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Décisions

CJUE, 4e ch., 8 novembre 2012, n° C-342/10

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission européenne

Défendeur :

République de Finlande

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. L. Bay Larsen, faisant fonction de président de la quatrième chambre

Avocat général :

Mme E. Sharpston

Juges :

M. J.-C. Bonichot, Mmes C. Toader, A. Prechal, M. E. Jarašiunas

CJUE n° C-342/10

8 novembre 2012

LA COUR (quatrième chambre),

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en instaurant et en maintenant en vigueur un régime d'imposition discriminatoire sur les dividendes versés aux fonds de pension non-résidents, la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 63 TFUE et de l'article 40 de l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l'"accord EEE").

2 Par ordonnance du président de la Cour du 22 novembre 2010, le Royaume de Danemark, la République française, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ont été admis à intervenir au litige au soutien des conclusions de la République de Finlande.

Le cadre juridique finlandais

3 S'agissant des fonds de pension résidents, il résulte de l'article 6 a de la loi 360/1968 sur l'imposition des revenus provenant d'activités économiques [laki elinkeinotulon verottamisesta (360/1968), ci-après l'"EVL"], lu en combinaison avec l'article 124, paragraphe 2, de la loi 1535/1992 relative à l'impôt sur le revenu [tuloverolaki (1535/1992)], du 30 décembre 1992, que les dividendes perçus par ces fonds de pension sont, en principe, imposés à un taux effectif de 19,5 %.

4 L'article 7 de l'EVL dispose:

"Les dépenses et pertes exposées pour acquérir ou conserver le revenu d'une activité économique sont déductibles."

5 L'article 8, premier alinéa, de l'EVL énonce:

"Les dépenses déductibles au sens de l'article 7 sont notamment:

[...]

10) Les transferts réglementaires effectués au titre des provisions mathématiques effectués par les compagnies d'assurances, les groupements d'assurance, les caisses d'assurance et d'autres établissements d'assurance assimilés ainsi que les montants calculés conformément aux paramètres techniques de l'assurance nécessaires pour la couverture de la responsabilité résultant des engagements en matière de pensions et d'autres engagements similaires de fonds de pension et d'autres institutions de retraite assimilés [...]"

6 Les dividendes de source finlandaise perçus par des fonds de pension non-résidents sont imposés conformément à la loi 627/1978 relative à l'imposition des revenus des contribuables partiellement assujettis [lähdeverolaki (627/1978)].

7 En vertu des articles 3 et 7, premier alinéa, point 3, de ladite loi, une retenue à la source de 19,5 % s'applique, sauf exceptions tirées, notamment, de l'application de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents (JO L 225, p. 6), aux dividendes qu'un fonds de pension non-résident perçoit en Finlande. Ce taux varie entre 15 % et 0 % en cas d'application d'une convention de prévention de la double imposition. La République de Finlande a conclu de telles conventions avec tous les États membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen (EEE), à l'exception de la République de Chypre et de la Principauté de Liechtenstein.

La procédure précontentieuse

8 Considérant le régime d'imposition finlandais comme étant discriminatoire à l'égard des dividendes versés à des fonds de pension non-résidents et, de ce fait, contraire à l'article 63 TFUE et à l'article 40 de l'accord EEE, la Commission a adressé à la République de Finlande, le 19 juillet 2007, une lettre de mise en demeure à laquelle celle-ci a répondu par courrier en date du 19 septembre 2007.

9 Le 23 septembre 2008, la Commission a adressé à cet État membre une lettre de mise en demeure complémentaire, à laquelle celui-ci a répondu par courrier du 20 novembre 2008.

10 Le 26 juin 2009, la Commission a émis un avis motivé auquel la République de Finlande a répondu le 25 août 2009.

11 N'étant pas satisfaite des explications fournies par ledit État membre, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

Sur la demande tendant à la réouverture de la procédure orale

12 Par acte déposé au greffe de la Cour le 3 septembre 2012, la République de Finlande a demandé à la Cour d'ordonner la réouverture de la procédure orale, en application de l'article 61 du règlement de procédure de la Cour. Selon cet État membre, les conclusions de Mme l'avocat général contiennent plusieurs affirmations erronées en ce qui concerne le contenu de la législation finlandaise qui fait l'objet du présent recours en manquement.

