CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 21 novembre 2012, n° 11-05880
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Davimar (SARL)
Défendeur :
Vanitex (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
Mmes Chokron, Gaber
Avocats :
SCP Galland-Vignes, Mes Schlosser, Belfayol Broquet, Galichet
Vu l'appel interjeté le 28 mars 2001 par la société Davimar (SARL), du jugement contradictoire rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 17 mars 2011 dans l'instance l'opposant à la société Vanitex (SARL) ;
Vu les dernières conclusions de la société Davimar, appelante, signifiées le 7 mai 2012 ;
Vu les dernières conclusions de la société Vanitex, intimée, signifiées le 3 juillet 2012 ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 11 septembre 2012 ;
Sur ce, la Cour :
Considérant qu'il est expressément référé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures, précédemment visées, des parties ;
Qu'il suffit de rappeler que la société Davimar, spécialisée dans la création et la commercialisation de vêtements de prêt-à-porter qu'elle diffuse sous la griffe Bérénice, ayant constaté que la société Vanitex proposait à la vente dans la collection automne/hiver 2009-2010 des vêtements marqués 'version sud' reproduisant selon elle des modèles et des dessins qu'elle aurait antérieurement créés et sur lesquels elle revendique des droits d'auteur, a procédé à l'achat de sept produits incriminés au magasin Vanitex situé [...], a fait diligenter ensuite, le 24 septembre 2009, dans ce même magasin, des opérations de saisie-contrefaçon qui se sont révélées infructueuses, un constat d'achat le 25 septembre 2009, et à nouveau, le 12 octobre 2009, des opérations de saisie-contrefaçon à l'occasion desquelles ont été recueillis des articles argués de contrefaçon ;
Qu'elle a, dans ces circonstances, assigné suivant acte du 28 octobre 2009 la société Vanitex devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de 3 dessins ('ailes d'ange', 'chouette', 'cœur peace') et 6 modèles de vêtements (gilet débardeur en maille Lucia 2, pull en maille manches courtes Cassie 2, gilet long avec col châle Bianca 1, pull-over en maille Trisha 2, pull en maille manches longues Louane 8, robe droite courte en maille manches courtes Norman 8) et concurrence déloyale et parasitaire et demandé outre des mesures d'interdiction, de confiscation, de destruction, de publication judiciaire, la condamnation de la société défenderesse à lui verser la somme de 1 000 000 d'euro de dommages-intérêts au titre du préjudice de contrefaçon ainsi que la somme de 1 500 000 euro au titre du préjudice de concurrence déloyale ;
Que le tribunal, par le jugement dont appel, a, pour l'essentiel, constaté l'abandon du grief de contrefaçon pour le dessin 'cœur peace', rejeté les demandes en nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon du 24 septembre 2009 et du 12 octobre 2009, admis la société Davimar à se prévaloir de la présomption de titularité des droits, reconnu l'originalité du dessin 'ailes d'ange' mais estimé que les dessins apposés sur les vêtements Tama 3 Wings et Milolika 2 de la société Vanitex ne constituaient pas la contrefaçon du dessin original, dénié toute originalité au dessin de la 'chouette' ainsi qu'aux modèles de vêtements opposés et débouté par voie de conséquence des demandes en contrefaçon, a retenu par contre que la reproduction servile des modèles Lucia 2, Cassie 2, Norman 8, ajoutée à la reprise des thèmes des ailes d'ange et de la chouette, déjà exploités par la société Davimar et devenus emblématiques des produits Bérénice, caractérisaient des actes de concurrence déloyale et parasitaire et prononcé de ce chef à l'encontre de la société Vanitex une mesure d'interdiction sous astreinte et une condamnation au paiement de la somme de 40 000 euro à titre de dommages-intérêts, a débouté la société Davimar de sa demande en dommage-intérêts pour dénigrement ainsi que du surplus de ses demandes et la société Vanitex de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Que devant la cour chacune des parties poursuit la réformation des dispositions du jugement lui faisant grief sauf pour la société Vanitex à renoncer purement et simplement au moyen tiré de la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon ;
Sur la titularité des droits,
Considérant que la société Davimar revendique des droits d'auteur sur :
