CA Montpellier, 1re ch. B, 24 octobre 2012, n° 12-02997
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Chipie International (SAS)
Défendeur :
Group Sixième (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mauri
Conseillers :
M. Torregrosa, Mme Rodier
Avocats :
SCP Senmartin, Associés, Mes Hammar, Llinas, Chemla
Faits et procédure
La société Group Sixième (ci-après "Group Sixième") est une société spécialisée dans l'import et la distribution de vêtements de marque aux Etats-Unis.
Dans le courant de l'année 2000, elle a noué des relations commerciales avec la société Chipie International (ci-après "Chipie International") filiale du Groupe Zannier (n° 1 mondial du vêtement pour enfants), laquelle lui confiant la commercialisation, en son nom et pour son compte, de divers produits de marque Chipie et Beckaro, sur le territoire des Etats-Unis.
Ces relations ont été formalisées dans le cadre d'un contrat intitulé d'agence commerciale, conclu pour une durée indéterminée à compter du 15 juillet 2001.
Group Sixième était également lié, depuis octobre 1999, à la société Poron (ci-après "Poron"), société sœur de Chipie International, par un contrat aux termes duquel Poron avait confié à Group Sixième la distribution exclusive des produits de la marque Confetti, sur le territoire des Etats-Unis.
Dans le cadre du contrat, Group Sixième avait notamment pour mission de présenter les nouvelles collections de produits, prendre les commandes et expédier aux clients finals les produits livrés par Chipie International.
En contrepartie des prestations réalisées, Group Sixième avait droit à une commission de 15 % pour l'ensemble des ventes de produits effectuées sur le territoire des Etats-Unis.
La demanderesse percevait également une commission logistique de 3 % sur l'ensemble des produits livrés sur le territoire des Etats-Unis et avait droit au remboursement des coûts logistiques qu'elle avait engagés pour assurer la distribution des produits.
Le contrat autorisait par ailleurs la demanderesse à distribuer d'autres marques de vêtements pour enfants telles que Charabia, Naf-Naf, Chevignon...
Le contrat était soumis au droit français (article 13) et donc régi par les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce applicable aux agents commerciaux, au vu de son intitulé.
Dans son acte introductif d'instance, Group Sixième expose que dès les premières années de ses relations avec Chipie International, il a rencontré de sérieuses difficultés dans le cadre de l'exécution du contrat en raison des manquements répétés de Chipie International à ses obligations contractuelles.
Group Sixième aurait ainsi dû faire face à de nombreux problèmes de retard de livraisons ou de livraisons incomplètes de produits de la part de Chipie International.
Elle aurait également dû gérer les interventions intempestives de Chipie International auprès des clients, cette dernières leur réclamant, parfois de manière brutale, le règlement de factures qu'ils avaient pourtant déjà payées.
Par courrier recommandé du 13 avril 2007, Group Sixième a donc informé Chipie International de sa décision de résilier le contrat, avec effet au 15 juillet 2007, conformément aux stipulations de son article 12-1. Elle entendait faire valoir son droit à indemnité de rupture (article L. 134-12 du Code de commerce).
Suite au refus de Chipie International de régler la moindre indemnité, Group Sixième a assigné le par devant le Tribunal de grande instance de Carcassonne aux fins d'obtenir la réparation des préjudices subis, et Chipie International a réclamé reconventionnellement 30 000 euro et à titre de dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 12 janvier 2010, le Tribunal de grande instance de Carcassonne a dit que la rupture du contrat d'agence était imputable à Chipie, et a condamné cette société à payer les sommes de 223 285 dollars US et 20 000 euro en réparation du préjudice subi.
