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Décisions

CA Angers, ch. soc., 6 novembre 2012, n° 10-03039

ANGERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

DECS (SARL)

Défendeur :

Serusier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lecaplain-Morel

Conseillers :

Mmes Arnaud-Petit, Dufau

Avocats :

Mes Gouache, Tordjman

Cons. prud'h. Angers, du 10 nov. 2010

10 novembre 2010

EXPOSE DU LITIGE

Madame Patricia Serusier, est inscrite au registre du commerce d'Angers depuis le 22 novembre 2004 en exploitation personnelle pour un commerce de lingerie sous l'enseigne "Soleil sucré".

Elle a conclu à cette fin en début d'année 2005 un contrat de commission-affiliation avec la société DECS, qui a développé en France et à l'étranger un réseau d'environ 100 magasins de lingerie et sous-vêtements qui vendent ses produits, sous un régime d'exclusivité en exploitation directe, en franchise, en commission-affiliation ou en corner.

En avril 2006 Mme Serusier a résilié son contrat de commission et conclu avec la société DECS un contrat de franchise.

Par lettre recommandée du 7 décembre 2009, dont la société DECS a signé l'accusé de réception Mme Serusier a notifié à celle-ci la rupture du contrat de franchise, pour l'échéance du 31 décembre 2009.

Cette lettre indiquait :

"Cette rupture est motivée par le défaut de cause des conditions économiques de la convention, ainsi que par l'existence d'une faute particulièrement grave rendant impossible le maintien du lien contractuel.

En effet je n'ai jamais eu de liberté pour l'exploitation du commerce, ni pour déterminer les prix de vente.

Depuis l'ouverture de l'enseigne, non seulement je n'avais pas le choix des produits à commander, les livraisons de marchandise en colis pré conditionnés m'étant imposées sans détail, mais encore la société DECS ne me communiquait que tardivement, bien après la livraison, le prix auquel elles m'étaient facturées.

Je n'ai jamais été en mesure d'acheter à mes risques et périls.

Je vous informe également que j'entends saisir le conseil des prud'hommes compétent pour faire juger la requalification des relations entretenues avec vous."

Le 18 décembre 2009, Madame Serusier a saisi le Conseil de prud'hommes d'Angers et aucune conciliation n'a pu avoir lieu entre les parties.

Le 11 mai 2010, la société DECS a pour sa part dénoncé à Madame Serusier une ordonnance rendue par Monsieur le Président du Tribunal de commerce d'Angers l'autorisant à prendre une inscription de nantissement sur le fonds de commerce exploité par Madame Serusier pour sûreté et avoir paiement d'une somme évaluée provisoirement à 255 688 euro. Après avoir vainement sollicité en référé le paiement provisionnel de la somme de 64 437,76 euro la société DECS a par acte d'huissier du 3 juin 2010 assigné Mme Serusier au fond, devant le Tribunal de commerce de Paris, pour obtenir paiement d'une indemnité de résiliation anticipée du contrat de franchise de 187 307 euro et paiement de la somme de 59 000 euro au titre de la clause pénale (pièce DECS n° 31).

Cette affaire est toujours pendante devant la juridiction commerciale qui l'a radiée dans l'attente de la décision de la juridiction prud'homale.

Mme Serusier a demandé au Conseil de prud'hommes d'Angers de dire qu'elle devait bénéficier des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail afférent aux gérants de succursales, en conséquence de condamner la société DECS à lui payer des rappels de salaires et à lui rembourser des sommes qu'elle a personnellement réglées, de dire que la prise d'acte de la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société DECS à lui verser une indemnité de préavis, une indemnité de licenciement, des dommages-intérêts et la somme de 4 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société DECS a soulevé à titre liminaire l'incompétence du Conseil de prud'hommes d'Angers en soutenant que l'article L. 7321-2 du Code du travail est inapplicable à l'espèce et au fond conclu au débouté de Mme Serusier, la prise d'acte s'analysant en une démission ; à titre reconventionnel la société DECS a demandé la condamnation de Mme Serusier à lui payer la somme de 64 437,76 euro en règlement de factures de marchandises, et la somme de 5 000 euro pour procédure abusive, outre 6 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 10 novembre 2010, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le Conseil de prud'hommes d'Angers s'est déclaré compétent pour trancher le litige opposant Mme Serusier et la société DECS, en retenant l'application de l'article L. 7321-2 du Code du travail, a dit que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société DECS à lui payer les sommes suivantes :

- 11 250 euro à titre de dommages et intérêts,

- 3 750 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 375 euro de congés payés afférents,

- 1 874 euro à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 909 euro à titre de solde de rémunération, avec intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation,

- 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a rejeté les autres demandes de Mme Serusier et les demandes reconventionnelles de la société DECS, condamnant celle-ci aux dépens.

La lettre recommandée de notification du jugement a été présentée le 25 novembre 2010 à Mme Serusier qui ne l'a pas réclamée.

