CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 6 novembre 2012, n° 11-20733
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Ineo Réseaux Sud-Ouest (SNC)
Défendeur :
Ministre de l'Economie et des Finances
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boyer
Avocats :
Mes Fisselier, Meyung Marchand
Par note du 9 août 2005, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a prescrit à M. Christian Michau, directeur régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'Aquitaine, une enquête relative à la recherche de pratiques anticoncurrentielles susceptibles d'être relevées dans le secteur de l'électrification rurale dans les régions Midi-Pyrénées, Auvergne et Languedoc-Roussillon.
En application de cette note et par requête du 5 septembre 2005, M. Christian Michau a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Rodez, dans les conditions prévues à l'article L. 450-4 du Code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur, d'une demande d'autorisation de visites et de saisies dans les locaux de onze sociétés précisément identifiées ayant leur siège dans les départements de l'Aveyron, de la Lozère, de l'Hérault, du Cantal et du Tarn, parmi lesquelles la société Ineo Réseaux Sud-Ouest, à ce jour établie à Colomiers (Haute-Garonne).
Par ordonnance du 7 octobre 2005, M. Xavier Puel, juge des libertés et de la détention au Tribunal de grande instance de Rodez, a fait droit à cette requête et a autorisé M. Christian Michau à procéder ou faire procéder aux visites et aux saisies prévues par l'article L. 450-4 du Code de commerce dans les locaux des sociétés en cause, a désigné les officiers de police judiciaire appelés à assister aux opérations et à le tenir informé de leur déroulement et a délivré commission rogatoire aux juges des libertés et de la détention des Tribunaux de Millau, Castres, Aurillac, Mende et Montpellier, pour exercer le contrôle des opérations dans les ressorts respectifs des tribunaux de leur siège.
Les opérations se sont déroulées le 20 octobre 2005.
L'enquête a donné lieu à un rapport administratif transmis le 15 décembre 2006 au Conseil de la concurrence et, par décision 11-D-13 du 5 octobre 2011, l'Autorité de la concurrence a, sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce, prononcé des sanctions à l'encontre de dix sociétés, parmi lesquelles la société Ineo Réseaux Sud-Ouest.
Cette dernière a formé contre cette décision, le 10 novembre 2011, un recours en annulation et réformation au fond devant la Cour d'appel de Paris, par application de l'article L. 464-8 du Code de commerce.
Elle a introduit le même jour, par application des dispositions transitoires prévues par l'article 5-IV alinéa 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, un recours en contestation de l'autorisation de visites et saisies délivrée le 7 octobre 2005.
Appelée à l'audience du 5 juin 2012, et le représentant du ministre chargé de l'Economie ayant indiqué n'avoir pas eu connaissance des dernières conclusions de la société requérante opposant notamment un moyen d'irrecevabilité aux observations déposées par le ministre le 6 avril 2012, l'affaire a été contradictoirement renvoyée à l'audience du 2 octobre 2012.
