CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 15 novembre 2012, n° 10-16737
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace (SA)
Défendeur :
Aviscom (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Pomonti, Michel-Amsellem
Avocats :
Mes Teytaud, Vohmann, Bernabe, Reck
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La société du journal Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace crée, édite et exploite le quotidien régional du même nom qui est principalement diffusé dans les régions du Bas Rhin et du Haut Rhin.
Ce journal comporte une rubrique dénommée "carnet du Jour" faisant apparaître notamment les avis de décès des personnes originaires de la région et qui lui sont transmises soit par les familles, soit par les entreprises de pompes funèbres, soit par des organismes ou institutions au sein desquelles le défunt exerçait une activité.
La SARL Aviscom, créée en 2006, exploite un site Internet sous le nom de "www.avis-de-deces.net" qui a pour objet la publication sur Internet d'annonces d'un registre des décès et qui permet notamment l'envoi de condoléances.
Cette prestation est proposée par l'intermédiaire des entreprises de pompes funèbres qui font insérer dans les avis publiés dans la presse papier une ligne libellée "condoléances et témoignages sur www.avis-de-deces.net".
La société Aviscom indique que cette ligne, après avoir été insérée par le journal les Dernières Nouvelles d'Alsace dans divers avis de décès, s'est heurtée à un revirement de position du journal qui a avisé les entreprises de pompes funèbres de son refus de faire figurer à l'avenir la mention "registre de condoléances et témoignages sur www.avis-de-deces.net" dans ses avis de décès .
Par courrier des 23 octobre et 4 novembre 2008, la société Aviscom a mis en demeure le journal les Dernières Nouvelles d'Alsace de rétablir la ligne "condoléances et témoignages sur www.avis-de-deces.net" dans ses parutions nécrologiques ce qu'elle n'a pas obtenu.
Par acte du 19 décembre 2008, la société Aviscom a attrait la société du Journal les Dernières Nouvelles d'Alsace devant le Tribunal de commerce de Nancy pour pratiques anticoncurrentielles constitutives d'ententes illicite, d'abus de position dominante et de refus de vente ;
Par jugement du 6 juillet 2010, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Nancy a constaté l'abus de position dominante de la SA Société Edition des Dernières Nouvelles d'Alsace, lui a enjoint, sous astreinte de 1 000 euro par refus d'insérer, de procéder à la demande des familles, respectivement par le truchement des entreprises de pompes funèbres, à l'insertion dans les annonces de décès paraissant dans le journal les Dernières Nouvelles d'Alsace de la ligne mentionnant le registre de condoléances en ligne sur "www.avis-de-deces.net", débouté la SARL Aviscom de ses demandes de dommages et intérêts et de publication du dispositif du présent jugement dans le Carnet du jour du journal Dernières Nouvelles d'Alsace, et condamné la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace à payer à la SARL Aviscom la somme de 2 000 euro au titre de dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens du jugement.
Vu l'appel interjeté le 11 août 2010 par la SA Éditions des Dernières Nouvelles d'Alsace ;
Vu les dernières conclusions, signifiées le 9 mai 2012, par lesquelles la Société Édition des Dernières Nouvelles d'Alsace demande à la cour :
- de déclarer la SA Éditions des Dernières Nouvelles d'Alsace tant recevable que bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
- d'infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société Aviscom de sa demande de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau :
Vu les articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-4 du Code de commerce,
Vu l'article 1382 du Code civil,
- de dire et juger que les pratiques reprochées à la SA Édition des Dernières Nouvelles d'Alsace par la société Aviscom ne sont pas constitutives d'un abus de position dominante et ne sauraient donc faire l'objet d'une injonction de faire,
- de dire et juger que les pratiques reprochées à la SA Édition des Dernières Nouvelles d'Alsace par la société Aviscom ne sont pas constitutives d'une entente illicite et ne sauraient donc faire l'objet d'une injonction de faire,
- de condamner la société Aviscom à payer à la SA Édition des Dernières Nouvelles d'Alsace la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Éditions les Dernières Nouvelles d'Alsace prétend que les parties à l'instance n'interviennent pas sur le même marché pour trois raisons car :
- d'une part elles ne proposeraient pas des services substituables puisqu'elles n'opèrent pas sur le même support et puisque les prestations sont proposées à des prix différents de l'ordre de 1/40,
- d'autre part, les deux sociétés ne couvriraient pas le même marché géographique, la société Aviscom étant un acteur national alors que la société les Dernières Nouvelles d'Alsace est une source d'information locale et régionale sur le Bas Rhin et le Haut Rhin,
- enfin, les deux services ne s'adresseraient pas non plus aux mêmes utilisateurs.