Le jugement a été notifié le 26 novembre 2010 à la société DECS qui en a fait appel par lettre postée le 7 décembre 2010.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société DECS demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 26 juin 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de :

à titre principal :

- Constater que les dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail sont inapplicables à la relation contractuelle liant la société DECS à Madame Serusier,

- Dire et juger que la cour est incompétente pour statuer sur le litige qui oppose la société DECS à Mme Serusier,

- Débouter Mme Serusier de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire :

- Constater que Mme Serusier n'a jamais envoyé de lettre de prise d'acte de rupture à la société DECS,

- Débouter en conséquence Mme Serusier de ses demandes fondées sur la prise d'acte de rupture,

à titre infiniment subsidiaire :

- Constater que Mme Serusier n'apporte pas la preuve de ses revenus au moyen de pièces certifiées et ce sur l'ensemble de la période litigieuse,

- Débouter Mme Serusier de l'ensemble de ses demandes.

à titre superfétatoire :

- Constater que Mme Serusier n'a subi aucune perte de salaire et la débouter de ses demandes de rappel de salaire,

- Dire et juger que la prise d'acte de rupture s'analyse en une démission pure et simple,

- Débouter Mme Serusier de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

En toutes hypothèses :

- Condamner Mme Serusier au paiement de la somme de 64 437,76 euro outre les intérêts au taux conventionnel égal au taux de base bancaire pratiqué par la Banque de France, majoré de 3 points sur la somme due, à compter des dates d'échéances des différentes factures,

- Condamner Mme Serusier au paiement de 5 000 euro à titre de procédure abusive,

- Condamner Mme Serusier au paiement de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

La société DECS observe que Mme Serusier devant la cour renonce à demander la requalification du contrat commercial en contrat de travail, ce qu'elle a fait initialement en commettant une erreur de droit, car l'application de l'article L. 7321-1 du Code du travail n'implique aucune requalification du contrat commercial conclu entre les parties mais permet uniquement, si les conditions cumulatives qu'il énonce sont réunies, de faire bénéficier le contractant de certaines dispositions du Code du travail.

La société DECS ajoute que Mme Serusier s'est inscrite au registre du commerce et a fait ce choix de l'activité indépendante et non celui du salariat, et que c'est en qualité de commerçante qu'elle s'est rapprochée d'elle ; qu'elle a exploité cinq ans son commerce, en faisant, dès la première année passée, des bénéfices d'exploitation, et qu'elle a saisi le Conseil de prud'hommes d'Angers alors que depuis plus d'un an elle ne réglait plus toutes ses factures d'achats de marchandises ; que cette saisine a eu en réalité pour objet de ne pas régler les paiements dus au co-contractant.

La société DECS soutient en premier lieu que la cour est incompétente puisque les conditions d'application de l'article L. 7321-2 du Code du travail ne sont pas réunies, subsidiairement que même si la cour considérait qu'elles le sont, la prise d'acte doit être analysée comme une démission, et en dernier lieu que le calcul de rappel de salaire fait par Mme Serusier n'est pas recevable ; qu'enfin Mme Serusier reste débitrice à son égard de la somme de 64 437,76 euro, puisqu'elle ne conteste pas les quantités de marchandises qui lui ont été fournies, et qu'elle en a encaissé le prix de vente, ainsi que le montre la valorisation du stock arrêtée le 31 décembre 2009 à la somme de 18 260,83 euro.

La société DECS soutient sur chacun de ces points :

* sur l'application de l'article L. 7321-2 du Code du travail :

- que les trois conditions cumulatives dégagées par la jurisprudence pour qu'un commerçant soit qualifié de gérant de succursale sont la fourniture exclusive ou quasi-exclusive des marchandises par le co-contractant, la fourniture du local ou son agrément, par celui-ci, et l'imposition au distributeur par l'enseigne des conditions de travail ou des prix ; que l'exclusivité de fourniture des marchandises est inscrite dans les deux contrats commerciaux signés successivement par Mme Serusier, mais qu'il lui appartient de démonter qu'elle s'y est conformée ; que le local n'a été ni fourni ni agréé, et que Mme Serusier se refuse à produire son bail parce qu'il apparaîtrait que la société DECS n'est ni le bailleur ni le preneur ; que l'aide à l'agencement des lieux n'est que l'exécution des clauses du contrat de commission-affiliation comme de celles du contrat de franchise, que le contrat de zone invoqué n'est pas joint, et que Mme Serusier ne l'a pas, en réalité, signé, mais qu'au surplus il confère une exclusivité sur une zone géographique, mais ne vise aucun local commercial particulier ; que ni ses conditions de travail, ni les prix n'étaient imposés à Mme Serusier et qu'elle a bien passé de nombreuses commandes de marchandises en 2009, comme en attestent les mails produits ; que les prix pouvaient être modifiés, le système de caisse le permettant ; que Mme Serusier a passé aussi régulièrement des commandes d'étiquettes et qu'il en est justifié ; que les tarifs étaient connus d'elle puisque les "books techniques" qui lui étaient adressés comportent une annexe avec le tarif de chaque référence de marchandise ; que Mme Serusier pouvait en outre gérer son personnel, choisir ses horaires d'ouverture, et les dates de congés, organiser des campagnes publicitaires, créer un site Internet, organiser la présentation des collections ;

* sur la prise d'acte de la rupture du contrat de franchise :