Par conclusions en date du 24 septembre 2012, la société Ineo Réseaux Sud-Ouest nous demande :
- de déclarer irrecevables les observations des 6 avril et 3 juillet 2012 du ministre de l'Economie et des Finances en ce qu'elles sont adressées au Premier président de la cour d'appel,
- à titre principal, de dire et juger l'autorisation déférée disproportionnée et contraire aux articles 1349 du Code civil et L. 450-4 du Code de commerce, en ce qu'elle vise à rechercher des preuves de pratiques prohibées dans les marchés de seize départements autres que l'Aveyron en l'absence de toute pièce produite par le requérant relativement à ces marchés et permettant d'y présumer des pratiques prohibées,
- d'annuler en conséquence les opérations de visites et de saisies en ce qu'elles ont porté sur la recherche de preuves sur d'autres marchés que ceux de l'Aveyron et d'ordonner le retrait de toute pièce relative à ces marchés - et tout document se référant à ces pièces - du dossier de l'Autorité de la concurrence,
- à titre subsidiaire, de dire que l'ordonnance rendue le 7 octobre 2005 est contraire aux dispositions des articles 6, §1, 3.c, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, au triple motif qu'elle n'a pas prévu le droit à l'assistance d'un avocat, ni indiqué l'accès au juge en vue de faire suspendre ou arrêter les opérations de visites et de saisies et que les opérations opérées dans les locaux d'entreprises tierces ne pouvaient faire l'objet d'un recours effectif,
- d'annuler, par conséquent, ladite ordonnance et d'ordonner le retrait des pièces saisies,
- en tout état de cause, de condamner le requérant aux entiers dépens,
Par conclusions du 3 juillet 2012 et du 1er octobre 2012 le ministre chargé de l'Economie nous demande :
- de déclarer ses observations recevables,
- de dire que le champ de l'ordonnance principale ne comporte pas d'objet général et indéterminé et qu'il satisfait au principe de proportionnalité au regard des droits et libertés fondamentaux et des indices relevés par l'Administration,
- de dire que l'ordonnance est conforme à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme,
- de dire et juger mal fondée la société Ineo Réseaux Sud-Ouest dans toutes ses demandes, de l'en débouter et de déclarer régulière l'ordonnance déférée.
Sur ce
Sur la recevabilité des conclusions du ministre chargé de l'Economie
La société Ineo Réseaux Sud-Ouest soutient que les observations des 6 avril et 3 juillet 2012 du ministre de l'Economie et des Finances seraient irrecevables pour avoir été adressées au Premier président de la cour d'appel, lequel ne serait ni compétent ni saisi à l'effet d'examiner son recours en contestation, lequel a été formé par application de l'article 5-IV de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 qui dispose que ce recours est "ouvert devant la Cour d'appel de Paris saisie dans le cadre de l'article L. 464-8 du Code de commerce".
Ce moyen est mal fondé.
En effet, l'ordonnance du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence a ouvert un recours au fond contre les ordonnances du juge des libertés et de la détention autorisant les visites domiciliaires et les saisies en matière de concurrence et prévu (article 1, 3° de l'ordonnance, sixième alinéa de l'article L. 450-4 nouveau du Code de commerce) que ce recours s'exerce devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure.
Elle a entendu, au titre des mesures transitoires, faire bénéficier les parties concernées de cette voie de recours lorsqu'un pourvoi contre l'ordonnance d'autorisation était pendant devant la Cour de cassation et dans tous les cas où la Cour d'appel de Paris, saisie d'un recours annulation ou réformation d'une décision de l'Autorité de la concurrence, ne s'était pas prononcée par une décision devenue irrévocable à la date de publication de l'ordonnance - qu'elle n'ait pas rendu de décision à cette date ou qu'un pourvoi contre sa décision soit encore pendant devant la Cour de cassation.
Dans aucune de ces hypothèses d'ouverture à recours, au titre des dispositions transitoires, il n'est dérogé à la compétence exclusive du premier président de la cour d'appel comme seule autorité appelée à connaître, en application de l'article L. 450-4 dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 novembre 2008, des recours formés contre les ordonnances du juge des libertés et de la détention en cette matière.
La référence faite par l'article 5- IV de ce texte "à la Cour d'appel de Paris saisie dans le cadre de l'article L. 464-8 du Code de commerce" a pour seul objet de préciser que le recours ouvert au bénéfice des parties qui auraient interjeté appel des décisions de sanction prononcées par l'Autorité de la concurrence, s'exerce, non devant le premier président de la cour dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure mais devant le premier président de la juridiction d'appel des décisions de l'Autorité de la concurrence, soit le premier président de la Cour d'appel de Paris, de sorte que les conclusions du ministre chargé de l'Economie, adressées à la seule juridiction compétente, sont parfaitement recevables.
Sur la proportionnalité des opérations autorisées relativement à la délimitation géographique du champ des investigations
La société Ineo Réseaux Sud-Ouest ne conteste pas l'identification précise du secteur d'activité visé par l'ordonnance déférée (celui des marchés de travaux d'électrification rurale) et ne formule aucun grief relativement au nombre de sociétés visées par l'autorisation délivrée (onze entreprises) mais soutient qu'en l'état des pièces produites par l'administration requérante, qui ne concernaient que deux marchés dans l'Aveyron, l'autorisation délivrée ne pouvait être étendue à la recherche de preuves d'une entente sur trois régions, soit dix-sept départements.
