CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 14 septembre 2012, n° 11-10263
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Masson (ès qual.), World Tricot (Sté)
Défendeur :
Chanel (SAS), Chanel Coordination (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lachacinski
Conseillers :
M. Rajbaut, Mme Nerot
Avocats :
Mes Ingold, Crehange, Menard, Delile, Severe
La société World Tricot spécialisée dans la fabrication de mailles pour la haute couture et le prêt à porter a, à partir des années 1990, développé un savoir-faire qui a séduit de grands noms de la haute couture, dont la société Chanel laquelle est devenue au cours des ans son principal client, la veste "O5P acte 1" ayant été l'un des plus gros succès que la société Chanel ait jamais connu en maille ;
Du mois d'avril au mois de juillet 2004, la société World Tricot a développé pour la société Chanel un demi de veste en maille de coton lequel mélange deux mailles au crochet blanc où sont assemblées un jeu de brides formant des fleurs et un jeu de coquilles inversées, un galon de fleurs au crochet y étant ajouté ;
En dépit de l'enthousiasme qu'aurait initialement suscité ce demi de veste en maille de coton, la société Chanel a refusé de donner suite à ce projet plaçant de ce fait la société World Tricot en difficultés financières extrêmes au point de devoir déposer son bilan ;
La société World Tricot fait donc grief à la société Chanel d'avoir brutalement rompu sans motifs valables les relations contractuelles et d'avoir également commis des actes de contrefaçon et de parasitisme en reproduisant sans son autorisation son modèle de demi-devant de veste tel qu'il a été exposé à Tokyo au mois de mars 2005 ;
La société World Tricot soutient qu'en dépit de ses demandes d'explication, la société Chanel ne lui en a fourni aucune ;
La société World Tricot indique qu'elle s'est trouvée dans l'obligation d'assigner les 14 et 17 octobre 2005 la société Chanel et la société Chanel Coordination devant le Tribunal de commerce de Paris pour, à titre principal, contrefaçon de son modèle de demi de veste et pour rupture abusive de leurs relations contractuelles et, à titre subsidiaire, pour des faits de parasitisme et pour rupture abusive des relations contractuelles ;
La société Chanel et Chanel Coordination réfutaient l'ensemble des griefs qui leur étaient faits et reprochaient à la société World Tricot des actes de dénigrement à leur encontre ;
Par jugement non assorti de l'exécution provisoire du 11 décembre 2009, le tribunal a :
- dit la société World Tricot mal fondée en son action sur le fondement de la contrefaçon et sur celui du parasitisme à l'encontre des sociétés Chanel et Chanel Coordination se rapportant à l'assemblage de motifs de broderie revendiqué et au modèle de demi-devant en cause,
- dit que les sociétés Chanel et Chanel Coordination se sont rendues coupables au préjudice de la société World Tricot de rupture fautive en raison de l'insuffisance de suivi du risque de la relation par la société Chanel et de l'inadéquation de sa réponse,
- condamné in solidum les sociétés Chanel et Chanel Coordination à payer à la société World Tricot la somme de 400 000 euro à titre de dommages intérêts pour le préjudice subi à ce titre,
- dit que la société World Tricot s'est rendue coupable d'actes de dénigrement manifestes au préjudice des sociétés Chanel et Chanel Coordination,
- condamné la société World Tricot à payer à chacune des deux sociétés Chanel et Chanel Coordination l'euro symbolique et la somme de 100 000 euro à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice subi à ce titre,
- dit n'y avoir lieu à ordonner des publications,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires et les en a déboutées respectivement,
- condamné in solidum les sociétés Chanel et Chanel Coordination aux dépens qui comprendront les frais d'expertise ;
Vu l'appel interjeté le 28 décembre 2009 par la société World Tricot ;
Vu l'assignation en intervention forcée et en reprise d'instance du 17 mai 2011 de Maître Jean-Claude Masson es qualités de liquidateur de la société World Tricot à l'encontre des sociétés Chanel et Chanel Coordination ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 24 mai 2012 par lesquelles Maître Jean-Claude Masson ès qualités et la société World Tricot demandent à la cour au vu des dispositions des articles L. 112-1 et L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, 1134 et suivants et 1984 du Code civil et L. 442-6 I 5° du Code de commerce :
- de déclarer recevable l'appel interjeté,
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que les sociétés Chanel et Chanel Coordination se sont rendues coupables à son préjudice de rupture abusive, en ce qu'il est entré en voie de condamnation à son profit en réparation du préjudice qu'elle a subi, excepté sur le quantum de la condamnation et en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Chanel et Chanel Coordination aux dépens, en ce compris les frais d'expertise,
- de l'infirmer en ses autres dispositions et :
* à titre principal,