- que le courrier du 7 décembre 2009 ne comporte pas de signature d'une part, ce qui le prive d'effet juridique, et que Mme Serusier n'établit d'autre part aucun manquement grave de la société DECS à son égard ; qu'elle n'a pas été gênée dans la gestion de son commerce et qu'elle n'a subi aucune perte de salaires ; qu'elle ne produit pas ses comptes sociaux pour 2009, son bénéfice restant inconnu sur cet exercice social, ni ne précise le montant des cotisations de l'exploitant qu'elle a versées ; qu'il s'agit d'une démission pure et simple, alors que Mme Serusier a perçu sur la période des bénéfices pour 103 460 euro, et qu'elle reste propriétaire de son fonds de commerce qu'elle exploite sous sa propre enseigne dans les mêmes locaux, et dont elle pourra librement céder la propriété ; qu'aucun remboursement ne peut donc avoir lieu à ce titre, et que le droit d'entrée est quant à lui, aux termes de l'article 8-1 du contrat de franchise, non remboursable ;

La société DECS soutient que pour toutes les raisons sus-évoquées la saisine du Conseil de prud'hommes d'Angers par Mme Serusier constitue un abus de droit et que celle-ci a soigneusement organisé la rupture de son contrat de franchise, après avoir longuement perçu des bénéfices supérieurs aux minima légaux, et même aux minima conventionnels applicables, pour être libérée avant terme, tout en s'abstenant de régler le montant de ses marchandises.

Mme Serusier demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant ses écritures déposées au greffe le 25 juin 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit qu'elle doit bénéficier des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail et par conséquent de la législation du travail et en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de le réformer sur le surplus ; de condamner la société DECS à lui verser les sommes de :

- 40 022,37 euro à titre de solde de rappel de salaire,

- 106 079,76 euro au titre du remboursement des sommes qu'elle a personnellement réglées, et qui ont été conservées par l'entreprise,

- 6 096 euro brut à titre d'indemnité de préavis outre les congés payés y afférents,

- 2 032 euro à titre d'indemnité de licenciement,

- 24 384 euro à titre de dommages-intérêts,

- 4 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Quant à la compétence de la cour pour statuer sur le litige, Mme Serusier rappelle que le Conseil de prud'hommes d'Angers s'est déclaré compétent, et qu'aucun contredit n'a été formé dans les formes et délai requis aux termes de l'article 82 du Code de procédure civile ; que la question de la compétence ne se pose donc plus devant la cour ;

Au fond, Mme Serusier précise qu'elle ne revendique pas la requalification des contrats signés avec la société DECS en contrat de travail, mais l'application des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail et donc le bénéfice de la législation du travail ; qu'elle n'a jamais eu aucune liberté pour exercer son activité commerciale, ni dans le cadre du contrat de commission-affiliation, ni dans le cadre du contrat de franchise ;

Elle soutient en ce qui concerne le contrat de commission-affiliation, qui s'est exercé de février 2005 à avril 2006, que l'exclusivité de fourniture des marchandises est inscrite à l'article 4.2.7.2., que son local a été agréé par la société DECS qui lui a dès le 2 juin 2004 transmis un contrat de "réservation de zone" montrant qu'elle connaissait le futur lieu d'implantation du commerce ; qu'elle a fait des travaux selon les prescriptions de la société DECS, mais à ses frais à elle, et que les prix étaient fixés par le fournisseur, ainsi que l'énonce l'article 4.2.5. du contrat.

Elle ajoute que la situation est restée la même d'avril 2006 à décembre 2009, dans le cadre du contrat de franchise, qui avait pour seul objet de conforter l'illusion d'indépendance des franchisés, la société DECS ayant pris conscience que la rédaction du précédent contrat entraînerait sa requalification automatique ; que le local était agréé depuis 2004, l'exclusivité de fourniture maintenue, et non contestée par la société DECS, et qu'elle ne fixait pas librement ses prix puisque le contrat dit qu'un tarif lui est communiqué régulièrement, et qu'il comprend des prix de vente maximum ; qu'elle recevait des marchandises non commandées, non détaillées et pré-étiquetées, qu'elle devait payer plus tard, à réception d'une facture cette fois détaillée ; que le logiciel lui était imposé, ainsi que les publicités, et même son adresse électronique, et qu'en quatre ans de franchise elle n'a signé qu'un bon de commande, invoqué par la société DECS mais non significatif de la réalité ; qu'elle a subi des visites de contrôle de l'agencement du magasin.

Mme Serusier soutient avoir par conséquent été totalement dépendante économiquement de la société DECS, et n'avoir pu exercer son commerce dans des conditions normales.

Mme Serusier observe qu'elle aurait dû pouvoir vivre de son commerce sans effectuer d'apports conséquents mais qu'il lui a fallu verser 14 532 euro TTC à titre de droit d'entrée, 23 838,96 euro de frais d'architecte et de frais de mobilier, 5 740,80 euro de frais informatiques et 64 500 euro d'apports personnels pour payer les factures de la société DECS ; qu'elle n'a pas gagné d'argent et même en a perdu.

Elle revendique l'application de la convention collective de la société DECS, c'est-à-dire celle de bonneterie, lingerie, confection, avec une classification de cadre puisqu'elle recrutait le personnel, exerçait le pouvoir de sanction et de direction, et n'était pas soumise à des horaires de travail ; que la société DECS doit lui payer la différence entre ce qu'elle a perçu, et ce qu'elle aurait dû percevoir, et lui restituer les sommes qu'elle a personnellement investies auprès de l'entreprise.

