76 La Commission ayant admis avoir commis une erreur de fait et ayant adopté le 13 juin 2007 une décision rectificative fixant le montant de l'amende dont la requérante était tenue pour solidairement responsable du paiement à 8,25 millions d'euro au lieu de 9 millions, elle considère que ce moyen est devenu sans objet.

77 La requérante conteste cependant le nouveau calcul effectué par la Commission dans sa décision rectificative, en estimant que celui-ci ne prend pas en compte le fait qu'elle n'a été actionnaire à 100 % de BAM NBM que pendant une période très limitée. La Commission aurait ainsi uniquement tenu compte de la période limitée de son actionnariat pour l'augmentation du montant de base de l'amende en raison de sa longue durée.

78 La Commission a estimé, lors de la procédure écrite, que le moyen tiré du calcul erroné du montant de l'amende constituait un moyen nouveau et, partant, irrecevable aux termes des dispositions de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Cependant, lors de l'audience, la Commission, en réponse à une question posée par le Tribunal, a estimé que ce moyen pouvait être considéré comme recevable, compte tenu de l'adoption d'une décision rectificative en cours d'instance. Elle rejette en tout état de cause ce moyen au fond.

Appréciation du Tribunal

79 Il convient de souligner, à titre liminaire, que les parties se sont accordées sur le calcul de la durée de détention de BAM NBM par la requérante pendant la période infractionnelle. La Commission a, en effet, adopté une décision rectificative le 13 juin 2007, par laquelle elle a fixé la durée de détention de BAM NBM par la requérante à un an et cinq mois. Ce moyen est donc devenu sans objet et il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur ce point.

80 Par ailleurs, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la durée limitée de détention du capital de BAM NBM dans la fixation du montant de l'amende. En effet, elle rappelle qu'elle n'a détenu la totalité du capital de cette filiale que pendant une période d'un an et cinq mois et que la Commission l'a cependant considérée comme solidairement responsable pour la majeure partie de l'amende infligée à sa filiale.

81 Aux termes de l'article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1-2003 et de l'article 1er des lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3), le montant de base des amendes est déterminé en fonction de la gravité et de la durée des infractions. Le juge de l'Union a ainsi précisé que la durée d'une infraction ne constituait pas un critère permettant d'en apprécier la gravité, mais constituait le deuxième facteur, à côté de la gravité de l'infraction, pour fixer le montant de l'amende (arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T-241-01, Rec. p. II-2917, point 87).

82 Par ailleurs, il découle implicitement mais clairement des lignes directrices que les amendes calculées sur leur fondement ne sont en aucun cas proportionnelles à la durée des infractions (arrêt du Tribunal du 3 mars 2011, Siemens Österreich e.a./Commission, T-122-07 à T-124-07, non encore publié au Recueil, point 183). Par cette pratique consistant à fixer les amendes d'une manière non strictement proportionnelle à la durée, la Commission ne dépasse pas les limites du pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu par la jurisprudence (arrêt Siemens Österreich e.a./Commission, précité, point 182 ; voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150-89, Rec. p. II-1165, point 59, et du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T-229-94, Rec. p. II-1689, point 127).

83 En l'espèce, il ressort des considérants 311 et suivants de la décision attaquée que la Commission a arrêté, dans un premier temps, un montant d'amende calculé en fonction de la gravité de l'infraction. Elle a ainsi procédé à la classification des participants à l'entente en six catégories. La requérante a été placée dans la quatrième catégorie, avec un montant de départ pour l'amende de 7,5 millions d'euro, comme il ressort du considérant 322 de la décision attaquée. Puis, la Commission a pris en compte la durée de la participation de la requérante à l'infraction (considérant 330 de la décision attaquée), qui s'étend du 1er novembre 2000 au 15 avril 2002, soit un an et cinq mois, entraînant une augmentation du montant de départ de 10 % (décision rectificative, quatrième considérant).

84 Ce n'est ainsi que d'une façon marginale que la durée de participation a influencé la détermination du montant de l'amende infligée à la requérante, puisque son montant final, tel que fixé dans la décision rectificative, en tenant compte de la durée de participation, est de 8,25 millions d'euro.

85 La requérante n'ayant présenté aucun autre argument permettant de considérer que la méthode de calcul retenue par la Commission reposerait sur une erreur de fait ou de droit, il convient de rejeter le second moyen.

86 Partant, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

87 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Koninklijke BAM Groep NV est condamnée aux dépens.