13 Il résulte de la jurisprudence de la Cour que cette dernière peut d'office ou sur proposition de l'avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, si elle considère qu'elle est insuffisamment éclairée ou que l'affaire doit être tranchée sur la base d'un argument qui n'a pas été débattu entre les parties (voir, notamment, arrêt du 16 décembre 2008, Cartesio, C-210/06, Rec. p. I-9641, point 46).

14 Or, le contenu de la législation finlandaise qui fait l'objet du présent recours en manquement a été discuté amplement devant la Cour par les parties, tant dans le cadre de la procédure écrite que lors de l'audience. Dans ces conditions, la Cour considère qu'elle dispose de tous les éléments nécessaires pour pouvoir statuer sur le recours dont elle est saisie.

15 Par ailleurs, il n'est pas allégué que la présente affaire doit être tranchée sur la base d'un argument qui n'aurait pas été débattu devant la Cour.

16 Par conséquent, il convient, l'avocat général entendu, de rejeter la demande de réouverture de la procédure orale.

Sur le recours

Sur la recevabilité

17 En se référant à l'arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Commission/Finlande (C-195/04, Rec. p. I-3351), la République de Finlande soutient que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d'une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même. Tel ne serait pas le cas en l'espèce, dès lors que l'objet précis de la requête ne peut être dégagé de son texte.

18 Toutefois, cet État membre considère, dans son mémoire en défense, le recours comme ayant pour objet la discrimination fiscale due au fait que les fonds de pension nationaux peuvent déduire des bénéfices distribués les montants visés aux articles 7 et 8, premier alinéa, point 10, de l'EVL, c'est-à-dire les engagements pris en matière de pension, alors qu'il est interdit aux fonds de pension établis dans d'autres États membres ou dans les pays de l'EEE membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE) de procéder à de telles déductions sur les bénéfices imputables à leurs investissements en Finlande.

19 Or, il ne ressort pas de la requête ou des mémoires de la Commission que le recours aurait un objet différent de celui décrit par la République de Finlande.

20 Il est certes vrai que, à titre secondaire, la Commission soutient que, dans le cadre de la retenue à la source, les fonds de pension non-résidents sont taxés sur le montant brut des dividendes qu'ils ont perçus et que même les frais dont il ne peut être contesté qu'ils sont directement liés au revenu en cause ne sont pas déductibles en Finlande par lesdits fonds de pension.

21 Comme le relève la République de Finlande, sans que la Commission le conteste, l'objet du recours ne concerne cependant aucune autre déductibilité que celle liée aux engagements pris en matière de pension, prévue aux articles 7 et 8, premier alinéa, point 10, de l'EVL.

22 Dans ces conditions, la thèse de la République de Finlande selon laquelle l'objet du litige n'a pas été défini d'une façon suffisamment précise par la Commission ne saurait être accueillie.

23 Il s'ensuit que le recours est recevable.

Sur le fond

24 La Commission reconnaît que son recours concerne uniquement les fonds de pension établis dans les États membres de l'Union ou dans les pays membres de l'AELE avec lesquels la République de Finlande a conclu une convention relative à l'échange d'informations. Elle fait valoir que la circonstance que la République de Finlande exonère de fait de l'impôt les dividendes perçus par les fonds de pension résidents, alors que les dividendes de même nature versés à des fonds de pension non-résidents sont quant à eux imposés, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux.

25 La Commission fait observer que les fonds de pension résidents, tout en étant, s'agissant des dividendes qu'ils ont perçus, soumis à un taux d'imposition s'élevant à 19,5 %, sont en effet autorisés à déduire fiscalement, sur la base des articles 7 et 8, premier alinéa, point 10, de l'EVL, les montants provisionnés en vue de faire face à leurs engagements en matière de pensions, ce qui aboutirait, en fait, à une exonération d'impôt desdits dividendes.

26 En revanche, les dividendes perçus par les fonds de pension non-résidents seraient soumis à un taux d'imposition de 15 % ou moins, conformément aux conventions préventives de la double imposition, ou à un taux d'imposition de 19,5 %, conformément à la législation fiscale nationale, sans que la possibilité leur soit accordée par la République de Finlande de déduire fiscalement ces mêmes montants provisionnés, alors que la législation de cet État membre considérerait ceux-ci comme des dépenses directement liées au revenu en cause.

27 La République de Finlande et les parties intervenantes contestent l'existence d'une discrimination au détriment des fonds de pension non-résidents, constitutive d'une violation de l'article 63 TFUE et de l'article 40 de l'accord EEE, essentiellement au motif que la différence d'imposition des dividendes versés à des fonds de pension résidents et non-résidents se rapporte à des situations qui ne sont pas objectivement comparables.

28 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante, les mesures interdites par l'article 63, paragraphe 1, TFUE, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d'en faire dans d'autres États (voir, notamment, arrêts du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C-436/08 et C-437/08, non encore publié au Recueil, point 50, ainsi que du 6 octobre 2011, Commission/Portugal, C-493/09, non encore publié au Recueil, point 28).

29 S'agissant de la réglementation nationale en cause, la Commission soutient que la possibilité, ouverte aux seuls fonds de pension résidents, de déduire fiscalement, au titre des articles 7 et 8, premier alinéa, point 10, de l'EVL, les montants provisionnés en vue de faire face à leurs engagements en matière de pensions implique qu'une base d'imposition particulière est appliquée à ces sociétés, entraînant une exonération effective de l'impôt au profit de ces seuls fonds de pension résidents. En effet, en pratique, l'ensemble des revenus générés par lesdits fonds de pension serait naturellement orienté vers cet objectif.

30 La République de Finlande ne conteste pas les affirmations de la Commission, appuyées, par ailleurs, par des exemples concrets, selon lesquelles les fonds de pension résidents ne génèrent pratiquement pas de revenus imposables. Elle émet cependant des doutes quant au fait que cette situation est due à la possibilité pour les fonds de pension résidents de déduire fiscalement, sur la base des articles 7 et 8, premier alinéa, point 10, de l'EVL, les montants provisionnés en vue de faire face à leurs engagements en matière de pensions.

31 Toutefois, interrogée à ce sujet à l'audience, la République de Finlande n'a pas pu démontrer que cette situation de quasi-absence de revenus imposables dans le chef des fonds de pension résidents s'expliquerait autrement que par la déductibilité de ces provisions. En particulier, il n'apparaît pas que "toutes sortes d'autres déductions" liées à leur activité, auxquelles s'est référée la République de Finlande sans plus de précision, puissent être à elles seules à l'origine de cette situation.

32 Alors que les dividendes perçus par les fonds de pension résidents s'avèrent donc, en pratique, exonérés ou quasi exonérés d'impôt sur les revenus par l'effet desdites dispositions de la législation nationale en cause, les dividendes perçus par les fonds de pension non-résidents sont, en revanche, soumis à un taux d'imposition de 19,5 % en vertu de cette même législation nationale, ou de 15 % ou moins en vertu des conventions préventives de la double imposition conclues par la République de Finlande.

33 Or, un tel traitement désavantageux des dividendes versés aux fonds de pension non-résidents, par rapport à celui réservé aux dividendes versés à des fonds de pension résidents, est susceptible de dissuader les sociétés établies dans un État membre autre que la République de Finlande de procéder à des investissements dans ce dernier et constitue, par conséquent, une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l'article 63 TFUE (voir arrêt du 8 novembre 2007, Amurta, C-379/05, Rec. p. I-9569, point 28).

34 Contrairement à ce que suggèrent la République française et le Royaume-Uni, il ne saurait être considéré que ce traitement désavantageux est neutralisé par les conventions préventives de la double imposition conclues par la République de Finlande. En effet, il est nécessaire à cette fin que l'application d'une telle convention permette de compenser les effets de la différence de traitement issue de la législation nationale (arrêt du 20 octobre 2011, Commission/Allemagne, C-284/09, non encore publié au Recueil, point 63 et jurisprudence citée). Or, ainsi qu'il ressort des explications fournies sur ce point à l'audience par la République de Finlande, cet État membre n'a conclu que trois conventions prévoyant un taux d'imposition des dividendes de 0 %, la plupart des autres conventions prévoyant un taux de 15 %.

35 Pour qu'un tel traitement désavantageux soit compatible avec les dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des capitaux, il faut qu'il concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu'il soit justifié par une raison impérieuse d'intérêt général (voir, notamment, arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, Rec. p. I-11753, point 167, et du 18 décembre 2007, Grønfeldt, C-436/06, Rec. p. I-12357, point 16).

36 S'agissant de la question de savoir si les situations en cause sont objectivement comparables, il y a lieu de rappeler que la comparabilité d'une situation transfrontalière avec une situation interne doit être examinée en tenant compte de l'objectif poursuivi par les dispositions nationales en cause (voir arrêts du 25 février 2010, X Holding, C-337/08, Rec. p. I-1215, point 22, et du 6 septembre 2012, Philips Electronics UK, C-18/11, non encore publié au Recueil, point 17).

37 En outre, il est de jurisprudence constante que, en ce qui concerne les dépenses, telles que des frais professionnels directement liés à une activité ayant généré des revenus imposables dans un État membre, les résidents et les non-résidents de ce dernier sont placés dans une situation comparable, de sorte qu'une réglementation dudit État qui refuse aux non-résidents, en matière d'imposition, la déduction de telles dépenses, accordée en revanche aux résidents, risque de jouer principalement au détriment des ressortissants d'autres États membres et comporte donc une discrimination indirecte selon la nationalité (arrêt du 31 mars 2011, Schröder, C-450/09, non encore publié au Recueil, point 40 et jurisprudence citée).

38 Selon la République de Finlande, appuyée sur ce point par les parties intervenantes, tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que la déduction des engagements pris en matière de pension, prévue aux articles 7 et 8, premier alinéa, point 10, de l'EVL, ne concerne pas des dépenses directement liées à une activité ayant généré des revenus imposables en Finlande.

39 La République de Finlande indique que cette déduction est liée à la nature de l'activité des organismes d'assurance pension, dans le cadre de laquelle les recettes sont perçues avant que les dépenses ne soient dues. La provision technique visée par cette disposition correspondrait à la valeur en capital des prestations à verser à la survenance de l'événement assuré sur la base des contrats en cours ainsi qu'aux sommes dues pour les événements assurés qui se sont déjà produits, c'est-à-dire aux réserves constituées par les organismes d'assurance pour le paiement des pensions futures. Selon cet État membre, la provision technique est fixée conformément aux règles nationales applicables. Toute augmentation de cette provision technique survenue pendant l'exercice serait fiscalement déductible et toute diminution de cette provision serait considérée comme une recette imposable.

40 Il s'ensuit, selon la République de Finlande, que l'augmentation de la provision pour les pensions est une dépense liée à l'ensemble de l'activité du fonds de pension, de sorte qu'il n'y a pas de lien direct, au sens de la jurisprudence de la Cour, avec le dividende perçu par le fonds de pension.

41 À cet égard, il suffit de constater que, dans la législation nationale en cause et, en particulier, aux articles 7 et 8, premier alinéa, point 10, de l'EVL, le législateur national assimile explicitement les montants provisionnés en vue de faire face aux engagements en matière de pensions, à des "dépenses [...] exposées pour acquérir ou conserver le revenu d'une activité économique". Il crée ainsi un lien direct entre ces montants et l'activité des organismes d'assurance pension générant des revenus imposables et les rend lui-même indissociables.

42 Ainsi, ce lien direct entre dépense et revenu imposable découle de la technique d'assimilation même choisie par le législateur finlandais, parmi d'autres techniques possibles, telle qu'une exonération pure et simple d'impôt, afin de tenir compte de la finalité spécifique des fonds de pension qui est d'accumuler des capitaux, par le biais d'investissements produisant, notamment, un revenu sous la forme de dividendes, afin de faire face à leurs obligations futures au titre de contrats d'assurance.

43 Dès lors que cette finalité spécifique est de nature à être également celle des fonds de pension non-résidents qui poursuivent la même activité, ces derniers se trouvent dans une situation objectivement comparable à celle des fonds de pension résidents s'agissant des dividendes de source finlandaise.

44 Par ailleurs, il ne saurait être considéré, contrairement à ce que font valoir le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Suède, que les fonds de pension résidents et non-résidents se trouvent dans une situation différente au seul motif que les dividendes versés à ces derniers sont soumis à une retenue à la source. En effet, la législation nationale en cause ne se limite pas à prévoir des modalités de perception de l'impôt différentes en fonction du lieu de résidence du bénéficiaire des dividendes d'origine nationale, mais elle prévoit, en réalité, une imposition desdits dividendes dans le chef des seuls fonds de pension non-résidents (voir, par analogie, arrêt du 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC e.a., C-338/11 à C-347/11, non encore publié au Recueil, point 43).

