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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 septembre 2012, n° 10-05356

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Maserati SPA (Sté), Maserati West Europe (SAS)

Défendeur :

City Automobiles (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

Mme Luc, M. Vert

Avocats :

Mes Bernabe, Claude, Bellichach, Bally

T. com. Paris; 4e ch., du 17 févr. 2010

17 février 2010

Vu le jugement du 17 février 2010 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la SA City Automobiles à payer à la société Maserati SPA la somme de 24 426,23 euro,

- condamné la SA City Automobiles à payer à la SAS Maserati West Europe la somme de 11 316,81 euro,

- dit que cette somme sera payée par compensation avec les sommes dues par la SAS Maserati West Europe à la SA City Automobiles,

- condamné la SAS Maserati West Europe à payer à la SA City Automobiles la somme de 171 200 euro, au titre du préavis concernant le contrat de concession,

- condamné la SAS Maserati West Europe à payer à la SA City Automobiles la somme de 97 162 euro, au titre du contrat de prestation de services et de réparation,

- condamné la SAS Maserati West Europe à payer à la SA City Automobiles la somme de 15 855, 13 euro, au titre des dépenses réalisées pour le compte exclusif de la marque Maserati et non amorties à l'issue du préavis de deux ans,

- débouté la SA City Automobiles de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice d'image ;

- condamné la SAS Maserati West Europe à payer à la SA City Automobiles la somme de 26 312,72 euro TTC au titre du paiement de primes dues sur des véhicules vendus antérieurement à la résiliation et de deux factures de livraison,

- condamné la SA City Automobiles à retirer, à ses frais, toute signalétique Maserati de ses sites d'exploitation sous astreinte de 100 euro, par jour de retard, déboutant pour le surplus, quinze jours après que le présent jugements soit devenu définitif et ce pour une période de trente jours à l'issue de laquelle il sera à nouveau statué,

- condamné la SAS Maserati West Europe à payer à la SA City Automobiles la somme de 15 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit les parties mal fondées dans leurs demandes plus amples ou contraires et les en déboute,

Vu l'appel interjeté par la société Maserati SPA et la société Maserati West Europe et leurs conclusions du 10 avril 2012 ;

Vu les conclusions de la société City Automobiles du 27 avril 2011 ;

SUR CE

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société City Automobiles exploitait notamment à Chambéry (Savoie) et Annecy (Haute-Savoie) la distribution de véhicules des marques Saab, Maserati, Cadillac et Corvette aux termes de différents contrats de concession et distribution et contrats de services après-vente signés avec les importateurs de ces marques :

- la société General Motors France pour ce qui concerne la marque Saab,

- les sociétés Kroymans Import Europe BV et Kroymans Import France SARL pour les marques Cadillac et Corvette,

- et enfin la société Maserati West Europe pour la marque Maserati.

Au titre de l'exploitation de cette dernière marque, deux contrats distincts ont été signés :

- un contrat de concession et distribution des véhicules Maserati avec la société Charles Pozzi SA dénommée - la filiale de Maserati en date du 8 août 2005 (contrat transféré à la société Maserati West Europe),

- un contrat de service après-vente relatif aux produits Maserati avec la société Maserati SPA, société de droit italien, en date du 6 août 2005.

La société City Automobiles, à la suite notamment de la réalisation d'un investissement immobilier, fût confrontée courant 2006 à d'importantes difficultés financières, lesquelles la contraignirent à différentes mesures de restructuration dont l'entrée dans son capital social de la société GDP Vendôme représentée par son dirigeant social M. Gobertier.

Le 26 juillet 2007 la société Maserati West Europe prononçait la résiliation des deux contrats susmentionnés de concession et de services après-vente en date respectivement des 8 et 6 août 2005.

La société City Automobiles déposait, alors, un nouveau dossier aux fins d'agrément en qualité de distributeur et réparateur auprès de la société Maserati West Europe que celle-ci rejetait le 31 octobre 2007.

C'est dans ces conditions que, par acte du 21 avril 2008, la société City Automobiles a assigné la société Maserati West Europe devant le Tribunal de commerce de Paris en réparation de différents préjudices imputés tant à la résiliation estimée abusive et irrégulière des contrats de concession et de services après-vente qu'au caractère infondé du rejet de sa dernière candidature et qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré.