Mme Serusier soutient enfin que les manquements graves de la société DECS à son égard sont avérés, puisqu'elle n'a pas été rémunérée de son travail alors qu'elle a travaillé cinq ans sans compter son temps, et en apportant des sommes à titre personnel ; que ses compétences ont été exploitées sans qu'elle ait aucune liberté de gestion, ni de pouvoir d'appréciation ; que la prise d'acte doit donc produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu'elle a droit aux termes de la convention collective, et de la loi, à une indemnité de préavis de trois mois de salaires, une indemnité de licenciement d'un mois de salaire, et à des dommages-intérêts équivalant à 12 mois de salaire.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR LA COMPETENCE :

L'article 78 du Code de procédure civile stipule que si le juge se déclare compétent et statue sur le fond du litige dans un même jugement, celui-ci ne peut être attaqué que par la voie de l'appel. Par jugement du 10 novembre 2010 le Conseil de prud'hommes d'Angers s'est déclaré compétent pour trancher le litige opposant Mme Serusier et la société DECS, et a statué au fond, par application des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail, qualifiant la prise d'acte de licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant la société DECS à payer diverses sommes à Mme Serusier ;

Le jugement du Conseil de prud'hommes d'Angers du 10 novembre 2010 était donc bien susceptible d'appel et non de contredit. En outre, indépendamment du bien-fondé de la demande, la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'une demande tendant à obtenir le bénéfice de l'application de la législation du travail en application des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail ; l'exception d'incompétence soulevée par la société DECS doit donc être rejetée ;

SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE L. 7321-2 DU CODE DU TRAVAIL :

L'article L. 7321-2 du Code du travail stipule qu'est gérant de succursale toute personne dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises de toute nature qui lui sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise.

L'application de cette disposition suppose la réunion de quatre critères qui sont :

- l'existence d'une activité essentielle de vente de marchandises ou de denrées,

- la fourniture exclusive ou quasi-exclusive de ces marchandises ou denrées par une seule entreprise commerciale,

- l'exercice de l'activité dans un local fourni ou agréé par cette entreprise,

- l'exercice de l'activité aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ;

Ces conditions doivent être cumulées et si tel est le cas le juge peut retenir l'application du texte susvisé sans avoir à établir l'existence d'un lien de subordination entre les parties ;

Le droit du travail peut alors s'appliquer à des professionnels indépendants juridiquement mais qui évoluent sous l'emprise d'une personne ne leur laissant pas suffisamment la maîtrise de l'activité économique ; il s'agit d'une application du droit du travail et non d'une requalification du contrat en contrat de travail ;

Mme Serusier a été immatriculée au registre du commerce d'Angers le 22 novembre 2004, avec un début d'activité au 25 octobre 2004, pour l'exploitation personnelle d'une activité de vente de lingerie féminine et masculine sous l'enseigne "Soleil sucré" et elle a signé successivement avec la société DECS, à cette fin, deux contrats commerciaux, qui ont été, de février 2005 à avril 2006, un contrat de commission-affiliation puis, d'avril 2006 à décembre 2009, un contrat de franchise ;

Il n'est pas contesté par la société DECS d'une part que la commission implique nécessairement la fourniture exclusive des produits par elle, dès lors que couplée à une affiliation, elle impose une exclusivité de revente, ni d'autre part qu'elle ait signé avec Mme Serusier dans le cadre du contrat de franchise une clause d'exclusivité d'approvisionnement ;

Le contrat de commission-affiliation stipule en effet à l'article 4.2.7.2. que "le commissionnaire-affilié bénéficiera de trois approvisionnements par mois étant précisé qu'il ne peut commercialiser dans sa boutique aucun autre produit que ceux à la marque Soleil sucré" et le contrat de franchise prévoit à l'article 6.2 que "le franchisé s'engage expressément à ne s'approvisionner qu'auprès du franchiseur pour les produits."

Mme Serusier s'est bien dans la réalité constamment fournie en marchandises auprès de la société DECS, qui ne démontre pas, ni même n'allègue, qu'elle ait enfreint cette clause d'exclusivité ;

Il est également établi que Mme Serusier a signé le 17 novembre 2004 un bail pour un local sis au 34 rue Saint Aubin à Angers et que ce local ne lui a pas été fourni par la société DECS ; Mme Serusier a acquis ce droit au bail pour 102 904 euro, et doit pendant 9 ans payer un loyer annuel de 6 000 euro ;

Il est écrit dans le contrat de commission-affiliation que "le commissionnaire-affilié déclare être titulaire d'un bail commercial, pour une durée de 9 ans, à compter du 17 novembre 2004, portant sur un local situé 34 rue Saint Aubin à Angers, d'une superficie de 27 m² lui permettant de vendre dans cet emplacement des articles Soleil sucré" et aussi que : "le commissionnaire-affilié fera établir par l'architecte du réseau Soleil sucré un métré de son local et un plan d'implantation du concept Soleil sucré. Dans le cadre de sa mission l'architecte de Soleil sucré établira la demande de permis de construire et les autorisations nécessaires, le coût de son intervention restant à la charge du commissionnaire-affilié" ;

Il ressort du libellé du contrat de commission-affiliation que l'emplacement et la surface du local étaient connus, et agréés, par la société DECS ;

Un courrier adressé le 2 juin 2004 par la société DECS à Mme Serusier lui demande d'autre part de retourner contresigné un contrat de réservation de zone, ce qui témoigne aussi de cette connaissance ;

Le contrat de franchise stipule que "le responsable du développement ou un des dirigeants du franchiseur se déplacera pour agréer le local. Après agrément du local et sur la base du métré et du relevé précis des surfaces effectués sous la responsabilité et aux frais du franchisé, le franchiseur fera établir par son architecte les plans d'adaptation du local au concept en matière d'installation, d'agencement et de décoration spécifiques."

