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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 22 novembre 2012, n° 12-00746

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Hama (EURL)

Défendeur :

Acthys Europe (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Raffejeaud

Conseillers :

MM. Garnier, Monge

Avocats :

SCP Laval-Lueger, SCP Desplanques-Devauchelle, Mes Karadas, Dreux

T. com. Orléans, du 2 févr. 2012

2 février 2012

Se prévalant de la violation par la société Acthys Europe, anciennement dénommée Kenmark France, de ses obligations contractuelles telles que découlant d'un contrat de distribution exclusive que celle-ci lui aurait consenti en septembre 2009, l'EURL Hama a saisi, le 20 janvier 2011, le Tribunal de commerce d'Orléans pour voir prononcer la résiliation dudit contrat aux torts de la société Acthys Europe ou, à défaut, sa nullité et aux fins de paiement de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 2 février 2012, le tribunal a dit qu'il n'existait pas de contrat entre les parties, a débouté l'EURL Hama de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Acthys Europe la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont relevé qu'il n'existait aucun document ratifié par les deux parties et marquant leur volonté expresse, mais seulement des documents à l'état de projets non finalisés.

L'EURL Hama a régulièrement interjeté appel de cette décision le 7 mars 2012.

Elle a fait valoir que la société Acthys Europe lui avait adressé, le 2 septembre 2009, un projet de contrat de distribution exclusive, qu'après de légères modifications sur lesquelles les parties s'étaient accordées, elle avait accepté le 25 septembre 2009 ; qu'il importait peu que ce contrat ne fût pas signé, dès lors qu'il avait reçu un commencement d'exécution ; que la société Acthys Europe était son seul cocontractant ; qu'elle ne pouvait prétendre avoir agi en qualité d'intermédiaire, représentant la société de droits taïwanais Kenmark Industrial, en se bornant à produire un contrat rédigé en anglais et non traduit ; qu'elle ne pouvait non plus prétendre avoir agi en qualité de VRP, d'agent commercial ou de commissionnaire ; que les dispositions d'ordre public de l'article L. 330-3 du Code de commerce avaient été violées.

Elle a alors conclu à la nullité du contrat de distribution exclusive et a sollicité, par voie de conséquence, la restitution des sommes versées par elle en exécution du contrat, soit la somme de 57 500 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2010 et le paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

À titre subsidiaire, arguant de la violation par la société Acthys Europe de ses obligations contractuelles, en ce qu'elle avait livré des marchandises défectueuses, n'avait pas livré les marchandises commandées en remplacement, n'avait pas réglé le transporteur comme elle s'y était engagée et n'avait pas remboursé le montant des marchandises payées et non livrées, l'EURL Hama a sollicité le paiement de la somme de 108 082,45 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2010.

Plus subsidiairement encore, alléguant la faute que la société Acthys Europe avait commise en lui faisant passer une commande dont elle savait qu'elle ne pourrait être honorée, elle a sollicité une somme de 108 082,45 euros à titre de dommages et intérêts.

En toute hypothèse, elle a sollicité une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que le débouté des demandes de la société Acthys Europe.

Cette dernière s'est attachée à réfuter l'argumentation de l'appelante, en soutenant que les discussions entre elles étaient restées au stade de pourparlers qui n'avaient pas abouti, qu'elle n'était intervenue dans la passation de la commande auprès de la société Kenmark Industrial qu'en qualité d'intermédiaire en exécution de son contrat d'agent commercial, et qu'elle n'avait commis aucune faute dès lors que la défectuosité de la livraison ne lui était pas imputable.

Elle a conclu, en définitive, à la confirmation de la décision entreprise et elle a sollicité une somme de 5 000 euros pour procédure abusive ainsi qu'une même somme sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2012.

L'EURL Hama a sollicité le rejet des débats des conclusions déposées et de la pièce n° 8 communiquée par la société Acthys Europe le 3 octobre 2012.

Sur ce,

Sur la demande de rejet des débats :

Attendu que la société Acthys Europe a cru pouvoir communiquer la veille de l'ordonnance de clôture la traduction en français d'un contrat d'agent commercial rédigé en anglais dont elle se prévalait dès la première instance, alors que cette traduction lui avait été réclamée de longue date par l'EURL Hama, et, en dernier lieu, aux termes d'une sommation en date du 21 août 2012 ;

Attendu qu'il résulte des dispositions des articles 15 et 135 du Code de procédure civile que les pièces produites aux débats doivent l'être en temps utile, de manière à permettre à la partie adverse d'en prendre connaissance et d'y répondre avant la clôture de l'instruction, sous peine d'être écartées des débats ;

Qu'en l'espèce, l'EURL Hama n'a manifestement pas pu, en vingt-quatre heures, prendre connaissance de la pièce litigieuse et y répondre, de sorte que celle-ci sera écartée des débats ;

Qu'il en sera de même des conclusions déposées le même jour par la société Acthys Europe et qui font état de cette pièce ;

Sur l'existence d'un contrat de distribution exclusive :

Attendu que, le 2 septembre 2009, la société Acthys Europe, alors dénommée Kenmark France, a adressé à l'EURL Hama un projet de contrat aux termes duquel elle confiait à celle-ci la distribution exclusive en France des produits de la marque Tech & Design ;