Le ministre chargé de l'Economie fait pour l'essentiel valoir que les sept indices présentés par l'Administration au juge permettaient de présumer l'existence de pratiques d'entente sur les marchés de travaux d'électrification rurale, dont la preuve était précisément recherchée, non seulement sur le département de l'Aveyron qui constituait le marché de référence, mais aussi, compte tenu de l'établissement du siège social des entreprises soumissionnaires et des présomptions de contrepartie qui s'évinçaient des indices rapportés, dans les autres zones rurales des régions limitrophes.
L'article L. 450-4 du Code de commerce prescrit au juge de vérifier que la demande d'autorisation, qui doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite, est fondée. Ce texte précise que, lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV dudit code, la demande d'autorisation peut ne comporter que des indices permettant de présumer l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée.
L'autorisation de visites et de saisies vise, en l'espèce, les agissements entrant dans le champ des pratiques prohibées par les points 2 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce relativement aux marchés de l'électrification rurale dans les régions Midi-Pyrénées, Auvergne et Languedoc-Roussillon.
Le sérieux des indices soumis au premier juge n'est pas discuté.
Il en résultait pour l'essentiel :
- que deux appels d'offres ont été lancés les 6 janvier 2003 et 22 octobre 2004 par le syndicat intercommunal d'électrification du département de l'Aveyron (Sieda),
- que s'agissant du premier appel d'offre concernant un marché par lots de travaux de renforcements et d'aménagements du réseau distribution publique d'électricité, le niveau des offres moins-disantes pour sept des huit lots concernés se situait en moyenne à + 5 % par rapport aux prix établis par le Sieda tandis qu'une société, l'entreprise Chavanier, établie dans le Cantal, présentait une offre pour le lot n° 1 de - 15 % ; que ce lot lui fut attribué avant qu'elle n'elle ne retire son offre cependant qu'une société Engelvin, établie en Lozère, et dont le pli n'avait pas été ouvert au motif de références insuffisantes, a déposé plainte en indiquant que des sociétés aveyronnaises auraient tenté de la dissuader de soumissionner ; qu'ensuite de la défaillance de la société Chavanier, le lot n° 1 a fait l'objet d'un nouvel appel d'offres, auquel la société Engelvin a soumissionné en faisant une proposition moins-disante à - 11 %, qu'elle a justifiée par la suffisance de la marge qu'elle escomptait de ce marché, avant de se voir attribuer ce lot ; qu'en définitive seuls trois lots sur les huit concernés ont changé de titulaire,
- que s'agissant du deuxième appel d'offres relatif à un marché de travaux d'extension des réseaux de distribution électrique (9 lots) lancé sous la forme d'un rabais par rapport à une série de prix établie par le Seida majorés de 10 % au regard du bordereau de prix de la tranche précédente (2002), le taux moyen des offres moins-disantes s'est situé à + 13,3 % du prix proposé avec des niveaux de prix compris entre + 11,5 % et + 21 % ; que la consultation a été déclarée infructueuse, un marché négocié ayant alors été lancé à l'issue duquel les prix proposés se situaient à des taux variant de + 9,5 % à + 12,4 %, les remises consenties par les entreprises durant la période de négociation, comprises entre à 0,8 % et 3,5 %, n'ayant conduit à aucun changement de titulaires des lots par rapport au marché du programme antérieur.
C'est donc par un exacte appréciation de la situation que le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Rodez a tiré de l'ensemble de ces éléments des indices suffisants laissant présumer, en particulier, l'existence de pratiques concertées, au sens du point 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce, et celle de la pratique prohibée par le point 2 du même texte consistant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence, et une implication dans cette entente des onze sociétés ayant soumissionné à ces deux marchés, de nature à justifier une mesure de visite et de saisie dans leurs locaux.