La société Éditions Les Dernières Nouvelles d'Alsace ne s'estime pas coupable d'abus de position dominante.
Elle affirme que le refus d'insérer la mention litigieuse ne serait que la conséquence de l'application de l'article L. 2223-33 du Code général des collectivités territoriales et n'aurait ni un objet ni un effet anticoncurrentiel.
Enfin, elle conteste avoir été membre d'une entente illicite puisque le marché géographique sur lequel interviennent les entreprises n'est pas le même. Les conditions légales de l'article L. 420-1 du Code de commerce ne seraient donc pas remplies.
Elle fait valoir que la société Aviscom ne démontre pas avoir subi un préjudice.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 15 juin 2011, par lesquelles la société Aviscom demande à la cour :
- de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nancy en date du 6 juillet 2010 en tant qu'il a constaté l'abus de position dominante de la SA Édition des Dernières Nouvelles d'Alsace ; qu'il lui a enjoint, sous astreinte de 1 000 euros par refus d'insérer, de procéder à la demande des familles, respectivement par le truchement des entreprises de pompes funèbres, à l'insertion dans les annonces de décès paraissant dans le journal Les Dernières Nouvelles d'Alsace de la ligne mentionnant le registre de condoléances en ligne sur www.avis-de-deces.net
- d'infirmer ledit jugement pour le surplus ;
Et statuant à nouveau :
- de condamner la SA Éditions Des Dernières Nouvelles d'Alsace à payer à la SARL Aviscom une somme de 15 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- de réserver la réparation de tout préjudice matériel,
- de condamner la SA Éditions Des Dernières Nouvelles d'Alsace à payer à la SARL Aviscom une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens,
- d'ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir dans la page "carnet du jour" du journal Les Éditions Des Dernières Nouvelles d'Alsace, sur un quart de page, en faisant état qu'il s'est rendu coupable des pratiques anticoncurrentielles d'entente, d'abus de position dominante et de refus de vente au détriment de la société Aviscom exploitante du site Internet "www.avis-de-deces.net",
- de condamner la SA Éditions Des Dernières Nouvelles d'Alsace aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le montant pourra être recouvré par la SCP Bernabe Chardin Cheviller, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Aviscom prétend que le marché pertinent est celui des annonces nécrologiques et que les deux sociétés interviennent donc sur le même marché, faisant valoir que l'information apportée par les annonces sur Internet est identique à celle des annonces dans la presse malgré la différence de support et que le marché géographique à considérer serait la zone de diffusion commune aux deux supports. En outre, l'écart de prix ne permettrait d'identifier deux marchés distincts. Enfin, le comportement des consommateurs témoignerait d'une substituabilité des deux services.
Elle ajoute que, même si l'on considérait les deux marchés comme distincts, le lien de connexité et de complémentarité qui existe entre les deux marchés permet de considérer que l'attitude de l'appelant sur le premier peut avoir des conséquences néfastes sur le second.
De plus, la société Aviscom prétend que la SA Éditions Des Dernières Nouvelles d'Alsace est en position dominante et que le refus d'insérer la mention litigieuse ainsi qu'un bandeau publicitaire constitue un abus.
