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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 7 novembre 2012, n° 09-00456

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Districar (SA)

Défendeur :

Solaris Bus & Coach (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vallens

Conseillers :

MM. Cuenot, Allard

Avocats :

Mes Boucon, Fehlmann, Samson

TGI Saverne, ch. com., du 6 janv. 2009

6 janvier 2009

Reprochant à la société de droit polonais Solaris Bus & Coach (Solaris) d'avoir brutalement rompu le contrat verbal d'importation exclusive qui les liait depuis le 11 août 2003 et d'avoir gravement manqué à ses obligations de fournisseur, la société Districar l'a, selon assignation du 9 mars 2007, attraite devant le Tribunal de grande instance de Saverne pour obtenir le paiement de 1 074 995,08 euro au titre de la mauvaise exécution de la convention et de 404 963,90 euro au titre de la rupture brutale.

Selon assignation du 19 avril 2007, la société Solaris a réclamé le paiement d'une somme de 511 432,05 euro représentant le solde du prix de trois autobus et de prestations de service après-vente.

La jonction des deux instances a été ordonnée.

Par jugement du 6 janvier 2009, le Tribunal de grande instance de Saverne a :

Sur la demande principale,

- débouté la société Districar de l'ensemble de ses prétentions,

Sur la demande reconventionnelle,

- dit que la société Districar était redevable d'une somme de 473 178,87 euro,

- dit que la société Solaris était redevable d'une somme de 23 540,82 euro,

- ordonné la compensation des créances,

- condamné en conséquence la société Districar à payer à la société Solaris la somme de 449 638,05 euro avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2007,

- débouté la société Solaris du surplus de sa demande,

- condamné la société Districar à payer à la société Solaris une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Districar aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Les premiers juges ont principalement retenu :

- que si les parties avaient indiscutablement été liées par un accord de distribution, l'exclusivité alléguée par la société Districar n'était pas établie ;

- que bien plus, l'absence d'accord sur l'exclusivité avait constitué le principal obstacle à la conclusion d'un contrat écrit ;

- qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la société Solaris tant en ce qui concerne sa politique tarifaire qu'en ce qui concerne sa mission d'assistance technique et administrative ;

- que si les parties entretenaient des relations commerciales suivies et stables, la société Solaris avait informé sa partenaire dès le mois de septembre 2004 de son intention de faire appel à plusieurs revendeurs, voire de créer sa propre filiale en France ;

- que le courrier en date du 31 mars 2006 par lequel la société Solaris avait informé sa partenaire de l'intervention de plusieurs vendeurs sur le marché français à compter du 1er avril 2006 n'avait pas entraîné une rupture brutale des relations commerciales, ni même une rupture proprement dite ;

- que la société Districar reconnaissait devoir le prix de trois autobus ;

- que l'intégralité du montant réclamé au titre des pièces détachées n'était pas due par la société Districar dès lors que certaines factures relevaient de garantie constructeur ;

- que la société Solaris devait rembourser à la société Districar les frais de recherches et de mise en application d'une cabine anti-agression, s'agissant d'une innovation technique conclue avec son accord et à son bénéfice.

Par déclaration reçue le 21 janvier 2009, la société Districar a interjeté appel de cette décision. La société Solaris a formé un appel incident.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 20 janvier 2012, la société Districar demande à la cour de :

Sur appel principal,

- infirmer le jugement entrepris ;

- condamner la société Solaris à lui payer, en réparation de la rupture brutale du contrat d'importation et d'une manière générale des relations commerciales établies, la somme de 1 919 667 euro ;

- condamner la société Solaris à lui payer, en raison de la mauvaise exécution de ses obligations, une somme de 1 074 995 euro ;

- prendre acte de ce que l'appelante reconnaît devoir à la société Solaris une somme de 432 763,20 euro au titre des trois bus livrés à la STAB de Bayonne et 40 415,67 euro au titre des pièces détachées ;

- dire que la société Solaris lui doit la somme de 37 302,48 euro ;

- condamner la société Solaris à lui payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2007 ;

- condamner la société Solaris à lui payer une somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Solaris aux dépens de première instance et d'appel ;

Sur appel incident,

- débouter la société Solaris de son appel incident ;

- condamner la société Solaris aux dépens de l'appel incident.

