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Décisions

Cass. com., 25 septembre 2012, n° 11-20.711

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Garage Arnoux (SARL)

Défendeur :

Daf Trucks France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Grass

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocats :

SCP Ghestin, SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas

Cass. com. n° 11-20.711

25 septembre 2012

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2011), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, pourvoi n° 08-20.989), qu'invoquant la nécessité de restructurer son réseau de distribution à la suite de l'entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1400-2002, de la Commission, du 31 juillet 2002, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du Traité CE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, la société Daf Trucks France (la société Daf) a, par lettre du 16 juin 2003, résilié, avec préavis abrégé d'un an, le contrat à durée indéterminée de concession exclusive conclu avec la société Garage Arnoux (la société Arnoux) pour la vente de véhicules neufs et la réalisation de diverses prestations de services après-vente sur diverses parties du territoire ; qu'estimant cette résiliation irrégulière du fait du bref délai de préavis, la société Arnoux a fait assigner la société Daf en annulation de la résiliation et en indemnisation de son préjudice ;

Attendu que la société Arnoux fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen : 1°) que la nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle d'un réseau de distribution, de nature à ouvrir au fournisseur le droit de résilier un accord moyennant un délai de préavis d'un an implique que cette résiliation se justifie d'une manière plausible, par des motifs d'efficacité économique, fondés sur des circonstances objectives internes ou externes à l'entreprise du fournisseur qui, à défaut d'une réorganisation rapide du réseau, seraient susceptibles, compte tenu de l'environnement concurrentiel dans lequel opère ce fournisseur, de porter atteinte à l'efficacité des structures existantes de ce réseau ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a retenu que la nécessité d'une réorganisation rapide du réseau de distribution de la société Daf Trucks France résultait de la date limite du 1er octobre 2003 imposée par le règlement CE n° 1400-2002 pour la mise en conformité des contrats de distribution avec ce nouveau règlement et que le retard mis par ce fournisseur à résilier les contrats de distribution, le 16 juin 2003 (et non le 16 mars 2003 comme mentionné par erreur par l'arrêt attaqué) qui lui interdisait, même avec un préavis abrégé de se mettre en conformité avec le nouveau règlement à la date limite du 1er octobre 2003, rendait d'autant plus urgente la nécessité d'une réorganisation rapide de son réseau ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas caractérisé une nécessité objective pour la société Daf d'une réorganisation rapide de son réseau, lui permettant d'utiliser le préavis dérogatoire exceptionnel de un an pour mettre ses contrats de distribution en conformité avec le règlement CE n° 1400-2002, violant ainsi les articles 5-3 tiret 1 du règlement CE n° 1475-95, ensemble les articles 3, paragraphe 5, sous b, sous ii du règlement CE n° 1400-2002, 10 et 12 du même règlement ; 2°) que nul ne peut invoquer sa propre turpitude à son profit ; qu'en estimant que le retard mis par la société Daf à mettre ses contrats de distribution en conformité avec le nouveau règlement CE n° 1400-2002 rendait d'autant plus urgente la réorganisation de son réseau, la cour d'appel a violé l'article 5-3 tiret 1 du règlement CE n° 1475-95, ensemble l'adage nemo auditur ; 3°) que, en outre, dans ses conclusions d'appel, le concessionnaire avait fait valoir, preuve à l'appui, que la société Daf elle-même avait admis expressément dans sa lettre de résiliation qu'elle pouvait résilier le contrat de concession moyennant le préavis normal de deux ans dans l'hypothèse où le préavis applicable ne serait légalement pas de un an mais du délai contractuel de deux ans ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions péremptoires d'où il résultait que la société Daf n'avait pas fait usage du préavis abrégé pour des motifs tirés d'une impérieuse nécessité de réorganiser rapidement son réseau, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que le règlement n° 1400-2002 accordait un délai de mise en conformité de 14 mois, très bref eu égard à l'ampleur des modifications juridiques et économiques que la mise en œuvre de ce règlement impliquait ; qu'il relève encore que la société Daf était certes en retard, la résiliation au 16 juin 2003 ne pouvant prendre effet au 1er octobre 2003, date limite imposée par le règlement, sauf signature des nouveaux contrats à laquelle la société Arnoux n'était pas obligée de procéder, mais que le fait d'avoir laissé passer la date ne supprimait aucunement l'obligation de mise en conformité ni le risque de sanctions, ce retard rendant au contraire d'autant plus présent ce risque et donc d'autant plus urgente la réorganisation du réseau ; qu'il retient que cet impératif de rapidité résultait aussi du fait que des concurrents avaient déjà réorganisé leur réseau et que la lenteur de la société Daf à procéder à la réorganisation de son réseau, résultant du préavis de deux ans, l'aurait maintenue une année supplémentaire dans un système plus rigide et économiquement moins favorable que celui dans lequel se trouvaient ses concurrents, ce qui aurait porté atteinte à l'efficacité des structures existantes du réseau ; qu'il retient également que le maintien du contrat de concession litigieux pendant une année supplémentaire aurait interdit la prospection personnalisée et nominative hors du territoire exclusif concédé et aurait également interdit aux autres membres du réseau de vendre activement sur ledit territoire, ce qui n'aurait pu que créer une distorsion dans le jeu de la concurrence et porter atteinte à la cohérence et à l'efficacité de la réorganisation engagée ; que c'est à bon droit que la cour d'appel a déduit de ces constatations et appréciations la nécessité d'une réorganisation rapide du réseau de distribution de la société Daf justifiant une résiliation de l'accord de distribution avec un préavis d'un an au lieu de deux ans ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de procédure que la société Arnoux avait invoqué l'adage nemo auditur à l'appui de sa demande ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Et attendu, enfin, qu'ayant retenu que la preuve de la nécessité d'une réorganisation rapide du réseau était établie, la cour d'appel a implicitement mais nécessairement répondu aux conclusions dont fait état la troisième branche ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.