45 S'agissant de la question de savoir si la législation nationale en cause est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, la République de Finlande, appuyée par le Royaume de Danemark, par la République française, par le Royaume des Pays-Bas et par le Royaume de Suède, se réfère au principe de territorialité qui constituerait une telle raison impérieuse et dont il résulterait que l'assiette de l'impôt des contribuables non-résidents dans un État membre est fixée en ne tenant compte que des bénéfices et des pertes qui proviennent de leurs activités dans cet État.

46 Cet argument correspond, pour l'essentiel, à celui, repris au point 38 du présent arrêt, selon lequel les fonds de pension résidents et non-résidents ne se trouvent pas dans une situation objectivement comparable, dès lors que la déduction des engagements pris en matière de pension ne concerne pas des dépenses directement liées à une activité ayant généré des revenus imposables en Finlande par un fonds de pension non-résident.

47 Or, pour les motifs retenus aux points 41 à 44 du présent arrêt, un tel argument ne saurait être accueilli.

48 La République de Finlande fait également valoir que la différence de traitement entre les fonds de pension résidents et non-résidents est justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du système fiscal. Elle relève que les actions ne rapportent pas seulement des dividendes, mais sont également susceptibles de générer une plus-value. En pratique, un fonds de pension non-résident ne paierait pas d'impôt en Finlande sur la plus-value des actions de sociétés finlandaises cotées en bourse dont il est propriétaire. Il serait logique qu'il n'ait pas la possibilité de déduire d'une partie du produit de ces actions, c'est-à-dire du dividende, des frais se rapportant à l'ensemble des actions.

49 Or, pour qu'un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, il faut que soit établie l'existence d'un lien direct entre l'avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé (voir, notamment, arrêt du 6 septembre 2012, DI. VI. Finanziaria di Diego della Valle & C., C-380/11, non encore publié au Recueil, point 47 et jurisprudence citée).

50 Toutefois, ainsi que l'observe la Commission sans être contredite sur ce point par la République de Finlande, pour ce qui concerne les fonds de pension résidents, les plus-values, comme les dividendes, sont utilisées pour augmenter les réserves et ne sont pas assujetties à l'impôt sur les revenus ou ne le sont que de façon très limitée. Dans ces conditions, la République de Finlande ne démontre pas que l'avantage fiscal octroyé aux fonds de pension résidents serait compensé par un prélèvement fiscal déterminé, justifiant ainsi une imposition des dividendes versés aux fonds de pension non-résidents.

51 Le Royaume des Pays-Bas fait encore valoir que la différence de traitement est justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du système fiscal, dès lors que la possibilité de déduire les engagements pris en matière de pension a pour pendant que les prélèvements sur ces provisions sont imposables.

52 À cet égard, il suffit cependant de constater que la seule référence à une éventuelle imposition ultérieure des prestations versées par les fonds de pension aux bénéficiaires n'implique pas que l'existence d'un lien direct au sens de la jurisprudence citée au point 49 du présent arrêt soit démontrée à suffisance de droit (voir, en ce sens, arrêt Commission/Portugal, précité, point 37).

53 En ce qui concerne l'atteinte portée par le régime litigieux à l'article 40 de l'accord EEE, invoquée par la Commission, il convient de relever que, dans la mesure où les stipulations dudit article revêtent la même portée juridique que les dispositions, identiques en substance, de l'article 63 TFUE, l'ensemble des considérations qui précèdent est, dans des circonstances telles que celles du présent recours, transposable mutatis mutandis audit article 40 (voir arrêt du 1er décembre 2011, Commission/Belgique, C-250/08, non encore publié au Recueil, point 83 et jurisprudence citée).

54 Par conséquent, il convient de constater que, en instaurant et en maintenant en vigueur un régime d'imposition discriminatoire sur les dividendes versés aux fonds de pension non-résidents, la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 63 TFUE et de l'article 40 de l'accord EEE.

Sur les dépens

55 Aux termes de l'article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Finlande et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

56 En application de l'article 140, paragraphe 1, de ce même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Royaume de Danemark, la République française, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni supporteront par conséquent leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

1) En instaurant et en maintenant en vigueur un régime d'imposition discriminatoire sur les dividendes versés aux fonds de pension non-résidents, la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 63 TFUE et de l'article 40 de l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992.

2) La République de Finlande supporte ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3) Le Royaume de Danemark, la République française, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.