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Décisions

Cass. com., 23 octobre 2012, n° 11-22.263

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Mysoft (SARL)

Défendeur :

Softissimo (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mandel

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Hémery, Thomas-Raquin

Paris pôle 5 ch. 4, du 29 juin 2011

29 juin 2011

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2011), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 28 avril 2009, pourvoi n° C 0814087), que la société Mysoft distribue une gamme de logiciels de traduction automatique, concurrents de ceux dont la société Softissimo est coauteur avec la société Promt et qui sont commercialisés sous la marque Reverso ; qu'estimant avoir subi un préjudice en raison de fautes de la société Softissimo qui aurait manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la société Promt, d'abord, en poursuivant sans droit la vente des produits Reverso après le 31 décembre 2002, date de la résiliation du dispositif contractuel qui la liait à la société Promt et, ensuite, en ne respectant pas son double engagement d'arrêt progressif de la vente des produits Reverso entre le 20 février et le 26 août 2004 puis de cessation définitive de leur commercialisation à compter de cette dernière date, la société Mysoft a assigné la société Softissimo en indemnisation pour concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Mysoft fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes alors, selon le moyen : 1°) que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que l'existence d'un manquement contractuel suffit ainsi à caractériser une faute de nature à engager la responsabilité délictuelle de son auteur dès lors qu'un lien de causalité et un préjudice sont également constatés ; qu'en retenant en l'espèce, pour débouter la société Mysoft de ses demandes, que "le manquement contractuel ne se confond pas nécessairement avec la faute délictuelle", et en refusant " de déterminer les conditions d'exécution du contrat ou des contrats Promt-Softissimo et des conséquences de la sentence arbitrale entre les parties ", tout en considérant devoir ne prendre en compte que des fautes délictuelles, "notamment (...) des actes de commerce illicites constitutifs de concurrence déloyale " , la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que la sentence arbitrale a, dès qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche ; qu'aux termes de la sentence arbitrale définitive du 12 juillet 2004, les contrats conclus entre Promt et Softissimo avaient été résiliés valablement au 31 décembre 2002 ; qu'en retenant dès lors, pour débouter la société Mysoft de ses demandes, que cette sentence, dont se prévalait Mysoft pour établir que les ventes réalisées par Softissimo après cette date, c'est-à-dire après la survenue du terme des contrats d'où cette société prétendait tirer ses droits, "n'a d'effet qu'entre les parties aux contrats et à la procédure arbitrale" , la cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil et 1476 (ancien) du Code de procédure civile ; 3°) que la cour d'appel a constaté que les contrats autorisant la société Softissimo à commercialiser les logiciels Promt avaient été résiliés à la date du 31 décembre 2002, conformément aux termes de la sentence arbitrale définitive ; qu'en retenant toutefois, pour débouter la société Mysoft de ses demandes, que la société Softissimo pouvait vendre ces logiciels après cette date, jusqu'au 26 août 2004, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ; 4°) qu'aux termes de l'accord entériné par le tribunal arbitral le 20 février 2004, l'exploitation autorisée par les parties concernait l'arrêt progressif par la société Softissimo de la commercialisation des produits donnés en licence exclusivement pendant une période de "sept mois, jusqu'au 26 août 2004", soit de février 2004 à fin août 2004 ; qu'en se bornant dès lors à retenir, pour débouter la société Mysoft de ses demandes, que cette décision arbitrale intermédiaire excluait toute faute de Softissimo dans la poursuite de l'exploitation des logiciels Promt jusqu'au 26 août 2004, sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si l'exploitation de ces logiciels n'avait pas été fautive entre la date de résiliation des contrats de licence, le 31 décembre 2002, et le 20 février 2004, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 5°) qu'en énonçant, pour dire que la poursuite de la commercialisation des logiciels Promt par Softissimo n'était pas fautive après la rupture des relations contractuelles de ces deux sociétés intervenue le 31 décembre 2002, que la société Softissimo avait, après cette date, continué à payer des redevances d'exploitation à la société Promt, en recevant des factures de cette société, ce qui aurait attesté de l'existence d'un accord d'exploitation persistant entre les parties, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'envoi de factures par la société Promt ne correspondait pas à de simples appels de fonds justifiés par une exploitation forcée mais effective de ses logiciels par Softissimo, la société Promt n'ayant pas consenti pour autant à une telle exploitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 6°) qu'aux termes du constat d'huissier de Me Lotte en date du 18 novembre 2005, il a été constaté que la société Softissimo présentait et faisait la promotion des logiciels de traduction Reverso, par son site Internet (www.softissimo.com), sur lequel il était notamment indiqué "Pour vous aider à comprendre ou à traduire des documents... Softissimo vous offre une gamme complète de logiciels de traduction : Reverso" ; qu'il a également été constaté que le site Internet de Softissimo permettait un achat en ligne de ces logiciels, par le biais de sites revendeurs, chacun étant "accessible directement par un simple lien sur lequel il convient de cliquer" ; qu'à cet égard, l'huissier constatait notamment qu'en cliquant sur un lien (Cdiscount.com), il aboutissait sur une boutique d'achat en ligne sur une page comportant le logo "Softissimo", l'adresse Internet de la fenêtre d'accès comportant elle-même l'expression "Softissimo Boutique" ; qu'en retenant néanmoins, à partir de ce constat, que la société Softissimo ne vendait pas de logiciels Promt du 26 août 2004 au 7 mars 2006, c'est-à-dire pendant la période d'interruption des relations contractuelles entre ces deux sociétés, la cour d'appel a dénaturé le constat d'huissier susvisé et violé l'article 1134 du Code civil ; 7°) qu'en énonçant, pour débouter la société Mysoft de ses demandes, s'agissant des ventes réalisées entre le 26 août 2004 et le 7 mars 2006, qu'"apparemment" il ne s'agissait pas de ventes par Softissimo mais par des " revendeurs déjà approvisionnés", en retenant encore "qu'en tous cas le contraire n'est pas établi", la cour d'appel a statué par une motivation dubitative et inopérante et méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 8°) qu'en se bornant à retenir, pour débouter la société Mysoft de ses demandes, que les ventes de logiciels Promt par les revendeurs de Softissimo entre le 26 août 2004 et le 7 mars 2006 auraient été réalisées "apparemment" à partir de stocks des revendeurs, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces revendeurs n'avaient pas été effectivement réapprovisionnés par Softissimo au cours de cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 9°) que dans ses conclusions d'appel, la société Mysoft faisait valoir, de manière précise et étayée, que le grossiste de Softissimo, Techdata, avait été réapprovisionné sept fois entre décembre 2004 et avril 2005, de sorte que la poursuite fautive d'une commercialisation des logiciels Promt par Softissimo entre le 26 août 2004 et le 7 mars 2006 était établie ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant de nature à démontrer l'existence d'une faute imputable à la société Softissimo, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 10°) que dans ses conclusions d'appel, la société Mysoft faisait également valoir que la société Softissimo commettait en toute hypothèse une faute en poursuivant le marketing des logiciels Promt entre le 26 août 2004 et le 7 mars 2006 toute activité marketing lui étant interdite ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant de nature à démontrer l'existence d'une faute imputable à la société Softissimo, la cour d'appel a derechef méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que par ordonnance du 20 février 2004, le tribunal arbitral a homologué un accord des parties autorisant, sans restriction, la société Softissimo à vendre les logiciels de technologie Promt jusqu'au 26 août 2004 ; qu'il relève encore que la société Promt a établi, pour la période du 1er janvier 2003 au 26 août 2004, des factures de redevances pour la vente de logiciels Promt qui ont été acquittées par la société Softissimo et dont le paiement a été accepté par la société Promt ; qu'ayant ainsi souverainement apprécié les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel qui a procédé à la recherche visée par la quatrième branche a pu, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par les première et deuxième branches, retenir que la société Softissimo n'avait pas commis de manquements à ses obligations contractuelles en vendant des logiciels Promt entre le 1er janvier 2003 et le 26 août 2004 ;