Enfin, la société Aviscom accuse la société Éditions Des Dernières Nouvelles d'Alsace d'entente illicite et prétend que plusieurs sociétés auraient simultanément refusé d'insérer la mention litigieuse dans leurs journaux et tenteraient ainsi d'empêcher ou de freiner l'émergence d'autres modes de publication d'annonces nécrologiques. Ce comportement serait fautif au sens de l'article 1382 du Code civil et aurait causé un préjudice à la société Aviscom.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :
Considérant que les sociétés Éditions Les Dernières Nouvelles d'Alsace a demandé de révocation de l'ordonnance de clôture au motif qu'elle aurait eu tardivement des informations concernant la composition du tribunal qui a rendu le jugement déféré ;
Que pour autant elle n'apporte aucun élément justifiant de ces prétendues informations, ni de leur gravité au regard du jugement rendu qui justifieraient la révocation de l'ordonnance de clôture.
Au fond
Considérant que la société Aviscom soutient que le refus par le journal des Dernières Nouvelles d'Alsace d'insérer la ligne "condoléances et témoignages sur www.avis-de-déces.net" dans ses annonces nécrologiques est constitutif d'une pratique anticoncurrentielle manifeste se traduisant par :
- un abus de position dominante
- une entente illicite
- une faute génératrice d'un préjudice
Sur l'abus de position dominante allégué :
Considérant que l'article 420-2 du Code de commerce prohibe les agissements abusifs d'une entreprise lorsqu'ils "ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché" ;
Que la société Editions Des Dernières Nouvelles d'Alsace affirme que le marché sur lequel elle intervient est celui des publications d'avis de décès dans la presse écrite quotidienne et ne conteste pas sa position dominante sur ce marché mais affirme que celui-ci doit être distingué du marché des annonces nécrologiques en ligne sur lequel intervient la société Aviscom ;
Que la société Aviscom soutient qu'il s'agit d'un seul marché, celui des annonces nécrologiques et que la société Editions Des Dernières Nouvelles d'Alsace a fait obstacle au maintien et au développement de la concurrence sur ce marché ;
Sur la détermination du marché en cause :
Considérant que la position dominante d'une entreprise ne peut s'apprécier que par rapport à un certain marché dit marché pertinent ou marché en cause que le Conseil de la Concurrence définit comme "le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leur caractéristique, de leur prix ou de l'usage auquel ils sont destinés" ;
Que le Conseil de la Concurrence considère "comme substituables et comme se trouvant sur ce même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les consommateurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande" ;
Qu'il y a lieu en conséquence de déterminer non seulement les caractéristiques techniques et fonctionnelles du produit ou du service mais aussi de s'intéresser aux motivations de utilisateurs justifiant leur choix ;
Considérant que la société Aviscom a pour objet "en France et à l'étranger, la conception, la réalisation et l'exploitation de sites Internet d'annonces pour particuliers et professionnels liés à la publication d'annonces de décès, de mariage et de naissance" ;
Que le site de la société Aviscom mentionne "les avis de décès c'est aussi sur Internet" et propose : "Un registre national sur Internet des publications nécrologiques,
La parution régionale et nationale des avis de décès,
un livre de condoléances et de témoignages en ligne, mis gratuitement à disposition des familles et des proches,
les coordonnées et les services de l'entreprise de pompes funèbre reliées à chaque avis de décès,
un livre du souvenir, espace permanent réservé pour le défunt (en service courant 2008)" ;
Considérant que la société Aviscom fait valoir que son site est constitué à titre principal par les annonces nécrologiques et non par les condoléances ; qu'elle précise sur son site que"avis-de-décès.net s'impose aujourd'hui en tant qu'acteur majeur national pour la publication nécrologique", sa page d'accueil qui est la carte de France découpée en départements permettant un accès rapide au répertoire des défunts ;
Qu'elle explique que son site comporte la liste complète des décès dans un même département en fonction de l'ordre de survenance des décès, indiquant sur son site que son répertoire provient essentiellement des entreprises de pompes funèbres qu'elle admet ainsi que sa source n'est pas celle des familles et que son répertoire n'est pas constitué d'annonces émanant de celles-ci contrairement à ce qui est le cas des annonces dans la presse, cette dernière étant destinataire des seuls avis à publier à la demande des familles ;