Chipie International a relevé appel de façon régulière et non contestée, et a conclu le 17 août, en demandant à la cour de bien vouloir :
Vu les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,
Vu les articles 1134 et 1147 et suivants du Code civil,
Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dire et juger que l'intimée ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 134-1 et suivants du Code de commerce,
La débouter de sa demande d'indemnité de fin de contrat d'agent commercial,
Subsidiairement, dire et juger que la société Chipie International n'a commis aucun manquement susceptible de caractériser une circonstance imputable au mandant au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce,
Plus subsidairement, dire et juger que la société Group Sixième a commis une faute grave privative de droit à indemnité au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce,
Encore plus subsidiairement, constater que la société Group Sixième ne fait la preuve d'aucun préjudice,
Débouter la demanderesse de l'ensemble, de ces fins, moyens et prétentions,
La condamner à verser à la société Chipie International la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 5 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens tant de première instance que d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Hammar selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Group Sixième, intimé, a conclu le 23 avril 2012 et il est demandé à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Jugé que dans le cadre de l'exécution du contrat d'agence commerciale du 15 juillet 2011, la société Chipie International avait commis des fautes ayant engagé sa responsabilité à l'égard de la société Group Sixième ;
Jugé que la rupture du contrat d'agence commerciale était imputable à la société Chipie International ;
Débouté la société Chipie International de l'ensemble de ses demandes ;
Recevoir la société Group Sixième en son appel incident, et réformant le jugement :
Juger que la société Group Sixième est bien fondée à solliciter la réparation intégrale des préjudices qu'elle a subis du fait des manquements contractuels de la société Chipie International et de la rupture du contrat d'agence commerciale ;
Condamner la société Chipie International à régler à la société Group Sixième les sommes de :
334 928 dollars US, ou sa contrevaleur en euro au jour du paiement, en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
118 950 dollars US, en réparation du préjudice subi du fait des retards en défaut de livraison ;
82 128 dollars US en réparation du préjudice subi du fait des interventions infondées de Chipie International auprès des clients ;
250 000 dollars US au titre du préjudice d'image ;
Ajoutant au jugement, condamner la société Chipie International :
A payer à la société Group Sixième la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux entiers dépens de premières instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Philippe Senmartin et Associés.
Sur ce
Sur la qualification en droit des obligations liant les parties :
Attendu que Chipie International SAS et Group Sixième sont liées par un contrat "d'agence commerciale" applicable à compter du 15 juillet 2001 ;
Attendu qu'ils ont eux-mêmes adopté cette dénomination ;
Attendu que l'article L. 134-1 du Code de commerce définit l'agent commercial comme un mandataire, indépendant et non lié par un contrat de services, qui est chargé de façon permanente de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de service, pour le compte de son mandant producteur, industriel ou commerçant ;
Attendu que l'article 5-3 du contrat précité oblige l'agent à respecter les prix et conditions générales de vente qui lui sont données par le mandant et que le mandant a le droit de modifier comme il le souhaite ; qu'il est stipulé que l'agent doit demander des instructions complémentaires lorsqu'une transaction lui semble inhabituelle ou complexe ;
Attendu que Group Sixième estime qu'il convient de se livrer à une analyse in concreto des conditions dans lesquelles elle exerçait réellement son activité, et que cet examen démontre qu'elle était chargée de façon permanente de négocier des contrats de vente au nom de Chipie ;