- le dessin 'ailes d'ange' dont elle soutient qu'il a été créé au printemps 2005 et qu'il a été continûment exploité depuis,
- le dessin de la 'chouette' qui aurait été créé pour la collection automne-hiver 2006-2007 et qui, depuis, serait intégré à toutes ses collections, sous des formes évoluant au fil des saisons,
- le gilet débardeur en maille Lucia 2,
- le pull en maille à manches courtes Cassie 2, les deux créés en octobre 2007 pour la collection automne-hiver 2008-2009,
- le gilet long à col châle Bianca 1, commercialisé dans la collection automne-hiver 2008-2009, adaptation du modèle Nelson 5 (qui est plus court et n'a pas de poches) créé en septembre 2005 pour la collection automne-hiver 2007-2008,
- le pull-over en maille à col V Trisha 2, créé en mars 2008 et commercialisé à compter de l'été 2009,
- le pull-over en maille à manches longues Louane 8, créé en juillet 2008 et diffusé dans la collection été 2009,
- la robe Norman 8 créée en juillet 2007 et commercialisée en été 2008 ;
Considérant que la société Vanitex persiste à faire valoir, pour combattre le grief de contrefaçon, que la société Davimar ne justifierait pas avoir créé à date certaine les deux dessins et six vêtements opposés et, qu'à défaut d'être titulaire de droits sur les créations invoquées, elle serait irrecevable, pour défaut de qualité, à agir en contrefaçon ;
Qu'elle souligne à cet égard que les diffusions sur catalogues et par voie de presse sont inopérantes à établir une création et qu'il incombe à la société Davimar d'indiquer le nom de la personne physique qui aurait créé le modèle et qui lui aurait cédé les droits et de montrer pour chaque dessin et vêtement le processus de création en produisant en particulier les fiches techniques et croquis de l'auteur, corroborés par des documents externes à la société ;
Considérant que la société Davimar soutient que les dessins et vêtements revendiqués ont été créés pour certains par Frédéric Krief, fondateur et dirigeant de la société, pour les autres par son bureau de style, qu'ils ont fait l'objet d'un dépôt Fidealis qui leur confère une date certaine, qu'ils sont commercialisés, ainsi que le montrent en particulier les catalogues et publications de presse versés aux débats, sous la dénomination de Bérénice qui constitue son nom commercial et son enseigne et qu'elle réunit en conséquence les conditions pour prétendre au bénéfice de la présomption de titularité des droits ;
Considérant, en effet, que l'exploitation d'une œuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, en l'absence de revendication du ou des auteurs, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon titulaire, que cette personne est titulaire sur l'œuvre du droit de propriété incorporelle de l'auteur ;
Considérant qu'il importe dès lors de vérifier si la société Davimar est fondée à se prévaloir sur chacune des œuvres revendiquées, de la présomption de titularité des droits ;
Considérant, en ce qui concerne le dessin des 'ailes d'ange', qu'il est produit un 'mémo' exposant le dessin, adressé le 30 décembre 2005 par les Editions Sharp International Ltd à la société Davimar, trois dépôts horodatés du 14 novembre 2006 portant sur un pull-over, une écharpe, un bonnet, un tee-shirt, tous décorés du dessin 'ailes d'ange', des articles de presse de 2007, 2008, 2009 désignant les 'ailes d'ange de Bérénice' comme un élément d'identification des produits griffés Bérénice, des photographies du défilé Bérénice du 4 septembre 2008 avec pour décor les 'ailes d'ange', un carton d'invitation au défilé printemps-été 2009 reproduisant le dessin 'ailes d'ange', les catalogues Bérénice automne-hiver 2006-2007, 2008-2009, 2009-2010 et printemps-été 2008 exposant des vêtements ornés du dessin 'ailes d'ange', de nombreuses factures émises par la société Davimar en 2008 et 2009 pour des modèles revêtus du motif 'ailes d'ange' ;
Considérant que ces éléments, qu'aucune preuve contraire ne vient combattre, établissent sans la moindre équivoque, l'exploitation à compter de l'automne-hiver 2006-2007, sous la dénomination de Bérénice dont il est constant qu'elle constitue l'enseigne et le nom commercial de la société Davimar, du dessin revendiqué 'ailes d'ange' ;
Que la société Davimar est dès lors fondée à invoquer, à compter de 2007, la présomption de titularité des droits sur le dessin 'ailes d'ange' ;
Considérant que la société Davimar admet dans ses propres écritures avoir fait évoluer le motif de 'la chouette' au fil des collections ;