Que pour être complet, le répertoire a nécessairement pour origine une source disposant de l'ensemble des données ce qui est le cas des entreprises de pompes funèbres qui, d'une part, ont le monopole des chambres funéraires, d'autre part se sont vu confier par la société Aviscom la commercialisation de son "pack" comportant une offre de prestations de condoléances à destination des tiers, affirmant que les condoléances ne seraient que l'accessoire ; que, de plus seules les entreprises de pompes funèbres ont accès au site créé par la société Aviscom dans sa phase annonce, les internautes n'ayant accès à ce répertoire que pour le consulter et non pour annoncer même en payant un décès ;
Que, ce répertoire constitue en conséquence une base de données sans pour autant ouvrir à la consultation tous les cas de décès qu'il contient mais opère un tri entre des annonces consultables et les autres, celles consultables correspondant à la liste restreinte de défunts pour lesquels la société Aviscom indique avoir reçu paiement par les entreprises de pompes funèbres d'une annonce nécrologique en ligne et dans le cadre de laquelle s'ouvre la possibilité de laisser un message de condoléances à partir notamment des messages pré composés proposés ;
Considérant que le quotidien, lui, n'a pas vocation, à recenser tous les décès survenus, fût-ce sur son secteur de diffusion, mais à publier un nombre limité d'annonces c'est à dire les seules dont il est saisi par les familles ou leur représentant ; que les informations figurant sur le site créé par la société Aviscom, constitutives d'un répertoire des décès, ne sauraient être comparées avec les annonces de décès publiées par le journal l'Est Républicain qui identifient les personnes physiques, auteurs de la publication, qui précisent la date et le lieu du décès, le déroulement des obsèques et le lieu de repos du corps alors que l'examen des listes répertoriées par la société Aviscom comportent les seules mentions du nom, de l'âge du défunt et de la date de son décès et l'absence de toute indication des noms de la famille ou des proches ;
Considérant que les annonces par voie de presse locale tendent à toucher des lecteurs régionaux proches du défunt et de sa famille et dès lors susceptibles de participer aux funérailles et aux cérémonies organisées alors que le site de la société Aviscom s'adresse à de internautes sans limite géographique et tend à leur permettre de manifester, en dépit des distances, leur soutien à la famille ou aux proches par l'envoi de messages de condoléances sur un site dédié au défunt ;
Que la société Les Dernières Nouvelles d'Alsace diffuse son quotidien dans les départements du Bas Rhin et du Haut Rhin où elle est en concurrence avec un autre quotidien l'Alsace, étant précisé qu'il existe autant d'éditions que de cantons et que chacune publie les avis de décès qui y sont rattachés ; qu'ainsi les annonces publiées par Les Dernières Nouvelles d'Alsace ont une délimitation géographique liée au secteur de diffusion du journal alors que la société Aviscom n'a pas de secteur géographique délimité ;
Que s'agissant des utilisateurs, il convient de relever que les conditions d'utilisation du site "avis-de-décès.net" distingue "l'utilisateur" et le "visiteur", l'utilisateur étant le professionnel ayant ouvert le compte auprès de la société Aviscom étant habilité à le faire fonctionner et à demander la publication d'avis de décès ou d'annonce payante et le visiteur étant "tout internaute autorisé à visiter ce site et pouvant demander la publication payante d'annonces et messages dès lors qu'un avis de décès du défunt concerné est en ligne" ;
Que par ailleurs le prix de l'offre de la société Aviscom étant de 15 euro contre 300 euro l'avis de décès dans le quotidien Les Dernières Nouvelles d'Alsace ;
Que la société Aviscom fait état de l'évolution du comportement des consommateurs en matière d'annonces notamment immobilières et de rencontre qui démontrent que ceux-ci se tournent de plus en plus vers les annonces via des sites Internet ;
Que cette réalité est incontestable, le nombre d'utilisateurs d'Internet ayant régulièrement augmenté au cours de ces dernières années et un certain nombre de journaux de la presse quotidienne publiant eux-mêmes leurs avis de décès, version papier, sur Internet même si ce n'est pas encore le cas du journal de Les Dernières Nouvelles d'Alsace ;
