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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 20 novembre 2012, n° 11-06281

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Banque Populaire du Sud

Défendeur :

Stepien, ASM3-I (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

M. Chassery, Mme Olive

Avocats :

SCP Argellies Watremet, SCP Melmoux Prouzat Guers, Mes Baumelou, Bensalem

T. com. Montpellier, du 25 juill. 2011

25 juillet 2011

Faits et procédure - Moyens et prétentions des parties

La société ASM3-I est titulaire d'un compte courant ouvert dans les livres de la Banque Populaire du Sud (la banque) en garantie duquel M. Stepien, son dirigeant, s'est constitué caution solidaire le 30 novembre 2004 à concurrence de 12 000 euro. Elle a également bénéficié de la part de cette banque de deux prêts professionnels :

- l'un d'un montant de 15 000 euro consenti le 6 juillet 2004, garanti par le cautionnement solidaire de M. Stepien à concurrence de 19 500 euro,

- l'autre d'un montant de 119 000 euro consenti le 14 août 2006, garanti par le cautionnement solidaire de M. Stepien à concurrence de 77 350 euro et de Mme Stepien à concurrence du même montant.

Le compte courant présentant un solde débiteur et les échéances des prêts n'étant pas remboursées en dépit d'une mise en demeure restée infructueuse, la banque a, selon exploit du 11 mars 2010, fait assigner en paiement la société ASM3-I et les cautions devant le Tribunal de commerce de Montpellier.

Selon exploit du 30 mars 2010, la société ASM3-I et M. et Mme Stepien ont fait assigner la banque devant la même juridiction en résiliation du contrat de prêt du 14 août 2006 pour vice du consentement, en déchéance des contrats de cautionnement et en paiement de diverses sommes en réparation.

Par jugement contradictoire du 25 juillet 2011, le tribunal, après avoir joint les deux instances, s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Montpellier dans l'instance opposant la banque à Mme Stepien, a dit que l'acte de cautionnement signé par M. Stepien le 14 août 2006 ne lui est pas opposable, a condamné solidairement la société ASM3-I et M. Stepien à payer à la banque la somme de 10 672,02 euro avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2010, la somme de 623,62 euro avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2010, a ordonné la capitalisation des intérêts, a rejeté les demandes de dommages-intérêts et a condamné chaque partie à supporter la moitié des dépens.

La banque a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 5 septembre 2011 en intimant la société ASM3-I et M. Stepien.

Elle a conclu à la confirmation partielle du jugement entrepris, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre du prêt du 14 août 2006, sollicitant de ce chef la condamnation de la société ASM3-I à lui payer la somme de 101 546,09 euro solidairement avec M. Stepien à concurrence de 50 773,04 euro avec intérêts au taux de 4,55 % à compter du 11 février 2010, outre la somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que :

- le premier juge n'a pas statué sur sa demande en paiement envers la société ASM3-I au titre du prêt du 14 août 2006,

- l'acte de cautionnement du 14 août 2006 de M. Stepien n'est pas irrégulier comme l'a retenu à tort le premier juge, les articles L. 341-4 et suivants du Code de la consommation n'imposant pas la mention de la durée de l'engagement de la caution,

- l'acte de cautionnement a été rédigé de la main de la caution,

- M. Stepien ne rapporte pas la preuve de la disproportion qu'il allègue faute de production de justificatif de ses revenus lors de son engagement et lors de l'exécution de celui-ci,

- le fait que la garantie Oseo, qui bénéficie à la banque, n'ait pas été souscrite est sans incidence pour l'emprunteur et pour la caution, et son existence ne constitue pas une condition déterminante de l'octroi du prêt, lequel n'est donc pas nul,

- la situation financière compromise de la société ASM3-I l'a conduite à ne pas maintenir les concours qu'elle lui avait consentis, ce qui a permis d'éviter une aggravation de sa situation, si bien qu'elle n'a subi aucun préjudice,

- M. Stepien ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa demande de dommages-intérêts.