Qu'elle produit un dépôt horodaté du 14 novembre 2006 pour un pull référencé Cashi 17 montrant sur le devant un motif de chouette mais ne produit la moindre preuve d'exploitation ni du pull Cashi 17 ni du motif de chouette tel que représenté sur le pull Cashi 17 ;
Considérant que la société Davimar justifie par contre, pour un motif de chouette aux formes très arrondies, différent du précédent, d'un dépôt horodaté du 6 février 2008 portant sur un pull Jessie 1décoré du motif précité, ainsi que d'actes d'exploitation avec le catalogue Bérénice automne-hiver 2008-2009 exposant le pull Jessie 1 et des factures en date du 5 octobre 2008 et du 31 janvier 2009 portant sur le pull Jessie 1 ;
Que la présomption de titularité des droits, à l'encontre de laquelle n'est opposée aucune preuve contraire, bénéficie en conséquence à la société Davimar pour le dessin de 'la chouette' tel qu'il est représenté sur le pull Jessie 1 ;
Considérant qu'il est produit pour le gilet débardeur Lucia 2 une fiche technique du 11 octobre 2007, un dépôt horodaté Fidealis du 6 février 2008 portant sur un gilet sans manche semblable à celui de la fiche technique, des factures adressées par la société Davimar à la société Le Printemps SA le 5 septembre 2008 et le 5 octobre 2008 pour des articles référencés Lucia 2, le catalogue Bérénice automne-hiver 2009-2010 ;
Considérant qu'il est justifié pour le pull à manches courte Cassie 2, d'une fiche technique du 11 octobre 2007, d'un dépôt horodaté Fidealis du 6 février 2008 portant sur un pull à manches courtes raglan au col arrondi et à longue patte de boutonnage, semblable à celui de la fiche technique, ainsi que de factures adressées par la société Davimar à la société Le Printemps SA le 5 septembre 2008, le 5 octobre 2008 et le 5 janvier 2009 pour des articles référencés Cassie 2 ;
Qu'il suit de ces éléments que la société Davimar a exploité sans la moindre équivoque le gilet débardeur Lucia 2 et le pull à manches courtes Cassie 2 à compter du mois de septembre 2008 et qu'elle est fondée à compter de cette date à se prévaloir de la titularité des droits sur les produits précités ;
Considérant, s'agissant du gilet à col châle Bianca 1, constituant la version longue du gilet à col châle Nelson 5, que la société Davimar justifie de dépôts horodatés du 3 juillet 2007 (Nelson 5) et du 6 février 2008 (Bianca 1), de factures des 5 septembre, 5 octobre, 5 mars 2009, délivrées à la société Le Printemps SA pour des articles Bianca 1, d'une publication dans le magazine Biba de novembre 2007 exposant le modèle Nelson 5 et l'attribuant à Bérénice, les catalogues Bérénice automne-hiver 2007-2008 pour le modèle Nelson 5 et 2008-2009 pour le modèle Bianca 1 ;
Considérant que ces éléments qui ne sont pas combattus par la preuve contraire établissent l'exploitation par la société Davimar depuis le mois d'octobre 2007 du modèle de gilet Nelson 5 commercialisé ensuite, à partir de septembre 2008, dans une version longue référencée Bianca 1 ;
Qu'il s'ensuit que la société Davimar doit être regardée comme titulaire des droits à compter d'octobre 2007 sur le modèle Nelson 5 devenu Bianca 1en version longue ;
Considérant qu'il est pareillement produit pour le pull à col V et manches longues Trisha 2, portant au dos l'inscription 'Love in my mind', pour le pull à col V et manches longues Louane 8, portant au dos l'inscription 'bahia', pour la robe droite Norman 8, des dépôts horodatés Fidealis et des factures de vente, outre, pour la robe, le catalogue printemps-été 2008 et une photographie publiée dans le journal Version Femina de juillet 2008 ;
Considérant que ces éléments, qui ne sont pas contredits, établissent la diffusion des articles précités sous la dénomination Bérénice et justifient de l'exploitation par la société Davimar du vêtement Trisha 2 à compter du 5 mars 2009, du vêtement Louane 8 à compter du 31 janvier 2009 et de la robe Norman 8 à compter du printemps 2008 ;
Considérant qu'il s'infère en définitive de ces observations que la société Davimar bénéficie de la présomption de titularité des droits sur les deux dessins et six vêtements opposés et justifie par là-même, ainsi que l'a pertinemment retenu le tribunal, de sa qualité à agir au fondement de contrefaçon de droits d'auteur ;
Sur l'originalité,
Considérant qu'en vertu de l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous qui comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial ;
