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Décisions

Cass. crim., 23 septembre 2003, n° 02-84.410

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Zénon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Palisse

Avocat général :

M. Mouton

Avocats :

SCP Monod, Colin

Orléans, ch. corr., du 4 juin 2002

4 juin 2002

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Zénon, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle en date du 4 juin 2002, qui, pour soldes en dehors des périodes autorisées, l'a condamné à 3 000 euro d'amende ; - Vu le mémoire produit ;

Attendu que le prévenu demande que soit constatée l'extinction de l'action publique par l'effet de l'article 2, 2, de la loi du 6 août 2002 portant amnistie ;

Attendu que, toutefois, le délit de soldes en dehors des périodes autorisées étant puni, outre une peine d'amende, de la peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée, n'est pas amnistié en raison de sa nature ; d'où il suit que la requête ne saurait être accueillie ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 310-3, alinéa I, 310-5, alinéa 1, 3, du Code de commerce, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Zénon X coupable de vente en solde en dehors des périodes autorisées ;

"aux motifs que l'article 28-1 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 dispose que sont considérées comme soldes les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que l'opération commerciale en cause était accompagnée de publicités et comportait des réductions de prix de 20 % et 30 %, effectuées par remise déduite en caisse ; qu'il est également établi, ainsi que l'a reconnu Lakhdar Y, manager de "l'univers de la personne", que l'offre portait sur de très nombreux articles textiles et chaussants des collections automne-hiver 1999 et 1998 dont la majeure partie ne devait ni ne pouvait être réapprovisionnée pendant cette période, notamment, des produits de la collection de l'année précédente ou des produits d'importation dont le réassort était impossible, en sorte qu'il s'agissait effectivement, par une réduction de prix accompagnée de publicité tendant à l'écoulement accéléré d'un stock prédéterminé et non renouvelé de marchandises, d'une opération de soldes au sens du texte susvisé, peu important que le terme "soldes" n'ait pas été utilisé dans les messages publicitaires destinés à la clientèle ; que cette opération de soldes était organisée durant les deux semaines suivant Noël 1999, soit préalablement à la période réglementaire dans le département de Loir-et-Cher telle que fixée par arrêté préfectoral du 19 novembre 1999 "du samedi 15 janvier 2000 au vendredi 25 février 2000 inclus" ;

"alors que, d'une part, il résulte du procès-verbal d'audition de Lakhdar Y, manager du département textile, que la vente portait sur plusieurs centaines d'articles des saisons 1998 et 1999, seuls les articles de la saison 1998 et les articles importés ne pouvant être réapprovisionnés ; qu'en décidant, cependant, que "la majeure partie" des articles en vente ne devait ni ne pouvait être rapprovisionnée durant cette période, "notamment" des produits de la collection de l'année précédente ou des produits d'importation, la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal d'audition et violé les articles susvisés ;

"alors que, d'autre part, sont considérées comme soldes les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock ; que ne constitue pas une opération de soldes illicite la vente d'articles à un prix réduit avant le début de la période légale des soldes, dès lors que la publicité ayant trait à cette vente n'annonce pas de manière explicite que cette vente tend, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock mais se borne à annoncer une réduction de prix sur une sélection d'articles ; qu'en l'espèce, il est établi que les annonces et affiches publicitaires se bornaient à annoncer une réduction de prix sur une sélection d'articles ; qu'elles constituaient donc une technique de promotion à laquelle la réglementation des soldes n'était pas applicable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 310-3, alinéa I, 310-5, alinéa 1, 3, du Code de commerce, 121-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Zénon X coupable de vente en solde en dehors des périodes autorisées ;

