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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 12 septembre 2012, n° 10-22116

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Wellness Concept (SARL), Ose Group (SARL)

Défendeur :

BG Beauté INC (Sté), Benguigui

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chokron

Conseillers :

Mmes Gaber, Nerot

Avocats :

SCP Garnier, SCP Ribaut, Mes Denis, Cabre-Hamache

TGI Paris, du 16 sept. 2010

16 septembre 2010

Vu l'appel interjeté le 16 novembre 2010 par la société Wellness Concept (SARL) et la société Ose Group (SARL), du jugement contradictoire rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 16 septembre 2010 ;

Vu les dernières conclusions des sociétés appelantes, signifiées le 29 mai 2012 ;

Vu les dernières conclusions de la société de droit canadien BG Beauté Inc. et Jean-Jacques Benguigui, intimés et incidemment appelants, signifiées le 14 mai 2012 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 5 juin 2012 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures, précédemment visées, des parties ;

Qu'il suffit de rappeler que la société de droit canadien BG Beauté, spécialisée dans les produits cosmétiques et dirigée par Jean-Jacques Benguigui, a mis au point un procédé d'extension des cils commercialisé au Canada depuis janvier 2007 sous la marque Misencil associée au slogan publicitaire "un regard de star" et distribué en France, à partir de la fin de l'année 2007 et jusqu'au 12 octobre 2009, par les sociétés Wellness Concept et Ose Group (anciennement la société Well'loc) ;

Que Jean-Jacques Benguigui, titulaire de la marque française verbale Misencil n° 3 532 321, déposée à l'Institut national de la propriété industrielle le 19 octobre 2007 dans les classes 3, 5 et 10, devait apprendre que la société Ose Group avait déposé le 11 juin 2009, pour désigner des produits identiques, la marque française Misencil, que la société Wellness Concept avait réservé les noms de domaine www.misencil.fr et www.misencil.com et déposé le 29 juillet 2008 la marque française un Regard de Star n° 3 591 848, que les deux sociétés tentaient de l'évincer du marché français en répandant l'information fallacieuse selon laquelle les produits Misencil seraient remplacés en France par les produits Ose ;

Que, dans ces circonstances, Jean-Jacques Benguigui et la société BG Beauté ont assigné à jour fixe les sociétés Wellness Concept et Ose Group devant le Tribunal de grande instance de Paris pour dépôt de marque frauduleux, contrefaçon, concurrence déloyale ;

Que les premiers juges, entre autres dispositions, ont retenu que le dépôt par la société Wellness Concept, le 29 juillet 2008, de la marque française un Regard de Star n° 3 591 848, a été effectué en fraude des droits de la société BG Beauté, ordonné en conséquence, au profit de cette dernière, le transfert de la propriété de la marque, condamné la société Wellness à payer à la société BG Beauté la somme de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts et fait interdiction sous astreinte à la société Wellness Concept d'utiliser le signe un Regard de Star, dit qu'en déposant la marque Misencil le 11 juin 2009 et en utilisant la dénomination Misencil, les sociétés Wellness Concept et Ose Group ont contrefait la marque Misencil dont Jean-Jacques Benguigui est titulaire, qu'en outre, en faisant un usage systématique du slogan "un regard de star" en association avec la marque Ose, en indiquant à la clientèle que les produits Misencil seraient désormais commercialisés sous la dénomination Ose et en remplaçant les certificats de formation Misencil par des certificats Ose, ces sociétés se sont livrées à des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société BG Beauté, leur a interdit sous astreinte la poursuite de tels agissements et les a condamnées in solidum à verser à Jean-Jacques Benguigui la somme de 10 000 euro en réparation du préjudice de contrefaçon, à la société BG Beauté la somme de 5 000 euro en réparation du préjudice de concurrence déloyale ;

Que, pour l'essentiel, les sociétés Wellness Concept et Ose Group, prient la cour, par infirmation du jugement dont appel, de déclarer irrecevable l'action en revendication de la marque un Regard de Star, de dire et juger que Jean-Jacques Benguigui s'est approprié illégalement la marque Misencil laquelle appartient en copropriété à la société Wellness Concept et à la société BG Beauté, de débouter les intimés de l'ensemble de leurs prétentions et de les condamner in solidum à leur verser 30 000 euro de dommages-intérêts pour procédure abusive outre, pour avoir contrefait la marque un Regard de Star et leur avoir causé un préjudice commercial, la somme de 100 000 euro, tandis que Jean-Jacques Benguigui et la société BG Beauté concluent à l'irrecevabilité de la demande en revendication de marque formée par la société Wellness Concept et à la confirmation du jugement entrepris sauf à voir élever à 75 000 euro les dommages-intérêts des suites de la contrefaçon de la marque Misencil et à 50 000 euro ceux alloués en réparation des actes de concurrence déloyale et organiser une mesure de publication judiciaire ;

