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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 12 septembre 2012, n° 11/0930

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Editions du voyage (SARL)

Défendeur :

Lachiche

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mallet

Conseillers :

Mme Rodier, M. Torregrosa

Avocats :

SCP Trias Verine Vidal Gardier-Leonil Royer, Mes Salvignol Guilhem, Billon

TGI Montpellier, du 27 janv. 2011

27 janvier 2011

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme Chantal Lachiche signait avec la SARL Editions du Voyage (EDV), le 21 octobre 1988, un contrat d'agent commercial lui donnant mandat de négocier de recueillir des ordres de publicité à insérer dans les publications éditées par cette société. Ce contrat était annulé et remplacé par celui signé le 26 avril 1994 qui fera l'objet d'un avenant en date du 17 janvier 1997.

Suivant exploit du 27 mai 2009, Mme Lachiche faisait assigner la société EDV devant le Tribunal de grande instance de Montpellier pour obtenir paiement des sommes suivantes, outre le bénéfice de l'exécution provisoire :

- 6 497,48 euro en paiement de ses commissions au taux de 35 % du chiffre d'affaires 2007, d'un préavis, de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 5 750 euro au titre du préavis ;

- 43 600 euro au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 45 000 euro à titre de dommages et intérêts pour la clause de non-concurrence ;

- 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 27 janvier 2011, le Tribunal de grande instance de Montpellier a :

- condamné la société EDV à payer à Mme Lachiche la somme de 1 701,26 euro au titre des commissions ;

- déclaré recevable la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de rupture ;

- condamné la société EDV à payer à Mme Lachiche une indemnité de rupture de 17 000 euro, une indemnité de préavis de 3 658 euro et la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire et condamné la société EDV aux entiers dépens.

Le 11 février 2011, la SARL EDV a relevé appel de ce jugement.

Vu les ultimes écritures déposées :

* le 3 mai 2012 par la SARL EDV ;

* le 26 août 2011 par Mme Lachiche.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2012.

- La SARL EDV conclut à la réformation du jugement entrepris :

* à ce qu'il soit dit que le contrat d'agent commercial du 26 avril 1994 conclu entre Mme Lachiche et la SARL EDV a été rompu du fait de Mme Lachiche et qu'en tout état de cause, son absence d'activité est constitutive d'une faute grave et à l'origine de cette rupture ;

* au débouté de Mme Lachiche de sa demande d'indemnité de rupture, irrecevable pour n'avoir pas été notifiée dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat au visa de l'article L. 134-12 du Code de commerce et en tout état de cause, non fondée, la rupture du contrat étant de son fait et due à sa faute grave au visa de l'article L. 134-13 du Code de commerce ;

* au débouté de Mme Lachiche de sa demande au titre d'un préavis ;

* à la confirmation pour le surplus du jugement entrepris et y ajoutant, à ce qu'il soit dit que la somme de 1 701,26 euro HT ne sera payé à Mme Lachiche avec une TVA à 19,6 % qu'à réception de la facture correspondante ;

* à la condamnation de Mme Lachiche à lui payer la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

- Mme Lachiche demande la cour la confirmation du jugement entrepris en son principe et sa réformation quant au montant de l'indemnisation et les dommages et intérêts la clause de non-concurrence, sollicitant en conséquence la condamnation de la SARL EDV à lui payer les sommes suivantes :

- 6 497,48 au titre des 35 % de commissions ;

- 5 750 euro au titre du préavis ;

- 43 600 euro au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 45 000 euro à titre de dommages et intérêts pour la clause de non-concurrence ;

- 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- les dépens avec distraction au profit de l'avocat de la cause.

SUR CE :

Les relations contractuelles liant la société EDV à Mme Lachiche découlent du contrat d'agent commercial du 26 avril 1994, ayant annulé et remplacé celui du 21 octobre 1988, ainsi que de l'avenant du 17 janvier 1997.

Il y est précisément stipulé, entre autres dispositions :

- que la rémunération de cet agent se fait par versement d'une commission dont le droit est acquis à raison d'ordres de publicité acceptés par le mandant et lorsque le client a payé le prix dû à ce dernier ;

- que l'assiette de cette commission est le montant hors taxes encaissé par la société EDV au taux de 25 % ;

- que le versement d'une commission complémentaire par le mandant ne pourra en aucune façon être interprété comme une modification du contrat, seul le présent taux contractuel de commissions étant dû ;

- qu'après la cessation du contrat, les obligations concernant la clause de non-concurrence prévue pendant la durée du contrat, se poursuivent pendant deux années à compter de la cessation du contrat et sur le territoire visé à l'article 4 §e, à savoir l'Hérault, le Gard et l'Aveyron.

Sur la demande en paiement des commissions :

Faisant une application précise des dispositions contractuelles liant les parties, le premier juge a à bon droit retenu le taux de 25 % du montant hors taxes du chiffre d'affaires encaissé par la SARL EDV.

