Cass. com., 9 octobre 2012, n° 11-11.094
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Sasa Group SRL (SARL)
Défendeur :
Cerruti 1881 (SAS), Eugenio Tombolini SPA (SAS), Samzun (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Mandel
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Piwnica, Molinié, SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas
LA COUR : - Joint les pourvois n° M 11-11.094 et T 11-16.137 qui attaquent le même arrêt ; - Statuant tant sur les deux pourvois principaux formés par la société Sasa Group et la société Eugenio Tombolini que sur le pourvoi incident relevé par la société Cerruti 1881 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Cerruti 1881 (la société Cerruti), qui est titulaire de trois marques "Cerruti 1881" "CRR" et "1881" enregistrées notamment pour désigner des vêtements et des tee-shirts, commercialise ses produits par le biais d'un réseau de revendeurs ; qu'ayant constaté qu'étaient offerts à la vente, sur le site Internet exploité par la société Gerzane ainsi que dans les magasins de cette société, des tee-shirts et polos portant la marque "Cerruti 1881", la société Cerruti l'a fait assigner en contrefaçon de cette marque et concurrence déloyale ; que la société Gerzane, qui a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 17 décembre 2009, a fait assigner son fournisseur la société Sasa Group ainsi que le fabricant, la société Eugenio Tombolini ;
Sur le second moyen du pourvoi incident : - Attendu que la société Cerruti fait grief à l'arrêt d'avoir dit que seule la société Gerzane avait commis des actes de contrefaçon de marque et de n'avoir condamné les sociétés Eugenio Tombolini et Sasa Group qu'à garantir cette société, alors, selon le moyen, que dans ses écritures d'appel la société Cerruti faisait valoir que les sociétés Eugenio Tombolini et Sasa Group avaient commis des actes de contrefaçon de marques en vendant des tee-shirts et des polos griffés "Cerruti 1881" et sollicitait la condamnation in solidum de l'ensemble des sociétés à l'indemniser ; qu'en se bornant à relever que la société Gerzane avait commis des actes de contrefaçon et à faire droit à l'appel en garantie formé par cette société à l'égard des sociétés Eugenio Tombolini et Sasa Group, sans s'expliquer sur les conclusions de la société Cerruti qui faisaient valoir que ces sociétés devaient être condamnées pour contrefaçon in solidum avec la société Gerzane, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que, sous le couvert d'un grief de défaut de réponse à conclusions, le moyen critique en réalité une omission de statuer sur un chef de demande ; que selon l'article 463 du Code de procédure civile, cette omission ne peut donner lieu qu'à un recours devant la juridiction qui s'est prononcée ; qu'elle ne saurait donc ouvrir la voie de la cassation ; que le moyen est irrecevable ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi n° M 11-11.094, pris en sa deuxième branche : - Vu les articles 1165 et 1382 du Code civil ; Attendu que pour dire que la société Gerzane avait commis des actes de contrefaçon de marque en commercialisant des tee-shirts et polos griffés "Cerruti" et pour condamner la société Sasa Group in solidum avec la société Eugenio Tombolini à la garantir, l'arrêt retient que cette dernière société a méconnu ses obligations contractuelles en cédant à la société Sasa Group les produits litigieux, qui constituaient des stocks invendus, sans avoir, au préalable recueilli l'autorisation de la société Cerruti ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société Sasa Group, tiers au contrat, avait acquis ces produits en connaissance de la clause contractuelle interdisant à la société Eugenio Tombolini de les céder sans l'accord préalable de la société Cerruti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° T 11-16.137, pris en sa deuxième branche : - Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense : - Attendu que la société Cerruti soutient que le moyen est nouveau ;
Mais attendu qu'est recevable le moyen de pur droit tiré de l'application des articles L. 713-4 et L. 714-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
Et sur le moyen : - Vu les articles L. 713-4 et L. 714-1 du Code de la propriété intellectuelle ; - Attendu que pour dire que la société Gerzane avait commis des actes de contrefaçon de marque en commercialisant des tee-shirts et polos griffés "Cerruti" et pour condamner la société Eugenio Tombolini in solidum avec la société Sasa Group à la garantir, l'arrêt, après avoir relevé que la société Eugenio Tombolini avait cédé ces produits à la société Sasa Group pour qu'ils soient revendus à prix réduits par des revendeurs spécialisés, retient que la société Eugenio Tombolini a violé les dispositions contractuelles qui avaient pour objet de permettre à la société Cerruti de contrôler la diffusion des marques concédées pour lui permettre d'en prévenir une banalisation excessive ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi la mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par le licencié, en méconnaissance d'une telle clause, avait pour effet, dans les circonstances de l'espèce, de porter atteinte à l'allure et à l'image de prestige qui conféraient aux produits une sensation de luxe, affectant ainsi leur qualité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le premier moyen du pourvoi incident : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande formée par la société Cerruti au titre de la concurrence déloyale, l'arrêt retient que cette société ne justifie d'aucun fait distinct de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon de marque ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Cerruti faisait valoir que la société Gerzane avait porté atteinte à sa dénomination sociale et à son enseigne, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit que la société Gerzane avait commis des actes de contrefaçon de marque en commercialisant des tee-shirts et polos griffés "Cerruti", condamné in solidum les sociétés Eugenio Tombolini et Sasa Group à garantir la société Gerzane des condamnations prononcées de ce chef et en ce qu'il a débouté la société Cerruti 1881 de sa demande au titre de la concurrence déloyale, l'arrêt rendu le 24 novembre 2010, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.