Sur la résiliation des contrats de concessions et des services après-vente :

En ce qui concerne le contrat de concession

Considérant qu'il convient, tout d'abord, de rappeler que la résiliation de ce dernier s'est faite par application de son article 8.3 au motif du non-respect du point (vii) "changement de propriétaire(s) et/ou modification de l'actionnariat (...) sans l'approbation écrite préalable de la part de la filiale de Maserati", d'une part, et pour manquement aux dispositions de son article 9.7 prévoyant la fourniture d'une garantie bancaire au profit de Maserati, d'autre part ;

Considérant, par ailleurs, qu'il sera constaté qu'aucune disposition du règlement n° 1400-2002 n'interdit aux parties à un accord relevant du champ d'application dudit règlement de prévoir une clause expresse de résiliation de plein droit sans préavis dès lors que la stipulation considérée aurait été exprimée de manière claire et non équivoque; qu'en l'espèce l'article 8.3 susrappelé concerne "la résiliation extraordinaire du contrat du fait du concessionnaire" et prévoit : "ce contrat sera automatiquement résilié (...) avec effet immédiat et sans qu'il soit besoin d'une décision judiciaire, sur notification écrite au concessionnaire, dans les cas suivants :

- changement de propriétaire et/ou modification de l'actionnariat et/ou changement intervenu parmi les principaux responsables (...) et ce sans l'approbation écrite préalable de la part de la filiale de Maserati (...)" ; que ladite clause comporte ainsi l'ensemble des indications afférentes à sa mise en œuvre ainsi qu'aux cas d'inexécution dans lesquels elle serait appelée à s'appliquer et ne traduit que l'exercice par les parties de leur liberté contractuelle ; que la personne des dirigeants, la forme d'organisation, les objectifs sociaux et les stratégies de la personne morale peuvent, en effet, être regardés comme autant d'éléments déterminants par ses cocontractants ; qu'en l'occurrence il ressort des pièces du dossier qu'a été cédée à la société GDP Vendôme une participation majoritaire dans le capital de la société intimée sans aucune approbation préalable de la part de la société Maserati West Europe ; que le fait que l'opération ait été de nature à renforcer les moyens financiers du concessionnaire et qu'elle ne pouvait être que prétendument bénéfique, à terme, à la commercialisation des produits du concédant est, en tout état de cause, impropre à caractériser l'abus dans la résiliation litigieuse ; que, de même, si l'intimée excipe de ce que la société Maserati West Europe aurait été tenue régulièrement informée des avancées de sa restructuration financière et de l'arrivée du nouvel actionnaire majoritaire constitué par la société GDP Vendôme, cette circonstance, à la supposer établie, n'est aucunement constitutive de "l'approbation écrite préalable" au sens de l'article 8.3 précité et n'est pas davantage susceptible de permettre de qualifier d'abusive la décision critiquée, l'appelante n'ayant à aucun moment exprimé un accord non équivoque sur l'opération financière envisagée ; que, par suite, c'est par une stricte application dudit article et sans abus de droit que la société concédante, constatant l'absence d'agrément préalable à la modification de l'actionnariat de l'intimée, en se fondant sur un motif ainsi objectif et transparent, prononcé la résiliation du contrat de concession les liant ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de rechercher le bien-fondé des autres raisons avancées à l'appui de cette décision, la société Maserati West Europe en résiliant le contrat concerné n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

En ce qui concerne le contrat de service après-vente

Considérant qu'outre le précédent contrat de concession susmentionné, la société intimée avait conclu un contrat distinct et spécifique avec la société Maserati SPA de droit italien ; qu'il a fait l'objet d'une décision de résiliation prise non pas par cette dernière mais par la société Maserati West Europe ; que, par suite et sauf à méconnaître directement le principe d'autonomie juridique de toute personne morale et son objet propre, la résiliation dont s'agit ne peut qu'être déclarée irrégulière pour n'avoir pas été prononcée par une personne morale ayant qualité à cet effet ; qu'en conséquence, la société Maserati West Europe, qui ne justifie d'aucun mandat d'intérêt commun de la part de la société Maserati SPA, doit être regardée comme ayant commis une faute et généré un préjudice pour la société City Automobiles dont elle doit réparation, le contrat en cause ayant cessé de produire ses effets en juillet 2007 ;

Sur le rejet de la candidature de la société City Automobiles par la société Maserati West Europe :

Considérant qu'il sera tout d'abord rappelé que les distributeurs ayant appartenu à un réseau ne disposent d'aucun droit acquis à la poursuite de relations contractuelles avec le concédant après la cessation de l'engagement les ayant initialement liés ; qu'il appartient, toutefois, au concédant de faire connaître les motifs concrets, précis et objectifs de sa décision afin de permettre d'apprécier le caractère non-discriminatoire du refus d'agrément opposé ;

Considérant, en l'espèce, qu'à la suite de la résiliation ci-dessus analysée du contrat de concession conclu avec la société Maserati West Europe, la société City Automobiles a présenté le 13 septembre 2007 un nouveau dossier de candidature; que la décision de rejet intervenue le 31 octobre suivant et confirmée par lettre recommandée avec avis de réception a été essentiellement motivée par l'insuffisance des résultats commerciaux de l'intéressée comparés aux autres concessionnaires de la marque Maserati en 2006 et 2007 et par l'absence des qualités organisationnelles requises pour assurer la commercialisation des produits de la marque ; que ces motifs précis et objectifs, renvoyant à des éléments quantifiables, sont de nature à justifier le refus d'agrément critiqué et ne sont pas révélateurs d'une quelconque volonté de discrimination à l'encontre de la société City Automobiles ; que la société Maserati West Europe n'a ainsi commis de ce chef aucune faute en s'abstenant de contracter à nouveau avec l'intimée pour les raisons susrappelées ;

Sur le préjudice subi par la société City Automobiles :

Considérant, en premier lieu, qu'aucune somme ne saurait être allouée au titre de la résiliation ci-dessus démontrée non fautive du contrat de concession ;

Considérant, en deuxième lieu, que s'agissant de la perte d'exploitation au titre du service après-vente, la société City Automobiles excipe d'une perte de marge de 97 162 euro HT pour les deux ans de préavis qui aurait dû être respecté ; que l'appelante ne produit aucun élément de nature à infirmer utilement ce calcul que la cour fera sien au regard d'un parc roulant de 35 véhicules de marque Maserati bénéficiant des services après-vente de l'intimée; qu'en revanche, cette dernière ne peut qu'être déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires de ce chef, les différents préjudices invoqués par l'intéressée étant précisément couverts par les deux années de perte de marge ci-dessus allouées et aucune clause du contrat de services après-vente ne prévoyant la prise en charge de travaux de construction ou de frais divers (publicitaires, de formation, d'achats d'outillage ou autres) qui n'auraient pas été amortis ;

Considérant, en troisième lieu, que si l'intimée réclame également la somme de 100 000 euro "au titre du préjudice résultant de l'atteinte à sa réputation commerciale", elle ne produit aucun élément concret susceptible de démontrer la réalité de son préjudice à ce titre ; qu'elle reconnaît, au demeurant, n'avoir pas de preuve à présenter et estime que l'atteinte invoquée "se déduit d'elle-même" ; que, par suite et en l'absence de toute preuve versée aux débats, sa demande indemnitaire sera rejetée ;

Considérant, en quatrième lieu, que la société City Automobiles justifie, en application des contrats de concession et de services après-vente, de créances demeurées impayées par la société Maserati West Europe et correspondant au paiement de primes dues sur des véhicules vendus antérieurement à la résiliation pour un montant de 26 312,72 euro TTC, somme non contestée en tant que telle par la société Maserati West Europe ;

Sur les demandes reconventionnelles des sociétés Maserati SPA et Maserati West Europe :

Considérant que s'agissant tant de la demande des intéressées aux fins d'injonction adressée à la société City Automobiles qu'en paiement des sommes de 11 316,81 et 22 426,23 euro, la cour fait siens les motifs pertinents des premiers juges, déboutant les appelantes du surplus de leurs prétentions ;

Considérant, enfin, que l'action engagée par la société City Automobiles, laquelle s'est bornée à faire valoir ses droits, ne présente en elle-même aucun caractère abusif permettant l'allocation à la société Maserati West Europe de la somme réclamée de 20 000 euro pour procédure abusive ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Maserati West Europe à payer à la société City Automobiles la somme de 171 200 euro au titre du préavis concernant le contrat de concession et celle de 15 855, 13 euro au titre des dépenses réalisées pour le compte exclusif de la marque Maserati et non amorties à l'issue du préavis de deux ans et en ses dispositions afférentes aux dépens et frais hors dépens, de l'infirmer de ces chefs et, statuant à nouveau, de débouter les parties du surplus de leurs demandes respectives, de laisser à chacune d'elles la charge des dépens exposés par leurs soins tant en première instance qu'en cause d'appel et de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Maserati West Europe à payer à la société City Automobiles la somme de 171 200 euro au titre du préavis concernant le contrat de concession et celle de 15 855, 13 euro au titre des dépenses réalisées pour le compte exclusif de la marque Maserati et non amorties à l'issue du préavis de deux ans et en ses dispositions afférentes aux dépens et frais hors dépens, L'Infirme de ces différents chefs. Et statuant à nouveau, Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives, Laisse à chacune d'elles la charge des dépens exposés par leurs soins tant en première instance qu'en cause d'appel, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.