La société ASM3-I et M. Stepien ont conclu le 21 septembre 2012 à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a écarté les demandes de la banque et prononcé la déchéance des contrats de cautionnement, et à son infirmation concernant leurs propres demandes, sollicitant de la cour le prononcé de la résiliation du contrat de prêt du 14 août 2006 et la condamnation de la banque à payer, à titre de dommages-intérêts, à la société ASM3-I la somme de 150 000 euro, à la société ASM3-I et à M. Stepien la somme de 30 000 euro, outre celle de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils font valoir que :

- saisi suite au jugement entrepris qui s'est déclaré incompétent sur la demande formée contre Mme Stepien, le Tribunal de grande instance de Montpellier a, par jugement du 27 février 2012 passé en force de chose jugée, déclaré nul l'acte de cautionnement et rejeté les demandes de la banque,

- la souscription du contrat de prêt du 14 août 2006 était déterminée et conditionnée par la garantie Oséo, et la banque n'a pas respecté cette condition en ne régularisant pas cette garantie, ce qui entraîne la résiliation du contrat de prêt pour dol (sic),

- l'irrégularité des contrats de cautionnement a influé nécessairement sur la validité du contrat de prêt,

- le contrat de cautionnement du 14 août 2006 ne respecte pas le formalisme imposé par les articles L. 341-2 et suivants du Code de la consommation,

- le contrat de cautionnement du 30 novembre 2004 est également irrégulier dans la mesure où il comporte deux périodes de remboursement différentes,

- l'engagement de caution était manifestement disproportionné aux revenus de M. Stepien qui ne faisait que développer son chiffre d'affaires par une société relativement récente et de Mme Stepien qui est retraitée de la fonction publique,

- la banque n'a pas respecté son obligation d'information annuelle,

- la banque a commis des fautes en interrompant ses concours à la société ASM3-I dans la précipitation, en lui accordant un crédit important sans faire une analyse rigoureuse de son projet et en interrompant brutalement leurs relations commerciales,

- ces fautes ont entraîné l'arrêt de l'activité de la société ASM3-I et un préjudice matériel et moral pour M. Stepien.

C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 4 octobre 2012.

Le 18 octobre 2012, la banque a sollicité a sollicité le rejet des écritures et des pièces que lui ont fait signifier les intimés le 21 septembre 2012 en raison de leur proximité avec l'ordonnance de clôture, ce qui l'a empêchée d'y répliquer.

La société ASM3-I et M. Stepien ont répliqué le même jour que la banque avait disposé d'un délai suffisant pour répondre et que le principe de la contradiction n'avait pas été violé.

Motifs de la décision

1/ Sur l'incident de procédure

Attendu que les parties ont été informées de la date de la clôture de l'instruction ;

Que les écritures et pièces litigieuses ont été communiquées le 21 septembre 2012, soit treize jours avant l'ordonnance de clôture, en sorte que la banque a disposé d'un délai suffisant pour y répliquer ;

Que, dès lors, le principe de la contradiction n'ayant pas été méconnu, la demande tendant à leur rejet des débats ne peut être accueillie ;

2/ Sur la demande au titre du solde débiteur du compte courant

Attendu que cette créance, qui s'élève à la somme de 10 672,02 euro, n'est pas contestée par la société ASM3-I ;

Que l'engagement de caution solidaire souscrit par M. Stepien le 30 novembre 2004 est conforme en tous points aux exigences des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, notamment ce qu'il prévoit une durée d'engagement de douze ans ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef ;

3/ Sur la demande au titre du prêt du 6 juillet 2004

Attendu que la société ASM3-I ne conteste pas la créance de la banque de 623,62 euro au titre de ce prêt ;

Que M. Stepien ne conteste pas son engagement de caution au titre de ce prêt à concurrence de 19 500 euro ;

Que le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef, sauf quant aux intérêts assortissant cette condamnation, qui seront de 4,75 % conformément au contrat de prêt ;

4/ Sur la demande au titre du prêt du 14 août 2006

Attendu que les intimés sollicitent la " résiliation " de ce contrat de prêt pour dol en faisant valoir qu'ils ne l'ont accepté que sous la condition que la banque souscrive une garantie Oseo, ce qu'elle n'a pas fait, et qu'il soit garanti par les cautionnements solidaires de M. et Mme Stepien, alors que ces cautionnements sont irréguliers ;

Attendu, d'abord, que le dol est un vice du consentement susceptible d'entraîner la nullité du contrat et non sa résiliation ;