Que ce droit est conféré, selon l'article L. 112-1 du même code, à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, que sont notamment considérées comme œuvres de l'esprit, en vertu de l'article L. 112-2-14°, les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits ;
Considérant que s'il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de sa création, encore faut-il qu'il s'agisse d'une œuvre de l'esprit éligible à la protection instituée au titre des droits d'auteur, c'est- à dire une œuvre originale ;
Considérant que la société Vanitex contestant en la cause à chacune des créations opposées le statut d'œuvre de l'esprit au sens des dispositions précitées du Livre Ier du Code de la propriété intellectuelle, il importe de se livrer à la recherche nécessaire de l'originalité, le bien-fondé de l'action en contrefaçon étant d'abord subordonné à la condition que la création, objet de cette action, soit une création originale ;
Considérant que l'originalité du motif 'ailes d'ange' se caractérise, selon la société Davimar par un aspect d'ensemble aux traits volontairement minimalistes pour produire une impression de légèreté et associant des ailes angéliques, non déployées, qui se font face sans se toucher et dont les pointes biffent vers l'extérieur ;
Qu'il est ajouté en ce qui concerne l'intérieur des ailes :
- le haut est constitué d'une forme ovale (haricot),
- juste en dessous, trois rangées se suivent, représentant de manière épurée de petites plumes arrondies (petites vagues),
- suivent trois rangées de longues et fines plumes biffant vers l'extérieur, dont la taille croît de l'intérieur vers l'extérieur de l'aile ;
Considérant que la société Vanitex fait valoir que les dessins représentent des ailes d'ange sont connus depuis l'Antiquité, qu'ils se rencontrent de façon récurrente à travers les siècles pour symboliser la spiritualité, la puissance ou la liberté, qu'ils sont devenus plus récemment un motif classique de tatouage ;
Or considérant que la société Vanitex procède par des affirmations générales tandis que la société Davimar, sans prétendre à l'appropriation de toute représentation des ailes d'ange, revendique un dessin dont l'originalité réside selon elle dans une combinaison particulière d'éléments caractéristiques ;
Et que force est de constater, au vu des pièces de comparaison produites par la société Vanitex pour justifier de la prétendue banalité du dessin opposé, que si les ailes d'ange ont été représentées de multiples façons différentes, aucune de ces représentations ne réunit les caractéristiques invoquées par la société Davimar et tenant notamment à l'agencement singulier des six rangées de plumes allié à l'orientation particulière du plumage ;
Considérant, en définitive, que si certains des éléments qui composent le dessin en cause sont effectivement connus et appartiennent, regardés séparément, au fonds commun de la représentation stylisée des ailes d'ange, en revanche, leur combinaison telle que revendiquée, dès lors que l'appréciation de la cour doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement des différents éléments, confère à ce dessin une physionomie propre qui le distingue des autres dessins du même genre et qui traduit un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur ;
Que le dessin 'ailes d'ange' satisfait dès lors à la condition d'originalité requise pour bénéficier de la protection par le droit d'auteur et le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
Considérant que le dessin de 'la chouette', tel que représenté sur le pull Jessie 1, le seul pour lequel la société Davimar justifie être titulaire de droits, se caractérise selon cette dernière, par son style épuré, minimaliste, représentant une chouette, sans pattes, aux formes arrondies, visage de face et corps de profil, de grands yeux aux grands contours arrondis, le corps comptant quatre rangées de vaguelettes représentant des plumes, une aile dessinée sur le haut du corps avec quatre rangées de plumes dont la dernière est composée de trois plumes biffant vers l'extérieur ;