Il est indiqué également que l'architecte du franchiseur fera deux visites pendant la durée des travaux, et une à la fin des travaux, afin de vérifier la conformité du magasin avec les normes "Soleil sucré" et qu'il délivrera un certificat de conformité au franchisé ; que l'exploitation du magasin ne pourra débuter que lorsque le franchisé aura reçu le certificat de conformité, et que si le franchisé n'a pu obtenir le certificat de conformité, le franchiseur pourra résilier le contrat ;

Le local a fait l'objet de trois visites de la part du contractant, devenu ensuite le franchiseur : le 5 mars 2005, le 19 avril 2005 et le 22 juillet 2006 ; à aucun moment, à l'issue de ces visites, la disposition du local, sa surface, son emplacement ou son agencement n'ont fait l'objet de remarques de la société DECS ;

Mme Serusier justifie d'autre part avoir en novembre 2004 réglé deux factures d'agencement du local pour un total de 23 838,06 euro ;

Il résulte de cet ensemble de faits que la société DECS, si elle n'a pas fourni le local et même si l'agrément n'a pas été formalisé, ce que la loi n'exige d'ailleurs pas, a bien agréé le local dans lequel a eu lieu l'exploitation commerciale de ses produits, qu'elle en connaissait toutes les caractéristiques, ne les a pas critiquées, et que Mme Serusier s'est pliée aux demandes d'aménagement du lieu pour un montant de travaux non négligeable ;

Il est indifférent dans ces conditions que le bail ait été signé par Mme Serusier et que cette signature ait précédé de peu la signature du contrat de commission-affiliation ;

La seconde condition d'application de l'article L. 7321-2 est par conséquent réalisée ;

Quant aux conditions d'exercice de l'activité commerciale et aux prix pratiqués, il apparaît que Mme Serusier a signé en quatre ans d'exécution du contrat de franchise un unique bon de commande, le 4 septembre 2009, pour des marchandises dont certaines étaient déjà reçues, et les mèls versés aux débats par la société DECS, qui ne concernent eux aussi que la seule année 2009, sont des mèls de commande de "réassort", et en tout cas de petites quantités, portant sur deux à quatre références, et qui correspondent par conséquent aux dispositions de l'article 6-4 du contrat de franchise qui oblige le franchisé à "présenter en permanence dans le magasin l'intégralité des collections Soleil sucré en quantité représentative suffisante, ainsi que l'intégralité des nouveautés dans le respect du Manuel Opératoire, afin de respecter en tous points la cohérence et l'image de marque, de présenter à la clientèle un assortiment représentatif du concept et de répondre à sa demande."

Il est établi par les pièces versées aux débats que les bons accompagnant les colis d'approvisionnement de marchandises, et qui sont intitulés par la société DECS "bons de transfert préparatoire", ne mentionnent aucun prix, ni à l'unité ni en totalité du lot ; qu'en revanche, les factures, adressées postérieurement à ces envois, portent un prix unitaire, et un montant total à régler, et précisent la liste des "bons facturés" auxquels elles correspondent ;

L'article 6-1 du contrat de franchise stipule encore que le franchisé "reconnait expressément au franchiseur le droit à la maîtrise du mix-produit (l'assortiment Soleil sucré devant être en cohérence avec le mix-marketing, lui-même directement lié à l'image de marque du réseau), et du mix-marketing", et ajoute que "le franchiseur a sélectionné, en adéquation avec le concept, une gamme de produits spécifiques qui permettent notamment de garantir tant à la clientèle qu'aux franchisés un mix-produit très spécifique, un approvisionnement permanent des produits, une qualité" ;

Il ressort de ces dispositions contractuelles que Mme Serusier ne choisissait pas son assortiment de produits, mais qu'il lui était imposé par le franchiseur, et la réalité de cette situation est attestée par Mme Grosbois, salariée de Mme Serusier de 2006 à 2009, qui indique :

"sur les bons de livraison aucun détail n'était indiqué sur les quantités reçues (...) de plus les collections nous étaient imposées en magasin."

Quant aux prix, le contrat de commission-affiliation prévoit que "le commissionnaire-affilié recevra de DECS la marchandise pré-étiquetée au prix de vente public qu'il devra respecter. Toute réduction de prix accordée à la clientèle restera à la charge du commissionnaire-affilié", et le contrat de franchise stipule à l'article 5-2-2 : "Prix de vente : le franchisé s'engage à respecter les prix de vente maximum qui lui auront été indiqués par le franchiseur, dans la limite d'un coefficient multiplicateur de 2,80 sur le prix d'achat des produits portant la marque."