S'agissant du champ géographique de l'autorisation délivrée, les entreprises en cause avaient leur siège social dans les départements de l'Aveyron, de la Lozère, de l'Hérault, du Cantal et du Tarn, soit dans les régions de Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Auvergne.
Toutes pouvaient soumissionner à des marchés situés hors le département de leur siège - comme les circonstances de l'espèce l'attestent -, l'une d'entre elles, établie en Lozère, ayant de surcroît porté plainte pour avoir, selon ses dires, été dissuadée de le faire dans le département de l'Aveyron tandis qu'une autre, établie dans le Cantal, avait retiré, impromptu, l'offre moins-disante de beaucoup qui avait pourtant été retenue dans un autre département.
Il résulte dès lors des circonstances de l'espèce que c'est sans manquer au principe de proportion qui doit commander la mesure ordonnée au regard des indices présentés par l'Administration et de l'objectif poursuivi, que l'autorisation délivrée a visé, s'agissant d'une présomption d'entente organisée à l'échelon inter-régional supposant une répartition illicite des parts ou des mécanismes de compensation réciproques, non seulement les marchés d'électrification rurale du département de l'Aveyron mais aussi ceux auxquels les mêmes entreprises pouvaient soumissionner dans les régions limitrophes, où l'une ou l'autre d'entre elles a son siège.
Aussi, le moyen soulevé sera-t-il rejeté.
Sur les moyens tirés de la non-conventionalité de l'ordonnance en cause
Tout en précisant ne contester ni la procédure de recours en contestation des autorisations de visites et saisies ouverte par l'article 5-IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008 ni le déroulement des opérations de visites et saisies intervenues en l'espèce (p. 13, 2e paragraphe de son mémoire en réplique n° 2 du 24 septembre 2012), la société Ineo Réseaux Sud-Ouest poursuit la nullité de l'ordonnance déférée à deux motifs tirés de sa non-conformité aux exigences du procès équitable telles qu'elles résultent de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme.
A supposer même ces moyens de nullité recevables alors qu'ils ne sont présentés qu'à titre subsidiaire et non pas avant tout débat au fond, et sans qu'il soit indispensable de rouvrir les débats sur ce point :
1 - La requérante soutient d'abord qu'en ne prévoyant pas l'assistance d'un avocat et en ne mentionnant pas davantage la possibilité de saisir le juge au cours des opérations en vue d'en faire suspendre ou d'en arrêter le cours, l'ordonnance en cause n'a pas satisfait aux garanties essentielles d'un procès équitable, lesquelles doivent trouver à s'appliquer, s'agissant d'une matière à caractère pénal, dès la phase préliminaire de l'enquête.
Elle invoque à cet égard l'arrêt Ravon c/ France de la Cour européenne en date du 21 février 2008, les décisions dans l'ordre interne et européen relatives à l'assistance d'un avocat durant les mesures de garde à vue et les modifications ultérieures de la législation en matière de concurrence dans l'ordre interne.
La Cour européenne a jugé, par ses arrêts Ravon du 21 février 2008 puis Canal Plus et Primagaz du 21 décembre 2010, qu'en matière de visite domiciliaire, les personnes concernées devaient pouvoir obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la décision prescrivant la visite, en procédant à une analyse globale de la législation qui lui était soumise dont elle a souligné les insuffisances à cet égard, lesquelles ont conduit à organiser un nouveau recours contre la décision d'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention, précisément mis en œuvre par la requérante dans la présente instance.
Il ne résultait pas des décisions invoquées que l'assistance d'un avocat dès notification de l'autorisation de visite et saisie fût de principe, comme elle l'est en matière pénale dès le début d'une mesure de garde à vue. Cette exigence est alors en effet commandée, aux termes mêmes des décisions de la Cour européenne, par la nature de la mesure de coercition en cause et la circonstance que les interrogatoires de la personne concernée peuvent se révéler décisifs pour la suite de la procédure pénale. Il sera relevé en outre que, même en cette matière, il n'est nullement exigé que les opérations de perquisitions et de saisies se déroulent en présence de l'avocat de la personne concernée.