Au soutien de son appel, elle fait valoir en substance :

- qu'il a existé une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce depuis 2003 ;

- que la société Districar, qui a participé au processus de mise en conformité des autobus au marché français, a assuré le service après-vente et pris en charge les garanties constructeur, a été l'importateur exclusif des produits Solaris sur l'intégralité du territoire français ;

- qu'en l'avisant, selon télécopie adressée le 4 avril 2006, que son territoire serait désormais réduit à la région nord-est, la société Solaris a rompu quasi-totalement ses relations avec l'appelante ;

- que la société Solaris a ultérieurement notifié la rupture totale de leurs relations selon un courrier du 8 juin 2006 dans lequel elle témoignait de sa volonté de confier l'ensemble de l'activité à un autre distributeur ;

- que l'appelante n'avait aucun motif de soupçonner cette décision dès lors que la société Solaris avait confirmé son désir de collaboration en 2005 ;

- qu'elle n'avait commis aucune faute justifiant la rupture brutale des relations commerciales ;

- qu'elle n'avait notamment ni failli à son devoir de renseignement, ni tardé à transmettre les informations nécessaires à la constitution des dossiers d'appels d'offres ;

- qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis d'au moins deux ans en vertu du règlement d'exemption CE 1400-2002 en matière de distribution automobile ;

- qu'elle n'a pas commercialisé de produits concurrents après la rupture ;

- que la société Solaris a engagé sa responsabilité en violant les exigences de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

- que la société Solaris avait volontairement entravé l'activité de son distributeur et engagé sa responsabilité en pratiquant des prix non-compétitifs, incohérents et inadaptés au marché français, et en faisant preuve de graves carences de nature administrative et technique, caractérisées par une communication tardive des prix et son refus de participer à des appels d'offres ;

- que la mauvaise exécution par la société Solaris de ses obligations avait empêché l'appelante de concourir à des marchés portant sur 584 bus ;

- qu'il est possible de considérer que la société Districar aurait pu vendre 58 bus supplémentaires ;

- que la société Districar doit être indemnisée pour la marge brute perdue tant au titre des ventes d'autobus, que des pièces de rechange et de la main d'œuvre nécessitée par le service après-vente.

Selon conclusions remises le 23 décembre 2011, la société Solaris rétorque :

- que la concluante a toujours refusé de conclure un contrat de distribution exclusive ;

- que les relations n'ont concerné que des opérations précises de vente de bus, en dehors de tout contrat d'importation avec exclusivité ;

- qu'elle n'a pas rompu, même partiellement, ses relations avec la société Districar ;

- que par son fax du 31 mars 2006, elle a entendu concrétiser son projet de développement d'un réseau de distribution, déjà connu de l'appelante ;

- que la société Districar a continué à vendre des bus Solaris après la réception du fax, de surcroît en dehors de la zone concédée, et à préparer avec la concluante un appel d'offres ;

- que la concluante a vainement réitéré son offre de coopération par lettre du 12 mars 2007 ;

- qu'en tout état de cause, la société Districar ayant été avertie à maintes reprises de la volonté de la concluante de recourir à d'autres vendeurs, la décision litigieuse était parfaitement prévisible, et donc dénuée de brutalité et de soudaineté ;

- que la société Districar revendique un délai de préavis excessif au regard de la durée des relations commerciales ;

- que la société Districar, qui a coopéré avec la société Polskie Autobusy dès le mois de juin 2006, a été en mesure de se reconvertir rapidement ;

- que de toute manière, la société Districar a bénéficié d'un préavis suffisant puisque la concluante lui avait signifié dès le 1er trimestre 2005 une mesure qui n'a pris effet que l'année suivante ;

- qu'en tout état de cause, les fautes graves de la société Districar autorisaient la concluante à rompre les relations sans préavis ;