Il n'était par conséquent pas possible pour Mme Serusier de fixer le prix de vente des produits qui n'était pas conseillé, mais imposé, les marchandises arrivant pré-étiquetées, comme la cour a pu le constater par elle-même, et ainsi que le confirme Mme Grobois lorsqu'elle indique : "j'ai effectué des réceptions de marchandises et j'atteste que celles-ci étaient étiquetées dans les cartons aux prix de vente imposés."

Au surplus, il est acquis que les catalogues publicitaires portent le prix de vente, y compris sur des supports non promotionnels, contrairement à ce que soutient la société DECS ; il ne peut pas non plus être relevé comme infirmant les constats précédents, le fait que Mme Serusier a certaines fois commandé des étiquettes, puisqu'il s'agit toujours d'étiquettes de soldes, avec une mention de rabais pré-imprimée, ou liées à une opération de vente particulière telle celle des "must mariées" alors que les prix de ces produits "must" sont inclus dans les plaquettes publicitaires destinées à la clientèle ;

La capacité qu'aurait eue Mme Serusier, invoquée par la société DECS, de modifier le prix de vente, au moyen d'une intervention technique sur la caisse, ne caractérise pas une liberté de fixation des prix, puisque le manuel d'utilisation du logiciel informatique, par ailleurs imposé par le franchiseur, indique : "la possibilité de changer le prix est subordonnée à l'autorisation du site central ; en effet, si ce dernier n'a pas autorisé les changements de prix, vous ne pourrez alors faire aucune modification" ;

Ce changement possible du prix de vente reste donc subordonné à l'accord du franchiseur et ne peut porter au regard des dispositions contractuelles que sur une baisse du prix initial ;

Il résulte donc d'ores et déjà de l'ensemble des faits considérés que tant les conditions d'exercice de l'activité commerciale, que la fixation des prix pratiqués, étaient imposés par la société DECS à Mme Serusier de 2005 à 2009, que celle-ci se trouvait dans une situation de dépendance économique à l'égard de cette entreprise, et n'avait pas la liberté suffisante pour mettre en œuvre une politique de prix ;

Il en résulte que l'ensemble des conditions cumulatives visées par l'article L. 7321-2 du Code du travail sont réunies, et qu'en conséquence les conditions d'application de ce texte sont remplies, sans qu'il y ait modification de la nature des contrats conclus entre les parties et sans que la cour ait à rechercher l'existence d'un lien de subordination entre elles ;

SUR LES CONSEQUENCES DE L'APPLICATION DE L'ARTICLE L. 7321-2 DU CODE DU TRAVAIL :

Mme Serusier demande, dès lors que les dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail lui sont dites applicables, paiement par la société DECS, d'une part de la différence entre ce qu'elle a perçu et ce qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été salariée, et d'autre part paiement des sommes qu'elle a personnellement investies auprès de l'entreprise, soit 106 079,76 euro ;

Les parties n'ont retenu pour établir la rémunération de Mme Serusier, dans le cadre de son activité commerciale, que la période allant de février 2005, début de l'exploitation du commerce, à décembre 2008, et Mme Serusier ne produit pas ses comptes 2009 ; elle n'établit donc pas sur cette année-là le montant des sommes prélevées à titre de revenu ;

Il ressort des pièces comptables versées aux débats que Mme Serusier a pu prélever de février 2005 au 31 décembre 2008, sur le chiffre d'affaires généré par son activité, la somme de 83 460 euro ;

Dès lors que lui est applicable la législation du travail, Mme Serusier est en droit d'obtenir le paiement du salaire minimum conventionnel, de février 2005 à décembre 2008, correspondant à sa classification dans la convention collective appliquée par la société DECS, qui est la convention collective nationale de la bonneterie, lingerie, confection, mercerie, chaussures (commerces de gros et négoces connexes) ;

Il est acquis aux débats que Mme Serusier était autonome quant aux horaires de travail, à la fixation des congés, et qu'elle gérait le personnel du magasin, recruté par elle ; qu'elle a ainsi engagé Mme Grobois, la petite surface de vente ne nécessitant pas l'emploi d'autres salariés ;

Elle avait la responsabilité de la comptabilité, de la tenue de caisse, des stocks et des ventes ; elle ne justifie pas d'une formation initiale, ni ne soutient avoir déjà eu, en 2005, une expérience professionnelle en matière de vente ;

Ses fonctions ne sont par conséquent pas celles d'un cadre, lesquelles sont décrites dans la convention collective ainsi : "salarié participant à la conception des projets de l'entreprise et ayant par délégation une fonction de direction. Tout en ayant à rendre compte, il fait preuve d'autonomie et de responsabilité. Il peut travailler seul, en raison de sa très haute technicité, ou animer ses équipes avec le souci de les associer pleinement aux objectifs poursuivis. Il s'assure de la bonne transmission du savoir-faire à tous les niveaux" ;

L'attribution du niveau VII de la qualification d'agent de maîtrise nécessite "cinq ans d'ancienneté dans la fonction et une exceptionnelle qualité", alors que Mme Serusier a une ancienneté au moment de la rupture de 4 ans et 11 mois ;

