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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 11 décembre 2012, n° 12-15608

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Agri Santerre (SAS)

Défendeur :

AGCO Distribution (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourquard

Conseillers :

Mmes Maunand, Pignon

Avocats :

Mes Yver, Bourgeon, Bettan, Lecasble

T. com. Paris, du 18 juin 2012

18 juin 2012

A partir de 1995, la SAS Agri Santerre qui a pour activité la vente et l'entretien de tracteurs et de matériels agricoles, est le distributeur exclusif des pulvérisateurs de marque Spracoupe sur un territoire de 15 départements situés à l'est et au nord de Paris.

Par un contrat du 15 décembre 2005, l'AG Chem Europe à laquelle se substitue la SAS AGCO Distribution (AGCO) a confié pour une durée indéterminée cette distribution à la société Agri Santerre.

Le 9 avril 201[0], AGCO a informé Agri Santerre de ce qu'elle mettait fin au contrat le 15 avril 2012 invoquant les dispositions de l'article 10 du contrat. Elle a précisé que l'exclusivité se terminerait le 15 octobre 2010 et le 15 avril 2012 pour la double distribution.

La société Agri Santerre a fait assigner le 8 avril 2011 la société AGCO aux fins de voir dire que la rupture est dépourvue de préavis suffisant se réservant de préciser ultérieurement son préjudice du chef de la rupture partielle et afin d'obtenir des dommages intérêts pour le préjudice résultant de la rupture totale et des frais irrépétibles.

La société AGCO a soulevé l'incompétence territoriale du Tribunal de commerce de Paris et demandé le renvoi de l'affaire devant le Tribunal de commerce de Lille.

Par jugement du 18 juin 2012, le Tribunal de commerce de Paris a déclaré recevable l'exception et s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Lille.

La société Agri Santerre a formé contredit le 26 juin 2012. Elle sollicite l'infirmation du jugement et de dire que le Tribunal de commerce de Paris était compétent pour connaître de ses demandes sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5°, d'évoquer le fond du litige en application de l'article 89 du Code de procédure civile et de condamner son adversaire à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, la société AGCO demande de constater que les implantations et l'activité de l'adversaire impliquent que le litige est du ressort de la Cour d'appel d'Amiens et que le Tribunal de commerce de Lille est compétent, de confirmer le jugement et subsidiairement de rejeter la demande d'évocation présentée par la société contredisante et la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR

Considérant que la société Agri Santerre soutient que le lieu où le dommage a été subi est celui où le dommage atteint la victime et même au lieu où le dommage se produit partiellement ; qu'elle souligne que sept des quinze départements concédés relèvent du ressort de la Cour d'appel de Paris et de la Cour d'appel de Versailles et donc du ressort du Tribunal de commerce de Paris en vertu de l'article D. 442-3 du Code de commerce ;

Considérant qu'elle ajoute que la Cour d'appel de Paris est juridiction d'appel pour toutes les actions fondées sur l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ;

Considérant que la société AGCO souligne que les succursales de la société adverse sont toutes installées dans la Somme à l'exception d'une dans l'Oise et que son activité se situe dans le ressort de la Cour d'appel d'Amiens ;

Considérant que la société Agri Santerre a, le 8 avril 2011, assigné la société AGCO, sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir dire que les décisions de rupture de relations commerciales étaient dépourvues de préavis suffisant, de condamner cette société à lui payer une indemnité de 217 000 euros pour le préjudice résultant de la rupture totale des relations se réservant de demander une indemnisation de la rupture partielle outre une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que l'article L. 442-6 du Code de commerce vise la responsabilité de celui qui notamment rompt brutalement une relation commerciale établie ; que cette responsabilité de nature délictuelle l'oblige à réparer le préjudice causé de ce fait ;

Considérant qu'en matière délictuelle, la compétence est prévue par l'article 46 du Code de procédure civile qui dispose que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

Considérant que la société Agri Santerre soutient que le dommage a été majoritairement subi dans des départements relevant de la compétence du Tribunal de commerce de Paris ; que le dommage subi correspond à six mois de la marge brute qu'elle retirait de son activité ; qu'elle considère donc avoir été privée d'un gain entre le terme du préavis accordé et celui du préavis auquel elle devait avoir droit ;

Considérant qu'en l'espèce, le fait dommageable s'est produit et le dommage a été subi au lieu où s'exerce l'activité de l'entreprise, là où peuvent être mesurées les conséquences économiques et financières de la rupture ;

Considérant toutefois que la cour constate que la société Agri Santerre a son siège social à Roye dans le département de la Somme ; que le dommage invoqué par la société Agri Santerre affecte les résultats économiques de la société à son siège ;

Considérant que dès lors, le département de la Somme se trouvant dans le ressort de la Cour d'appel d'Amiens, le Tribunal de commerce de Lille est compétent en application de l'article D. 442-[3] ;

Considérant que le contredit doit être déclaré mal fondé ;

Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande de la société AGCO sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la société Agri Santerre est condamnée à lui verser la somme visée de ce chef au dispositif de l'arrêt ;

Considérant que la société Agri Santerre doit être condamnée aux frais du contredit ;

Par ces motifs : Déclare le contredit non fondé ; Condamne la société Agri Santerre à payer à la société AGCO la somme 1 500 euros de sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Agri Santerre aux frais du contredit.