Or considérant que la cour relève au vu des documents produits que la représentation de la chouette alliant un corps de profil à la forme très arrondie, une aile avec des plumes, une tête de face ornée d'une paire d'yeux exagérément grands, est connue depuis l'Antiquité (pièce n°50) et communément reprise depuis dans différents domaines (monnaie, bijoux, philatélie), que le dessin revendiqué, examiné globalement, ne produit pas, au regard de dessins antérieurs s'inscrivant également dans un genre épuré, minimaliste, ou naïf, une impression d'ensemble distincte et qu'une telle observation confirme que l'effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur ne saurait résider dans le seul choix de donner à voir, sur l'aile, une dernière rangée composée trois plumes biffant vers l'extérieur ;
Considérant que l'originalité du dessin de 'la chouette' sera dès lors écartée ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal ;
Considérant que la société Davimar décrit le gilet débardeur Lucia 2 dans les termes suivants :
- gilet débardeur en maille,
- les finitions de l'encolure, du bas et des pattes de boutonnage sont constituées d'un bord-côte (1cm) mixé de fil Lurex,
- le gilet se ferme par quatre boutons ton sur ton à deux trous,
- d'amples emmanchures sont terminées par des bords rouleautés mixés au fil Lurex,
- au dos est cousue une martingale de maille mixée avec du fil Lurex, à l'intérieur de laquelle est insérée un cordon en maille, noué vers l'extérieur ;
Or considérant qu'il ressort des documents produits que le gilet débardeur en maille fermé par des boutons posés sur une longue patte de boutonnage est dans le domaine public, que la réalisation de finitions bord-côte mixées de Lurex et la confection d'une martingale également mixée de Lurex sont connues et se rencontrent fréquemment dans des collections antérieures de Sonia Rykiel, que la forme rouleautée en bordure des emmanchures se retrouve dans des modèles plus anciens de Zadig & Voltaire ;
Qu'il résulte en outre de l'attestation du président de la société Bonneterie Elye et des factures émises par cette société, dont aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute la sincérité, que le modèle de gilet Boxeur commercialisé en 2001 par la société Auchan et le modèle de gilet Sergent commercialisé en 2004 dans les magasins à l'enseigne Camaieu présentent toutes les caractéristiques du modèle opposé exception faite pour les manches qui sont par définition absentes dans le gilet débardeur ;
Qu'il apparaît enfin et en toute hypothèse, au terme de l'appréciation globale à laquelle la cour s'est livrée, que le modèle opposé ne se distingue pas des modèles antérieurs du même genre par une physionomie propre qui porterait l'empreinte de la personnalité de son auteur, force étant de constater que toutes les caractéristiques telles que revendiquées du gilet débardeur Lucia 2 sont banales et que leur combinaison ne révèle pas un effort créatif, même minime, de nature à conférer au modèle l'originalité requise pour accéder au statut d'œuvre de l'esprit ;
Considérant que le modèle Cassie 2 représente, selon la société Davimar, un pull ajusté en maille, à manches courtes, comportant à l'avant un décolleté arrondi et une longue fente reliée par une boutonnière, avec boutons ton sur ton à quatre trous, des finitions de l'encolure et de la fente en bord-côtes de 1 centimètre mixés avec du fil Lurex, des finitions du bas et des manches en fin bord-côtes (quatre millimètres environ) mixés avec du Lurex ;
Or, considérant que si les modèles antérieurs, extraits des catalogues antérieurs 3 Suisses 1991/1992 et La Redoute 2005/2006, ne constituent pas, ainsi que le souligne dans ses écritures la société Davimar, des 'antériorités de toutes pièces', force est de rappeler qu'il s'agit en la cause de rechercher l'originalité du vêtement opposé et non pas la nouveauté, notion étrangère au droit d'auteur ;
Que la cour observe que les modèles 3 Suisses et La Redoute présentent certes des manches longues mais qu'ils associent, à l'instar du modèle opposé, une encolure arrondie et une longue patte boutonnée, les deux avec des finitions à bord-côtes et produisent au regard du modèle opposé une impression d'ensemble similaire ;
Qu'en effet, les choix qui ont présidé à la longueur des manches et à la profondeur de l'encolure ni par ailleurs, l'utilisation, banale, du Lurex dans les finitions en bord-côtes ne traduisent pas une liberté créatrice de nature à conférer au modèle revendiqué une physionomie propre, distincte des autres modèles du même genre, et, partant, un caractère original ;