- de condamner "conjointement solidairement" les sociétés Chanel et Chanel Coordination à lui verser la somme de 500 000 euro au titre du préjudice subi du fait de la contrefaçon de son œuvre,
- de condamner conjointement et solidairement les sociétés Chanel et Chanel
Coordination à lui verser la somme de 2 000 000 euro au titre de la rupture abusive de leurs relations d'affaires,
* à titre subsidiaire,
- de condamner conjointement solidairement les sociétés Chanel et Chanel Coordination à lui verser la somme de 500 000 euro au titre du préjudice subi du fait de leur comportement parasitaire,
- de condamner conjointement solidairement les sociétés Chanel et Chanel Coordination à lui verser la somme de 2 000 000 euro au titre de la rupture abusive de leurs relations d'affaires,
* à titre infiniment subsidiaire,
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les sociétés Chanel et Chanel Coordination à lui payer la somme de 400 000 euro à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la rupture abusive des relations d'affaires,
* en tout état de cause,
- de déclarer les sociétés Chanel et Chanel Coordination mal fondées en leur appel incident et l'en débouter,
- de débouter les sociétés Chanel et Chanel Coordination de leurs demandes reconventionnelles,
- d'ordonner la publication de la décision à intervenir dans dix journaux et/ou revues de son choix aux frais des sociétés Chanel et Chanel Coordination,
- de condamner conjointement et solidairement les sociétés Chanel et Chanel Coordination à lui verser la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 24 mai 2012 par lesquelles les sociétés Chanel et Chanel Coordination demandent à la cour au vu des mêmes dispositions législatives :
* à titre principal,
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'elles n'ont commis aucun des actes de contrefaçon artistique qui leur sont reprochés,
- de confirmer également le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'elles n'ont pas commis les actes de parasitisme qui leur sont reprochés,
- de dire qu'elles ne se sont pas rendues coupables de rupture brusque et/ou abusive de leurs relations d'affaires avec la société World Tricot,
- de dire en conséquence, recevable et bien fondé leur appel incident,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elles se sont rendues coupables au préjudice de la société World Tricot de rupture fautive en raison de l'insuffisance de suivi du risque de la relation par la société Chanel et de l'inadéquation de sa réponse et les a condamnées à payer à la société World Tricot la somme de 400 000 euro à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société World Tricot s'est rendue coupable d'actes de dénigrement manifestes à leur préjudice et a condamné la société World Tricot à payer à chacune d'elles l'euro symbolique,
- de débouter la société World Tricot de l'ensemble de ses demandes,
* à titre reconventionnel, sur leur appel incident,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société World Tricot à leur payer, à chacune d'elles, la somme de 100 000 euro à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice subi à ce titre,
- de condamner la société World Tricot à leur payer, à chacune d'elles, la somme de 250 000 euro à titre de complément de dommages intérêts, somme qui devra être intégralement utilisée au financement d'une campagne de communication par tous médias, notamment la presse écrite, radiophonique ou télévisuelle, ainsi que l'internet, afin de réparer le préjudice qu'elles ont subi de ce chef,
- d'ordonner la publication de la décision à intervenir, en entier ou par extrait, dans dix journaux ou revues, français et/ou étranger, de leur choix et aux frais de la société World Tricot dans la limite de 7 500 euro par insertion, à titre de complément de dommages intérêts,
- de condamner la société World Tricot à leur payer à chacune d'elles la somme de 30 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner la société World Tricot aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
SUR QUOI, LA COUR :
Sur la titularité des droits d'auteur sur l'échantillon de broderie :
Pour reprocher aux sociétés intimées des actes de contrefaçon, la société World Tricot soutient qu'elle est l'auteur d'une œuvre originale constituée par l'échantillon de broderie que la société Chanel a adapté et reproduit servilement en le commercialisant pour des vêtements ;
Elle explique avoir spontanément envoyé à la société Chanel le 29 avril 2004 différents échantillons de broderie dont celui au crochet blanc (Pièce 9.1.a du dossier World Tricot) qui a fait l'objet d'un bon de livraison (Pièce 9.1 du dossier World Tricot) ; qu'après avoir retourné cet échantillon en l'agrafant sur un papier cartonné au format A4 à en-tête Chanel (Pièce 9-4 du dossier World Tricot), la société Chanel lui a demandé de développer cet échantillon sous la forme d'un demi-devant de veste en maille de coton lequel mélange deux mailles au crochet blanc où sont assemblés un jeu de brides formant des fleurs et un jeu de coquilles inversées, un galon de fleur au crochet et une ganse de soie noire déchirée y étant ajoutés ; que pour indiquer sous quelles formes développer l'échantillon, la société Chanel lui a adressé un patronage sous la forme d'un demi-devant réalisé dans une toute autre maille et de couleur tilleul (Pièces 9.6 et 9.7 a du dossier World Tricot) ; elle soutient qu'elle est l'auteur du demi-devant (Pièce 9.8 du dossier World tricot) qui est un assemblage de motifs de broderie à laquelle a été ajoutée une ganse de soie noire sans aucune modification du motif de broderie au crochet et sans que la société Chanel fournisse une quelconque indication pour sa réalisation ;
