Livv
Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 19 septembre 2012, n° 11-02821

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sud Concours (SARL), CPESUP Concours (SARL)

Défendeur :

Classes Préparatoires aux études de santé (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

MM. Delmotte, Croisille Cabrol

Avocats :

SCP Boyer & Gorrias, SCP Dessart Sorel Dessart, Selarl Bedry Julhe, Me Meyer

T. com. Toulouse, du 19 mai 2011

19 mai 2011

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Classes Préparatoires aux études de santé, constituée en 1999, exerce une activité de préparation aux concours de médecine, pharmacie, et paramédicaux sanitaires et sociaux.

Constatant l'existence de publicités utilisant l'expression CPESUP, proposant des préparations aux mêmes concours, elle a fait mettre en demeure la société Sud Concours par lettre du 21 décembre 2010. Une réponse a été donnée à l'en tête de la société CPESUP Concours, les deux sociétés ayant le même siège social et le même gérant.

Sur assignation de la SARL Classes Préparatoires aux études de santé délivrée le 15 mars 2011, par ordonnance du 19 mai 2011, le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse, après s'être déclaré compétent :

- a interdit à la SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours d'utiliser une dénomination, un sigle ou une appellation comportant d'une façon quelconque les lettres CPES ou C.P.E.S sous astreinte provisoire de 500 euro par infraction constatée commençant à courir le 15ème jour suivant la signification de l'ordonnance,

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- ordonné la publication du dispositif de la décision dans un journal hebdomadaire paraissant dans le département de la Haute Garonne aux frais de la SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours,

- a condamné La SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours à payer in solidum à la SARL Classes Préparatoires aux études de santé la somme de 800 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- a condamné in solidum la SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours aux dépens.

La SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours ont interjeté appel le 9 juin 2011.

La SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours ont déposé des écritures le 8 septembre 2011.

La SARL Classes Préparatoires aux études de santé a déposé des écritures le 7 novembre 2011.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mai 2012.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours concluent à l'infirmation de la décision de première instance et au renvoi devant le tribunal de grande instance de Bordeaux ainsi qu'à la condamnation de la SARL Classes Préparatoires aux études de santé à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre principal, les appelantes demandent à la cour de constater que :

- la SARL Classes Préparatoires aux études de santé invoque une dénomination déposée au titre de marque, dès lors il aurait fallu que le litige soit porté devant le TGI de Bordeaux car le fait d'invoquer des faits de concurrence déloyale ne permet pas de déroger à la compétence des tribunaux de grande instance par application de l'article L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle,

- l'urgence n'est pas caractérisée,

- il n'existe ni dommage imminent, ni trouble manifestement illicite,

- il existe une contestation sérieuse sur la dénomination revendiquée en raison de sa nullité.

A titre subsidiaire, elles demandent à la cour d'appel de constater l'absence de tout risque de confusion en raison de l'absence d'usage et de notoriété auprès du public et de la multiplicité des variantes exploitées par la société intimée.

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 872 et 873 du Code de procédure civile, la SARL Classes Préparatoires aux études de santé sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise sauf à porter l'astreinte à 1 000 euro par infraction et à ordonner la publication dans 3 journaux dont un quotidien et deux hebdomadaires, en précisant que le coût de chaque insertion ne devra pas dépasser 300 euro. Elle sollicite aussi la condamnation de La SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimée développe les moyens suivants :

- l'article L. 761-3 du Code de la propriété intellectuelle est inapplicable,

- l'utilisation de la dénomination CPESUP dans le même secteur d'activité constitue une concurrence déloyale par parasitisme,

- le préjudice est aggravé par le fait que les enseignements dispensés ne sont pas de la qualité de ceux donnés par la SARL Classes Préparatoires aux études de santé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

D'une part, selon l'article L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle, en vigueur du 6 août 2008 au 19 mai 2011, l'acte introductif ayant été délivré le 15 mars 2011, les actions civiles et les demandes relatives aux marques sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, y compris lorsqu'elles portent à la fois sur une question de marques et sur une question connexe de concurrence déloyale.

Mais, comme l'a jugé le juge des référés l'action introduite par la SARL Classes Préparatoires aux études de santé ne porte pas sur l'application de dispositions relevant du droit des marques. En effet, l'assignation mentionne expressément et exclusivement la concurrence déloyale par acte de parasitisme. Dès lors, l'exception d'incompétence doit être rejetée. Il appartient à La SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours de saisir le juge compétent de la nullité de la dénomination revendiquée qui est une marque, cette question ne constituant pas un moyen opérant dans le cadre du présent litige.