Alors que ces dispositions contractuelles excluent expressément la possibilité d'interpréter comme une modification du contrat, le versement d'une commission complémentaire, Mme Lachiche ne peut légitimement revendiquer l'application d'un taux de 35%, quand bien même le mandant aurait "toujours" appliqué ce taux dès lors que le chiffre d'affaires était supérieur à 3 000 euro, selon ses propres affirmations au demeurant non étayées.

Faisant sienne la motivation du premier juge quant au montant des commissions dues pour l'année 2007, la cour constate que Mme Lachiche ne produit toujours pas en cause d'appel ni des ordres de publicité acceptés par le mandant ni la preuve des encaissements par ce dernier, lui permettant de revendiquer la créance alléguée à ce titre dans ses écritures.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef de demande, sauf à ajouter que le montant de ces commissions sera payé avec une TVA de 19,6 % à réception de la facture correspondante.

Sur les dommages et intérêts au titre de la clause de non-concurrence :

Comme rappelé à bon droit par le premier juge, l'article L. 134-14 du Code de commerce prévoit la possibilité pour un contrat d'agent commercial de contenir une clause de non-concurrence après la cessation du contrat, laquelle clause qui doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique prévu au contrat, n'est valable que pour une période maximale de deux ans après ladite cessation.

D'évidence, la clause de non-concurrence stipulée au contrat liant les parties respecte expressément les dispositions légales visées à l'article précité.

Il ne s'évince pas plus de cet article L. 134-14 dont les dispositions n'auraient pas été méconnues, que l'obligation de non-concurrence puisse être indemnisée, ni même que l'absence d'une quelconque contrepartie financière à cette clause de non-concurrence puisse ouvrir droit à dommages-intérêts.

Dans ces conditions, le jugement déféré sera également confirmé sur ce chef de demande.

Sur la rupture du contrat et ses conséquences :

Il ressort d'un courrier qu'elle a adressé à Mme Lachiche, en date du 17 juillet 2007 mais expédié le 19 et réceptionné le 21 de ce mois, que la société EDV :

- d'une part, fait rappel de précédents relatifs à la rupture du mandat imputable à Mme Lachiche en mai 2005 et avril 2006, et pour ce dernier cas, ayant donné lieu à un accord entre les parties d'une reprise de son activité à compter du 19 mai 2005 (lettre signée en ce sens par l'intéressée) ;

- d'autre part, indiquait à cette dernière :

"Nous sommes sans aucunes nouvelles depuis Novembre 2006 (9 mois). La rupture de votre fait est largement constatée.

Ce jour, vous vous "réveillez" brutalement et téléphonez comme s'il était possible de reprendre le court des choses en faisant abstraction de votre disparition. Sans once d'excuse, pire, devant notre refus de vous rencontrer, vous allez proférer des menaces".

Concomitamment, par un courrier daté du 18 juillet 2007, expédié le même jour et reçu le 20 juillet 2007, Mme Lachiche écrivait à la société EDV : "Suite à notre entretien téléphonique de ce jour à 14 h 30, durant laquelle je vous ai demandé un rendez-vous afin de prétendre à l'encaissement de mes commissions concernant les contrats effectuées au cours de l'année 2006 et précédents mais successifs arrêts de travail (sic) (...) je prends note de vos dires : - que je ne fais plus partie de la société (aucun écrit ne m'a été adressé...) ; - que vous n'avez pas de temps à perdre avec des gens comme moi ; - que vous ne voulez pas me régler mes commissions (... )."

"(...) je vous somme sous huitaine de me régler mes commissions en totalité à 35 % (...). Dans le cas contraire, et à partir du 25 juillet, je m'en remettrai aux autorités compétentes qui agiront à votre encontre afin d'obtenir mon dû, ainsi que l'équivalence des dommages et intérêts pour m'avoir interdit de prendre contact avec mes clients (...)".

Par courrier du 23 juillet 2007, reçu le 24 de ce mois, en réponse à la lettre de la société EDV datée du 17 juillet 2007, non sans étonnement de sa part sur cette dernière date alors qu'elle avait téléphoné le 18 à 14 h 30 pour solliciter un entretien, Mme Lachiche dénonçait l'attitude de son mandant et réitérait sa demande en paiement de ses commissions.

Par lettre du 24 juillet 2007, la société EDV indiquait à Mme Lachiche vouloir "arrêter là la polémique" et précisait : "(...) ce que nous avons refusé c'est de vous confier à nouveau un mandat", ajoutant : "Il n'a jamais été dans nos intentions de ne pas vous régler les commissions qui vous sont dues. Vous trouverez ci-joint le détail des encaissements que nous avons suivis depuis que nous étions sans nouvelles de votre part. À réception de votre facture nous vous adresserons le règlement contractuel correspondant."

Enfin, Mme Lachiche justifie avoir été radiée du registre spécial des agents commerciaux le 31 janvier 2008, la cessation totale d'activité étant intervenue à compter du 28 décembre 2007.

- L'article L. 134-12 du Code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi mais qu'il perd ce droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat qu'il entend faire valoir ses droits.