Attendu qu'est d'abord évoqué un "travail de négociation commerciale" qui, sauf à solliciter le sens des mots, ne manifeste aucun pouvoir de négociation envers les clients potentiels, dont il n'est pas démontré que les propositions (notamment les tarifs) pouvaient se dispenser de l'aval de Chipie ; que dans le cadre de l'intérêt commun, et si Group Sixième a conseillé Chipie sur "la pertinence et l'adaptation de ses produits au marché américain", elle ne démontre pas pour autant avoir eu pouvoir de négocier les conditions édictées par Chipie en vertu de l'article 5-3 précité, avec les clients qu'elle démarchait ;
Attendu que les rapports d'activité produits aux débats ne sont que la manifestation des obligations de l'agent à informer le mandant (article 7-1 du contrat) sur "l'état du marché, les demandes des clients et les activités des concurrents" ;
Attendu que la cour ne discerne pas là un pouvoir de négociation portant sur les contrats d'achat de marchandises passés avec les clients démarchés ;
Attendu que pareillement, et s'agissant des seuls contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de service afférents aux productions de Chipie, la facturation par Group Sixième de frais de publicité ou de transports négociés directement avec des prestataires américains ne démontre nullement une quelconque renonciation à l'article 5-3 précité, référence faite à ce qui constitue l'objet principal de la mission de l'agent commercial telle que définie par l'article L. 134-1 précité ;
Attendu qu'ainsi, et en conclusion sur ce premier volet, rien ne démontre au dossier que Group Sixième disposait du pouvoir de négocier les prix et conditions générales de vente édictées par le mandant, ses conclusions sur ce point sur ses suggestions à Chipie de réduction de prix de certains articles et la transmission à Chipie des demandes de réductions par les clients ne faisant que pointer en réalité la nécessité d'un aval de Chipie ;
Attendu qu'enfin, le mode de rémunération choisi n'éclaire en rien la cour sur la latitude dont jouissait Group Sixième par rapport aux clients démarchés, et ne permet donc pas en droit de franchir l'obstacle constitué par l'article 5-3 du contrat ;
Attendu que le statut légal de l'agent commercial ne pouvant s'appliquer, demeure la question de l'application conventionnelle du statut, référence faite au libellé du contrat choisi par les parties d'un commun accord, et notamment à son article 12-2 qui régit les effets de la résiliation du contrat, et qui se réfère expressément à la loi, et implicitement mais de façon certaine aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce dont les termes sont repris ;
Mais attendu que l'octroi conventionnel de l'entier statut d'agent commercial ne saurait résulter que de la conscience qu'ont eue les parties de l'inapplicabilité légale dudit statut lorsqu'elles ont contracté, inapplicabilité qu'elles auraient entendu pallier par un bénéfice conventionnel ;
Attendu qu'en l'espèce, et dès lors qu'il n'est pas contesté que c'est à partir de 2008 que la jurisprudence a consacré le critère du pouvoir de négociation, il en résulte qu'en 2001, les parties ont logiquement convenu d'un statut d'agent commercial selon elles applicable légalement - dont il a été motivé supra qu'il est sans fondement au regard de l'article L. 134-1 - et non pas de l'octroi conventionnel de ce statut à un agent dont ils auraient eu conscience qu'il ne pouvait y prétendre ;
Mais attendu que reste, sur le terrain de l'article 1134 du Code civil, l'article 12-2 précité du contrat dont nul ne conteste sérieusement qu'il constitue la loi des parties, au surplus s'agissant de la demande d'indemnité qui constitue le principal de la demande de Group Sixième depuis l'assignation initiale ;
Sur l'application de l'article 12-2 du contrat :
Attendu qu'il n'est pas contesté que Group Sixième a pris l'initiative de la cessation du contrat, selon courrier en date du 13 avril 2007, se référant expressément à l'article 12-2 précité, et mettant fin aux relations dans un délai de trois mois ;
Attendu qu'il convient de relever (article 12-1 du contrat) que Group Sixième n'a pas opté pour un préavis raccourci de 15 jours, possible en cas de "faute grave" de l'une des parties ; qu'il apparaît difficile en pure logique contractuelle de se placer ensuite et en phase contentieuse sur le terrain de la faute, a fortiori grave ;