Les sociétés Chanel et Chanel Coordination répliquent n'avoir jamais reconnu à la société World Tricot un quelconque droit privatif sur le demi-devant litigieux dans la mesure où le travail effectué par le tricoteur façonnier sur l'échantillon est exclusivement technique puisqu'il a consisté à mettre en œuvre un savoir-faire de métier dans le domaine du crochet à partir des instructions qu'elle a données pour réaliser ce demi-devant incluant le choix du fond tricoté, la ganse au crochet et ses codes stylistiques ; que le caractère protégeable par le droit d'auteur de l'échantillon maille n'est pas établi et qu'à le supposer établi, les droits qui en résulteraient lui ont été contractuellement cédés ; qu'en tout état de cause, le motif mis en œuvre dans la veste ne correspond pas à celui de l'échantillon revendiqué par la société World Tricot qui ne démontre pas les actes de contrefaçon qui lui sont reprochés ;
Selon les dispositions de l'article L. 112-2-14° du Code de la propriété intellectuelle, les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure sont considérées comme œuvre de l'esprit ;
Nul ne conteste que la broderie, objet du litige, fait partie de cette industrie saisonnière de l'habillement et de la parure qui, en raison des exigences de la mode, renouvelle fréquemment la forme de leurs produits ;
Il convient de souligner que la société World Tricot revendique au titre du droit d'auteur en premier lieu le motif de broderie constitué de deux mailles de crochet en coton blanc assemblant à la fois un jeu de brides formant des fleurs et un jeu de coquilles inversées, le crochet étant bordé d'un galon de fleur au crochet ainsi que d'une ganse de soie noire déchirée, lequel ensemble constitue, selon elle, une œuvre de l'esprit au sens des dispositions précitées ;
Il importe dès lors peu comme le soutiennent à tort les sociétés Chanel et Chanel Coordination que n'entre dans la création de cette broderie formée d'un assemblage particulier de points de coquilles inversées et de jeu de brides qu'un savoir-faire requérant certaines compétences techniques dans le domaine du crochet dès lors que le résultat final, et ceci précisément parce qu'il est la conséquence d'un travail de recherche réalisé à partir de variantes de modèles déjà existants lesquels ont été techniquement validés, est le fruit d'un processus créatif réalisé à partir d'éléments destinés à produire un effet esthétique qui révèle l'esprit créatif de son auteur et l'empreinte de sa personnalité ;
Cet élément créatif est par ailleurs particulièrement mis en exergue dans le rapport versé aux débats par la société World Tricot lorsqu'il est dit que "S'il est vrai que la plupart des motifs au crochet qui entrent dans la composition du dessin que la société World Tricot prétend avoir créé pour la société Chanel, comme l'a souligné le laboratoire d'analyse, peuvent avoir individuellement des références d'antériorité connues, la composition vue dans son ensemble, qui harmonise les motifs en les assemblant, peut être considéré comme une création car cet ensemble n'a pas d'antériorité (...)." (Pièce 37 page 15 du dossier World Tricot) ;
Les sociétés Chanel et Chanel Coordination en sont d'ailleurs parfaitement conscientes puisqu'elles ont validé ce motif (Pièces 9.4 et 9.5 du dossier World Tricot) ;
Elles ne peuvent également pas à partir des indications qu'elles ont pu fournir, notamment celles par exemple de décaler le ruban noir vers l'extérieur ou d'ajouter des côtes fantaisie ajourées soutenir qu'il s'agit d'une œuvre collective, dans la mesure où celles-ci ne concernaient pas la broderie elle-même mais l'assemblage des différents éléments constituant les demi-devants ;
Si les sociétés Chanel et Chanel Coordination ont effectivement participé à la réalisation des demi-devants, elles ne démontrent en revanche pas avoir participé au processus créatif des broderies proprement dites lesquelles sont l'œuvre de la société World Tricot comme l'attestent trois de ses salariés (Pièces 27, 28 et 29 du dossier World tricot) ;
La société World Tricot est donc fondée à soutenir que la broderie litigieuse est une œuvre collective qui, créée à son initiative au sein de son entreprise, a été divulguée sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs salariés qui ont participé à son élaboration s'est fondue dans l'ensemble en vue duquel elle a été conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ;
