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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 septembre 2012, n° 11-19267

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou (SARL)

Défendeur :

Groupe Roc-Eclerc (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

M. Vert, Mme Luc

Avocats :

SCP Duboscq-Pellerin, Mes Bourgeon, Bernabe, Sergent

TGI Paris, 4e ch. sect. 2, du 22 sept. 2…

22 septembre 2011

Vu le jugement en date du 22 septembre 2011 par lequel le Tribunal de grande instance de Paris a condamné la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou à payer à la société Groupe Roc-E[clerc] la somme de 76 147,11 euro, l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement, a débouté la société Groupe Roc-E[clerc] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et condamné la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou à payer à la société Groupe Roc-E[clerc] la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 27 octobre 2011 par la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou et ses conclusions du 23 décembre 2011, dans lesquelles elle sollicite l'infirmation de ce jugement et le débouté de la société Groupe Roc-E[clerc], à titre subsidiaire, la réduction de l'astreinte pour utilisation illicite de l'enseigne à la somme de 1 000 euro par jour de retard à compter du 3 novembre 2008 et le maintien du contrat de franchise, ainsi que la condamnation de la société Groupe Roc-E[clerc] à lui payer la somme de 500 000 euro à titre de dommages-intérêts, somme également sollicitée dans l'hypothèse où la cour estimerait le contrat résilié, "pour rupture abusive et faute à l'occasion des pourparlers contractuels et pré-contractuels", ladite somme assortie des intérêts au taux légal, ainsi que celle de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société Groupe Roc-Eclerc enregistrées le 23 février 2012, tendant à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et la condamnation de la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou à lui payer la somme de 3 000 euro sur ce fondement, et celle de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur ce

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Groupe Roc-E[clerc], qui vient aux droits de la société Pompes Funèbres et Marbreries du Bassin Parisien, est une société de franchise qui exploite un réseau de revendeurs franchisés en articles funéraires sous l'enseigne "Roc E[clerc]".

Le 28 août 1997, la société Pompes Funèbres et Marbreries du Bassin Parisien a conclu un contrat de franchise avec la société Marbrerie du Centre France, devenue la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou, pour exploiter un magasin situé 15 rue Montesquieu à Angers sous l'enseigne Roc-Eclerc.

Ce contrat était conclu pour une durée de cinq ans à compter de sa signature et était renouvelable tacitement, par périodes successives d'un an, sauf dénonciation du contrat par l'une des parties six mois avant le terme : "En cas de non-renouvellement, le Franchiseur ou le Franchisé doivent se prévenir 6 mois avant la fin du contrat"

Le 12 février 2008, la société Groupe Roc-E[clerc] a envoyé à la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou une lettre recommandée avec accusé de réception ayant pour objet le "renouvellement des contrats d'enseigne Roc-E[clerc]" et énonçant "Je vous confirme que vos contrats d'enseigne pour les territoires d'Angers, Cholet et Saumur viennent à échéance le 28 août 2008 pour Angers et le 1er septembre 2010 pour Cholet et Saumur. Dans ce cadre, compte tenu de l'évolution du contrat d'enseigne proposé par le Groupe, nous vous confirmons que vos anciens contrats ne pourront être renouvelés dans leurs termes existants" et "afin de pouvoir procéder au maintien prochain de l'enseigne sur vos établissements, il y a lieu de procéder à la signature d'un nouveau contrat au plus tard trois mois avant l'échéance de votre contrat actuel".

Le 7 août 2008, la société Groupe Roc-E[clerc] rappelait à la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou les termes de son précédent courrier.

Aucun nouveau contrat n'ayant été signé entre les parties, la société Groupe Roc-E[clerc] a indiqué, dans un courrier du 3 novembre 2008 que "la date limite de validité du contrat (était) le 28 août 2008". Elle confirmait, dans ce courrier, le non-renouvellement du contrat d'enseigne et demandait au franchisé de "bien vouloir procéder au retrait complet des signes distinctifs de la marque à l'extérieur et à l'intérieur de votre magasin ainsi que sur l'ensemble des documents administratifs qui pourraient être remis ou présentés au public".

Par courrier du 4 décembre 2008, la société Groupe Roc-E[clerc], estimant que le contrat était arrivé à terme le 28 août 2008 et qu'il n'avait pas été renouvelé, a mis en demeure la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou de cesser l'emploi de l'ensemble des signes distinctifs du réseau Roc-E[clerc]. Par ordonnance de référé du 11 juin 2009, le Tribunal de grande instance de Paris a ordonné sous astreinte à la société franchisée de mettre un terme à cet emploi, qui a effectivement pris fin le 28 juillet 2009.

C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier du 13 octobre 2009, la société Groupe Roc-E[clerc] a fait assigner la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou devant le Tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir le paiement de l'astreinte prévue à l'article 10 b du contrat.

Cette assignation a été jointe à celle de la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou, du 24 novembre 2009, dans laquelle celle-ci demandait à la juridiction de dire que le contrat n'avait pas été rompu régulièrement et devait reprendre, après dédommagement du franchisé.

Le tribunal a fait droit à la demande de la société Groupe Roc-E[clerc] en paiement de la clause pénale de l'article 10 b du contrat, prévoyant le versement d'une somme de 1 500 F (228,67 euro) par jour en cas d'infraction à l'obligation de cesser l'utilisation de la marque après l'expiration du contrat et a condamné le franchisé à payer la somme de 76 147,11 euro (228,67 euro x 333 jours). Il a par ailleurs estimé qu'aucune rupture fautive des pourparlers ne pouvait être imputée au franchiseur, et a rejeté la demande de la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou pour procédure abusive.