- que l'appelante n'a jamais entravé l'activité de la société Districar mais a toujours réagi avec diligence ;

- que les demandes indemnitaires de la société Districar sont injustifiées notamment en ce qu'elles reposent sur l'hypothèse de la vente de 58 véhicules supplémentaires, sur un préavis de deux ans et sur une marge calculée de façon incohérente ;

- que c'est à tort que les premiers juges ont débouté la société Solaris de sa demande en paiement des factures afférentes à la fourniture des pièces de rechange et admis la contestation du distributeur tenant à la garantie contractuelle et à des erreurs de livraison et retenu qu'elle devait prendre en charge des travaux de recherche et de développement d'une cabine anti-agression.

En conséquence, elle prie la cour de :

- rejeter l'appel principal ;

- recevoir son appel incident ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la concluante était débitrice d'un montant de 4 060 euro au titre de la facture n° 0606127 ;

- condamner la société Districar à lui payer la somme de 491 377,17 euro HT outre intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2007 ainsi que les pénalités de retard contractuelles ;

- condamner la société Districar au paiement de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 juin 2012.

SUR CE, LA COUR :

Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,

Attendu que la recevabilité de l'appel en la forme n'est pas discutée ;

Attendu qu'il est constant que la société Solaris a vendu à la société Districar les véhicules suivants :

- année 2003

5 revendus au client SMTD (Guesnain)

6 revendus au client STAB (Bayonne)

- année 2004

6 revendus au client STAB (Bayonne)

6 revendus au client TAN (Narbonne)

- année 2005

3 revendus au client Monts Jura Autocars (Lons le Saunier)

3 revendus au client SMTD (Guesnain)

5 revendus au client STAB (Bayonne)

- année 2006

8 revendus au client STU (Antibes)

3 revendus au client STAB (Bayonne) ;

Attendu qu'un désaccord persistant sur la nature que devaient avoir les relations entre les parties a interdit la conclusion des "contrats nécessaires" qu'avait envisagés la société Solaris dans sa lettre d'intention du 11 août 2003 ; qu'en effet, si la société Districar souhaitait conclure un contrat de distribution exclusive, la société Solaris entendait lui reconnaître le statut d'"intermédiaire de vente", rémunéré par des commissions ; que la seule convention signée réside dans un accord du 10 décembre 2003 ayant pour objet la ligne de crédit ouverte par la société Districar auprès de la Banque de développement des petites et moyennes entreprises pour honorer son obligation de paiement des autocars livrés ;

Attendu que les ventes précitées, qui se sont succédé sur une période de trois ans et ont porté sur des véhicules d'une valeur supérieure à 150 000 euro, ont caractérisé une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I du Code de commerce, en dépit de l'absence de tout accord-cadre préalable ;

Attendu que selon télécopie datée du 31 mars 2006, rédigée en langue allemande, la société Solaris a, selon la traduction non contestée soumise à la cour, informé sa partenaire qu'"à compter du 1er avril 2006, la société Negobus démarrerait son activité sur le territoire français en plus de la société Districar" ; qu'une carte de France représentant le secteur concédé à la société Districar, à savoir la zone nord-est de la France, a été annexée à ce courrier ;

Attendu que la réduction du secteur d'intervention de la société Districar à moins de vingt départements revenait à la priver d'une fraction substantielle de sa clientèle potentielle ; que le courrier du 31 mars 2006 équivalait à une rupture immédiate et partielle de la relation commerciale ;

Attendu que la circonstance que la société Solaris ait, à plusieurs reprises, déjà manifesté sa volonté de développer un réseau de distribution en France, puisqu'elle écrivait dans une télécopie du 14 septembre 2004 ne pas pouvoir "imaginer comment une personne pouvait s'occuper du pays avec 60 000 000 d'habitants" ou dans un courrier du 9 mars 2005 être convaincue "qu'un seul vendeur pour toute la France ce n'était pas assez", ne la dispensait pas de respecter un délai de prévenance dans la mise en œuvre de sa décision, compte tenu de ses implications pour la société Districar ;

