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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 novembre 2012, n° 10-15481

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Creopt (SA), Cretenier

Défendeur :

Alain Afflelou Franchiseur (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

M. Vert, Mme Luc

Avocats :

SCP Menard-Scelle Millet, Mes Sicakyuz, Hardouin, Sulzer

T. com. Paris, 19e ch., du 2 juill. 2010

2 juillet 2010

Vu le jugement du 2 juillet 2010 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a :

- Prononcé la résiliation des contrats de franchise 06-042 et 06-045 aux torts de la société Creopt, à effet du 15 octobre 2008 ;

- Débouté la société Creopt et Monsieur Jean-Luc Cretenier de leurs demandes ;

- Condamné solidairement la société Creopt et Monsieur Jean-Luc Cretenier à payer à la société Alain Afflelou Franchiseur la somme de 113 246 euro HT à titre de dommages et intérêts et 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté par la société Creopt et Monsieur Cretenier et leurs conclusions du 25 octobre 2011 ;

Vu les conclusions de la société Alain Afflelou Franchiseur du 10 novembre 2011 ;

Sur ce

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

Par acte en date du 9 janvier 2006, la société Alain Afflelou Franchiseur a concédé à la société Creopt :

- un contrat de franchise n° 06-043 ayant pour objet l'adhésion du franchisé au réseau de franchise exploité sous l'enseigne Alain Afflelou, pour l'exploitation d'un magasin sis 43-45, avenue de Ternes - 75017 Paris.

- un contrat de franchise n° 06-044, ayant pour objet l'adhésion du franchisé au réseau de franchise exploité sous l'enseigne Alain Afflelou, pour l'exploitation d'un magasin sis 102, rue Ordener - 75018 Paris.

- un contrat de franchise n° 04-128, ayant pour objet l'adhésion du franchisé au réseau de franchise exploité sous l'enseigne Alain Afflelou, pour l'exploitation d'un magasin sis 72, bis rue de Flandre - 75019 Paris.

- un contrat de franchise n° 06-045, ayant pour objet l'adhésion du franchisé au réseau de franchise exploité sous l'enseigne Alain Afflelou, pour l'exploitation d'un magasin sis 233, rue Championnet - 75018 Paris.

- un contrat de franchise n° 06-042, ayant pour objet l'adhésion du franchisé au réseau de franchise exploité sous l'enseigne Alain Afflelou, pour l'exploitation d'un magasin sis 5, place des Ternes - 75017.

L'article XX des conditions générales des contrats de franchise susvisés stipulait un droit de préemption du franchiseur sur le fonds de commerce exploité par le franchisé.

Le 20 juin 2008, la société Creopt a notifié à la société Alain Afflelou Franchiseur un compromis de vente sous diverses conditions suspensives, et notamment de la renonciation du franchiseur a exercer son droit de préemption, des cinq fonds de commerce objet des contrats de franchise susvisé signé le 19 juin 2008 entre la société Creopt et la société Générale d'Optique - Les Opticiens Economes.

Par lettres recommandées en date du 7 juillet 2008, la société Alain Afflelou Franchiseur a fait part à la société Creopt de sa décision d'exercer son droit de préemption sur trois des cinq fonds de commerce susmentionnés, ce que la société Creopt a initialement refusé.

Toutefois, les parties se rapprochèrent ultérieurement et, par actes du 31 octobre 2008, la société Creopt a cédé à la société Alain Afflelou Succursales qui s'est substituée à la société Alain Afflelou Franchiseur, dans l'exercice du droit de préemption, trois fonds de commerce sis :

- 43-45, avenue des Ternes - 75017 Paris

- 102, rue Ordener - 75018 Paris

- 72 bis, rue de Flandre - 75019 Paris

Les deux autres fonds de commerce, sis 233, rue Championnet - 75018 Paris et 5, place des Ternes - 75017 Paris furent concédés par la société Creopt à la société Générale d'Optique, dans les conditions du compromis notifié.

Ayant estimé que ces deux cessions avaient entrainé les résiliations avant leur terme des contrats de franchise qui y étaient attachés, la société Alain Afflelou Franchiseur a, par acte du 7 avril 2009, assigné la société Creopt et Monsieur Cretenier devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire desdits contrats de franchise aux torts et griefs de la société Creopt a effet au 15 octobre 2008 ainsi qu'aux fins de dommages et intérêts.

C'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré.

Sur l'exception d'irrecevabilité :

Considérant que si les appelants excipent, tout d'abord, du défaut d'intérêt à agir de la société Alain Afflelou Franchiseur, lequel résulterait de l'abus de droit que représenterait la présente instance, et s'ils soutiennent que la demande afférente aux deux contrats de franchise litigieux est "uniquement animée d'une intention de nuire caractérisant le défaut d'intérêt légitime à agir", il convient de relever que les contrats de franchise étant autonomes, aucune disposition contractuelle n'obligeait le franchiseur à préempter les cinq fonds de commerce dont la société Creopt était propriétaire ; que l'intimée a ainsi pu, sans commettre d'abus, décider de ne préempter que trois des fonds de commerce ; qu'au demeurant la société Creopt a accepté amiablement de céder les trois fonds de commerce à la société Alain Afflelou Succursales, substituée à la société Alain Afflelou Franchiseur dans les conditions du compromis notifié ; qu'en revanche, à aucun moment, la société Alain Afflelou Franchiseur n'a autorisé la société Creopt à mettre fin par anticipation aux contrats de franchise relatifs aux deux fonds de commerce qui n'avaient pas été préemptés, étant souligné qu'aucune convention ou accord de quelque nature que ce soit n'a eu pour objet ou pour effet de lier le sort de chacun des cinq contrats de franchise dont s'agit, lesquels ont été conclus séparément par les parties le 9 janvier 2006 ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'action engagée par le franchiseur ne présentait aucun caractère abusif qui serait révélateur d'une absence d'intérêt légitime à agir au sens de l'article 51 du Code de procédure civile ;