"aux motifs que le prévenu excipe d'une délégation de pouvoir accordée au chef du rayon textile, lequel, entendu par les services de gendarmerie, le 30 août 2000, a indiqué qu'il avait organisé ces ventes et qu'il se reconnaissait pénalement responsable en cas de poursuites en raison de cette délégation ; qu'il est soutenu par le prévenu que le document portant délégation acceptée par Lakhdar Y, le 3 janvier 2000, soit postérieurement à la prise de décision relative à l'opération commerciale dont s'agit et à son démarrage, était un renouvellement d'une délégation antérieurement accordée, sans qu'il soit toutefois rapporté la preuve de l'existence de cette dernière, dont Zénon X déclare qu'il n'en a gardé aucune trace ; que, même à supposer que ledit document, prétendument rédigé le 1er janvier 2000 et transmis tardivement aux services de la DGCCRF, n'ait pas été établi uniquement pour les besoins de la cause, il est manifeste que les faits délictueux s'inscrivaient dans le cadre d'une politique commerciale décidée au niveau de l'établissement dont Zénon X était le directeur et mise en œuvre par le chef de rayon sous son contrôle ; que Zénon X est d'autant plus mal fondé à se prévaloir d'une délégation de pouvoir afin de s'exonérer de sa responsabilité pénale qu'il souligne lui-même à l'audience, qu'en sa qualité de chef d'établissement, il mettait constamment en garde ses responsables contre des ventes en solde hors période ou à perte, dès lors, qu'en l'espèce, il ne peut sérieusement prétendre qu'une opération commerciale illicite pouvait se dérouler à son insu dans les deux points de vente qu'il dirigeait, et ce, pendant deux semaines consécutives ;

"alors que, d'une part, nul n'est responsable que de son propre fait ; qu'il s'ensuit que, sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; qu'en se bornant à affirmer qu'il est manifeste que les faits délictueux s'inscrivaient dans le cadre d'une politique commerciale décidée au niveau de l'établissement dont Zénon X était le directeur et mise en œuvre par le chef de rayon sous son contrôle, sans relever aucun acte de participation personnelle du prévenu, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des textes précités ;

"alors que, d'autre part, le chef d'entreprise qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; qu'il est établi que Zénon X était le directeur de l'hypermarché tandis que Lakhdar Y était le manager du département "Univers de la Personne" ; que le manager a pour mission, en ce qui concerne la réglementation, de respecter et de faire respecter le droit du travail et le droit du commerce dans le cadre de la délégation de pouvoir et, en ce qui concerne la participation au plan de progrès, d'engager toutes les actions favorables à l'image et à la promotion du département et du magasin, ce dont il résultait que Lakhdar Y, qui avait reçu et accepté de Zénon X, une délégation de pouvoir l'autorisant à prendre "toutes les décisions commerciales courantes, nécessaires au bon fonctionnement de l'Univers de la Personne", était donc pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique commerciale du département qu'il manageait dans le cadre, notamment, du budget de publicité fixé par le directeur ; qu'en s'abstenant d'analyser le contenu et la portée de cette délégation propre à exonérer le chef d'entreprise de sa responsabilité pénale, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des textes précités" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'un arrêté préfectoral avait fixé la période des soldes du 15 janvier au 25 février 2000 ; que les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont constaté qu'une campagne publicitaire annonçait des réductions de prix sur des articles d'habillement dans un établissement commercial à l'enseigne Cora, dont le prévenu est le directeur, pour la période du 28 décembre 1999 au 8 janvier 2000 ;

Attendu que, pour déclarer Zénon X coupable des faits reprochés, l'arrêt retient notamment, par motifs propres et adoptés, qu'au moins une partie des articles concernés étaient "en fin de saison et non renouvelables" ; que, si les messages publicitaires n'employaient pas le terme "soldes", il était précisé que les baisses de prix ne concernaient pas les articles en promotion et qu'il était ainsi donné à entendre que le but recherché était l'écoulement accéléré de marchandises en stock ; que les juges ajoutent que les faits délictueux se sont inscrits dans une stratégie commerciale décidée au niveau de la direction de l'établissements en sorte qu'il est indifférent qu'une délégation de pouvoir ait été accordée au chef de rayon chargé de sa mise en œuvre ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.