Attendu que la cessation à l'initiative de l'agent entraîne la perte du droit à indemnité, "à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant" ;
Attendu que la démonstration de ces circonstances imputables au mandant et justifiant la cessation incombe en l'espèce à Group Sixième ;
Attendu que les pièces 30-1 à 30-15 que verse Group Sixième à l'appui de ces circonstances sont principalement constituées par les rapports périodiquement envoyés à Chipie, d'abord par application du contrat (article 7-1) ;
Attendu qu'assez curieusement, Group Sixième estime donc que cette obligation d'information aurait dû inciter Chipie à remédier aux griefs qui y sont exposés, et suffit à démontrer qu'elle était justifiée à cesser en avril 2007 les relations entretenues depuis 2001 ;
Attendu que la cour note tout d'abord que ces rapports ne sont que très partiellement traduits de l'américain ; que la production et l'exploitation judiciaire de ces pièces reviendrait donc à privilégier les morceaux choisis par Group Sixième ; que d'ailleurs, la cour relève que ces morceaux choisis sont répétitifs comme les "conditions actuelles requises pour les expéditions" qui, bien avant avril 2007, sollicitent des améliorations ;
Attendu que le lien entre ces conditions et la rupture en avril 2007, dans le contexte ci-dessus rappelé de rapports traduits a minima et sélectivement, n'est pas établi ou a fortiori imputable au mandant ;
Attendu que la lecture des deux derniers rapports (pièce 30-2 et 30-2) qui logiquement auraient dû sinon annoncer la cessation prochaine du moins établir d'importantes difficultés, ne laisse pas de surprendre ;
Attendu qu'en effet, la pièce 30-2 se réfère à la collection automne-hiver 2006, et relève la nécessité de mettre au courant l'équipe de vente de toutes les annulations et épuisements de stocks pendant la saison des ventes ; que sa lecture est néanmoins indivisible dont il résulte :
- que la saison des ventes printemps venant de s'écouler a été la meilleure dans l'histoire de l'agent ;
- que 96 % des commandes Chipie ont été livrées, 51 magasins sur 90 à 100 %, même si aucun des 10 meilleurs clients n'a été livré à 100 % ;
- qu'il est demandé à Chipie de faire un maximum d'efforts pour livrer la collection printemps-été 2007 aussi tôt et complètement que possible afin d'améliorer la perception de la marque par les clients, ce qui aura un impact positif sur le chiffre d'affaire des ventes pour la saison automne-hiver 2007 ;
Attendu qu'à l'évidence, le ton n'est pas celui de la rupture, a fortiori annoncée ;
Attendu que mis en perspective avec la date de la rupture (avril 2007), la cour estime que n'est pas établie une quelconque circonstance justifiant ladite rupture, a fortiori lorsque Chipie (qui n'a pas la charge de la preuve) réfute, minimise ou édulcore ces griefs et que la cour ignore de façon générale si un ratio de livraison de 96 % est aberrant et ne correspond pas aux réalités technico-commerciales du secteur, au surplus en matière d'exportation ;
Attendu que la pièce 30-1, à savoir le rapport de la plus proche de la rupture en avril 2007, fait état d'un ratio de 92 % de livraisons du total des commandes, reprend à l'évidence en copié-collé les "conditions actuelles requises pour les expéditions" déjà énoncées en saison précédente et termine sur un problème d'échantillons non arrivés avant la dernière semaine de janvier, des clients du salon de New York et du marché de Los Angeles ayant "investi davantage dans les marques disponibles à ce moment-là" ;
Mais attendu que le tableau de résultats des ventes sur les 15 saisons passées interdit à l'évidence de soutenir que ces circonstances - à les supposer établies puisqu'elles ne résultent que de rapports unilatéraux discutés par Chipie et non intégralement traduits - aient pu justifier l'arrêt de relations, étant passées de 268 076 dollars à 422 890 euro de chiffres d'affaires, la dernière saison 2007 écourtée n'étant pas significative ;
Attendu que les chiffres qui sont têtus ne méritent pas de traduction, cette progression très sensible ne rendant que plus imparfaite la tentative de démonstration de Group Sixième, notamment lorsqu'elle produit les rapports antérieurs à 2006, qui a constitué le pic du chiffre d'affaires (490 319 dollars), après une progression constante, la cour ayant motivé sur les rapports postérieurs ;
