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Décisions

Cass. com., 30 mai 2012, n° 11-18.024

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Lioser (Sté)

Défendeur :

ITM Entreprises (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Odent, Poulet

Orléans, du 17 févr. 2011

17 février 2011

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Lioser et M. X que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société ITM région parisienne ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Lioser, constituée par M. X, exploitait un magasin Intermarché en vertu d'un contrat d'enseigne conclu le 21 avril 1998 pour dix ans avec la société ITM Entreprises ; que la société ITM région parisienne, filiale de cette dernière, est devenue détentrice de 34 % en nue-propriété des actions représentant le capital de la société Lioser ; que sa qualité de nue-propriétaire lui donnait le droit de vote aux assemblées générales extraordinaires ; que le 26 octobre 2007, M. X et la société Lioser ont informé la société ITM Entreprises que le contrat d'enseigne ne serait pas renouvelé à son échéance ; que la société ITM région parisienne, soutenant que la décision de ne pas reconduire le contrat d'enseigne relevait, en application des statuts, de la compétence de l'assemblée générale extraordinaire, a fait assigner la société Lioser et M. X en annulation de la dénonciation de ce contrat ; que la société Lioser et M. X ont soulevé la nullité de la disposition statutaire imposant la convocation d'une assemblée générale extraordinaire pour dénoncer le contrat d'enseigne ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable : - Attendu que la société ITM région parisienne fait grief à l'arrêt d'avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de l'article 34 des statuts de la société Lioser, alors, selon le moyen, qu'en considérant que la société Lioser et M. X pouvaient exciper, perpétuellement, de la nullité de l'article 34 des statuts de la société Lioser, cependant que l'exception de nullité de l'article 34 n'était invoquée que pour faire obstacle à la demande de nullité de la dénonciation du contrat d'enseigne, laquelle ne tendait donc pas à faire échec à une demande d'exécution d'un acte juridique, la cour d'appel a violé l'article 1844-14 du Code civil ;

Mais attendu que l'exception de nullité peut seulement être invoquée pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ; qu'ayant relevé que la société Lioser et M. X n'avaient pas convoqué une assemblée générale extraordinaire en vue d'autoriser la dénonciation du contrat d'enseigne, ce dont il résultait que la disposition statutaire dont ils demandaient la nullité n'avait pas été exécutée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche : - Sur la recevabilité du moyen contestée par la défense : - Attendu que le moyen est de pur droit, le pourvoi ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été connu par les juges du fond, soumis à leur appréciation et constaté dans la décision attaquée ; que la fin de non-recevoir n'est pas fondée ;

Et sur le moyen : - Vu l'article 1844-10, alinéa 2, du Code civil, ensemble les principes de la liberté contractuelle et de la liberté de la concurrence ; - Attendu que pour dire n'y avoir lieu de prononcer la nullité de l'article 34 des statuts de la société Lioser, l'arrêt retient que cette disposition statutaire, qui est conforme à l'article L. 225-96 du Code de commerce, ne contrevient, en elle-même, ni à la liberté du commerce, ni à la prohibition des ententes anti-concurrentielles ou des engagements perpétuels ; qu'il retient encore qu'en réalité, la société Lioser et M. X contestent la convention d'usufruit sans en tirer une quelconque conséquence, et surtout l'usage abusif ou illicite que la société ITM Entreprises, sous le couvert de la société ITM région parisienne qu'elle contrôle, peut faire de la minorité de blocage qu'elle détient pour imposer la poursuite sans fin du contrat de franchise ; qu'il retient enfin qu'alors même que ces contestations seraient fondées, elles ne sauraient, en toute hypothèse, entraîner la nullité de la disposition statutaire incriminée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette disposition statutaire, considérée non pas seulement en elle-même, mais au regard des circonstances constituées par la minorité de blocage dont disposait la société ITM région parisienne et compte tenu de la dépendance de cette dernière envers la société ITM Entreprises dont elle était la filiale à 99 %, n'avait pas pour objet ou pour effet de porter atteinte à la liberté contractuelle et de la concurrence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés ;

Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, de la disposition de l'arrêt ayant prononcé la nullité de la dénonciation du contrat d'enseigne à laquelle M. X a procédé sans autorisation de l'assemblée générale extraordinaire de la société Lioser, ainsi que celle de la délibération du conseil d'administration l'y ayant autorisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du premier moyen ni sur le second moyen du pourvoi principal : Rejette le pourvoi incident ; Casse et annule, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer, infirmé le jugement et déclaré la société ITM région parisienne recevable en son action, l'arrêt rendu le 17 février 2011, entre les parties, par la Cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.