Les fonctions de Mme Serusier correspondent par conséquent à la qualification d'agent de maîtrise niveau VI échelon 3, ainsi décrite : "salarié ayant une capacité d'autonomie lui permettant de recevoir mission d'exercer la conduite, l'animation et le contrôle du travail de personnels conformément à des directives. Cette mission implique l'organisation, la formation, et dans la limite de la délégation donnée par l'employeur, la gestion du personnel ; il a acquis des connaissances soit par formation initiale spécifique soit par expérience professionnelle équivalente" ;

Il en résulte, par application des avenants successifs constituant le barème des salaires minima mensuels applicables pour les emplois et classifications visés par la convention collective de la bonneterie, que Mme Serusier aurait eu droit, comme agent de maîtrise niveau VI échelon 3 au paiement des sommes suivantes :

- de février 2005 à décembre 2005 : 11 x 1 525,40 euro = 16 779,40 euro

- de janvier 2006 à juin 2006 inclus : 6 x 1 525,40 euro = 9 152,40 euro

- de juillet 2006 à septembre 2007 inclus : 15 x 1 675 euro = 25 125 euro

- d'octobre 2007 à octobre 2008 inclus : 12 x 1 703 euro = 20 436 euro

- en novembre et décembre 2008 : 2 x 1 746 euro = 3 492 euro

soit la somme totale de : 82 483,28 euro congés payés inclus ;

Il apparaît par conséquent que Mme Serusier aurait perçu comme salaires, sur la période considérée, la somme de 82 483,28 euro congés payés inclus, alors qu'elle a obtenu de son activité commerciale une rémunération de 83 460 euro, étant observé au surplus que le salaire conventionnel minimum est un salaire brut et que Mme Serusier ne précise pas le montant des cotisations sociales qu'elle a réglées dans le cadre de son activité de vente de lingerie ;

Il résulte de la comparaison effectuée, arrêtée au 31 décembre 2008 puisque Mme Serusier ne produit pas les éléments comptables permettant une comparaison jusqu'en décembre 2009, que la situation de dépendance économique dans laquelle elle s'est trouvée à l'égard de la société DECS, que la cour a caractérisée, n'a pas eu pour conséquence de réduire la rémunération à laquelle elle aurait eu droit par application de la législation du travail ;

Mme Serusier doit être, par voie d'infirmation du jugement, déboutée de sa demande en paiement de solde de salaires ;

Quant à sa demande en remboursement de ses apports, Mme Serusier décompose la somme énoncée de 106 079,76 euro, ainsi :

- droit d'entrée : 12 000 euro

- matériel informatique : 5 740,80 euro

- architecte et agencement : 23 838,96 euro

- apports personnels pour payer les factures DECS de marchandises : 64 500 euro

Toutes ces sommes ont été réglées par Mme Serusier en exécution du contrat de commission-affiliation, puis en exécution du contrat de franchise ;

A l'appui de sa demande en remboursement Mme Serusier se prévaut uniquement du bénéfice de l'application des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail : toutefois cette application a pour seule conséquence de permettre à la partie mise en situation de dépendance économique de son co-contractant, de bénéficier des règles du droit du travail, applicables au gérant de succursale, sans faire disparaître la nature commerciale du contrat, qui n'est pas requalifié en contrat de travail ;

En conséquence, dès lors que Mme Serusier n'invoque aucun moyen fondé sur l'exécution des contrats de commission-affiliation, et de franchise, conclus avec la société DECS, elle ne peut qu'être déboutée, par voie de confirmation du jugement, de sa demande en remboursement de sommes versées à ce titre ;

SUR LA PRISE D'ACTE DE LA RUPTURE :

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, ceux d'une démission ;

La prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'à la condition que les faits invoqués soient, non seulement, établis, mais constituent des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ;

Par application des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail à l'activité de Mme Serusier, la lettre du 7 décembre 2009, à effet au 31 décembre 2009, qu'elle a adressée à la société DECS s'analyse en une lettre de prise d'acte de rupture de la relation contractuelle ;

Le courrier par lequel un salarié prend acte de la rupture n'est soumis à aucun formalisme ; la lettre adressée le 7 décembre 2009 par Mme Serusier à la société DECS reste valide même non signée, puisqu'il n'est pas démontré, ni même allégué par la société DECS, qu'elle n'émane pas de Mme Serusier ;

S'il n'apparaît pas sur la période considérée que la situation de dépendance économique de Mme Serusier à l'égard de la société DECS lui ait causé une perte de rémunération, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a pu exercer son activité librement, n'a pu choisir ses commandes ni définir une politique de prix, et que cette situation l'a privée d'autonomie et a empêché toute initiative de sa part pour développer son activité ;

Le grief énoncé par Mme Serusier dans la lettre du 7 décembre 2009, soit le fait qu'elle n'ait "jamais eu de liberté pour l'exploitation du commerce, ni pour déterminer les prix de vente" est établi, et caractérise de la part de la société DECS un manquement à ses obligations contractuelles, puisque les contrats conclus entre les parties avaient pour objet, ainsi qu'il est rappelé à titre préliminaire dans le contrat de franchise : "la progression économique des deux partenaires" et non celle, seulement, de la société DECS ;

Ce grief est d'une gravité suffisante pour justifier une prise d'acte de la rupture des relations contractuelles devant produire tous les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Le salaire mensuel moyen de référence est de 1 746 euro ; l'ancienneté de Mme Serusier est de 4 ans et 11 mois ;