Que les deux prestations ne répondent pas à la même finalité, l'annonce presse étant éphémère puisque marquée par sa quotidienneté ; des annonces nouvelles étant publiées au jour le jour et destinées à annoncer localement le décès et les obsèques, la compilation Internet étant pérenne et destinée à permettre l'expression de condoléances dans la durée ;
Qu'ainsi les deux publications, l'une par voie de presse, l'autre par voie Internet donc sur deux supports distincts se distinguent également par leurs caractéristiques, le site Internet créé par la société Aviscom ayant pour objet de répertorier des décès afin permettre une recherche alors que l'objet de l'annonce presse a pour objet d'informer d'un événement qui est survenu dans un temps récent et d'annoncer les obsèques ; que la publication du quotidien sur un site Internet ne modifie en rien cette différence ;
Considérant en conséquence les deux prestations proposées ne sont pas substituables ;
Que toutefois elles interviennent sur le marché des annonces nécrologiques et sont destinées à satisfaire des besoins complémentaires et immédiats pour les familles, liés à la survenance d'un décès, les familles pouvant souhaiter bénéficier simultanément des deux ; qu'il y a lieu en conséquence de constater leur connexité ;
Considérant en conséquence les publications nécrologiques par voie de presse papier ont des années durant occuper seules le terrain des annonces nécrologiques ont bénéficié d'une position dominante sur ce marché auquel les médias électroniques sont susceptibles de porter concurrence ;
Qu'il convient dès lors de rechercher si la décision de la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace d'insérer dans ses avis de décès la ligne litigieuse a constitué un abus visant d'une part à préserver cette position dominante en évinçant la société Aviscom du marché des annonces nécrologiques.
Sur l'abus de position dominante allégué
Considérant que la quasi-totalité des décès survenant dans les département du Bas Rhin donne lieu à une publication dans le journal Les Dernières Nouvelles d'Alsace qui se partage avec le quotidien l'Alsace aussi la publication de ceux survenus dans le département du Haut Rhin alors que ni la société Aviscom, ni les autres quotidiens régionaux ou nationaux ne détiennent de part significative de ce marché, qu'il s'agit bien de l'occupation d'une position dominante ;
Considérant que la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace fait valoir que son refus se justifie par les dispositions réglementaires de l'article L. 2223-33 du Code général des collectivités territoriales qui dispose que "À l'exception des formules de financement des obsèques, sont interdites les offres de services faites en prévision d'obsèques ou pendant un délai de deux mois à compter du décès en vue d'obtenir ou de faire obtenir, soit directement, soit à titre d'intermédiaire, la commande de fournitures ou de prestations liées à un décès" ;
Que la société Aviscom prétend que la mention espace de condoléances sur www.avis-de-décès.net ne peut s'analyser comme une offre de services faite en prévision d'obsèques ou en vue d'obtenir ou de faire obtenir la commandes de fournitures ou de prestations liées à un décès, dans la mesure où elle a pour objet de créer un espace Internet sur lequel pourront s'exprimer des tiers et qu'elle constitue une simple information ;
Qu'elle soutient que cette mention procède de la libre organisation des funérailles et que le refus de l'insérer constitue une ingérence de la presse dans celle-ci telle que voulue par les familles ;
Que la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace expose que les conditions d'utilisation du site indiquent que chaque internaute particulier peut "demander la publication payante d'annonces et messages dès lors qu'un avis de décès du défunt concerné est déjà en ligne" ; que dès lors la société Aviscom ne peut prétendre qu'il s'agirait d'une simple information, une telle annonce constituant à l'évidence une offre de prestations, au demeurant payantes qui ne saurait être comparé avec l'ouverture d'un registre de condoléances lors de la cérémonie religieuse ou civile des obsèques ;
Considérant que la société Aviscom prétend que l'avis de décès constitue un tout indivisible de sorte que la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace ne pouvait refuser d'en publier la seule ligne litigieuse ;