Considérant que le modèle Nelson 5 devenu en version longue Bianca 1 est décrit par la société Davimar comme un gilet long avec col châle transformable en capuche, la fermeture du gilet se fait uniquement à l'aide d'une épingle, donnant une ligne modulable au vêtement, les coutures du milieu sont apparentes, les finitions du bas et des manches ont des bords francs ;
Or considérant que des gilets à col châle transformable en capuche se rencontrent dans la catalogue automne-hiver 2005-2006 de La Redoute, que le catalogue Vanitex automne-hiver 2007 montre un modèle de gilet long Mirabilis 2 présentant un col châle transformable en capuche et des coutures du milieu apparentes ainsi qu'un modèle de gilet court Mirabilis 1 avec un large col, des coutures apparentes au milieu et une fermeture à l'aide d'une épingle donnant un effet modulable au vêtement ;
Qu'il suit de ces éléments que les caractéristiques du modèle Nelson 5 étaient courantes en octobre 2007, date à compter de laquelle la société Davimar bénéficie de la présomption de titularité des droits sur ce modèle et qu'en particulier le gilet Mirabilis 2 les associait d'ores et déjà dans la combinaison telle que revendiquée avec pour seule différence la longueur du gilet ;
Qu'il ressort en outre de l'appréciation globale à laquelle la cour s'est livrée, que l'aspect d'ensemble produit par la combinaison d'éléments connus ne confère pas au gilet opposé une physionomie propre qui le distingue des autres gilets du même genre ;
Qu'en conséquence, le gilet Nelson 5 devenu Bianca 1 ne révèle pas un parti-pris esthétique portant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
Considérant que le pull Trisha 2 est décrit par la société Davimar comme présentant un col à deux épaisseurs coupées bords francs, composé de deux parties : la première étant arrondie et la seconde, sur l'avant, dessinant une pointe en forme de V, des boutons ronds à deux trous disposés symétriquement sur le V à des fins strictement décoratives, sur le dos, l'inscription 'love in my mind' réalisée avec du Lurex et du print pailleté ;
Or considérant que le col à double épaisseur et à bords rouleautés coupés bords francs en forme de V sur les contours duquel sont disposés des boutons à fonction exclusivement décorative, dit 'col tunisien', est connu sur le marché de la mode en particulier pour être exploité depuis 2003 par la société ZV France sous la marque Zadig & Voltaire ;
Et que l'originalité du modèle ne saurait résider dans l'apposition d'un message au dos du vêtement, usage en vogue dans le domaine de la mode depuis les années 1970, ni dans la confection du message par maillage avec du Lurex selon la technique ancienne de l'intersia ;
Considérant que le modèle Louane 8 représente selon la société Davimar un pull-over en maille à manches longues resserré à la taille et aux poignets, avec large décolleté avant en forme de V finition bord rouleauté, intersia de coudières réalisé avec mixage de Lurex dont le contour est souligné par des points de couture en Lurex, intersia de lettres au dos mixées au Lurex et dont le contour est souligné par des points de couture en Lurex, larges bords-côtes en bas et aux poignets procurant un effet bouffant ;
Or considérant que le col V à bord rouleauté est connu ainsi qu'il a été dit précédemment, que la forme du pull-over à col V, manches longues, larges bords aux poignets et au bas appartient au domaine public, que l'usage de l'intersia pour marquer des coudières ou réaliser des inscriptions met en œuvre une technique et ne révèle aucun effort créatif ;
Considérant que la robe Norman 8 est décrite comme une robe droite, courte, en maille, à manches courtes avec bords rouleautés mixés de fil et de Lurex, comportant une fine ceinture en maille ton sur ton au niveau de la taille, le col composé de deux parties, la première est arrondie et haute en dos, la seconde formant le décolleté avant en pointe de V, cinq boutons à fonction décorative sont disposés symétriquement sur le V du décolleté ;
Or considérant que la robe droite courte en maille, à manches courtes, dessinant à la taille une fine ceinture en maille ton sur ton appartient au fonds commun de la mode vestimentaire et que l'ajout d'éléments connus tels que le décolleté en V décoré de boutons et les finitions bords rouleautés mixés de Lurex ne confère pas au modèle revendiqué, pris dans son ensemble, une physionomie propre, qui le distingue des autres modèles du même genre et ne révèle pas un parti-pris esthétique portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur ;