Attendu que par un email du 8 juin 2006, la société Solaris, qui informait son distributeur qu'elle avait "commencé la coopération avec Dietrich Carebus pour le marché français", lui demandait de lui "écrire quelles étaient les offres valables encore aujourd'hui où Districar avait proposé les autobus Solaris Urbino aux clients français" ; que cette requête laissait entendre que le fabricant avait déjà confié le soin de distribuer ses véhicules sur l'ensemble du marché français à un nouveau partenaire, Dietrich Carebus, et équivalait à une notification voilée d'une rupture totale de la relation ;

Attendu que les termes dénués d'ambiguïté de ces courriers sur la nature des décisions prises interdisent à la société Solaris de soutenir qu'elle "n'a pas du tout rompu ses relations avec Districar, même partiellement, après le 31 mars 2006" ; que si la société Districar a passé commandé le 18 septembre 2006 de trois autobus Urbino 12, il n'est pas sérieusement contestable que ces véhicules, ainsi que le mentionne le bon de commande, relevaient de "la tranche conditionnelle du marché 2005" conclu pour l'agglomération de Bayonne puisque cette commande n'a été précédée d'aucune demande de prix, ni d'une consultation du fabricant ;

Attendu que jusqu'à un courrier du 12 mars 2007, dans lequel elle constatait que "depuis le 16.05.2006" la société Districar n'avait plus "demandé d'offres de prix concernant les autobus Solaris en vue de leur vente sur le marché français" et lui demandait de lui indiquer si elle "envisageait la poursuite de (leur) coopération", la société Solaris ne s'est, à aucun moment, étonnée de ne plus être consultée par la société Districar sur de nouveaux appels d'offre ; que cette absence d'activité était au contraire conforme à sa décision de redéployer son activité sur le territoire français ; que l'interrogation formulée dans le courrier précité du 12 mars 2007 traduisait en réalité une duplicité certaine puisque ce subit intérêt pour la poursuite d'un partenariat avec la société Solaris faisait suite à l'échec de ses projets de collaboration avec les sociétés Negobus et Dietrich Carebus ;

Attendu que la société Districar a pris acte de la décision de sa partenaire de rompre en cessant de concourir à des appels d'offre à compter du second trimestre 2006 ; que la circonstance que l'appelante ait promu une concurrente de la société Solaris, la société Polskie Autobusy, lors du salon "Transports publics" qui s'est tenu à Paris en juin 2006, ne saurait avoir pour effet d'exonérer la société Solaris ; que cette action au profit d'une nouvelle marque exprimait seulement sa résignation face à la décision de son ancien fournisseur et sa volonté de remédier dans l'urgence aux conséquences de la rupture ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la société Solaris a pris l'initiative d'une rupture brutale de la relation commerciale qu'elle avait établie avec la société Districar, au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Attendu que la société Solaris ne démontre pas que la société Districar s'était rendue coupable de fautes d'une gravité telle qu'une rupture immédiate des relations était nécessaire ; qu'à cet égard, il sera observé qu'il n'est pas prétendu que la société Districar était alors en retard dans le règlement des véhicules et pièces de rechange livrés et que la société Solaris ne formulait aucune critique à l'encontre de l'action de son distributeur dans ses correspondances des 31 mars et 8 juin 2006 ; que la société Districar était libre de fixer les prix de revente des autobus et de s'octroyer les marges qu'elle jugeait nécessaires à son développement ; que la brutalité n'ayant aucune justification, la société Solaris a engagé sa responsabilité envers son distributeur ;

Attendu que la société Districar ne démontre pas qu'un délai de préavis de deux ans serait imposé par les usages professionnels ; que si l'article 3 du règlement (CE) n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, vise un préavis de deux ans parmi les caractéristiques que doivent présenter certains accords verticaux pour bénéficier de l'exemption, il n'a pas vocation à fixer les modalités de rupture de toutes relations commerciales dans le secteur de la distribution des véhicules automobiles ;