D'évidence, le contenu des courriers respectivement en date des 17 et 18 juillet 2007, échangés entre les parties, démontre que le courrier de la société EDV daté du 17 de ce mois mais expédié le 19 paraît avoir été rédigé à la suite de l'entretien désigné par Mme Lachiche comme s'étant déroulé le 18 juillet à 14 h 30.

Il s'en évince de l'ensemble des courriers précités qu'à compter du 19 juillet 2007, date d'expédition de son courrier daté du 17 de ce mois, la société EDV considère que le contrat de mandat est rompu entre les parties, confirmant cet état de fait dans son courrier du 24 juillet 2007 en précisant : " (...) ce que nous avons refusé c'est de vous confier à nouveau un mandat', ce qui supposait qu'il ait été mis fin au mandat en cours.

Ainsi, en ayant précisé dans son courrier du 18 juillet 2007, reçu le 20 de ce mois, vouloir obtenir "l'équivalence de dommages et intérêts" pour s'être vu interdire par la mandante de prendre contact avec ses clients, Mme Lachiche a, d'une part, légitimement considéré que la mandante avait pris l'initiative de la rupture de ce contrat et d'autre part, marqué ainsi sans équivoque, concomitamment avec la rupture actée par la société EDV, sa volonté de réclamer à cette dernière toute réparation du préjudice subi à raison de cette rupture.

De même, cette intention de faire valoir ses droits pouvait être faite en la forme ordinaire prévue par l'article 667 du Code de procédure civile, dans le délai d'un an de la cessation du contrat, sans qu'il soit nécessaire d'y procéder par voie d'assignation en paiement.

Dans ces conditions, Mme Lachiche ne saurait être déclarée déchue de son droit à réparation.

- Il découle des dispositions des articles L. 134-13 pour ce qui concerne l'indemnité compensatrice de rupture et L. 134-11 du Code de commerce pour ce qui concerne l'indemnité de préavis, que ces indemnités ne sont pas dues en cas de cessation du contrat provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

Au cas d'espèce, il ressort des éléments de la cause que durant l'année 2006, Mme Lachiche a régulièrement passé des ordres de publicité jusqu'au 31 octobre 2006 et bien qu'ayant laissé sa mandante sans nouvelles depuis novembre 2006, aux dires de cette dernière, la cour constate que les derniers ordres passés et donnant lieu au montant des commissions dus au titre des encaissements perçus en 2007 et reconnus dus à ce titre par la société EDV, l'ont été, outre des ordres en date des 4, 7 et 20 juillet, 16 octobre 2006 :

- les 2 et 7 novembre 2006 (Leroy Merlin) ;

- le 6 décembre 2006 (Banque Populaire).

Mme Lachiche justifie par ailleurs d'avis d'arrêt de travail pour la période du 30 janvier 2007 au 30 mai 2007, un certificat de son médecin généraliste du 23 mars 2007 précisant qu'elle souffrait d'une lombalgie. Ce même médecin certifiait le 16 octobre 2007 que Mme Lachiche n'avait pas repris le travail depuis le 31 mai 2007 et que son état de santé, au jour du certificat, était incompatible avec la reprise d'un emploi et ce pour une durée de deux mois.

Il est constant que Mme Lachiche a cessé toute activité d'agent commercial à compter du 28 décembre 2007.

Certes, il ne peut être passé sous silence les précédents ayant opposé en 2005 et mi-2006 les deux parties pour de faibles résultats ou absence d'activités imputable à Mme Lachiche, bien que celle-ci le conteste, sans autre justification que ses seules affirmations, qu'elle ne rapporte aucune preuve de ce qu'elle aurait informé sa mandante de ses arrêts de travail de janvier à mai 2007, ni ne s'explique sur son activité, ou plutôt la faiblesse de celle-ci durant les mois de novembre et décembre 2006 et son absence totale d'activité durant les mois de janvier, juin et juillet 2007.

Toutefois, force est de reconnaître que ce comportement fautif ne saurait revêtir un caractère de gravité certain empêchant tout versement d'indemnité compensatrice de rupture ou d'indemnité de préavis, en l'état de la très grande ancienneté de Mme Lachiche, en relation contractuelle avec cette société depuis près de 19 ans et alors même que la rupture n'est intervenue qu'à la suite d'une vaine demande d'entretien avec la mandante, sans que depuis novembre 2006, la société EDV paraisse s'être inquiétée de l'absence de résultats de la part de la mandataire.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement déféré tant sur le principe que sur les montants alloués au titre de l'indemnité compensatrice de rupture et de l'indemnité de préavis, tenant les seuls justificatifs produits par Mme Lachiche, à savoir les commissions perçues en 2005.

Il n'y a pas lieu à octroi d'une quelconque indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, Y ajoutant, Dit que la somme de 1 701,26 euro HT allouée au titre des commissions sera payée par la SARL EDV à Mme Lachiche avec une TVA de 19,6 % à réception de la facture correspondante, Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne la SARL EDV aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, avec distraction au profit l'avocat de l'intimée par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.