Considérant qu'il ressort des dispositions dénuées de toute ambiguïté de la lettre du 12 février 2008 que la société Groupe Roc-E[clerc] entendait mettre un terme au 28 août 2008 à ses relations contractuelles avec la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou ; qu'était, dans ce même document, envisagée la conclusion d'un autre contrat, conforme au nouveau contrat imposé par le groupe Roc-E[clerc] à tous ses franchisés et comportant, notamment, une clause de non-concurrence contractuelle et post-contractuelle ;

Considérant que la société Groupe Roc-E[clerc] a fait application de l'article 7 du contrat de franchise du 28 août 1997, prévoyant le renouvellement automatique du contrat par période d'un an, sauf dénonciation 6 mois à l'avance de chaque terme ; que cette dénonciation a été faite régulièrement dans le courrier précité du 12 février 2008 et le contrat a pris fin au 28 août 2008 ; que l'absence, pendant la période de négociation du nouveau contrat, de mise en demeure de dépose de l'enseigne par la société Groupe Roc-E[clerc] n'impliquait nullement l'acceptation de la continuation des relations contractuelles entre les parties, l'inaction du franchiseur s'expliquant par les courriers dilatoires de la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou prétendant jouir de droits exclusifs sur la zone concernée pendant encore deux années, prétentions qu'elle n'a jamais pu prouver ;

Considérant que les pourparlers n'ont pas permis d'aboutir à la signature d'un nouveau contrat entre les parties, la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou estimant inacceptables les conditions que lui imposait la société Groupe Roc-E[clerc] ;

Considérant toutefois, que si, par courrier du 16 septembre 2008, la société Groupe Roc-E[clerc] lui a expliqué qu'elle n'envisageait pas de conclure un contrat avec l'exploitant d'une magasin concurrent dans la même zone de chalandise et demandait donc à la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou, exploitant d'autres sociétés de pompes funèbres sur le territoire, dont l'une à proximité de la franchise Roc-E[clerc], de faire passer la totalité de ses points de vente sous l'enseigne Roc-E[clerc], ces demandes, pour être difficilement acceptables par le franchisé, n'en étaient pas moins licites ; qu'en effet, la société Groupe Roc-E[clerc] pouvait légitimement réorganiser son réseau de franchisés et exiger de ceux-ci de nouvelles obligations, celles-ci ne s'avérant nullement illicites ou disproportionnées ; qu'aucune faute ne peut donc être imputée à la société Groupe Roc-E[clerc] dans la proposition, à son ancien franchisé, du nouveau contrat et des nouvelles conditions rappelées plus haut ; qu'aucune pièce du dossier ne rapporte par ailleurs la preuve d'une quelconque mauvaise foi du franchiseur dans sa conduite des pourparlers avec son ancien partenaire ; que nul ne peut être contraint à contracter ;

Considérant que n'envisageant pas de conclure un nouveau contrat avec son ancien partenaire et celui-ci s'opposant à l'acceptation du nouveau contrat-type Roc-E[clerc] pour des raisons tenant à des conditions substantielles du contrat, la société Groupe Roc-E[clerc] n'avait pas à lui présenter les informations prévues à l'article L. 330-3 du Code de commerce ; que ces informations n'auraient pu modifier le consentement des parties, opposées sur des points substantiels du contrat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le premier jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que le contrat de franchise du 28 août 1997 avait pris fin le 28 août 2008, à la suite de son non-renouvellement dénoncé par le franchiseur dans les conditions prévues au contrat et qu'aucune faute n'était imputable à la société Groupe Roc-E[clerc] dans l'échec des pourparlers et enfin qu'aucune obligation d'informations basée sur l'article L. 330-3 du Code de commerce ne pesait sur le franchiseur ;

Considérant qu'en revanche, il résulte des dispositions de l'article 10 du contrat de franchise du 28 août 1997 qu'"à la fin du contrat, pour quelque cause qu'il intervienne, le Franchisé devra immédiatement cesser d'utiliser la marque Roc-E[clerc] et ne pas s'en prévaloir, sous quelque forme que ce soit, même en indiquant seulement sa qualité d'ancien Franchisé" ; que "toute infraction donne droit au paiement de dommages et intérêts d'un montant minimum de 1 500 F par jour" ; qu'il n'est pas contesté que le franchisé n'a cessé l'usage de l'ensemble des signes distinctifs Roc-E[clerc] qu'après le 27 juillet 2009 ; qu'il y a donc lieu de faire application de la clause pénale dont le caractère excessif n'est nullement démontré et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou à payer la somme de 76 147, 11 euro (228,67 euro x 333 jours) à la société Groupe Roc-E[clerc] ; que cette clause joue en effet à compter du 28 août 2008 et non du courrier du 3 novembre 2008, ainsi que le prétend la société appelante ;

Considérant que la société Groupe E[clerc] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, ne démontrant l'existence d'aucune faute dans l'exercice de l'action de la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou, ni aucun préjudice qui pourrait en découler ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Déboute la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou de toutes ses demandes, Y ajoutant, Déboute la société Groupe Roc-E[clerc] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, Condamne la société Marbreries et Conseillers Funéraires d'Anjou aux dépens exposés en appel, avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.