Sur la résiliation des deux contrats litigieux :

Considérant que si les parties conviennent que les deux contrats considérés ont bien été résiliés à effet du 15 octobre 2008 du fait même de leur cession à la société Générale d'Optique, il convient de rappeler qu'en vertu de l'article XIX desdits contrats, la faculté de résiliation en cas de cession du fonds de commerce appartient exclusivement au franchiseur ; que l'exercice de cette faculté exclut précisément tout automatisme en la matière ; qu'au surplus, l'article XXI des contrats précise : "Dans le cas où la rupture se produit à titre anticipé par l'application du paragraphe b de l'article XIX, l'ancien Franchisé reste tenu du paiement de la redevance annuelle pour l'année civile en cours (article IV) afin de tenir compte des difficultés résultant pour l'ensemble de la franchise Alain Afflelou de la défaillance de l'ancien Franchisé, et sans que cela porte atteinte aux droits du Franchiseur de demander en justice réparation du préjudice causé tant à lui qu'à l'ensemble de la franchise par les fautes ou carences de l'ancien Franchisé" ;

Considérant, en l'espèce, que si le franchiseur n'a nullement entendu faire application de l'article XIX susmentionné, il sera cependant relevé qu'en cédant les fonds dont s'agit à une enseigne concurrente, la société Creopt a nécessairement mis fin aux contrats de franchise s'y rapportant avant leur échéance conventionnelle ; que les appelants ne versent aux débats aucun élément de fait ou de droit susceptible de démontrer que l'intimée avait de quelque manière que ce soit autorisé la société Creopt à mettre fin de façon anticipée aux deux contrats litigieux ; que c'est donc à bon droit que le franchiseur qui avait souscrit des obligations pour toute la durée des contrats, a sollicité le prononcé de la résiliation desdits engagements de franchise aux torts de la société Creopt et réclamé l'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait même de la méconnaissance par la société appelante de ses obligations relatives au respect des échéances convenues ;

Sur le préjudice :

Considérant que la résiliation anticipée d'un contrat à durée déterminée entraîne pour le cocontractant la perte des avantages qu'il pouvait espérer de la continuation du contrat jusqu'à son terme ; qu'en l'occurrence, il s'agit des redevances contractuelles prévues par les contrats de franchises concernés ; que la société Alain Afflelou Franchiseur est ainsi bien fondée à réclamer à la société Creopt le paiement des redevances contractuelles de franchise et de publicité qu'elle aurait dû percevoir pour la période du 15 octobre 2008 (date à laquelle la franchisé a rompu unilatéralement le contrat de franchise), au 31 décembre 2009 (terme du contrat) ; que ces redevances, calculées sur le chiffre d'affaires réalisé par la société franchisé au cours de l'exercice 2007, s'élèvent à :

- 76 522 euro, pour le magasin, sis 233, rue Championnet - 75018 Paris,

- 36 724 euro, pour le magasin, sis 5, place des Ternes - 75017 Paris,

soit au total, la somme de 113 246 euro au paiement de laquelle la société Creopt sera condamnée ;

Sur la caution de M. Cretenier :

Considérant qu'aux termes de deux actes en date du 9 janvier 2006, intégrés aux contrats de franchise n° 06-042 et 06-045, Monsieur Jean-Luc Cretenier s'est constitué caution solidaire, avec renonciation au bénéfice de division et de discussion, de toutes les sommes que la société Creopt, débiteur principal, peut ou pourra devoir à l'avenir à la société Alain Afflelou Franchiseur, en principal, augmenté des intérêts au taux contractuel, frais et accessoires, à raison de tout engagement, toute opération et d'une façon générale de toutes les obligations nées, sans aucune exception, directement ou indirectement liées au contrat de franchise conclu entre la société Alain Afflelou Franchiseur et le débiteur principal ; que les deux actes de cautionnement ont été consentis pour une durée allant jusqu'au 30 juin 2010 et sont limités à :

- 110 000 euro pour le contrat 06-042

- 191 000 euro pour le contrat 06-045 ; que par ailleurs, le cautionnement consenti par Monsieur Cretenier, spécialement désigné par le contrat de franchise comme opérateur économique de la société Creopt, et dont il est précisé que le contrat a été conclu en fonction de sa personne, présente un caractère commercial ; qu'il y a lieu, en conséquence, de condamner M. Cretenier, lequel a renoncé au bénéfice de discussion et de division, à payer, en sa qualité de caution et solidairement avec la société Creopt, la somme ci-dessus arrêtée mise à la charge de cette dernière ;

Sur la demande indemnitaire incidente formée par la société Creopt et M. Cretenier :

Considérant que l'intimée ne faisant qu'exercer en justice les droits qu'elle estime pouvoir tirer des contrats de franchise considérés, son action contentieuse ne présente en elle-même aucun caractère abusif, dilatoire ou injustifié, contrairement à ce qu'affirment les appelants ; que ne peut, par suite, qu'être rejetée la demande indemnitaire susvisée présentée par ces dernières ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter les appelantes de l'ensemble de leurs prétentions ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Déboute les appelantes de l'ensemble de leurs prétentions ; Les condamne in solidum aux dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Les condamne sous la même solidarité à payer à la société Alain Afflelou Franchiseur la somme de 5 000 euro au titre des frais hors dépens exposés en cause d'appel.