Attendu qu'eu égard à l'ancienneté relative des relations commerciales, le préavis auquel pouvait prétendre la société Districar ne saurait être supérieur à 6 mois ;

Attendu qu'aucun accord-cadre n'a défini les obligations pesant sur la société Solaris ; que la société Districar ne se prévaut pas de fautes commises par son fournisseur lors de l'exécution des diverses ventes dont elle aurait eu à subir les conséquences dommageables ;

Attendu que le défaut de compétitivité des prix pratiqués par la société Solaris par rapport aux offres d'autres concurrents n'a eu en tant que tel aucun caractère fautif ; que la société Solaris ne s'est à aucun moment engagée sur une politique tarifaire dont l'inobservation aurait pu être jugée fautive ; que l'incapacité technique de la société Solaris à construire des véhicules répondant aux prescriptions de certains appels d'offre n'a pas davantage constitué une faute, le fabricant qui offrait une gamme de véhicules de série aux caractéristiques prédéterminées ne s'étant jamais engagé à adapter sa production aux exigences de tout client potentiel de la société Districar ; qu'enfin, le dossier ne révèle nullement que la société Solaris aurait fait preuve d'un retard particulier dans le traitement des dossiers techniques qui lui avaiet été soumis par la société Districar et qui aurait empêché celle-ci de participer à des appels d'offre ;

Attendu que le préjudice occasionné à l'appelante par la rupture brutale des relations commerciales correspond à la marge brute qu'elle aurait retirée durant la période de préavis de son activité de distribution des autobus de marque Solaris ;

Attendu que les statistiques des ventes effectivement réalisées, qu'il n'y a pas lieu de redresser en tenant compte des ventes que la société Districar aurait "légitimement pu" réaliser pendant la durée des relations commerciales pour reprendre les termes de ses conclusions, ne révèlent aucune augmentation significative de l'activité d'une année sur l'autre ; que dans ces conditions, il est raisonnable de considérer que la société Districar avait la possibilité de vendre 6 autobus durant le préavis ;

Attendu que la société Solaris juge que la marge revendiquée par la société Districar (18 407,45 euro par véhicule) était incompatible avec son développement sur le marché français mais ne conteste pas la sincérité des chiffres mentionnés par l'appelante dans son tableau récapitulatif des achats et ventes des années 2005-2006 (annexe n° 21) ; qu'il résulte de ce tableau récapitulatif que les 22 autobus achetés durant ces deux années pour un montant global de 3 724 968 euro ont été revendus pour un montant global de 4 129 932 euro HT ; que la marge commerciale moyenne par véhicule a ainsi été de 404 964 / 22 = 18 407 euro ; qu'il importe peu qu'une "telle marge n'ait jamais été envisagée" par le fabricant ;

Attendu que la société Districar ne produit aucune pièce pertinente permettant de chiffrer la marge sur les pièces de rechange et sur la main-d'œuvre qui aurait été induite par les six ventes manquées ;

Attendu que dans ces conditions, la marge perdue durant la période de préavis éludée sera évaluée à 110 000 euro ;

Attendu que la société Districar soutient que la situation créée par la brutalité de la rupture a porté atteinte à son image de marque ;

Attendu que la société Districar répondait à des appels d'offre lancés par des collectivités territoriales ou des sociétés contrôlées par des collectivités territoriales ; que l'attribution des marchés dépendait de la qualité respective des offres au regard de critères techniques, financiers (coût d'exploitation), juridiques (délai de livraison, garantie) voire environnementaux (annexe n° 28 de l'appelante) et non de la notoriété des soumissionnaires ; que l'appelante ne verse aucune pièce de nature à établir que sa crédibilité auprès de cette clientèle particulière a été ruinée par la brutalité de rupture ; que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée ;

Attendu que la société Solaris réclame à son ancien distributeur le paiement de :

- 432 763,20 euro représentant le prix des trois derniers autobus livrés

- 78 668,85 euro au titre de diverses factures de service après-vente émises entre le 26 février 2004 et le 28 décembre 2008 ;