Considérant que l'annonce publiée par voie de presse par les familles a pour but d'informer les tiers ; qu'à ce titre la mention de l'ouverture d'un site Internet destiné à recueillir des condoléances fait partie intégrale du texte d'annonce rédigé par la famille, le journal n'intervenant pas dans la rédaction du texte publié ; que celui-ci bénéficie certes d'une liberté rédactionnelle pour la rédaction et l'organisation de ses rubriques et peut décider à cette occasion de bannir de la rubrique nécrologique toute annonce à caractère publicitaire comme celle résultant de la mention d'un site marchand qui se trouverait ainsi médiatisé par voie de presse ; qu'il convient de relever que la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace a pourtant laissé se développer ce type d'annonces dans son carnet nécrologique, reconnaissant que cette ligne ne portait pas atteinte à sa liberté de rédacteur ; que, lorsqu'elle a décidé brutalement de modifier sa position, elle n'a pas, pour autant, refusé l'intégralité de l'annonce payante à paraître dans son carnet mais a seulement refusé d'insérer la ligne de référence au site Internet destinée à recevoir des condoléances, alors que celle-ci n'avait pas lieu d'être dissociée du reste de l'annonce, faisant ainsi obstacle à la manifestation de la volonté des familles ;
Que, si la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace ajoute que de nombreux sites similaires à celui de la société Aviscom se sont développés de sorte qu'elle encourt le risque d'être contactée par toute sorte d'annonceur, il convient de distinguer l'insertion de la ligne en cause constituant une annonce privée d'une annonce publicitaire ;
Que de plus cette décision a été prise alors que les différents organes de presse écrite ont mis en place des sites Internet, d'une part, de lecture des journaux en ligne, d'autre part des sites spécialisés similaires à celui créé par la société Aviscom.
Considérant que le refus opposé par la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace peut être qualifié d'ingérence de la presse dans l'organisation des funérailles telle que voulue par les familles, les modalités de présentation des condoléances ne pouvant être dissociées du texte d'annonce du décès ; qu'il n'est pas justifié par une prétendue politique rédactionnelle qui n'a pas été la sienne précédemment ;
Considérant que la société Aviscom prétend que cette pratique injustifiée a engendré pour elle un double préjudice, d'une part, un préjudice financier qu'elle ne chiffre pas, d'autre part, un préjudice moral, caractérisant un abus de position dominante ;
Que si elle fait état d'une régression de ses annonces en ligne, elle mentionne seulement avoir constaté celle-ci "contrairement au plan prévisionnel d'activité établi alors" et prétend que la moyenne des annonces nécrologiques sur son site n'est plus que d'une à deux par jour contre 6 en septembre 2009 ;
Qu'elle ne saurait prétendre que la venue de concurrents directs sur le marché Internet n'a pas eu d'incidence au motif qu'elle aurait débuté son activité dans les départements de l'est de la France où ces nouveaux intervenants seraient absents alors que le propre des sites Internet est de ne pas avoir de frontières géographiques ; que d'ailleurs elle n'apporte aucun élément à l'appui de son affirmation ;
Que, par ailleurs elle fait état de ce que de nombreuses entreprises de pompes funèbres lui ont fait savoir que le refus de la possibilité d'insérer la référence au site réduisait l'intérêt de recourir aux services de la société Aviscom et qu'elles hésiteraient à proposer ce service aux familles tant que le journal maintiendrait sa position ; que dès lors la société Aviscom ne saurait imputer au refus de la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace la baisse des annonces qu'elle dit avoir enregistrée, celle-ci étant manifestement liée à la politique de commercialisation des entreprises de pompes funèbres ;
Qu'enfin elle ne chiffre pas son préjudice matériel, faisant seulement état d'un plan prévisionnel ce qui constitue un élément parfaitement aléatoire portant sur l'avenir alors même que les pratiques dénoncées ont porté sur la période du 23 octobre 2008, date à partir de laquelle la société Aviscom s'est vue refuser l'insertion de la mention de son site, jusqu'à la date du jugement, soit le 6 juillet 2010 ; que, dans la mesure où celui-ci, assorti de l'exécution provisoire a enjoint à la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace sous astreinte de 1 000 euro par refus d'insérer, de procéder à la demande des familles, respectivement par le truchement des entreprises de pompes funèbres, à l'insertion dans les annonces de décès paraissant dans le journal l'Alsace de la ligne mentionnant le registre de condoléances en ligne sur "www.avis-de-décès.net" et que celle-ci s'est exécutée, la société Avicom était nécessairement en mesure de procéder à un" étude comparative des chiffres d'affaire réalisé et de démonter un préjudice s'il avait effectivement existé ;