Mme Serusier a dès lors droit au paiement d'une indemnité de préavis qui est aux termes de la convention collective applicable égale à deux mois de salaire, soit à la somme de 3 492 euro, outre la somme de 349,20 euro à titre de congés payés afférents ;

L'indemnité légale de licenciement, qui est plus favorable que les dispositions conventionnelles, est par application de l'article R. 1234-2 du Code du travail de 1 396,80 euro (1/5e de mois x 4 ans) + 320,10 euro (1/5e de mois : 12 et x 11 mois) = 1 716,90 euro ;

Mme Serusier peut également prétendre, par application de l'article L. 1235-5 du Code du travail à une indemnité correspondant au préjudice subi ; la cour trouve en la cause les éléments lui permettant d'évaluer l'indemnité due à Mme Serusier à la somme de 15 000 euro ;

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société DECS à payer à Mme Serusier des sommes à titre d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement et à titre de dommages-intérêts, mais infirmé sur les montants alloués ;

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SOCIÉTÉ DECS :

La société DECS demande paiement à Mme Serusier de la somme de 64 437, 76 euro en exécution du contrat de franchise, s'agissant du règlement de factures de marchandises : les premiers juges ont rejeté cette demande au motif qu'elle ne relevait pas de leur compétence ;

L'article 92 du Code de procédure civile en son deuxième alinéa stipule que la cour d'appel ne peut relever d'office son incompétence que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française ;

La société DECS a le 16 avril 2010 mis Mme Serusier en demeure de lui payer la somme de 64 437, 76 euro (sa pièce n° 40) ;

Elle produit la liste détaillées des factures de marchandises correspondant à ce montant, telles qu'elles ont été inscrites dans la comptabilité de Mme Serusier, tandis que celle-ci ne justifie pas de leur paiement, sans par ailleurs répliquer sur la réalité des livraisons effectuées par la société DECS, ni discuter leurs quantités ;

Il y a lieu en conséquence et par voie d'infirmation du jugement de condamner Mme Serusier à payer à la société DECS la somme de 64 437, 76 euro, outre les intérêts au taux conventionnel, égal au taux de base bancaire pratiqué par la Banque de France majoré de 3 points sur la somme due, à compter des dates d'échéance des différentes factures ;

SUR LA DEMANDE DE LA SOCIÉTÉ DECS POUR PROCEDURE ABUSIVE :

Dans la mesure où Mme Serusier prospère en sa demande fondée sur les dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail tendant à obtenir le bénéfice de la législation du travail, le société DECS est mal fondée à soutenir que ses demandes seraient abusives ; elle sera dès lors, par voie de confirmation du jugement, déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS :

Le jugement est confirmé en ses dispositions afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles ;

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme Serusier les frais non compris dans les dépens et engagés dans l'instance d'appel ; la société DECS est condamnée à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 de Code de procédure civile, la somme de 1 500 euro et doit être déboutée de sa propre demande à ce titre ;

La société DECS est condamnée aux dépens d'appel ;

SUR LES INTERETS :

Il est rappelé que les intérêts courent au taux légal à compter du 6 janvier 2010, date de réception par la société DECS de sa convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes d'Angers, sur l'indemnité de préavis, et sur l'indemnité de licenciement laquelle, malgré sa nature indemnitaire, n'est pas susceptible d'évaluation par le juge et se voit pour cette raison appliquer le même point de départ de calcul que les sommes de nature salariale, et à compter du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris : - en ce qu'il a déclaré le Conseil de prud'hommes d'Angers compétent pour trancher le litige opposant Mme Serusier et la société DECS, en ce qu'il a déclaré les conditions d'application de l'article L. 7321-2 du Code du travail remplies, et en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture par Mme Serusier produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à son égard, - en ce qu'il a débouté Mme Serusier de sa demande en paiement de la somme de 106 079,76 euro versée par elle à la société DECS, - en ce qu'il a débouté la société DECS de sa demande pour procédure abusive, - en ce qu'il a condamné la société DECS à payer à Mme Serusier la somme de 1 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et en ce qu'il a débouté la société DECS de sa demande à ce titre, - en ce qu'il a condamné la société DECS aux dépens, l'Infirme pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant, Déboute Mme Serusier de sa demande en paiement de rappel de salaires, Condamne la société DECS à payer à Mme Serusier les sommes de : - 3 492 euro à titre d'indemnité de préavis outre la somme de 349,20 euro à titre de congés payés afférents, - 1 716,90 euro à titre d'indemnité de licenciement, - 15 000 euro à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2010, date de réception par la société DECS de sa convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes d'Angers, sur l'indemnité de préavis, et sur l'indemnité de licenciement et à compter du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire, Condamne Mme Serusier à payer à la société DECS la somme de 64 437,76 euro au titre des factures impayées, outre les intérêts au taux conventionnel, égal au taux de base bancaire pratiqué par la Banque de France majoré de 3 points sur la somme due, à compter des dates d'échéance des différentes factures, Condamne la société DECS à payer à Mme Serusier la somme de 1 500 euro pour ses frais irrépétibles d'appel, Condamne la société DECS aux dépens d'appel.