Attendu que la société Districar admet devoir la somme de 432 763,20 euro ; que par contre, elle ne reconnaît devoir qu'une somme de 40 415,67 euro au titre des factures de service après-vente ; que sa contestation a été retenue par les premiers juges qui n'ont alloué au fournisseur qu'une somme de 40 415,67 euro au titre des pièces détachées ;

Attendu qu'il résulte de son récapitulatif figurant en annexe n° 96 que la société Districar soulève trois types de contestation ; que les factures réclamées ne seraient pas dues :

- à hauteur de 12 727,22 euro en ce qu'elles relèveraient de la garantie constructeur (rubrique "garantie"),

- à hauteur de 5 623,45 euro en ce qu'elles participeraient d'une double facturation ou correspondraient à des commandes mal exécutées (rubrique "litige")

- à hauteur de 19 321,78 euro en ce qu'elles correspondraient à des stocks de pièces directement livrées aux clients français (rubrique "stock cons.") ;

Attendu que la société Districar ne démontre pas que les factures entrant dans sa rubrique "garantie" auraient pour objet des pièces qui s'étaient avérées défectueuses et dont le remplacement incombait à la société Solaris au titre de sa garantie ; que les annexes n° 83 à 88 de l'importateur, intitulées "Explications et éléments justifiant le rejet par Districar de 40 415,67 euro", concernent la prise en charge par le fabricant de frais de main-d'œuvre et de déplacement supportés par la société Districar mais n'éclairent pas le débat sur la prise en charge du coût des pièces proprement dites ;

Attendu qu'il résulte des observations développées par la société Districar dans son annexe n° 81 que les factures contestées dans le cadre de la rubrique litige portent les n° 576/30/2004, 2767/30/2004, 3106/30/2004, 1362/05/ESK, 168/06/ESK, 1226/06/ESK et 1659/06/ESK ;

Attendu, s'agissant de la facture n° 576/30/2004, qu'il résulte d'un email de la société Districar en date du 11 février 2004 que celle-ci avait passé commande de deux vitres pour la porte avant d'un véhicule Urbino en chargeant la société Solaris de les "expédier directement au client" à Bayonne ; que la société Solaris a en réalité livré et facturé une porte complète avec ses vitres ; que la société Solaris qui n'a pas exécuté la commande passée ne peut réclamer le paiement de cette facture, soit 1 955,35 euro ;

Attendu, s'agissant de la facture n° 2767/30/2004, que la société Districar dénonce une erreur de livraison que la société Solaris ne réfute pas dans ses conclusions qui n'examinent que les factures n° 576/30/2004 et 3106/30/2004 ; que la facture litigieuse (946,44 euro) n'est pas due ;

Attendu, s'agissant de la facture n° 3106/30/2004, que la société Districar dénonce une erreur de livraison ; que la société Solaris réfute avoir commis la moindre erreur en soulignant que la pièce commandée et la pièce livrée avaient les mêmes références ; que les pièces soumises à la cour ne confirmant pas qu'une erreur avait été commise par le fournisseur, la facture litigieuse, soit 1 756,59 euro, demeurera en compte ;

Attendu qu'il résulte des factures produites et des correspondances échangées qu'une même pièce destinée à la Narbonnaise des transports urbains (un capot) a donné lieu à une double facturation : factures n° 1362/05/ESK et 1415/05/ESK, la première sur la base d'un prix catalogue erroné (179,33 euro), la seconde sur la base d'un prix juste (256,53 euro) ; que la société Districar ne contestant pas devoir la dernière facture émise, l'intimée ne peut prétendre au paiement de la facture n° 1362/05/ESK, soit 239,53 euro ;

Attendu que la société Districar justifie qu'un filtre référencé 0112142040 destiné à la société des transports de Douai a donné lieu à une double facturation (factures n° 168/06/ESK et 221/06/ESK) ; que la facture n° 168/06/ESK d'un montant de 227,20 euro n'est pas due ;