Attendu que le courrier de rupture du 13 avril 2007 ne fait nullement état de livraisons insuffisantes, de retard dans les livraisons ou dans la présentation des collections ou des échantillons ;
Attendu que pour en terminer sur ce premier volet, le contrat prévoyait une présentation des nouvelles collections à l'agent "au début de la saison", "après le 15 décembre pour la collection automne-hiver et le 15 juillet pour la collection printemps-été" ;
Attendu que "après" n'est pas plus précis "qu'aux alentours", expression reprise dans les conclusions Group Sixième, dont on conçoit qu'elle lui soit plus favorable ;
Mais attendu qu'au regard notamment de la progression du chiffre d'affaire, l'on cherchera vainement un lien entre ces retards allégués mais non démontrés contractuellement, et la rupture d'avril 2007 qui serait ainsi justifiée ;
Attendu que s'agissant des interventions injustifiées auprès des clients, la société Group Sixième se fonde sur les pièces n° 9 et 13 à 25 ;
Attendu que la pièce n° 9 concerne un échange de mails entre le 28 mars 2007 et le 30 mars entre Amélie Chambrillon de Chipie et Messieurs Husk et Lee de Group Sixième ;
Attendu qu'à l'évidence, un virement de 29 639,78 dollars de Group Sixième a posé problème, et permis à M. Lee d'y voir l'incompétence et l'inconséquence de Mme Chambrillon ; que pour le reste, rien ne démontre que l'affaire n'ait pas finalement été résolue, sans plainte de clients ; qu'en toute hypothèse, il s'agit en 2007 d'un problème de "communication" (dixit M. Lee) portant sur un envoi de 29 639 dollars, dont la démonstration d'un lien avec la rupture décidée par Mme Ratican le 13 avril 2007 n'est à l'évidence rapportée ;
Attendu que les pièces 13 à 25 sont toutes antérieures à 2005, ce qui signifie soit qu'aucun problème n'a eu lieu depuis (sauf l'épisode de la pièce n° 9 sur lequel il a été motivé) soit que la gravité n'était telle qu'elle puisse constituer une circonstance de nature à justifier la rupture plus d'un an après ;
Attendu que Chipie invoque un problème de restructuration suite à l'arrivée du groupe Zannier, et produit des mails d'excuse en ce sens ; que l'éventuelle particulière sensibilité de tel client ne change donc rien à l'absence de justification référence faite à la rupture du 13 avril 2007, rien ne démontrant enfin les calculs financiers de Group Sixième sur les pertes alléguées à partir de la moyenne des commandes de tel clients, dont on affirme, sans le démontrer avec certitude, qu'il a cessé ou diminué ses achats à causes des réclamations injustifiées de 2005 ;
Attendu que s'agissant des commissions réglées avec retard, la cour relève tout d'abord que malgré la rupture d'avril 2007, aucun en-cours de commissions n'a été réclamé lors de l'assignation de septembre 2007 ;
Attendu qu'au surplus, le contrat fait la loi des parties qui a prévu le paiement des commissions : "le dernier jour du mois suivant le mois au cours duquel elles ont été acquises" c'est-à-dire trente jours, fin du mois où les commandes ont été payées par le client (article 9-1 et 9-3 du contrat) ;
Attendu que Group Sixième ne se fonde pas sur le contrat pour reprocher des retards, mais sur un accord intervenu selon lequel des paiements provisionnels devaient avoir lieu sur la base de 85 % des commandes passées, avec régularisation en fin de saison ;
Attendu que les pièces 10 et 11 a à 11 c sont versées à l'appui de cette argumentation ; que leur lecture est anodine (traduction libre de la pièce 10), ou inexploitable s'agissant des factures ; qu'en réalité, il en résulte que le 27 mars 2007, M. Husk s'est plaint de l'exigibilité de deux avances (janvier et février 2007), de la facture de mars payable "immédiatement" et celle d'avril dans quatre jours ;
Attendu qu'ainsi, et dès lors que Chipie n'est pas contestée quand elle conclut avoir immédiatement régularisé, il est demandé à la cour de considérer que la rupture est justifiée par un retard de deux à trois mois portant sur au mieux 14 600 dollars de commissions, sans infraction au contrat démontrée, le tout sur un montant total de commissions payé depuis 2005 de 344 927 dollars (cf assignation) ;