Qu'à la demande de l'EURL Hama, des modifications de détail, au demeurant sans incidence sur le présent litige, seront apportées dans un second projet formalisé par écrit le 25 septembre 2009, après négociations entre les parties le 8 septembre 2009 ;

Qu'il y était en particulier stipulé :

article 7 : " Kenmark France est le seul interlocuteur du distributeur pour la détermination et définition des produits (exclusifs ou non) de la marque Tech & Design ";

article 8 : " Les commandes sont passées à Kenmark France, elles sont exécutées FOB départ Asie, et le Distributeur prend en charge les négociations avec le transitaire de son choix ;

Les règlements sont effectués en US Dollars directement à la maison mère, Kenmark TPE ;

* 30 % la commande, et le solde à la mise sur le bateau ";

article 9 : " les produits sont garantis 2 ans par Kenmark France " ;

Attendu que ce projet de contrat n'a certes pas été signé, mais avait été accepté tel quel par l'EURL Hama dès le 8 septembre 2010 ;

Que surtout, il a reçu un début d'exécution en ce que, le 10 septembre 2009, l'EURL Hama a passé une commande en tous points conforme aux prescriptions de l'article 8 précité ;

Que la société Acthys Europe soutient vainement le contraire, en prétendant que l'EURL Hama aurait passé directement sa commande à la société Kenmark TPE, alors que, dans un courrier recommandé reçu le 22 septembre 2010 par le conseil de l'EURL Hama, elle reconnaissait que c'était elle qui avait pris la commande ;

Que c'est encore vainement qu'elle allègue sa qualité d'intermédiaire agissant pour le compte de la société Kenmark TPE, alors que, ainsi que le confirme le projet de contrat rédigé par elle-même, elle a, tout au long des négociations, agi en son nom personnel et pour son propre compte ;

Attendu que, dès lors que la signature d'un contrat écrit n'est pas une condition de validité du contrat de distribution, celui-ci peut être considéré avoir été conclu le 8 septembre 2009, par l'accord entre les parties résultant de l'acceptation par l'EURL Hama du projet de contrat que lui soumettait la société Acthys France ;

Et attendu que, de toute manière, même en dehors de tout contrat de distribution, la société Acthys France serait pareillement responsable des conséquences dommageables de la non-exécution de la commande, dès lors qu'elle l'avait reçue personnellement et aux conditions qu'elle avait elle-même fixées dans son projet de contrat, sans jamais indiquer à l'EURL Hama qu'elle agissait pour le compte de la société Kenmark TPE ;

Sur la nullité du contrat de distribution :

Attendu que l'appelante soulève sa nullité au motif qu'il n'a pas été satisfait aux prescriptions de l'article L. 330-3 du Code de commerce ;

Mais attendu que la nullité n'est pas encourue pour au moins deux raisons : à savoir que l'EURL Hama ne justifie d'aucun vice du consentement et que le contrat n'a pas été signé, le délai de vingt jours minimum prescrit pour la remise des documents étant calculé par rapport à la date de signature du contrat ;

Sur la résiliation du contrat :

Attendu que, par le seul fait que la société Acthys Europe n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles, en fournissant des marchandises défectueuses et en se révélant incapable de les remplacer, la résiliation du contrat à ses torts est justifiée ;

Sur l'indemnisation du préjudice :

Attendu que la société Acthys Europe doit indemniser l'EURL Hama du préjudice que celle-ci a subi, dès lors qu'elle a négocié le contrat de distribution, reçu la commande en son nom et offert sa garantie aux termes de l'article 9 du contrat, peu important la responsabilité de la société Kenmark TPE ;

Attendu que le préjudice est constitué, tout d'abord, de la somme de 57 500 euros versée sans contrepartie au titre des marchandises défectueuses, ainsi que des frais de transport s'élevant à la somme de 582,45 euros, soit un préjudice de 58 082,45 euros ;

Attendu que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2010, date de la mise en demeure ;

Attendu que le préjudice est encore constitué par les diligences qu'a effectuées l'EURL Hama en pure perte pour exécuter le contrat, ainsi que pour remédier à la défectuosité des marchandises livrées ;

Qu'il lui sera alloué à ce titre une indemnité de 10 000 euros ;

Et attendu que la société Acthys Europe qui succombe, paiera une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et supportera les dépens ;

Par ces motifs : Écarte des débats les conclusions déposées et la pièce n° 8 communiquée par la société Acthys Europe, le 3 septembre 2012 ; Infirme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, Dit que la société Acthys Europe, anciennement dénommée Kenmark France, a consenti le 8 septembre 2009 à l'EURL Hama un contrat de distribution exclusive portant sur les marchandises de marque Tech & Design ; Prononce la résiliation de ce contrat aux torts de la société Acthys Europe ; La condamne à payer à l'EURL Hama la somme de cinquante-huit mille quatre-vingt-deux euros quarante-cinq centimes (58 082,45 euros) en remboursement des marchandises défectueuses et des frais de transport ; Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2010 ; Condamne la société Acthys Europe à payer à l'EURL Hama une somme de dix mille (10 000) euros à titre de dommages et intérêts ; La condamne à lui payer une somme de cinq mille (5 000) euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel, et accorde pour ces derniers à la SCP Laval-Lueger, avocats, le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes comme étant non fondées ou sans objet.