Considérant que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a refusé au dessin 'la chouette' et aux six vêtements opposés le statut d'œuvre de l'esprit éligible à la protection par le droit d'auteur ;
Sur la contrefaçon du dessin 'ailes d'ange',
Considérant que l'originalité du dessin, exploité à compter de l'automne-hiver 2006-2007, ayant été reconnue, il convient d'examiner le mérite de l'action en contrefaçon ;
Considérant que la société Davimar incrimine le tee-shirt à manches longues Tama-Wings de la société Vanitex comportant sur le dos un dessin d'ailes en imprimé pailleté qui constituerait selon elle 'une pâle copie' du dessin original ;
Or considérant qu'il résulte de la comparaison à laquelle la cour a procédé, que le dessin argué de contrefaçon ne présente pas en partie supérieure de l'aile une forme ovale évoquant un haricot, ne montre pas des plumes disposées en rangées, dont la taille croît de l'intérieur vers l'extérieur, et biffant vers l'extérieur ;
Qu'il s'infère de ces constatations que le dessin contesté ne reproduit aucune des caractéristiques qui confèrent au dessin 'ailes d'ange' de la société Davimar son originalité et que les dessins en présence produisent au demeurant une impression d'ensemble différente ;
Qu'il s'ensuit que la contrefaçon, caractérisée selon les dispositions de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, par toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, n'est pas en l'espèce établie ;
Que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur la demande en concurrence déloyale et parasitaire,
Considérant que la société Davimar fait grief de ce chef à la société Vanitex d'avoir copié plusieurs articles de ses précédentes collections, d'avoir repris les thèmes sur lesquels elle a bâti son succès et d'avoir ainsi profité sans bourse déliée de ses investissements de création et de promotion ce qui lui a permis de pratiquer des prix plus bas ;
Considérant que les articles incriminés appartiennent ainsi qu'il a été indiqué ci-avant à la collection automne-hiver 2009-2010 de la société Vanitex et qu'il ressort des constatations auxquelles la cour a procédé que :
- le gilet débardeur Gill-1 est une copie servile du gilet débardeur Lucia 2 exploité par la société Davimar à compter de septembre 2008,
- le pull à manches courtes Meri-1 est une copie servile du pull à manches courtes Cassie 2 commercialisé par la société Davimar à compter de septembre 2008,
- la robe Rosemary-Teddy constitue la reproduction quasi-servile de la robe Norman 8 (la seule différence tenant à l'inscription sur le dos qui délivre un message différent) commercialisée par la société Davimar à compter du printemps 2008,
- la robe Meri-4 constitue une version longue du pull Meri-1 lequel reproduit le pull Cassie 2 de la société Davimar ;
Considérant que la cour relève au surplus que :
- le tee-shirt à manches longues Tama 3 Wings présente sur le dos un motif d'ailes d'ange en imprimé pailleté,
- le tee-shirt à manches longues Milolika 2 présente sur le dos un motif de chouette en imprimé pailleté ;
Que par ailleurs, le tee-shirt à manches longues Milolika 10 P&L. reprend le dessin 'cœur peace' en forme de cœur au milieu duquel est tracée une ligne droite coupée en un même point par deux segments formant de part et d'autre du cœur, de manière symétrique, un angle aigu, dessin dont la société Davimar ne revendique pas l'originalité mais dont il n'est pas contesté qu'elle l'exploite depuis la saison printemps-été 2008 ;
Or considérant que si le principe de la liberté du commerce et de l'industrie autorise la libre reproduction d'un produit ou d'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, c'est sous réserve que soient préservées les conditions d'un exercice paisible et loyal du commerce ;
Qu'à cet égard, la création d'un risque de confusion sur l'origine des produits ou la captation parasitaire des investissements d'autrui, procèdent d'un comportement fautif de nature à brouiller les règles d'une saine concurrence et à ouvrir droit à réparation pour l'opérateur économique qui en est victime ;
Considérant qu'il ressort en l'espèce des observations qui précèdent que quatre modèles de la collection automne-hiver 2009-2010 de la société Vanitex constituent la copie servile ou quasi-servile de trois modèles des collections Davimar printemps-été 2008 (robe Norman 8) et automne-hiver 2008-2009 (Lucia 2 et Cassie 2) et que trois modèles reprennent des thèmes : ailes d'ange, cœur peace, chouette, antérieurement exploités par la société Davimar ;
