Cass. com., 4 décembre 2012, n° 11-28.296
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Prisma presse (SNC)
Défendeur :
Alternative graphique (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Mandel
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 20 octobre 2011), rendu en matière de référé, que par lettre du 13 septembre 2010, la société Prisma presse (la société Prisma) a fait savoir à la société Alternative graphique, qui réalisait pour elle depuis 2004 des prestations d'impression et de brochage pour deux bimensuels, qu'elle mettrait fin à leurs relations commerciales dans le courant du premier trimestre 2011 ; que par lettre du 22 décembre 2010, la société Prisma a proposé à la société Alternative graphique de lui verser une certaine somme, réputée calculée sur les "usages", à l'issue de la signature d'un protocole transactionnel aux termes duquel la société Alternative graphique devait renoncer à toute action contentieuse ; qu'aucun accord n'ayant été signé, la société Alternative graphique a demandé en référé que la société Prisma soit condamnée à lui verser une provision ;
Attendu que la société Prisma fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen : 1°) que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui lui sont soumis ; que, dans sa lettre en date du 22 décembre 2010 adressée à la société Alternative graphique, la société Prisma écrivait qu'une somme serait versée à la première société à titre d'indemnisation " dès régularisation d'un protocole transactionnel impliquant, comme il est d'usage, renonciation à toute revendication contentieuse au titre de la fin de nos relations commerciales" ; que l'arrêt a relevé qu'aucune transaction n'avait été conclue ; qu'en estimant qu'il résultait de cette lettre que la société Prisma avait reconnu l'existence d'un préjudice et sa responsabilité dans la brutalité de la rupture, dans le non-respect d'un délai de préavis et dans les conséquences induites sur les fournisseurs de son partenaire, quand il ressortait des termes clairs et précis de ce courrier qu'il s'agissait d'une simple offre transactionnelle, laquelle ne valait pas reconnaissance du bien-fondé de tout ou partie de l'obligation alléguée par son destinataire, de sorte que celle-ci était sérieusement contestable, la cour d'appel a violé le principe interdisant au juge de dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui lui sont soumis ; 2°) qu'une offre de transaction ne peut jamais valoir reconnaissance du droit objet de la transaction ; qu'en déduisant une reconnaissance de responsabilité et un aveu du préjudice causé de l'offre de transaction de la société Prisma, la cour d'appel a violé les articles 2044 et sq. du Code civil ; 3°) que l'absence de contestation de la réalité d'un préjudice ne vaut pas reconnaissance de l'existence d'une obligation à le réparer ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la circonstance qu'aucune des parties n'aurait contesté la réalité du préjudice subi par la société Alternative graphique du fait de la cessation des relations contractuelles de celle-ci avec la société Prisma et que la première société avait connu une baisse sérieuse de son chiffre d'affaires, pour en déduire que l'obligation de cette dernière société n'était pas sérieusement contestable, la cour d'appel a violé l'article 873, alinéa 2, du Code de procédure civile ; 4°) que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que l'arrêt attaqué a affirmé, d'une part, que la lettre du 22 décembre 2010 ne correspondait pas, "juridiquement parlant" à une reconnaissance de dette par la société Prisma, d'autre part, que cette lettre était "une simple reconnaissance chiffrée par celle qui s'en est reconnue débitrice du montant proposé", soit la même société Prisma, pour en déduire qu'il devait être fait droit à la demande de provision formulée par la société Alternative graphique à concurrence de ce montant ; qu'en statuant par de tels motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que le juge ne peut dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que, dans ses écritures d'appel dont la teneur a été rappelée par l'arrêt, la société Alternative graphique soutenait que ce n'était pas sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce qu'elle avait saisi la juridiction des référés, seul l'octroi d'une provision sur le fondement d'une reconnaissance de dette qu'aurait effectuée la société Prisma étant en cause ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande de provision de la société Alternative graphique, au prétexte que "la société Prisma entre bien dans le cadre du cinquièmement de l'article L. 442-6, I du Code de commerce qui est la base légitime de la réclamation", la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ; 6°) que dans ses conclusions d'appel, la société Prisma soutenait que le fait que le montant de l'indemnité transactionnelle proposée ait été calculé par référence aux usages de la Fédération de l'industrie et de la communication graphique constituait une concession faite à la société Alternative graphique, dès lors que cette dernière contestait l'applicabilité de ces usages au litige en cause ; qu'elle en déduisait que cette offre avait été faite à titre transactionnel, ce qui était exclusif de toute reconnaissance de dette ; que, pour faire droit à la demande de provision de la société Alternative graphique, la cour d'appel, après avoir relevé qu'il existait une contestation sérieuse sur l'applicabilité des usages en la matière, s'est bornée à affirmer que le montant proposé par la société Prisma n'était que la stricte application desdits usages ; qu'en statuant ainsi, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que dans sa lettre du 22 décembre 2010, la société Prisma a reconnu qu'elle n'avait accordé à la société Alternative graphique qu'un préavis de trois mois alors que les usages de la Fédération, dont elle se prévaut, prévoient un préavis de neuf mois ; qu'il relève encore que la société Prisma a admis dans cette même lettre qu'à défaut de préavis, une indemnité égale à 8 % du chiffre d'affaires qui aurait été réalisé pendant la période qui aurait dû être celle du préavis devait être versée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations exemptes de dénaturation et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la cinquième branche, c'est sans se contredire et sans attacher à la proposition contenue dans la lettre du 22 décembre 2010 la valeur d'une reconnaissance de responsabilité, que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions dès lors inopérantes visées par la sixième branche, a retenu que la demande de provision était justifiée, en l'absence de contestation sérieuse sur l'obligation d'indemnisation de la société Alternative graphique, et en a souverainement fixé le montant ; que le moyen qui ne peut être accueilli en sa sixième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.