Le jugement déféré qui a considéré que la société World Tricot n'était qu'un façonnier qui facture à son client une prestation de production issue d'un savoir-faire technique, que cette création se limite à l'assemblage de sous-ensembles préexistants et semi-élaborés répondant à une simple logique de rythme, qu'en matière de cochet, ce savoir-faire est lié à la dextérité de la personne qui opère et que la création s'appuie en premier lieu sur un travail de recherche à partir de modèles déjà existants ou qui ont été techniquement validés doit par conséquent être infirmé ;
En effet, et contrairement à ce qu'affirment les sociétés Chanel et Chanel Coordination qui admettent qu'il existe en l'espèce un effet créatif puisque reprenant les dires de l'expert, elles écrivent à la page 28 de leurs conclusions que "la création s'inscrit plutôt dans un cadre technique et bibliographique connu et limité", il est possible d'aboutir à une "création" à partir d'éléments connus tels de simples points de crochet pour parvenir à des motifs qui, agencés de façon particulière conféreront au résultat final un caractère d'originalité ainsi qu'une valeur esthétique propre à dévoiler la personnalité de son créateur ; qu'il ne peut s'agir comme le soutiennent les sociétés Chanel et Chanel Coordination que d'une prestation émanant d'un simple exécutant technique, alors qu'il existe selon les sociétés intimées qui reprennent les dires de leur expert un nombre de variantes de structures de bases et de mode d'assemblage de ces structures important quoique pas illimité ;
Sur la titularité des droits d'auteur sur les demi-devants :
La société World Tricot revendique également des droits d'auteur sur les demi-devants développés à partir des échantillons sélectionnés et soutient qu'il s'agit d'une œuvre de collaboration ;
Elle indique que le seul ajout fait sur l'indication de la société Chanel à l'échantillon primitif est la ganse de soie noire, fruit de ses recherches antérieures et que l'œuvre dont elle est l'auteur est un assemblage de motifs de broderie sous la forme d'un échantillon format A5 qu'elle a développé sous la forme d'un demi-devant sans aucune indication fournie par la société Chanel ;
Elle fonde sa demande sur les trois attestations de ses salariés précités et indique avoir remis aux sociétés Chanel des demi-devants conformes au patronage qui lui avait été transmis et trouve dans les factures produites portant sur l'étude de modèle non abouti et sur les frais de recherche d'échantillonnage (Pièces 9.10 et 9.12 du dossier World Tricot) la preuve de ses assertions ;
Elle réfute toute cession de ses droits d'auteur sur les demi-devants aux sociétés Chanel et Chanel Coordination ;
Mais les pièces versées aux débats (Pièces 9.3, 9.1.a, 32.4, 32.5, 32.6) ainsi que les attestations des deux salariées des sociétés intimées (Pièces 45 et 46 du dossier World Tricot) démontrent que le galon à fleurs, le ruban de crêpe Georgette roulé noir et le volant de mousseline de crêpe Georgette déchiré noir suggérés par les sociétés Chanel et Chanel Coordination ont été proposés à la société World Tricot par les sociétés Chanel et Chanel Coordination ; que ces demi-devants ont donc été réalisés en parfaite osmose avec ces dernières (Pièces 9.4, 9.5, 9.6, 9.7 a, 9.9 du dossier World Tricot) ;
La société World Tricot en convient d'ailleurs à la page 22 de ses dernières écritures lorsqu'elle écrit que ces demi-devants constituent des œuvres de collaboration réalisées avec la société Chanel ;
L'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle définit l'œuvre de collaboration comme étant l'œuvre à la création à laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ;
Or la société World Tricot qui se prétend victime d'actes de contrefaçon des demi-devants litigieux qu'elle qualifie d'œuvre de collaboration ne peut être recevable à agir en contrefaçon ;
En effet, une personne morale ne peut être considérée comme coauteur d'une œuvre de collaboration et donc se voir reconnaître les droits de création que possède seule une personne physique, sauf pour elle à prouver une cession de droits à son profit, ce qu'elle ne démontre pas en l'espèce ;
La demande formée par la société World Tricot de ce chef sera par conséquent déclarée irrecevable ;
Le moyen tiré de l'existence d'un contrat notamment de cession de droits d'auteur tacite ayant existé ou ayant pu exister entre les sociétés opposées invoqué par les sociétés Chanel et Chanel Coordination est par conséquent dépourvu de pertinence ;
Sur les actes de contrefaçon imputés par la société World Tricot aux sociétés Chanel et Chanel Coordination :
Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ;
Et contrairement à ce que soutient la société World Tricot dans ses écritures, la contrefaçon n'est pas subordonnée à la preuve d'un risque de confusion, seule l'existence de ressemblances entre l'œuvre contrefaite et l'objet contrefaisant devant être rapportée ;
Or de la comparaison visuelle de l'échantillon modèle original versé aux débats (Pièce 9.1.a du dossier World Tricot) et de la veste au crochet Chanel, il résulte que le motif de la veste constitue une copie servile de l'échantillon appartenant à la société World Tricot ;
