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Décisions

Cass. com., 4 décembre 2012, n° 11-27.325

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sofresud (SAS)

Défendeur :

Bertin technologies (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mandel

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Baraduc, Duhamel

Paris, pôle 5 ch. 2, du 23 sept. 2011

23 septembre 2011

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué Paris, 23 septembre 2011), que la société Bertin technologies (la société Bertin), spécialisée dans la fabrication de produits à fort contenu technologique, a répondu en juillet 2002 à un appel d'offres de la délégation générale pour l'armement du ministère de la Défense (DGA) pour un marché d'étude portant sur un démonstrateur d'un système de désignation d'objectif d'urgence futur (DOU) ; que la société Bertin, estimant qu'elle avait perdu ce marché en raison du comportement déloyal adopté par son concurrent la société Sofresud, l'a fait assigner en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Sofresud fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen : 1°) qu'en se bornant à relever, de manière hypothétique, que la lettre par laquelle la société Sofresud avait indiqué à la DGA que le système Bertin lui paraissait une contrefaçon " n'a[vait] pu que conduire " celle-ci à ne pas poursuivre l'appel d'offres, sans rechercher si l'absence de conclusion du marché n'avait pas d'autres causes et sans prendre en considération, à cet égard, le fait d'une part, que le ministre de la défense avait indiqué, le 12 mars 2004, qu'il réglerait la question de l'attribution du marché en fonction de la décision qui serait rendue sur la contrefaçon, et d'autre part, que la DGA avait finalement décidé de renoncer à la poursuite de l'appel d'offres en invoquant un motif d'intérêt général, à savoir le changement de contexte économique et technico-opérationnel, la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre les agissements retenus à l'encontre de la société Sofresud et l'absence de conclusion du marché public et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) que lorsqu'un fait générateur de responsabilité entraîne la disparition d'une simple éventualité favorable, le préjudice subi par la victime ne peut s'analyser que comme une perte de chance ; qu'en l'espèce, à supposer même qu'un lien de causalité puisse être retenu, la société Bertin n'a été, tout au plus, privée que d'une simple éventualité favorable, celle de se voir attribuer le marché et de le conclure avec la DGA ; qu'en décidant néanmoins d'indemniser la société Bertin à hauteur de la totalité de la marge qu'elle aurait pu espérer réaliser si le marché lui avait été attribué, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 3°) que la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice subi ; qu'en allouant à la société Bertin, à la fois, le montant des bénéfices qu'elle aurait pu espérer obtenir si le marché lui avait été attribué et le montant des frais qu'elle avait dû exposer pour répondre à l'appel d'offres, frais qui seraient restés à sa charge si le marché lui avait été attribué, la cour d'appel a alloué à cette société une double réparation, en violation du principe de la réparation intégrale et de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'alors que la société Bertin avait reçu en septembre 2002 une réponse positive de la DGA pour l'attribution du marché du DOU, la société Sofresud, concurrente directe, après avoir fait valoir auprès de la DGA que le système proposé par la société Bertin lui paraissait une contrefaçon des brevets dont elle était copropriétaire avec l'Etat, a de mauvaise foi et sans motif valable bloqué, à compter de mai 2003, le processus de notification du marché et a privé la société Bertin de la conclusion de celui-ci ; que la cour d'appel, qui a, quelles que soient les autres causes, caractérisé le lien de causalité entre la faute de la société Sofresud et le préjudice subi par la société Bertin qu'elle a évalué en appréciant souverainement les éléments de preuve versés aux débats, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le moyen, pris en ses autres branches, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.