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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 16 octobre 2012, n° 11-01745

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Theraform (SARL)

Défendeur :

Medda

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

M. Chassery, Mme Olive

Avocats :

SCP Argellies Watremet, SCP Garrigue, Mes Fournier, Chenard, Mouysset

TGI Rodez, du 16 avr. 2010

16 avril 2010

Faits et procédure - Moyens et prétentions des parties

La société Theraform, créée par M. Dormigny en 1993, commercialise et développe au sein d'un réseau de franchise, une méthode physiologique d'amincissement dénommée "Plastithérapie".

Suivant acte sous seing privé du 28 janvier 2002, la société Theraform a conclu avec Mme Marie-Josée Medda, un contrat de franchise, d'une durée de 5 ans, renouvelable par tacite reconduction, aux termes duquel elle lui a consenti le droit d'exploiter un centre Theraform à Millau, avec exclusivité sur un rayon de 500 mètres, moyennant une redevance mensuelle de 366 euro HT. Ce contrat contient en son article 16 une clause ainsi rédigée : "Compte tenu du savoir-faire qui lui a été transmis, de la formation qui lui a été donnée, le franchisé s'interdit pendant une durée de un an après l'expiration du contrat d'exploiter dans les lieux un centre d'amincissement concurrent ou similaire (...). Il s'interdit dans les mêmes conditions de s'affilier ou de participer à un réseau d'amincissement concurrent ou de s'intéresser directement ou indirectement ou de créer un réseau auquel il participerait directement ou indirectement. La violation de la présente clause donnera lieu au versement d'une indemnité égale au chiffre d'affaires réalisé pendant l'année précédent la rupture".

Par courrier du 26 novembre 2005, Mme Medda a informé la société Theraform de sa volonté de résilier le contrat de franchise avec effet au 30 décembre 2005, en invoquant, d'une part, sa décision de cesser son activité à cette date et, d'autre part, la baisse importante de son chiffre d'affaires.

La société Theraform a accepté cette résiliation anticipée du contrat de franchise à compter du 1er janvier 2006, ce qui a donné lieu à un "avenant de résiliation" en date du 17 décembre 2005, stipulant notamment que les articles 15, 16 et 17 du contrat initial (clause de non-affiliation et de non-concurrence) conserveraient leur plein effet.

Reprochant à Mme Medda d'avoir poursuivi dans les lieux l'exploitation d'un institut exerçant notamment l'activité de luxopuncture qui est une technique permettant de favoriser l'amincissement, la relaxation et l'arrêt du tabac, par stimulation des points réflexes au moyen d'un système infrarouge, la société Theraform a réclamé vainement à celle-ci, par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 janvier 2007, le paiement de l'indemnité conventionnelle sanctionnant la violation de la clause de non-concurrence, après avoir fait établir un constat d'huissier le 1er décembre 2006.

Elle a fait assigner Mme Medda, par exploit du 15 juin 2007, devant le Tribunal de grande instance de Rodez afin d'obtenir paiement de la somme de 100 000 euro à titre d'indemnité.

Par jugement du 16 avril 2010, le tribunal a débouté la société Theraform de ses demandes et a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en nullité du contrat de franchise présentée par Mme Medda outre sa demande de dommages et intérêts. La société Theraform a été condamnée à payer à celle-ci la somme de 2 000 euro pour procédure abusive et celle de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Theraform a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de sa réformation en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de l'indemnité conventionnelle due pour violation de la clause de non-concurrence d'un montant de 28 798 euro et l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle sollicite, de ce chef, la somme de 5 000 euro.

Elle soutient que :

- l'avenant de résiliation constitue une transaction par laquelle Mme Medda s'est déclarée entièrement remplie de ses droits et a renoncé expressément à toutes réclamations, instances et actions de quelque nature que ce soit et pour quelque cause que ce soit, notamment relatives à l'exécution et à la réalisation de son contrat de concession (...) ;

- cette transaction contient des concessions réciproques, en l'occurrence et en ce qui la concerne, l'acceptation d'une résiliation anticipée entraînant une perte de redevances et en ce qui concerne Mme Medda, la survivance des clauses du contrat de franchise relatives à la confidentialité et à la non-concurrence ;

- Mme Medda est donc irrecevable à contester la validité du contrat de franchise, en vertu des articles 2044 et 2052 du Code civil ;

- la clause de non-concurrence est licite en ce qu'elle est limitée dans le temps, l'espace et la nature de l'activité interdite ;

- le débiteur d'une telle clause qui entre partiellement en concurrence avec l'activité du créancier de l'obligation est en infraction ;

- les activités respectives des parties qui s'adressent à la même clientèle ont des objectifs similaires :

* la "plastithérapie" répond à une unique priorité, le bien-être de la personne en favorisant l'amincissement et la pérennité des résultats grâce à un rééquilibrage énergétique exercé par pressions digitales sur les points réflexes du corps ; cette technique s'inscrit dans le marché concurrentiel du bien-être et de l'amincissement au moyen de méthodes dites douces ;