L'expertise diligentée par les sociétés Chanel et Chanel Coordination confirme ce constat lorsqu'il y est écrit "la comparaison des tricots constituant les deux produits soumis à l'examen fait apparaître en première tendance une similitude esthétique" ;
Les différences mises en exergue par les sociétés Chanel et Chanel Coordination à partir de l'expertise de l'Institut Français Textile Habillement (IFTH) portant sur les proportions entre les motifs en largeur ou en hauteur, sur la densité des motifs et sur les points de fond des panneaux ne sont pas pertinentes dans la mesure où l'examen visuel des deux pièces opposées fait apparaître des ressemblances que les différences qualifiées selon l'IFTH de "sensibles et réelles" ne contredisent pas ;
L'expertise diligentée par la société World Tricot (Robert Hanna Pièce 37 du dossier World Tricot) parvient d'ailleurs à la même conclusion puisqu'elle note "Après un examen visuel, je n'ai pas repéré de différences flagrantes au point de pouvoir distinguer clairement à qui appartenait l'un et l'autre des échantillons. La gémellité s'avère patente. Son caractère servile est conformé par la réduction de la distance d'observations (...)", ce que le rapport de l'Institut Français de l'Habillement (Pièce 40 du dossier World Tricot) précise également lorsqu'il mentionne "L'examen du panneau Réf Worldtricot et les pièces Réf Chanel fait apparaître une similitude d'aspect certaine liée à l'alternance des bandes verticales assez denses de motifs "coquilles" et de "bandes ajourées" et qu'elle conclut "La comparaison des tricots constituant les deux produits soumis à l'examen : gilet Réf Chanel et Panneau Réf Worldtricot fait apparaître en première tendance une similitude esthétique avec toutefois un aspect nettement serré (plus dense) du tricot Chanel que celui du panneau Réf Worldtricot" ;
Il s'ensuit que le jugement déféré qui a conclu à l'inexistence d'actes de contrefaçon imputables à la société Chanel sera infirmé ;
La société World Tricot poursuit également les sociétés Chanel et Chanel Coordination en contrefaçon des demi-devants litigieux ;
Mais ne pouvant prétendre bénéficier de droits d'auteur sur ces demi-devants comme exposé supra, la demande formée par la société World Tricot à ce titre doit être déclarée non fondée ;
Sur la rupture abusive des relations d'affaires :
La société World Tricot soutient dans ses dernières écritures, à titre principal, que les sociétés Chanel et Chanel Coordination ont abusivement rompu leurs relations d'affaires avec elle ;
Elle indique être devenue depuis 1998 un fournisseur de plus en plus important de la société Chanel, le volume d'affaires entre les sociétés augmentant d'année en année au point d'avoir été multiplié par 200 en six ans passant de 8 956 euro pour l'exercice 1998-1999 à 1 744 219 euro pour l'exercice 2004-2005 ;
Elle ajoute que cette augmentation régulière du volume d'affaires avec la société Chanel l'a amenée à faire de lourds investissements pour répondre aux commandes de celle-ci et à sacrifier le reste de sa clientèle au profit de cette dernière ;
Elle trouve dans le succès de la veste "O5P acte 1" créée à partir de sa maille et commercialisée par la société Chanel lors de la saison Hiver 2004 la preuve, en l'absence de tout contrat signé entre les parties, de l'existence d'un mandat d'intérêt commun lequel consistait notamment pour la société Chanel à se faire présenter de multiples échantillons susceptibles de contribuer à la création de lignes de vêtements en lui faisant réaliser des économies de temps et des investissements et, pour elle-même, de contribuer au développement de son activité en s'adaptant aux besoins et à la demande de la société Chanel ;
Elle précise que la relation d'affaires ayant existé l'a mise dans une situation de dépendance économique totale vis-à-vis de la société Chanel qui, selon elle, porte la responsabilité de cette dépendance puisqu'elle en tirait un avantage certain et direct ; que la création de la marque Angele Batist n'a certainement pas contribué comme le soutiennent à tort les sociétés Chanel à fragiliser l'entreprise mais a, au contraire, constitué une tentative pour la pérenniser ;
Elle reproche aux sociétés Chanel et Chanel Coordination d'avoir à partir du mois d'août 2004, alors qu'une apparence de pérennité s'était nouée dans les rapports entre les deux sociétés, brusquement et abusivement rompu une relation d'affaires établie sur une durée de six années et d'avoir ainsi commis une faute qui justifie sa demande d'indemnisation ;
Les sociétés Chanel et Chanel Coordination répliquent en substance que la rupture des relations n'a pas été brutale puisqu'il a encore été passé des commandes postérieurement au mois d'août 2004 et que le préavis portait sur près d'une année incluant trois collections successives :