Attendu que la cour n'estime pas que la démonstration est faite, dans ce contexte reprécisé, de circonstances imputables au mandant et justifiant la rupture, au surplus sur la période mars-avril 2007, à une époque où à l'évidence Mme Ratican avait programmé sa retraite, en notifiant à Poron (société sœur de Chipie) sa satisfaction sur la ligne des produits Confetti qu'elle distribuait exclusivement (sans contrat d'agence et donc sans doit à commission) ;
Attendu que ce courrier du 12 avril 2007 indiquait bien que la "société" ne distribuerait plus à partir du printemps/été 2008, même si Group Sixième indique par voie de conclusions avoir continué son activité d'agent, et que seule Mme Ratican a pris sa retraite ;
Attendu que Chipie, qui n'a aucune obligation probatoire, rapporte ainsi néanmoins la preuve que Mme Ratican, responsable de Group Sixième à qui tous les mails de M. Dusk notamment étaient transmis en copie, a pris sa retraite en août 2007, que "la société" ne souhaitait plus continuer la distribution exclusive avec Poron, et qu'ainsi, d'autres circonstances que celles imputables alléguées au mandant ont pu participer d'une cessation de collaboration dont, encore à ce jour, aucune explication sérieuse en termes d'absence de rentabilité économique n'est fournie ;
Attendu que reste l'attestation de M. Ravard (pièce n° 29) que la cour n'a aucune raison de disqualifier en termes de loyauté, tant la prudence est de mise lorsqu'un responsable opérationnel licencié fournit à l'agent commercial de son ancien employeur une attestation que ce dernier utilise en justice ;
Attendu que la cour doute d'autant moins, a priori, de cette loyauté, que M. Ravard représentait Chipie sur la période et atteste avoir "tout mis en œuvre au fil des saisons pour améliorer la situation", établissant par là une loyauté du mandant Chipie, opposable à Group Sixième puisque c'est cette société qui produit l'attestation ;
Attendu que pour le reste, M. Ravard confirme les difficultés d'intégration de Chipie dans le groupe Zannier, qui ont "parfois engendré des interventions injustifiées et intempestives auprès de quelques clients, causant quelques difficultés à Chipie et DDLA auprès des clients concernés" ;
Attendu qu'à la lumière des motivations retenues par la cour ci-dessus, l'emploi des vocables "parfois" et "quelques" ne fait que corroborer l'absence de démonstration de circonstances imputables à Chipie et justifiant de ce chef la rupture ;
Attendu qu'enfin, M. Ravard aborde le manque "de respect régulier des délais compatibles avec les normes et attentes du marché américain, qui ont pu pénaliser DDLA dans sa demande d'augmentation du chiffre d'affaire qu'elle réalisait avec la marque"mettant le doigt, au-delà des motivations adoptées ci-dessus, sur ce qui constitue sans doute le reproche essentiel de Group Sixième, à savoir l'absence alléguée de réponse complète et immédiate aux besoins du marché américain, tels que définis par Group Sixième lui-même ;
Mais attendu que cette problématique commerciale, outre qu'elle néglige quelque peu sur la période depuis 2001 la progression sensible des ventes et donc des commissions, n'a rien à voir avec la question juridique des circonstances imputables au mandant justifiant que l'agent bénéficie de l'indemnité de rupture, alors qu'il a pris l'initiative de cette rupture ;
Attendu qu'en l'ensemble des motivations ci-dessus retenues ne permet pas de faire droit aux demandes de Group Sixième au titre de l'exécution du contrat, la démonstration n'étant pas faite ni d'une attitude fautive de Chipie, ni d'une perte ou d'une raréfaction des commandes de tel client qui soit chiffrable et en lien direct, ni d'un préjudice d'image ; que les tableaux calculant une perte future sans le support d'une étude comptable sérieuse ne pallient pas cette carence probatoire ;
Attendu que Chipie ne démontre pas pour sa part le caractère abusif de la procédure intentée ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant contradictoirement, Déclare fondé l'appel de Chipie International ; Y fait droit et infirme le jugement de premier ressort dans toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, Déboute Group Sixième de toutes ses demandes. Condamne Group Sixième à payer à Chipie International 5 000 euro au titre des frais irrépétibles, et à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.