Et attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions prétendument délaissées et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu, sans dénaturation et par des motifs exempts de caractère dubitatif, qu'il n'était pas démontré que la société Softissimo ait procédé elle-même à des ventes de logiciels Promt entre le 26 août 2004 et le 7 mars 2006 et qu'aucune interdiction n'était faite aux distributeurs de vendre après le 26 août 2004 des produits acquis avant cette date ; que la cour d'appel qui en a déduit que la société Mysoft ne rapportait pas la preuve que la société Softissimo avait méconnu ses obligations contractuelles entre le 26 août 2004 et le 7 mars 2006, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen qui ne peut être accueilli en ses première et deuxième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Mysoft fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) que la réglementation des ventes en liquidation est indifférente à la comparaison qui peut être faite entre les qualités des marchandises vendues et celle des produits concurrents ; qu'en se fondant en l'espèce sur une prétendue différence de performances entre les logiciels systran de la société Mysoft et les logiciels Promt vendus par la société Softissimo, pour débouter la société Mysoft de ses demandes, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article L. 310-1 du Code de commerce ; 2°) qu'en se bornant à énoncer que la société Softissimo était libre de sa pratique de prix et encore que le prix des produits vendus peu avant le 26 août 2004 n'étaient pas économiquement irrationnels, avant d'affirmer enfin péremptoirement que la vente en cause à un prix bradé, ce prix étant divisé par trois (99 euro) n'était pas une liquidation, au sens de l'article L. 310-1 du Code de commerce, pour dire inapplicable ce texte et par voie de conséquence, l'article L. 121-15 du Code de la consommation, sans préciser quelles étaient les conditions légales d'application de ces dispositions, ni préciser davantage quelles conditions étaient absentes en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève par motifs adoptés qu'il n'est pas démontré que les ventes, en juillet 2004, du logiciel litigieux par la société Softissimo auraient été annoncées comme tendant à l'écoulement de la totalité ou d'une partie des marchandises à la suite d'une décision de cessation, de suspension saisonnière ou de changement d'activité ou de modification substantielle des conditions d'exploitation ; qu'il relève encore, par motifs propres et adoptés, que le logiciel Reverso Pro 5 a été vendu au prix de 99 euro tant au cours de la période transitoire précédant le 26 août 2004 qu'à partir du 7 mars 2006, date à laquelle les parties ont conclu un nouvel accord de commercialisation ; qu'ayant ainsi, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, caractérisé en quoi la vente des logiciels litigieux ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une vente de liquidation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.