Qu'ensuite, en l'espèce, les intimés ne sont pas fondés à invoquer le défaut de souscription par la banque d'une garantie Oseo, qui ne bénéficie qu'à elle seule, et non à l'emprunteur ou à la caution ;

Qu'enfin, la régularité des cautionnements est sans incidence sur la validité du prêt qu'ils garantissent ;

Qu'ainsi, la preuve du dol invoqué n'étant pas rapportée, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de ce chef ;

Attendu qu'est nul l'engagement de caution, pris par acte sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas la mention manuscrite exigée par l'article L. 341-2 du Code de la consommation ;

Que le cautionnement souscrit le 14 août 2006 par M. Stepien est ainsi rédigé : " Lu et approuvé bon pour caution solidaire personnelle et indivisible, dans les termes susvisés, de la somme de 77 375 euro due à la Banque Populaire du Sud en principal, plus intérêts, commissions et frais et accessoires au TEG de 06,14 % l'an [...] " ;

Que cette mention ne correspondant pas à celle prévue à la disposition légale précitée, l'acte de cautionnement est nul, et non pas " inopposable " comme l'a jugé le tribunal de première instance ;

Attendu, en conséquence, que la société ASM3-I sera condamnée à payer à la banque la somme de 101 546,09 euro au titre de ce prêt, outre intérêts au taux conventionnel de 4,55 % à compter du 11 février 2010, et que la demande de la banque envers la caution au titre de ce prêt sera rejetée ;

5/ Sur la demande au titre de la faute de la banque

Attendu que la banque a adressé le 15 septembre 2009 à la société ASM3-I, en visant expressément les dispositions de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier, une notification de dénonciation des concours qu'elle lui avait consentis ;

Que, faute de régularisation, la banque a avisé sa cliente, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 novembre 2012, qu'elle interrompait tous ses concours ;

Que cette rupture, qui a respecté le délai préavis de soixante jours prévue à l'article L. 313-12 précité, est régulière et n'engage donc pas la responsabilité de la banque ;

Attendu que, tenant la régularité de cette rupture intervenue dans le délai légal, la société ASM3-I n'est pas fondée à soutenir que cette rupture a été brutale au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Attendu, par ailleurs, que les intimés ne rapportent pas la preuve de leur affirmation selon laquelle la banque a commis une faute en octroyant un prêt de 119 000 euro ;

Qu'en effet, la société ASM3-I qui se borne à alléguer que ce prêt était destiné à payer le rachat de parts sociales d'une société placée en liquidation judiciaire, sans d'ailleurs l'établir, ne rapporte pas la preuve qu'il était excessif ou inadapté, d'autant qu'à ce jour elle est in bonis ;

Que, dès lors, elle ne peut reprocher à la banque d'avoir failli à son devoir de mise en garde ;

Que, concernant M. Stepien, son engagement de caution étant annulé, le moyen tiré de la disproportion de celui-ci à ses biens et revenus est inopérant ;

Attendu que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en responsabilité et en réparation de la société ASM3-I et de M. Stepien envers la banque ;

6/ Sur les autres demandes

Attendu que les intimés, qui succombent pour l'essentiel, seront condamnés à payer à la banque la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, verront leur propre demande de ce chef rejetée et supporteront les dépens d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Déboute la Banque Populaire du Sud de sa demande de rejet des conclusions et pièces communiquées le 21 septembre 2012. Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la condamnation au paiement de la somme de 623,62 euro serait assortie des intérêts au taux légal et en ce qu'il a dit que le cautionnement du 14 août 2006 était inopposable. Et statuant à nouveau, Dit que la condamnation au paiement de 623,62 euro est assortie des intérêts au taux conventionnel de 4,75 %. Dit que le cautionnement du 14 août est nul. Le confirme pour le surplus. Y ajoutant, Condamne la société ASM3-I à payer à la Banque Populaire du Sud la somme de cent un mille cinq cent quarante-six euro et neuf centimes (101 546,09) avec intérêts au taux conventionnel de 4,55 % l'an à compter du 11 février 2010. Condamne in solidum la société ASM3-I et M. Stepien à payer à la Banque Populaire du Sud la somme de deux mille euro (2 000) en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute la société ASM3-I et M. Stepien de leur demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne in solidum la société ASM3-I et M. Stepien aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice des avocats de la cause.