* le document d'information précontractuelle du contrat de franchise prévoit que "les méthodes utilisant les appareils, les techniques utilisant les agents physiques tels les infrarouges ou les techniques se recommandant de l'acupuncture" sont directement concurrentes ; or le centre exploité par Mme Medda propose notamment des soins par luxopuncture qui visent "l'amincissement, le bien-être, l'équilibre des fonctions de l'organisme par le contact d'un rayon chauffant infrarouge non laser sur les points réflexes du corps, associé au suivi de la personne pendant la période de soins" ;

- dès lors les deux techniques sont directement concurrentes puisqu'elles répondent aux besoins d'une clientèle en recherche d'amincissement et de bien-être par des méthodes douces ; par ailleurs la méthode power plate cible également l'amincissement sans effort ;

- l'huissier instrumentaire a aussi constaté que le logo "Theraform" figure sur le site Internet des pages jaunes concernant l'activité de Mme Medda ;

- il ressort des conclusions de l'intimée que le chiffre d'affaires réalisé en 2005 s'est élevé à 28 798 euro, ce qui doit lui être octroyé au titre de l'indemnité conventionnelle qui sanctionne l'inexécution de la clause de non-concurrence ;

- elle n'a pas agi de manière abusive comme cela a été retenu par le premier juge.

Mme Medda a conclu à la réformation du jugement en ce qu'il a déclaré sa demande reconventionnelle irrecevable et au rejet des prétentions adverses. Elle invoque la nullité des conventions liant les parties et l'octroi de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis outre la somme de 4 000 euro pour procédure abusive et celle de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- le prévisionnel qui lui a été fourni par la société Theraform ainsi que les documents précontractuels n'était pas conformes à la réalité et l'ont induit en erreur, ce qui a pour effet d'annuler le contrat de franchise et par suite, l'avenant de résiliation ;

- cet avenant a été abusivement qualifié de transaction dans la mesure où il ne contient pas de concessions réciproques ;

- les redevances acquittées à hauteur de 44 225 euro doivent lui être restituées et le préjudice moral subi doit être indemnisé à hauteur de 4 000 euro ;

- elle n'a pas violé la clause de non-concurrence en exerçant des activités de remise en forme, bien-être, arrêt du tabac et relaxation au moyen du matériel power plate et de la technique de luxopuncture ; il ne s'agit pas d'une activité similaire à la plastithérapie, qui est une méthode d'amincissement naturelle et manuelle sans produit ni appareil ;

- la société Theraform ne justifie pas d'un préjudice étant précisé qu'aucun centre de son réseau n'existe dans le ressort de la commune de Millau ;

- l'indemnité sollicitée est, en tout état de cause, excessive ;

- la société Theraform l'a attraite en justice de manière abusive, ce qui fonde l'octroi de dommages et intérêts.

C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 28 août 2012.

Motifs de la décision

Sur la demande de nullité du contrat de franchise

Aux termes des dispositions des articles article 2044 et 2052 du Code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître qui a autorité de la chose jugée en dernier ressort et ne peut être attaquée que pour cause d'erreur de droit et pour cause de lésion.

En l'espèce, les parties ont conclu le contrat de franchise en date du 28 janvier 2002 pour une durée déterminée de 5 ans, renouvelable par tacite reconduction de cinq ans en cinq ans, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties faite par lettre recommandée avec accusé de réception, six mois au moins avant la fin de la période en cours.

Par courrier du 26 novembre 2005, Mme Medda a informé la société Theraform de la cessation de son activité, à compter du 30 décembre 2005, en l'état d'une baisse importante de son chiffre d'affaires et de la recherche vaine d'un repreneur.

Les deux parties ont conclu une transaction intitulée "avenant de résiliation", le 17 décembre 2005, se référant expressément aux dispositions légales sus-énoncées, qui comporte des concessions réciproques dans la mesure où la société Theraform a accepté la rupture anticipée du contrat de franchise au 1er janvier 2006, soit un avant le terme convenu initialement, et Mme Medda a accepté que la clause de non-concurrence et de non-affiliation figurant à l'article 16 du contrat conserve son plein effet.

Mme Medda s'est déclarée "entièrement remplie de ses droits et a renoncé à toutes réclamations, instances, actions de quelque nature que ce soit et pour quelque cause que ce soit concernant le contrat de concession".

L'autorité de chose jugée attachée à cette transaction interdit à Mme Medda d'invoquer la nullité du contrat de franchise et de solliciter la restitution des redevances acquittées outre des dommages et intérêts.

C'est donc à juste titre que le premier juge a déclaré les demandes reconventionnelles de Mme Medda irrecevables.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la violation de la clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence post-contractuelle contenue dans le contrat de franchise et reprise dans l'avenant de résiliation vise l'exploitation dans les lieux d'un centre d'amincissement concurrent ou similaire avec interdiction d'utiliser la méthode de plastithérapie et ce, compte tenu du savoir-faire et de la formation transmis par le franchiseur ; la durée de cet engagement étant limitée à un an.

Cette clause qui est limitée dans le temps et dans l'espace au titre de l'activité concédée a pour objet de limiter l'exercice par le franchisé d'une activité similaire ou analogue à celle du réseau Theraform. Si Mme Medda ne remet pas en cause la validité de cette clause, elle estime qu'elle n'a pas exercé, après la résiliation du contrat de franchise, une activité concurrente.

Il résulte du constat d'huissier établi le 1er décembre 2006 que l'identification de Mme Medda dans le site Internet des "pages jaunes" comporte sur le côté droit le logo "Theraform" et énonce que l'institut exploité à Millau (...) exerce des activités de "beauté, bien-être, body form, luxopuncture, power plate, remise en forme, relaxation, effets esthétiques et aide à l'arrêt du tabac".

L'huissier instrumentaire qui s'est rendu sur les lieux a également constaté que la vitrine de l'institut comportait plusieurs inscriptions, dont le mot "Luxopuncture" accompagné d'une affiche publicitaire et les mentions : "la pleine forme sans effort, tonification, renforcement musculaire, silhouette, équilibre (...)".

La luxopuncture est définie comme "une technique de soins issue de la recherche scientifique sur la médecine traditionnelle chinoise basée sur une stimulation douce des points réflexes du corps par un faisceau infrarouge non laser qui apporte une aide précieuse dans les prises en charges suivantes : amincissement, arrêt du tabac, effet lifting, relaxation. Cette méthode qui combine les techniques réflexes et la science biophysique aide l'organisme à rééquilibrer les fonctions (tensions psychiques, compulsions alimentaires, appétit excessif, rétentions lymphatiques) et à dynamiser naturellement le métabolisme. Elle met en œuvre des protocoles assurant un suivi de la personne pendant et après la période de soins afin de stabiliser les résultats obtenus".

La plastithérapie est définie comme "une méthode manuelle destinée à stimuler certaines zones spécifiques du corps afin de retrouver une silhouette harmonieuse et qui a pour unique priorité le bien-être de la personne, favorisant l'amincissement par réduction des sensations de faim ou de fatigue, rééquilibrage de l'alimentation et stabilisation des résultats par un suivi personnalisé".

Il apparaît que la luxopuncture et la plastithérapie sont des techniques dites douces et naturelles permettant de rétablir un bien-être physique et psychique de nature à favoriser notamment un amincissement durable. La stimulation de certaines zones du corps dites "points réflexes" au moyen d'un appareil diffusant des infrarouges dans le cadre de la luxopuncture et la stimulation par massages digitaux de zones réflexes du corps ayant pour but de rééquilibrer les fonctions perturbées afin d'effacer les tensions dans le cadre de la plastithérapie sont similaires et constituent, dès lors, des méthodes concurrentes dans le domaine de l'amincissement.

Mme Medda a donc contrevenu à l'obligation de non-concurrence en se livrant, durant l'année ayant suivi la résiliation du contrat de franchise, à une activité tendant à favoriser l'amincissement, s'adressant à une clientèle analogue, peu important qu'elle ait développé également d'autres activités.

Les parties ont convenu de sanctionner la violation de la clause de non-concurrence par l'octroi d'une indemnité égale au chiffre d'affaires réalisé pendant l'année précédant la rupture.

Cette stipulation contractuelle s'analyse en une clause pénale ayant pour objet de sanctionner l'inexécution par Mme Medda de l'obligation de non-concurrence.

Mme Medda fait valoir que cette indemnité est excessive dans la mesure où la société Theraform n'a pas subi de perte de clientèle ni de manque à gagner, aucun centre du réseau n'existant dans le ressort de la commune de Millau.

Dans la mesure où la clause de non-concurrence avait pour finalité de protéger la transmission du savoir-faire de la société Theraform ainsi que le réseau de franchisés, la cour estime que l'indemnité conventionnellement fixée est manifestement excessive comme étant en totale inadéquation avec le but ainsi poursuivi et le préjudice effectivement subi par la société Theraform, eu égard à une activité concurrentielle partielle et à l'absence d'implantation d'un centre d'amincissement Theraform à Millau et dans sa périphérie.

Au vu des éléments produits, il y a lieu de réduire l'indemnité à la somme de 6 000 euro.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a débouté la société Theraform de ses prétentions au titre de la violation de la clause de non-concurrence et a condamné celle-ci à des dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'à une indemnité fondée sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur les autres demandes

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, Mme Medda sera condamnée à payer à la société Theraform une somme de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés, verra sa demande, de ce chef, rejetée et supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Theraform des demandes fondées sur la violation de la clause de non-concurrence et l'a condamnée au paiement d'une somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Et statuant à nouveau de ces chefs ; Dit que Mme Medda a contrevenu à la clause de non-concurrence contenue dans le contrat du 17 décembre 2005 ; Condamne Mme Medda à payer à la société Theraform la somme de 6 000 euro à titre d'indemnité ; Déboute Mme Medda de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Confirme le jugement pour le surplus ; Condamne Mme Medda à payer à la société Theraform une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute Mme Medda de sa demande, de ce chef ; Condamne Mme Medda aux dépens de première instance et d'appel.