Sur la revendication de la marque un Regard de Star,

Considérant qu'il est constant que la société Wellness Concept a distribué en France, à compter de novembre 2007, les produits Misencil fabriqués et commercialisés par la société BG Beauté sans que pour autant les parties aient signé un contrat de distribution ;

Considérant que la société BG Beauté, qui maintient avoir fait usage du slogan "un regard de star" bien avant que la société Wellness Concept ne devienne le distributeur en France des produits Misencil, persiste à invoquer le caractère frauduleux du dépôt de ce slogan à titre de marque par la société Wellness Concept pour désigner l'ensemble des produits des classes 3, 5 et 10 et à revendiquer le transfert à son bénéfice de la propriété de la marque ainsi déposée ;

Que la société Wellness Concept, qui prétend avoir inventé le slogan "un regard de star", conteste l'antériorité de son utilisation par la société BG Beauté et soutient que son dépôt à titre de marque le 29 juillet 2008 a été fait dans l'intérêt commun des deux partenaires commerciaux et, en toute hypothèse, au vu et au su de la société BG Beauté laquelle n'a soulevé de ce chef aucune objection avant que ne survienne en novembre 2009 la rupture des relations commerciales ;

Considérant que selon les dispositions de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement ;

Considérant qu'en l'espèce, force est d'observer que la société Wellness Concept n'apporte le moindre élément de preuve au soutien de l'allégation selon laquelle elle aurait créé le slogan "un regard de star" ni davantage au soutien de la contestation de l'antériorité d'usage revendiquée par la société BG Beauté ;

Que la cour relève en effet, en particulier au vu des factures produites sous les n° 46-1 à 48, que la société Beauté BG justifie avoir utilisé de façon intensive le slogan "un regard de star" dès le mois de février 2007 pour la promotion, dans la presse et sur des affiches publicitaires, de ses produits d'extension des cils commercialisés sous la marque Misencil tandis que la société Wellness Concept n'a utilisé ce slogan qu'à compter du mois de novembre 2007, dès lors qu'elle a assuré la distribution en France des produits Misencil ;

Considérant qu'il est constant que la société Wellness Concept a déposé à titre de marque le 29 juillet 2008, pour désigner l'ensemble des produits des classes 3, 5 et 10 et notamment les produits cosmétiques et de beauté, le slogan un Regard de Star dont elle ne pouvait ignorer, compte tenu des relations commerciales entre les parties, qu'il était d'ores et déjà utilisé par la société BG Beauté pour la promotion publicitaire de produits identiques, à savoir ses produits d'extension des cils ;

Que par ailleurs, l'utilisation par la société Wellness Concept de ce même slogan publicitaire n'est intervenue qu'à compter du mois de novembre 2007, pour la distribution en France des produits d'extension des cils Misencil soit, par là-même avec l'accord de la société BG Beauté ;

Or considérant que si la société Wellness Concept était autorisée à faire usage du slogan publicitaire "un regard de star" dans le cadre de la distribution des produits Misencil, force est de constater qu'elle ne justifie aucunement d'un quelconque accord de la société BG Beauté pour s'approprier à titre de marque une expression que celle-ci utilisait antérieurement en guise de slogan publicitaire pour la promotion de ses produits, un tel accord ne pouvant aucunement être déduit de la circonstance selon laquelle la société BG Beauté n'aurait soulevé sa contestation qu'à l'occasion de la rupture des relations commerciales, en novembre 2009 ;

Considérant que la cour observe enfin, à l'instar du tribunal, que la marque un Regard de Star déposée le 29 juillet 2008 a été exploitée, dès son enregistrement, par les sociétés Wellness Concept et Ose Group pour la promotion des produits d'extension des cils commercialisés par ces dernières sous la marque Ose ;