Croisière 2007, printemps/été 2007 et Prefall - soit des prestations évaluées à la somme de 732 350 euro hors taxes ; que la décision de confier le demi-devant litigieux à une tierce entreprise a été motivée par le fait que la société World Tricot n'avait pas la capacité pour réaliser les travaux qui lui étaient demandés ; qu'une moyenne de 500 000 euro de chiffres d'affaires a été maintenue par exercice en dépit de la variabilité des commandes selon les collections ; que la rupture notifiée par écrit le 19 juin 2006 soit postérieurement à l'assignation que la société World Tricot leur a délivrée au mois d'octobre 2005 contenait un préavis exécuté jusqu'au mois mai 2007 ; qu'elles ne connaissaient pas la difficile situation financière de la société World Tricot qui ne publiait pas ses comptes ;
Qu'elles ne sont pas responsables des lourds investissements que la société World Tricot a engagés et de l'accroissement des charges fixes en résultant ; qu'elles ne sont pas davantage à l'origine des erreurs de gestion et des risques pris par la société World Tricot ;
Nul ne conteste qu'il a existé de 1998 à 2007 de régulières relations commerciales entre les sociétés Chanel et la société World Tricot ;
En l'espèce, l'évolution des volumes de commandes des sociétés Chanel entre l'automne 1999 et l'hiver 2007 (Pièce 108 du dossier World Tricot) ou l'évolution du chiffre d'affaires pour cette même période (Pièce 107 du dossier World Tricot) de la société World Tricot font apparaître un flux de commandes et un chiffre d'affaires en augmentation jusqu'au mois de mars 2005 pour atteindre 89,53 % du chiffre d'affaires global de la société comme le révèle l'expert-comptable mandaté par la société World Tricot (Pièce 23 du dossier World Tricot) ;
Mais la situation de dépendance économique imputée aux sociétés Chanel est de la responsabilité de la société World Tricot qui a pris le risque de consacrer un potentiel de réalisation d'échantillonnage trop important au profit des seules sociétés Chanel en délaissant la possibilité de réaliser des échantillons au profit d'autres clients afin de réduire à sa dépendance économique par rapport à un seul client ;
Cette prise de risque est de la seule responsabilité de la société World Tricot qui ne peut l'invoquer pour faute aux sociétés Chanel ;
La société World Tricot ne peut également pas prétendre comme elle le fait que les sociétés Chanel ont tiré tous les avantages d'une telle exclusivité dans la mesure où elle leur facturait les travaux d'échantillonnage et les échantillons, pratique qui, selon le rapport d'expertise amiable, est inusitée dans le monde du textile et où elle bénéficiait de commandes massives provenant de ce client à qui elle ne peut reprocher de l'avoir empêchée d'en rechercher d'autres afin de circonvenir sa dépendance ;
Il ne saurait non plus être invoqué, en l'absence de contrat, un mandat d'intérêt commun aux sociétés opposées comme le fait la société World Tricot dans la mesure où cette dernière société ne disposait d'aucun mandat pour représenter les sociétés Chanel et qu'elle ne développait pas avec ces dernières une clientèle commune ;
La société World Tricot soutient que les sociétés Chanel et Chanel Coordination ont brutalement rompu la longue relation d'affaires qui existait entre les sociétés ;
Mais la règle dans une économie fondée sur la libre entreprise et sur la concurrence veut que les agents économiques soient libres d'entreprendre et de contracter des relations commerciales en fonction de leurs seuls intérêts économiques et financiers conformément à leur objet social ;
Cette liberté d'entreprendre a également pour corollaire la liberté de cesser toute relation commerciale à condition que la rupture ne se réalise pas de façon fautive, c'est-à-dire de façon soudaine, violente et imprévisible ;
En vertu de cette règle, les sociétés Chanel et Chanel Coordination étaient en droit de cesser toutes relations commerciales avec la société World Tricot, décision qu'elles étaient, en l'absence d'engagement contractuel écrit, souveraines de prendre ;
Il ne saurait par conséquent pas, par principe, être reproché à une société de mettre un terme à une relation commerciale sous l'expresse réserve que cette rupture ne soit pas brutale et qu'un préavis suffisant soit accordé afin de permette au cocontractant d'organiser ses activités à venir ;
Les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce prévoient précisément qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels doivent être respectées ;
Il convient ici de constater que les relations contractuelles entre la société World Tricot et les sociétés Chanel se sont nettement détériorées à partir de la réception par les sociétés Chanel de la lettre datée du 7 avril 2005 et, notamment de celles des 28 avril et 26 mai 2005, dans laquelle la gérante de la société World Tricot qui avait auparavant constaté la présence d'un vêtement reprenant les broderies litigieuses exposé à Tokyo se plaignait de ce que de nombreuses recherches d'échantillonnage n'avaient pas été suivies de commandes et que l'échantillon crochet blanc, gansé de soie noire avait servi de base pour des vêtements de la marque Chanel ce qu'elle considérait comme étant "des agissements malhonnêtes et de vols" ;