La SARL Classes Préparatoires aux études de santé visait dans son assignation les articles 872 et 873 du Code de procédure civile.

Selon le premier texte, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Selon le second texte, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le juge des référés a motivé sa décision en relevant que le risque de confusion était manifeste et qu'il y avait urgence en période d'inscription des étudiants.

Dans ses écritures devant la cour d'appel, la SARL Classes Préparatoires aux études de santé précise que la demande vise non seulement l'article 872 du Code de procédure civile mais également l'article 873, de sorte que l'existence d'un trouble manifestement illicite, consistant en la concurrence déloyale évidente mise en place par les appelantes, justifie à elle seule les mesures demandées en référé.

Même si on peut supposer par l'absence d'information de la part de la SARL Classes Préparatoires aux études de santé qu'aucune infraction n'a été commise par La SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours, la cour d'appel doit se placer, pour apprécier la réalité du trouble et du risque allégués, à la date de la décision attaquée en déterminant si la demande était justifiée lorsque le premier juge a statué.

Selon l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leur prétention.

Sur l'urgence, la SARL Classes Préparatoires aux études de santé se borne à indiquer que les agissements litigieux se déroulaient en période d'inscriptions, sans apporter le moindre élément justificatif. Ce critère ne peut donc être retenu.

En revanche, la condition du trouble manifestement illicite ne requiert ni urgence ni absence de contestation sérieuse.

Il est manifeste que l'intimée utilise l'acronyme CPES pour des classes préparatoires aux études de santé et que par l'utilisation de l'acronyme CPESUP dans le même domaine de formation, c'est à dire dans celui de la santé, les appelantes commettent un acte de parasitisme, en se plaçant dans le sillage tracé depuis plusieurs années par l'intimée, acte constitutif d'une concurrence déloyale. Il importe peu que cet acronyme soit notamment utilisé par l'ONISEP dans la mesure où son usage par l'intimée ne porte que sur les études de santé et non sur les études supérieures en général et où les appelantes proposent une formation aux mêmes concours de santé. Le site Internet de CPESUP mentionne d'ailleurs dans le bandeau supérieur concours santé. La mention placée sous ce bandeau (Centre de Préparation aux concours de l'Enseignement Supérieur) ne correspond pas à la réalité, les concours préparés n'étant que ceux de la santé et n'a en réalité pour objectif que de tenter de trouver une explication non sujette à discussion de l'acronyme retenu.

Il importe peu que l'intimée décline l'acronyme avec d'autres appellations, CPES étant la racine commune aux différentes déclinaisons.

L'adresse différente des sites Internet ne supprime pas le parasitisme évident dans l'appellation CPESUP par rapport à celle de CPES, étant rappelé que la société intimée a été constituée en 1999 et la SARL CPESUP Concours en décembre 2010, parasitisme également établi par le résultat effectuées avec le moteur Google et ses suggestions. En effet, la première requête suggérée lors de la saisie de CPES est CPESUP.

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise, sans avoir à majorer le montant de l'astreinte dont la liquidation n'a semble-t-il pas été demandé, ce qui démontre l'absence de constat d'infraction. Il n'y a pas lieu non plus de prévoir une publication dans deux autres médias compte tenu de cette absence de constat à ce jour.

Par ailleurs, la SARL Classes Préparatoires aux études de santé justifie de la publication du dispositif de la décision, en exécution de la décision dont appel, dans l'hebdomadaire la Voix du Midi, édition du 23 au 29 juin 2011, pour un coût de 232,03 euro TTC. Il convient en conséquence de compléter le dispositif de l'ordonnance de référé en précisant que le coût de la publication, certes déjà intervenue, ne devra pas dépasser 250 euro TTC.

Enfin, La SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours qui succombent, seront condamnées aux dépens d'appel.

Par ces motifs : Confirme l'ordonnance de référé, Y ajoutant, Dit que le coût de la publication dans un journal hebdomadaire paraissant dans le département de la Haute Garonne ne devra pas dépasser 250 euro TTC, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute La SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours de leur demande de ce chef, Condamne in solidum La SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours à payer à la SARL Classes Préparatoires aux études de santé la somme de 1 000 euro, Condamne in solidum La SARL Sud Concours et la SARL CPESUP Concours aux dépens d'appel dont distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.