Considérant que le tribunal a justement déduit de l'ensemble de ces constatations, que la société Wellness Concept avait déposé le 29 juillet 2008 la marque un Regard de Star en classes 3, 5 et 10, de mauvaise foi, dans l'intention d'interdire à la société BG Beauté l'usage d'un signe dont elle se servait de manière habituelle et constante pour la promotion de ses produits et qui était devenu apte à identifier ses produits auprès du public de telle sorte qu'il présentait un caractère nécessaire à la poursuite de son activité ;

Que la société BG Beauté est en conséquence recevable et bien fondée à revendiquer la propriété de la marque un Regard de Star n° 3 591 848 déposée le 29 juillet 2008 pour l'ensemble des produits des classes 3, 5 et 10 ;

Qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera de ce chef confirmé ;

Sur la contrefaçon de la marque Misencil,

Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure que Jean-Jacques Benguigui a déposé le 19 octobre 2007 la marque française verbale Misencil n° 3 532 321 pour désigner des produits des classes 3, 5 et 10 et notamment les savons, parfum, huiles essentielles, cosmétiques et implants artificiels tandis que la société Well'loc, devenue la société Ose Group, a déposé le 11 juin 2009, la marque verbale française Misencil n° 3 656 837 pour désigner en classes 26, 41 et 44, notamment, les barbes, cheveux, moustaches, postiches, articles décoratifs pour la chevelure, soins d'hygiène et de beauté pour êtres humains, salons de beauté et de coiffage ;

Considérant que le tribunal a exactement retenu, en l'état de l'identité des signes et du fort degré de similarité, soit par nature, soit par destination, soit par complémentarité, des produits et services concernés, qui relèvent de la catégorie générale des produits cosmétiques et des services liés à l'hygiène et à la beauté, que le risque de confusion est avéré pour le consommateur d'attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé qui serait fondé à attribuer à ces produits et services une origine commune ;

Que la contrefaçon de la marque antérieure Misencil au préjudice de Jean-Jacques Benguigui, dont il n'est aucunement démontré qu'il aurait donné à la société Well'loc une quelconque autorisation pour procéder au dépôt d'un signe identique pour des produits similaires, est en conséquence caractérisée à la charge de la société Ose Group ainsi que l'a justement retenu le tribunal ;

Qu'elle est en outre caractérisée à la charge de la société Wellness Concept dont il est établi qu'elle a réservé à son nom les noms de domaine www.misencil.fr et www.misencil.com et utilisé ces noms de domaine pour l'exploitation de sites internet dédiés à la commercialisation de produits cosmétiques et de beauté ;

Qu'elle est encore caractérisée à la charge des deux sociétés qui ont utilisé l'expression "agrément Misencil" dans le cadre d'une publicité pour le produit d'extension des cils commercialisé sous la dénomination Ose ;

Sur la concurrence déloyale,

Considérant que la reprise du slogan publicitaire "un regard de star" pour la promotion des produits d'extension des cils Ose, le démarchage de la clientèle des esthéticiennes, justifié par les courriers versés aux débats, par les sociétés Wellness Concept et Ose Group, destiné à répandre l'information, non vérifiée, selon laquelle les produits Misencil seraient remplacés par les produits Ose et la substitution de certificats de formation Misencil par des certificats Ose, constituent des actes distincts de concurrence déloyale, contraires aux usages honnêtes du commerce car destinés à générer une confusion entre les produits Misencil et Ose en laissant accroire qu'ils proviendraient de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées ;

Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu à la charge des sociétés appelantes des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société BG Beauté ;

Sur les mesures réparatrices,

Considérant que les intimés ne produisent en cause d'appel aucun élément de nature à justifier une révision à la hausse des dommages-intérêts alloués par le tribunal qui a procédé à une juste réparation des préjudices subis compte tenu, en particulier, du transfert de propriété de la marque un Regard de Star au bénéfice de la société BG Beauté ;

Que les mesures d'interdiction, pertinentes et proportionnées, seront purement et simplement confirmées ;

Que la cour estime, à l'instar du tribunal, que les préjudices subis sont complètement réparés par les dispositions ainsi retenues et qu'en conséquence, une mesure de publication judiciaire ne se justifie aucunement ;

Considérant qu'il s'infère du sens de l'arrêt que la demande des sociétés appelantes formée au fondement de procédure abusive ne saurait prospérer ;

Considérant que le jugement déféré est en définitive confirmé en toutes ses dispositions ;

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne les sociétés Wellness Concept et Ose Group, in solidum, aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à verser aux intimés ensemble une indemnité de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel.