CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 20 septembre 2012, n° 10-14048
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Financo (SA)
Défendeur :
ID Ameublement, Morin (époux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lefèvre
Conseillers :
Mmes Leblanc, Lavau
Avocats :
Mes Haussmann, Bernabe, Ambault-Schleicher, Hardouin
Le 22 février 2010, M. René Morin et Mme Marie-Thérèse Bellego épouse Morin ont fait assigner la société ID Ameublement représentée par son liquidateur judiciaire en nullité du contrat de vente de meubles et du crédit souscrit le 10 décembre 2008 pour financer cet achat.
Par jugement du 25 mai 2010, le Tribunal d'instance de Paris (16ème arrondissement) a annulé ces deux contrats, estimant que la vente conclue après un démarchage téléphonique, ne respectait pas la législation relative au démarchage à domicile.
La société Financo a fait appel de cette décision, le 7 juillet 2010.
Par conclusions du 30 juillet 2010, la SA Financo demande à la cour, infirmant le jugement, de condamner solidairement M et Mme Morin à lui verser une somme de 3 483,68 euro avec intérêts contractuels au taux de 13.08 % outre la somme de 278,69 euro au titre de l'indemnité de résiliation.
Subsidiairement, dans l'hypothèse d'une annulation, elle sollicite la condamnation solidaire des intimés au paiement de la somme de 3 000 euro, montant de l'emprunt, de celle de 1 851 euro à titre de dommages et intérêts et correspondant au montant des gains dont elle a été privée. Enfin, elle réclame une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que les époux Morin se contentent d'affirmer qu'après un démarchage téléphonique, ils se sont rendus dans un hôtel où a eu lieu la vente. Elle prétend que les époux Morin qui ont été livrés, ont réitéré leur volonté d'acquérir ce qui a couvert la nullité qui n'est que relative. Elle en déduit qu'ils ne sont pas rétractés puis qu'ils ont attesté la livraison des meubles, le 26 décembre 2008, meubles qui sont restés en leur possession. Elle souligne que la vente est parfaite, que les appelants ont bien signé l'offre de crédit le 10 décembre 2008 puisqu'ils sont en possession d'un exemplaire de celle-ci. Elle explique qu'elle a libéré les fonds sur une attestation de livraison signée des acquéreurs, le 26 décembre 2008. Elle rappelle qu'ils jouissent des meubles sans avoir payé la moindre échéance. En cas de nullité, elle prétend qu'elle peut demander outre la restitution de son capital et l'indemnisation de sa privation de gain, faisant valoir qu'elle n'a commis aucune faute.
Le 26 août 2010, la société Financo a fait assigner Mme Bonnet en qualité de liquidatrice de la société ID Ameublement. Celle-ci n'a pas comparu.
Par conclusions du 13 mars 2012, M. et Mme Morin demandent à la cour de confirmer la décision critiquée et de débouter la SA Financo de l'intégralité de ses demandes. Subsidiairement, ils soutiennent la faute de la société de crédit, lui réclamant une somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts. Enfin, ils demandent le paiement d'une somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils exposent qu'après un démarchage par téléphone, ils se sont rendus dans un hôtel et ont acquis un canapé au prix de 3 000 euro, le 10 décembre 2008, mais qu'aucun bon de commande ni contrat de crédit ne leur a été remis ; qu'ils ont ensuite demandé vainement ces documents au vendeur, les courriers qu'ils ont adressés sur le lieu de vente et à son siège social étant restés sans réponse.
Ils ajoutent qu'ils ont obtenu ces documents de la SA Sofinco. Ils fondent leur demande sur les dispositions de l'article L. 121-21 al 2 du Code de la consommation, la commande ne comprend pas de bordereau de rétractation et ne reproduit pas les articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation, ce qui doit emporter la nullité de la vente et celle du prêt. A l'affirmation d'une vente en magasin, ils objectent que l'adresse du siège social du vendeur est celle d'une société de domiciliation à l'adresse d'un prestataire de service et que le cachet du magasin de Rosny figure frauduleusement sur leur bon de commande. Ils font valoir qu'il s'agit d'une nullité absolue et contestent la réitération de leur volonté rappelant qu'il bénéficiait d'un essai gratuit du canapé, pendant 6 mois. Ils invoquent leur courrier du 10 décembre 2008 adressé au vendeur au terme duquel ils se prévalaient de la nullité. Enfin, ils retiennent la faute de la société de crédit qui ne prouve pas avoir reçu l'attestation d'exécution signée d'eux pour débloquer les fonds.