Qu'elle ne justifie pas davantage que son essor aurait été bloqué du fait des refus opposés par la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace de procéder aux annonces litigieuses, dans la mesure même où elle ne prétend pas que son répertoire alimenté par les entreprises de pompes funèbres dont la tenue était son activité principale ait été affecté ;
Que ce défaut de preuve d'un préjudice à l'occasion de pratiques alléguées sur une période de près de deux ans d'une part sur le plan local, d'autre part, à l'occasion une entente allégué entre des quotidiens diffusant à travers tout le territoire national démontre qu'il n'y a pas eu d'entrave au développement des annonces nécrologiques sur Internet où d'autres sites ont d'ailleurs pu se développer ; que la preuve n'est pas rapportée par la société Aviscom que les refus qui lui ont été opposés ont affecté le marché des annonces nécrologiques ;
Que la société Aviscom ne justifie pas davantage que le refus de d'insertion aurait nui à sa réputation et qu'elle aurait de ce fait subi un préjudice moral.
Considérant que l'absence de preuve d'un préjudice démontre que la pratique alléguée n'a pas perturbé de façon sensible la société Aviscom dans l'organisation de son marché et que dès lors celle-ci n'est pas constitutive d'un abus de position dominante ;
Considérant en conséquence qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de débouter la société Aviscom de l'ensemble de ses demandes.
Sur les faits d'entente illicite alléguée
Considérant que la société Aviscom allègue d'une politique concertée de plusieurs journaux diffusés sur tout le territoire national qui aurait eu pour objet de freiner l'émergence d'autres modes de publications d'annonces nécrologiques, relatant que le refus brutal de l'insertion de la ligne litigieuse est intervenu sans motivation après le refus opposé par la Voix du Nord et après près de deux ans de publication ;
Qu'elle affirme que les sociétés éditant dix des journaux cités font partie du même groupe de presse, le groupe Ebra et observe que "la société Le Républicain Lorrain n'a pas conclu sur ce point. Son mutisme est particulièrement révélateur (...)" sauf que c'est la société la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace qui est dans la cause et qu'il incombe à la société Aviscom de faire la preuve de ses affirmations et donc de l'existence de ce groupe et d'une entente au sein de celui-ci pour adopter une politique rédactionnelle unique qui aurait eu pour conséquence d'entraver le jeu de la concurrence ;
Qu'elle prétend que cette politique constituerait une entrave en maintenant de façon rigide les parts de marché des annonces nécrologiques ;
Que si la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace ne conteste pas que plusieurs journaux régionaux ont adopté une politique similaire en matière d'annonces nécrologiques et ont refusé de publier dans les avis de décès la ligne de son site, celle-ci ne saurait à elle seule caractériser une action concertée ;
Que par ailleurs la société Aviscom affirme que la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace est en position dominante sur son secteur géographique de sorte qu'elle n'aurait nul besoin de se concerter avec d'autres organes de presse ;
Que le seul fait d'avoir adopté une attitude commune qui, en l'espèce est justifiée par la réglementation en vigueur, ne caractérise pas une entrave au libre jeu de la concurrence, ni l'existence d'une entente concertée et illicite.
Qu'il y a lieu à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Aviscom au titre de faits d'entente illicite.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif .
Par ces motifs : Et, adoptant ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reforme le jugement déféré en ce qu'il a retenu un abus de position dominante, Statuant à nouveau, Dit que les pratiques reprochées à la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace par la société Aviscom ne constituent pas un abus de position dominante et ne sauraient faire l'objet d'une injonction de faire, Dit que les pratiques reprochées à la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace par la société Aviscom ne constituent pas une entente illicite et ne sauraient faire l'objet d'une injonction de faire, Condamne la société Aviscom à payer à la société Editions des Dernières Nouvelles d'Alsace la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Aviscom aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.