Attendu que les factures n° 1226/06/ESK et 1659/06/ESK ont l'une et l'autre pour objet un soufflet (pièce d'un amortisseur) qui s'est avéré inadapté au véhicule du syndicat mixte des transports de Bayonne auquel il était destiné ; que l'expédition d'un dernier soufflet, ayant donné lieu à la facture 1804/06/ESK d'un montant de 388 euro a été nécessaire pour les réparations ; que les factures litigieuses (209,58 euro et 288,76 euro) qui correspondent à des livraisons défectueuses ne seront pas mises en compte ;

Attendu que les factures n° 1452/30/2005, 2/05/EKS, 1/05/EKS, 3/05/EKS correspondent à des pièces détachées livrées au Syndicat mixte des transports de Bayonne, et destinées à constituer un "stock en consignation" selon les termes d'un email de la société Districar en date du 5 avril 2005 ; que les pièces relevant d'un tel stock restent la propriété du fournisseur jusqu'à leur sortie du stock pour utilisation ; que les autobus du Syndicat mixte des transports de Bayonne ne lui ayant pas été vendus par la société Solaris mais par la société Districar, il est raisonnable de considérer que le stock de consignation a été constitué par l'importateur français qui en était demeuré propriétaire ; que la société Solaris est fondée à réclamer à son distributeur le paiement des quatre factures litigieuses d'un montant global de 19 321,78 euro ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la créance de la société Solaris s'établit à : (432 763,20 + 78 668,85) - (1 955,35 + 946,44 + 239,53 + 227,20 + 209,58 + 288,76) = 507 565,19 euro ; qu'en l'absence de tout accord prévoyant le versement de "pénalités de retard contractuelles", la somme précitée portera intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2007, date de l'assignation délivrée par la société Solaris ;

Attendu que la société Districar réclame à la société Solaris le paiement des factures suivantes :

- facture n° 0412141 du 31/12/2004 : 1 978,06

- facture n° 0505111 du 10/05/2005 : 291,82

- facture n° 0606126 du 23/06/2006 : 7 000

- facture n° 0606127 du 23/06/2006 : 4 060

- facture n° 0701101 du 23/01/2007 : 3 050

- facture n° 0701102 du 31/01/2007 : 9 263,06

- facture n° 0703110 du 30/03/2007 : 3 950,58

- facture n° 0703112 du 30/03/2007 : 7 833,02

- total : 37 876,54 euro ;

Attendu que la société Solaris admet devoir les factures n° 0505111, 0606126, 0701101 et 0701102 pour un montant global de 20 054,88 euro ;

Attendu que la facture n° 0412141 correspond à des travaux pris en charge par la société Districar au titre du service après-vente, effectués d'une part par la société Euro Diesel Service (574,06 euro), d'autre part par la STAB (1 404 euro) ;

Attendu que la société Districar admet que la première fraction (574,06 euro) a été réglée par la société Solaris ;

Attendu que la société Solaris s'oppose au règlement du solde aux motifs que "les interventions en litige sont intervenues en dehors de tout cadre contractuel" dès lors que "les réparations devaient être fournies par les techniciens de Solaris et non par un tiers" ; que le dossier de la société Districar ne met pas la cour en mesure de déterminer la nature des travaux facturés, ni si ceux-ci entraient dans le cadre de la garantie ; que la demande présentée au titre de la facture litigieuse sera rejetée ;

Attendu que la facture n° 0606127 a pour objet des "travaux de recherche, développement et mise en application d'une porte anti-agression sur bus Solaris Urbino 12" ; que la société Solaris refuse de régler cette facture en faisant observer qu'elle n'avait promis aucune rémunération à son distributeur et que le développement proprement dit de la cabine anti-agression n'est pas l'œuvre de la société Districar ;