Les termes de cette lettre ainsi que les assignations en référé délivrées le 14 septembre 2005 puis au fond les 14 et 17 octobre suivant ont eu pour conséquence la dénonciation par lettre datée du 19 juin 2006 (Pièce 83 du dossier Chanel) à la société World Tricot par les sociétés Chanel et Chanel Coordination des relations contractuelles sans que pour autant cessent les commandes comme le révèlent les documents (Pièces 107 et 108 du dossier de la société World Tricot) qui font état de la poursuite de relations jusqu'au mois de janvier 2007 (commandes de collection Croisière 2007 - Plage théorie de livraisons octobre à décembre), Printemps/Eté 2007 (Plage théorique de livraisons décembre à mars) et Prefall 2007-2008 (Plage théorique de livraison avril à mi-juin) ;
La rupture annoncée par les sociétés Chanel et Chanel Coordination n'a par conséquent pas été brutalement entreprise puisque la lettre du 19 juin sus-visée prévoyait d'une part une commande au titre de la collection Croisière 2007 de 1276 articles représentant un montant de 274 340 euro hors taxes, d'autre part "à la seule fin de vous donner une certaine prévisibilité" de fournir un chiffre d'affaires total d'environ 600 000 euro hors taxes durant la période de préavis ;
Ce préavis ainsi que les conditions qui y sont exposées doivent être considérés comme étant conformes aux usages de la profession dans le domaine de l'habillement, ce qu'admet la société World Tricot qui ne peut donc prétendre qu'il ne lui a été accordé aucun préavis ou qu'elle ne possédait aucune chance de pouvoir se réorganiser pendant ce laps de temps pour assurer sa survie ;
La société World Tricot soutient encore que les sociétés Chanel et Chanel Coordination, en réponse à l'acte introductif d'instance du 25 juillet 2005 et pour "évacuer" sa responsabilité, ont passé le 4 août 2005 pour 311.740 euro de commandes, croyant ainsi pouvoir éviter le grief de rupture brutale ;
Mais la continuation des relations contractuelles postérieurement à cette assignation et à la lettre du 19 juin 2006 informant la société World Tricot de leur intention de cesser toutes relations commerciales constitue la démonstration que le courant d'affaires n'avait pas été brutalement rompu et que le préavis signifié respectait les termes et l'esprit des dispositions de l'article L. 442.6.1. 5° du Code de commerce ;
Reprenant la motivation du jugement déféré qui a considéré que "l'insuffisance de suivi du risque de la relation par Chanel et l'inadéquation de sa réponse présente un caractère fautif", la société World Tricot prétend que les sociétés Chanel et Chanel Coordination ont eu un comportement déloyal à son égard qui doit être sanctionné ;
Mais comme il a déjà été dit supra, il ne saurait être imputé aux sociétés Chanel et Chanel Coordination une faute pour ne pas s'être immiscée dans la gestion de la société World Tricot et pour ne pas l'avoir informée du risque qu'elle prenait et du péril économique engendré par le fait qu'elles étaient le client majoritaire qui, s'il venait à cesser toutes relations commerciales, aurait des conséquences catastrophiques pour la pérennité de l'entreprise ;
Que les risques liés à la gestion d'une entreprise reposent exclusivement sur ses dirigeants et ne peut comme le soutient à tort la société World Tricot rejaillir sur le client qu'elle a au surplus personnellement choisi et démarché ; que la diversification des fournisseurs et des clients ainsi que la recherche de nouveau débouché constituent l'une des conditions nécessaires pour parvenir à développer une entreprise afin de lui assurer une prospérité économique et financière ; que le comportement déloyal imputé aux sociétés Chanel et Chanel Coordination par la société World Tricot n'est donc pas fondé ;
Le jugement déféré qui a condamné les sociétés Chanel et Chanel Coordination à payer à la société World Tricot la somme de 400 000 euro correspondant à l'estimation de la perte de marge résultant du chiffre d'affaires non confié par les sociétés Chanel et au préjudice moral effectif sera infirmé de ce chef ;
Sur le préjudice de la société World Tricot au titre de la contrefaçon :
La société World Tricot indique avoir subi du fait de la contrefaçon servile imputable aux sociétés Chanel et Chanel Coordination un préjudice qui doit être réparé et consistant en une impossibilité de développer sa clientèle, un manque à gagner et la perte qu'elle a éprouvée ;
Mais le fait de s'être placée dans une situation de dépendance économique, d'avoir perdu toute chance de retrouver une clientèle de substitution, de se trouver dans l'impossibilité de compenser les pertes de commandes est étranger au préjudice que la société World Tricot déclare avoir subi du fait des actes de contrefaçon de l'échantillon portant le motif de broderie constitué de deux mailles de crochet en coton blanc assemblant à la fois un jeu de brides formant des fleurs et un jeu de coquilles inversées, le crochet étant bordé d'un galon de fleur au crochet ;
Il convient pour évaluer le préjudice de la société World Tricot issu des actes de contrefaçon de se reporter aux informations qu'elle fournit qui révèlent que les modèles reproduisant l'échantillon de broderie sont au nombre de 723 pièces pour le n° 19 et de 680 pièces pour le n° 20 (Pièce 37 du dossier World Tricot) et qu'au moins 1 100 exemplaires ont été vendus ;