La législation alors en vigueur en matière de recherche d'infractions au droit de la concurrence ne permettait pas aux enquêteurs habilités de procéder à des auditions ou de recueillir des informations ou explications utiles aux besoins de l'enquête, comme les y autorise désormais l'article L. 450-4 du Code de commerce dans sa rédaction modifiée, de sorte que la nature des opérations en cause, précisément autorisées par le juge, se déroulant sous son contrôle, en présence d'officiers de police judiciaire chargés de lui en rendre compte, et au cours desquelles aucune déclaration autre que spontanée ne pouvait être recueillie par les enquêteurs, n'imposait pas, en tant que telle, que la personne concernée fût informée de son droit d'être assistée par un conseil lors de leur déroulement.
Il ne saurait s'évincer, par ailleurs, des garanties nouvelles apportées par une législation que son état antérieur méconnaissait nécessairement des droits ou libertés fondamentaux.
Il en est de même, s'agissant de l'absence d'indication que le juge ayant autorisé la mesure peut être saisi à tout moment aux fins de faire suspendre ou arrêter les opérations, la législation alors en vigueur n'imposant pas qu'il soit fait mention sur l'ordonnance de cette faculté, laquelle résultait des termes mêmes de la loi.
Il sera relevé enfin qu'en soulignant ne pas discuter à l'occasion de la présente instance le déroulement des opérations de visites et de saisies, en ne justifiant pas avoir saisi le juge d'un recours à cet égard, recours dont elle avait été précisément informée par les termes mêmes de l'ordonnance déférée, et en ne soutenant pas plus que le cours ou le résultat de ces opérations eût été différent en la présence d'un conseil, la requérante manque à rapporter la preuve qui lui incombe que la procédure alors conforme aux textes en vigueur et désormais complétée par le recours qu'elle exerce dans la cadre de la présente instance aurait effectivement méconnu les garanties qu'elle tenait de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme.
2. La requérante soutient que l'autorisation de visites et de saisies manquait encore aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, dans la double mesure où le recours contre le déroulement des opérations était, à l'époque des faits, porté devant le juge ayant délivré l'autorisation, et se trouvait enfermé dans des délais ne permettant pas de contester utilement les conditions d'obtention chez des tiers de pièces ultérieurement opposées à l'entreprise.
L'article L. 450-4 du Code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur disposait que le déroulement des opérations de visite ou saisie peut faire l'objet d'un recours auprès du juge les ayant autorisées dans un délai de deux mois qui court, pour les personnes occupant les lieux où ces opérations se sont déroulées, à compter de la notification de l'ordonnance et, pour les autres personnes mises en cause ultérieurement au moyen des pièces saisies au cours de ces opérations, à compter de la date à laquelle elles ont eu connaissance de l'existence de ces opérations et au plus tard à compter de la notification des griefs par le rapporteur général de l'autorité de régulation de la concurrence.
Le premier moyen tiré de l'absence d'impartialité du juge est inopérant, faute pour la société Ineo Réseaux Sud-Ouest de justifier qu'elle aurait effectivement exercé un tel recours, ce dont elle s'est abstenue alors qu'il lui était ouvert.
S'agissant du second moyen, il consiste en réalité à soutenir qu'une entreprise ayant fait l'objet d'une autorisation de visite domiciliaire devrait pouvoir invoquer l'irrégularité des opérations effectuées dans une entreprise tierce, alors que cette dernière n'aurait pas exercé le recours qui lui était ouvert. Mais le recours en déroulement étant personnel à chaque société, et les parties ayant la faculté de discuter la valeur des pièces qui leur sont opposées durant les instances en prononcé de sanctions, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme sera également rejeté.
La société Ineo Réseaux Sud-Ouest, partie succombante, sera condamnée aux dépens.
Par ces motifs : Déboutons la société Ineo Réseaux Sud-Ouest de ses demandes d'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Rodez, en date du 7 octobre 2005, Condamnons la société Ineo Réseaux Sud-Ouest aux dépens de la présente instance.