Attendu que pour répondre aux exigences d'un appel d'offre, la société Districar a consulté deux équipementiers (RBE et Métallic) sur la possibilité d'équiper les autobus Solaris d'une porte anti-agression ; que la société Districar ne démontre pas avoir rémunéré la société RBE pour les plans et études qu'elle a effectués ; que le dossier ne fait pas apparaître que la société Solaris s'était engagée à rémunérer son distributeur pour l'appui technique qu'il pouvait fournir lorsqu'elle devait adapter ses véhicules au marché français ; qu'à cet égard, la société Districar invoque vainement le projet de convention de sa partenaire qu'elle n'a jamais accepté ; que dans ces conditions, la société Districar sera déboutée de sa demande au titre de la facture n° 0606127 ;

Attendu que la facture n° 0703110 correspond aux intérêts produits par une "avance" de la banque BDPME en janvier et février 2007 ;

Attendu que la convention signée le 10 décembre 2003 dispose :

La société Districar en tant que importateur en France des bus Solaris a une obligation de payement de ces autobus à l'échéance du marché.

Les échéances de ses marchés sont très variables, et afin que la société Solaris Bus & Coach Sp. Z.o.o puisse disposer immédiatement de ces fonds après réception des bus auprès du client final, il a été convenu d'un commun accord que la société Districar ouvre une ligne de crédit auprès d'une banque française.

Une ligne de crédit d'un million d'euro a été ouverte auprès de la Banque de Développement des Petites et Moyennes Entreprises à cet effet, cette ligne peut encore évoluer à l'avenir en fonction du volume d'affaires réalisé entre les deux sociétés.

Les conditions financières actuelles sont les suivantes :

Les frais de dossier sont de 1 % du montant mis en place.

Les intérêts :

Le taux actuel et de 6,2 %, ce taux peut varier selon érosion monétaire.

Ces frais sont pris en compte par la société Solaris Bus & Coach Sp. z.o.o.

Le règlement de celle-ci s'effectuera à la société Districar sur présentation de décompte de la BDPME.

Attendu que d'une part, la société Districar ne fournit pas le décompte de la BDPME expressément prévu par la convention ; que d'autre part, ainsi que le souligne l'intimée, la société Districar n'a pas réglé le prix des autobus à la réception des bus par le client final puisque la société Solaris a dû réclamer en justice le paiement des véhicules ; que les conditions auxquelles a été subordonnée la prise en charge par le fabricant des frais bancaires ne sont pas réunies ; que la société Districar doit être déboutée de sa demande en paiement de la facture n° 0703110 ;

Attendu que la facture n° 0703112 correspond à des frais de main-d'œuvre supportés par la société Districar (3 956 euro HT) dans le cadre de la garantie et à des prestations de sous-traitants (2 593,35 euro HT) ; qu'un tableau récapitulatif figurant en annexe n° 99 fournit le détail des montants mis en compte ; que selon la traduction de son message du 11 mai 2007, la société Solaris a refusé de régler cette facture au motif qu'elle concernait "des frais qui n'étaient pas reconnus" ;

Attendu que la société Districar a pris en charge diverses réparations au titre de la garantie dont le coût n'a été que partiellement assumé par la société Solaris après examen de chaque réclamation du distributeur ; qu'en l'état des seuls éléments soumis à la cour, à savoir presque exclusivement les fiches dénommées "Garantiantrag" établies par la société Solaris, la société Districar, sur laquelle repose la charge de la preuve de la créance alléguée, ne démontre pas que son ancienne partenaire est redevable du solde litigieux ;

Attendu qu'en conséquence, la société Solaris sera condamnée à payer à la société Districar une somme de 20 054,88 euro avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2007 ;

Attendu qu'il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel qui seront supportés pour moitié par chaque partie ; qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, Condamne la société Solaris à payer à la société Districar les sommes suivantes : 110 000 euro en réparation du préjudice occasionné par la rupture brutale de la relation commerciale, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, 20 054,88 euro au titre de ses factures, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2007 ; Condamne la société Districar à payer à la société Solaris une somme de 507 565,19 euro au titre de ses livraisons d'autobus et de pièces détachées, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2007 ; Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Fait masse des dépens de première instance et d'appel et condamne chaque partie à en supporter la moitié.