Pour évaluer son préjudice à la somme de 500 000 euro, la société World Tricot soutient que l'indemnité qui doit lui être allouée ne saurait être inférieure au montant qu'elle aurait dû percevoir pour chacun des 6 600 modèles fabriqués, vendus entre 2 130 euro et 2 500 euro pièce, compte non tenu du prix de production évalué à la somme de 3 846 euro ;
Conformément aux dispositions de l'article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte ;
Il convient de remarquer que les prix de la veste fournis par la société World Tricot s'appliquent à l'ensemble du vêtement conçu par les sociétés Chanel et Chanel Coordination lequel intègre l'œuvre originale - la maille et la broderie - dont la société World Tricot est titulaire mais également les autres éléments tels le patron, la coupe, l'aspect général du modèle et bien sur la griffe Chanel qui confèrent à l'ensemble du vêtement son pouvoir attractif particulier ;
La société World Tricot soutient avoir subi un préjudice moral résultant de la violation de son droit au respect de son nom et du travail qu'elle accomplit avec le risque de voir s'éloigner des clients potentiels ou des investisseurs en raison de la mauvaise presse que cette affaire a fait rejaillir sur elle ;
En considération de ces éléments et en réparation du préjudice tant pécuniaire que moral lequel pour ce dernier s'infère des actes de contrefaçon commis au préjudice de la société World Tricot, il convient de fixer le préjudice de cette société à la somme de 200 000 euro ;
Sur les actes de parasitisme :
Les sociétés Chanel et Chanel Coordination demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'elles n'avaient commis aucun acte de parasitisme à l'encontre de la société World Tricot ;
Mais la société World Tricot ayant formé dans ses dernières conclusions d'appel une demande subsidiaire à ce titre pour le cas seulement où il ne serait pas fait droit à sa demande principale fondée sur les actes de contrefaçon, cette demande doit être considérée à présent comme sans objet ;
Sur la demande de dommages intérêts formée par les sociétés Chanel et Chanel Coordination au titre du dénigrement :
Celles-ci soutiennent que les très graves accusations répétées dont elles ont fait l'objet de la part de la société World Tricot lui ont occasionné un préjudice moral et commercial dont elles sont fondées à demander réparation ;
Elles sollicitent la confirmation du jugement qui a condamné la société appelante à leur verser l'euro symbolique à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait des attaques dont elles ont fait l'objet de toutes parts dans les médias ;
Compte tenu de la médiatisation considérable donnée selon elles par la société World Tricot à cette affaire, elles soutiennent que leur préjudice commercial ne pourra être réparé, au moins partiellement, que par des mesures de publicité diffusées massivement par la voie écrite, radiophonique, télévisuelle et l'Internet, le coût de celles-ci justifiant leur demande de condamnation de la société World Tricot à leur payer à chacune la somme de 250 000 euro ;
Mais les faits de contrefaçon ayant été établis à l'encontre des sociétés Chanel et Chanel Coordination, leur demande de dommages intérêts et de publication doit être rejetée ;
Sur les autres demandes formées par la société World Tricot :
Compte tenu de la nature de l'affaire, il n'apparaît pas opportun d'ordonner les mesures de publication sollicitées par la société World Tricot ;
Il apparaît en revanche inéquitable de laisser à la charge de cette dernière les frais qu'elle a engagés qui ne sont pas compris dans les dépens et qu'il convient de mettre à la charge in solidum des sociétés Chanel et Chanel Coordination à hauteur de la somme de 20 000 euro ;
Par ces motifs : Infirme le jugement rendu le 11 décembre 2009 par le Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, Dit que les sociétés Chanel et Chanel Coordination ont commis des actes de contrefaçon du motif de broderie constitué de deux mailles de crochet en coton blanc assemblant à la fois un jeu de brides formant des fleurs et un jeu de coquilles inversées, le crochet étant bordé d'un galon de fleur au crochet, Condamne les sociétés Chanel et Chanel Coordination à payer à la société World Tricot la somme de 200 000 euro à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice au titre de la contrefaçon, Déboute la société World Tricot de sa demande au titre de la rupture abusive de ses relations d'affaires avec les sociétés Chanel et Chanel Coordination, Déclare sans objet les autres demandes subsidiaires formées par la société World Tricot, Déboute les sociétés Chanel et Chanel Coordination de ses autres demandes, Condamne les sociétés Chanel et Chanel Coordination in solidum à payer à la société World Tricot la somme de 20 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne les sociétés Chanel et Chanel Coordination aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.