Par conclusions du 29 mars 2012, la société Financo demande le rejet des débats de ces conclusions faisant valoir qu'elles n'ont pas été déposées dans le délai fixé par le conseiller de la mise en état (le 28 février) et violent le principe du contradictoire par leur caractère tardif, qui ne lui a pas permis de répondre.
Par conclusions du 14 juin 2012, les époux Morin rappellent que la clôture était prévue pour le 29 mars 2012 et que la société Financo n'a pas sollicité de report de clôture pour répondre à leurs dernières écritures.
Motifs
Considérant que si le conseiller de la mise en état avait donné aux appelants un délai pour conclure, la tardiveté de leurs écritures au regard de celui-ci n'a pas été sanctionnée et la clôture est intervenue quinze jours après leur dépôt, délai suffisant pour y répondre, la SA Sofinco ne disant nullement qu'elle n'aurait pas été en mesure d'y répliquer ni même d'ailleurs qu'elle entendait le faire ; que dès lors, en l'absence de violation du principe du contradictoire, les écritures prises dans l'intérêt des époux Morin sont recevables ;
Considérant que les époux Morin ne font qu'affirmer que la vente a eu lieu dans un hôtel, qu'ils ne produisent aucune pièce probante au soutien de cette allégation, ne faisant que reprendre les termes de leur courrier de dénonciation auprès du service de la répression des fraudes ;
Que dès lors, rien ne vient démentir les mentions du bon de commande d'une vente réalisée dans un magasin de vente à Rosny, commune proche de leur domicile ; que dès lors, le premier juge ne pouvait pas annuler la vente au motif d'une violation de la législation relative aux ventes à domicile ;
Considérant que les époux Morin soutiennent également la nullité des contrats au motif d'une absence de remise des documents contractuels, or le consensualisme qui préside à la conclusion du contrat de vente exclut une telle sanction, le contrat de crédit n'étant pas plus susceptible d'annulation, l'absence de remise d'une offre étant sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, qui n'est pas sollicitée ; que dès lors, à la supposer établie l'absence de remise des documents contractuels ne pourrait pas emporter la nullité sollicitée ;
Considérant en revanche et ainsi qu'il est rappelé aux conditions générales de l'offre préalable de crédit, les obligations des emprunteurs à l'encontre de la SA Sofinco ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien (c'est à dire le transfert de sa propriété aux acquéreurs) or la seconde page de la pièce 3 de cette société (intitulé facture dans sa partie haute et bon de livraison dans sa partie basse) comprend l'indication que le bien livré fait l'objet '6 mois gratuit à la maison suivi de juillet 2009", ce qui permet de conclure qu'il s'agit d'une vente à l'essai au sens de l'article 1588 du Code civil, qui n'emporte pas transfert de la propriété de la chose même si elle est remise à l'acheteur ; que dès lors aucune livraison ne pouvait être constatée avant que l'expiration du délai et la déclaration des époux Morin qu'il était satisfaisant ;
Qu'en outre, si le bon de commande qui est signé par les époux Morin (la première page de la pièce 3) porte la mention livré et installé, cette mention ne fait que préciser que ces prestations sont à la charge du vendeur, le bon de livraison (la seconde partie de la page 2 de la pièce 3 de la SA Sofinco) n'est pas signé par ces derniers ;
Que la cour ne peut donc que constater que la SA Sofinco a imprudemment remis les fonds au vendeur - bien qu'elle ait en main les documents précités- et ce, avant que les époux Morin ne soient propriétaires du bien, attestent de sa délivrance ou qu'ils aient déclaré l'essai satisfaisant ; que dès lors, ceux-ci ne sont tenus à aucune obligation à son encontre ;
Que dès lors, il convient de rejeter la demande de l'organisme préteur, étant relevé que la cour n'a pas à examiner les demandes indemnitaires des époux Morin présentées à titre subsidiaire ;
Considérant enfin que la SA Sofinco qui succombe doit être seule condamnée aux dépens, et en équité devra rembourser les frais irrépétibles des appelants dans la limite de la somme de 1 500 euro ;
Par ces motifs : LA COUR, Rejette la demande de la SA Sofinco de voir constater l'irrecevabilité des dernières écritures des époux Morin ; Infirme le jugement entrepris ; Rejette la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit ; Déboute la SA Sofinco de sa demande en paiement ; Condamne la SA Sofinco à payer aux époux Morin la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SA Sofinco aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.