Or considérant qu'il est établi au vu des pièces de la procédure que les modèles copiés comptent au nombre de ceux pour lesquels la société Davimar a enregistré les meilleures ventes et dont le succès a été particulièrement souligné par la presse à telle enseigne que leur exploitation a été reconduite les saisons suivantes ;
Qu'il est en outre justifié, en particulier au vu des catalogues, des photographies des défilés, des nombreuses coupures de presse, que le dessin 'ailes d'ange' est intensément exploité par la société Davimar dans toutes ses collections depuis l'automne 2006 et qu'il est devenu emblématique des produits griffés Bérénice, que les motifs 'cœur peace' et 'chouette' sont également récurrents dans les collections de la société Davimar et constituent, pareillement, des signes d'identification de la griffe Bérénice ;
Considérant qu'il suit de ces éléments que la société Vanitex, en copiant trois modèles phares de la société Davimar et en s'appropriant les trois thèmes aptes à identifier les produits Bérénice auprès du public, tous faits qui ne sont pas fortuits, a créé un risque de confusion tout en escomptant profiter du succès rencontré par les produits de son concurrent et bénéficier ainsi, indûment, des investissements de création, de promotion et de communication qui ont rendu possible ce succès ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
Sur les mesures réparatrices,
Considérant qu'il résulte des opérations de saisie-contrefaçon que la société Vanitex a commercialisé pour le moins, 324 modèles Meri-1 et 324 modèles Meri-4, 720 modèles Rosemary-Teddy, un vêtement Tam 3 Wings et un vêtement Milolika 2 ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Vanitex a pratiqué des prix de vente inférieurs de 80 % ;
Or considérant qu'une telle différence de prix provient nécessairement des économies que la société Vanitex a pu réaliser au détriment de son concurrent qui justifie avoir consacré 591 631 euro et 599 083 euro au titre des frais de publicité et de communication en 2008 et 2009, outre qu'elle génère inéluctablement, toujours au préjudice de son concurrent, un détournement de la clientèle et partant, un manque à gagner, outre une dépréciation de l'image de ses produits ;
Considérant qu'au regard de ces éléments le tribunal a sous-estimé le préjudice subi par la société Davimar qu'il convient de fixer à 60 000 euro, une telle indemnité suffisant à réparer l'entier préjudice sans qu'il y ait lieu, à titre complémentaire, de mettre à la charge de la société Vanitex une mesure de publication ;
Considérant que la mesure d'interdiction telle que fixée par le tribunal est pertinente en son principe et proportionnée en ses modalités et sera purement et simplement confirmée ;
Considérant que c'est par ailleurs avec raison que le tribunal a écarté les mesures de confiscation et de destruction qui ne sont pas nécessaires au regard de l'ancienneté des faits ;
Considérant qu'il s'infère des motifs de l'arrêt que la société Vanitex justifie d'une exploitation antérieure, dès l'automne 2007, des modèles Mirabilis 1 et 2 présentant un col châle et une fermeture à épingle et que le dénigrement invoqué par la société Davimar pour avoir été prétendument suspectée d'avoir copié ces modèles n'est pas fondé ;
Considérant que le sens de l'arrêt établit le mal fondé de la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Vanitex ;
Considérant que le jugement dont appel est en définitive confirmé en toutes ses dispositions à l'exception du montant des dommages-intérêts alloués à la société Davimar ;
Considérant que la société Davimar ayant obtenu en première instance, au titre des frais irrépétibles, la somme de 10 000 euro outre le remboursement du coût des saisies-contrefaçon, il y a lieu de lui octroyer une indemnité complémentaire de 10 000 euro ;
Par ces motifs : Confirme dans les limites de l'appel le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire, Statuant à nouveau du chef réformé, Condamne la société Vanitex à payer à la société Davimar la somme de 60 000 euro à titre de dommages-intérêts, Déboute des demandes contraires à la motivation, Condamne la société Vanitex aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à payer à la société Davimar une indemnité complémentaire de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles.