Cass. com., 9 octobre 2012, n° 11-24.542
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Ris optiques (SA), Mijomo (SA), Manin (SAS), Victoria (SA), BVA (SAS), Alex (SAS), Val Optic (SAS), Optic Massy 2000 (SAS)
Défendeur :
Santéclair (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Bouzidi, Bouhanna, SCP Tiffreau, Corlay, Marlange
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Ris optique, Manin, Victoria, Mijomo, BVA, Alex, Val optic, Optic Massy 2000 (les sociétés plaignantes), qui ont toutes le même dirigeant, exploitent chacune plusieurs magasins d'optique et de lunetterie sous l'enseigne "Les Opticiens Conseils" ; qu'en 1999, la quasi-totalité de ces magasins ont signé un contrat de partenariat avec la société Santé conseil service, filiale de la société AGF, laquelle avait constitué un réseau permettant à ses adhérents de bénéficier de prestations optiques au meilleur coût, en leur proposant notamment de servir en tiers-payant la part remboursée par leur complémentaire santé ; que fin 2002, la société Santé conseil service, qui était détenue dorénavant, outre par la société AGF, par les assureurs Maaf et MMA, ainsi que par l'institution de prévoyance Ipeca, est devenue Santéclair ; que la société Santéclair, souhaitant réorganiser son réseau, a adressé à tous les magasins affiliés une lettre de résiliation prenant effet au 31 décembre 2002, en les invitant à renouveler leur candidature au nouveau réseau ; que sur l'ensemble des magasins à l'enseigne "Les Opticiens Conseils" qui avaient déposé leur candidature, seuls ont été agréés ceux de Vélizy-Villacoublay, du Chesnay, de Rosny-sous-Bois, exploités par la société Victoria, et celui de Villebon exploité par la société Manin, qui ont signé un accord de partenariat avec la société Santéclair ; qu'entre août et octobre 2005, cette dernière a résilié les accords de partenariat avec les quatre magasins, au motif qu'ils n'avaient pas respecté leurs obligations contractuelles, notamment quant à la fourniture des informations relatives aux prestations fournies aux assurés bénéficiaires ; que le 12 juin 2006, les sociétés plaignantes ont assigné la société Santéclair afin qu'elle soit condamnée à payer aux sociétés Victoria et Manin des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la résiliation du contrat de partenariat, qu'elle soit condamnée sous astreinte à fournir la liste des opticiens agréés, qu'il lui soit enjoint d'affilier les magasins à l'enseigne "Opticiens Conseils" ayant présenté un dossier d'affiliation, de réaffilier les quatre magasins dont le contrat était résilié, de cesser toute pratique anticoncurrentielle à leur préjudice, enfin qu'elle soit condamnée à leur payer à toutes des dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'absence injustifiée d'affiliation ; qu'à la suite de cette assignation, le 22 septembre 2006, la société Santéclair a adressé à l'ensemble des opticiens, y compris à des magasins à l'enseigne "Les Opticiens Conseils", "Optical Store" ou "LV", un nouveau contrat de partenariat ; que tous ont fait acte de candidature mais que, le 12 décembre 2006, la société Santéclair a informé le dirigeant des sociétés plaignantes que, compte tenu de l'assignation en cours, elle sursoyait à l'examen des quarante-quatre dossiers ; que les sociétés plaignantes ont de nouveau assigné la société Santéclair, sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, afin qu'elle soit condamnée sous astreinte à fournir la liste des critères appliqués pour la sélection des opticiens agréés ainsi que celle des opticiens agréés, et à cesser ses pratiques anticoncurrentielles à leur préjudice et qu'il lui soit enjoint d'affilier immédiatement les magasins à l'enseigne "Opticiens Conseils", "Optical Store" et "LV" ayant présenté un dossier d'affiliation, enfin qu'elle soit condamnée à leur payer des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen : - Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en ses quatrième et neuvième branches : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que, pour infirmer le jugement, écarter les moyens des sociétés plaignantes qui soutenaient que les critères d'agrément appliqués par la société Santéclair n'étaient ni transparents, ni objectifs et qu'ils étaient discriminatoires, rejeter en conséquence leurs demandes au titre d'une entente illicite et condamner la société Santéclair à leur payer la seule somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la suspension illégitime de l'étude des dossiers de candidature, l'arrêt retient que les critères appliqués par la société Santéclair, qu'il énumère, tels qu'ils résultent des renseignements demandés dans le dossier de candidature, sont suffisamment clairs, objectifs et déterminés ; que les juges ajoutent qu'aucun manquement de la société Santéclair dans la mise en place du réseau 2003-2007 n'est démontré, que par plusieurs lettres de 2004, cette société a indiqué précisément aux magasins "Opticiens Conseils" les conditions d'affiliation et a donné des réponses positives aux demandes justifiées, et que rien n'établit que des projets de contrats non conclus auraient dû l'être ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des sociétés plaignantes qui invoquaient le flou des critères géographiques appliqués par la société Santéclair et faisaient valoir qu'aucun élément ne permettait de vérifier s'il existait des listes d'attente par zones géographiques, ni si le classement sur cette liste suivait réellement l'ordre de réception des candidatures, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement et et condamne la société Santéclair à payer aux sociétés Ris optique, Mijomo, Manin, Victoria, Alex, BVA, Optic Massy 2000 et Val Optic une somme de 10 000 euro chacune en réparation des préjudices résultant de la "suspension" illégitime de l'étude des dossiers de candidature, l'arrêt rendu le 18 mai 2011, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.