CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 7 décembre 2012, n° 11-07987
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Martinelli
Défendeur :
Aprolia - Brasserie Les Vosges (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bouly de Lesdain
Conseillers :
Mmes Chandelon, Saint-Schroeder
Avocats :
Mes Fisselier, Rebourcet, Cordeau, Paret
Par contrat du 4 novembre 2005, à effet au 26 octobre précédent, M. Olivier Martinelli, qui exploite un établissement de restauration et de vente de pizzas s'est engagé à s'approvisionner exclusivement, pour certaines boissons, auprès de la société France Boissons Nayrolles, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Aprolia - Brasserie Les Vosges.
Après avoir sollicité de M. Martinelli le paiement de la pénalité contractuelle sanctionnant la violation de cet engagement par courriers recommandés des 13 juillet 2007 et 14 octobre 2008, la société Brasserie Les Vosges a engagé la présente procédure par exploit du 8 janvier 2010.
Par jugement du 25 mars 2011, le Tribunal de commerce de Paris a :
- condamné M. Martinelli au paiement de la somme de 24 920 euro portant intérêts au taux légal, capitalisés, à compter du 13 juillet 2007,
- condamné M. Martinelli au paiement d'une indemnité de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 27 avril 2011, M. Martinelli a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 25 août 2011, M. Martinelli demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- annuler le contrat conclu pour absence de cause,
- subsidiairement, réduire le montant de la clause pénale sollicitée,
- condamner la société Brasserie Les Vosges à lui verser 2 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 18 juillet 2011, la société Brasserie Les Vosges demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. Martinelli à l'indemniser de ses frais irrépétibles à hauteur de 2 500 euro ;
Cela etant exposé, LA COUR,
Considérant que l'article 1 du contrat dénommé "Boissons" précise que le motif déterminant de sa conclusion résulte du cautionnement consenti par la société France Boissons Nayrolles au profit de M. Martinelli décrit dans un document annexé qualifié d'indissociable ;
Considérant que M. Martinelli estime qu'au regard de cette contrepartie, qu'il qualifie de dérisoire, ajoutant avoir soldé le prêt ainsi garanti, son engagement d'acheter des quantités de boissons inadaptées à l'importance de son commerce serait dépourvu de cause ;
Mais considérant qu'il résulte de l'annexe précitée, signée par M. Martinelli, que la société Brasserie Les Vosges lui a facilité l'obtention d'un prêt de 15 000 euro accordé par la Banque Scalbert Dupont et qu'elle s'est portée garante de son remboursement à hauteur de 7 500 euro ;
Considérant ainsi que M. Martinelli ayant eu besoin du concours de la société France Boissons Nayrolles pour obtenir le prêt nécessaire à la réalisation des travaux qu'il avait projetés, le contrat est causé ;
Considérant que M. Martinelli soutient en second lieu que les quantités de boissons qu'il s'engageait à commander à la société Brasserie Les Vosges auraient été rajoutées par cette dernière après qu'il ait signé le document correspondant (annexe 2 du contrat) ;
Mais considérant, outre que cette assertion n'est corroborée par aucun élément, que l'article IV du contrat précise qu'il a personnellement déterminé l'approvisionnement nécessaire à l'exploitation de son fonds ;
Qu'au surplus, cette argumentation est sans objet, la société Brasserie Les Vosges ne reprochant pas à M. Martinelli l'insuffisance de ses commandes mais la violation de la clause d'exclusivité figurant à l'article III ;
Et que M. Martinelli ne conteste pas ce manquement qui résulte suffisamment des pièces produites ;
Considérant que l'article VII du contrat met à la charge de M. Martinelli, en cas de violation d'une de ses obligations, le paiement d'une indemnité d'un montant journalier de 40 euro à partir du manquement et jusqu'à la date de l'expiration de l'engagement ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites que pour l'année 2006 au cours de laquelle la société Brasserie Les Vosges ne conteste pas que M. Martinelli a respecté son obligation d'approvisionnement exclusif, le montant des commandes s'est élevé à 14 750 euro ;
Qu'en 2007, elles ont été réduites à 5 488 euro, en 2008 à 9 210 euro puis à 5 500 euro en 2009 et jusqu'en octobre 2010, date à laquelle le contrat a pris fin ;
Qu'il en résulte pour la société Brasserie Les Vosges une perte, en chiffre d'affaires de l'ordre de 73 750 (14 750 x 5) - 34 948 (montant des commandes effectives) soit 38 802 euro ;
Considérant qu'il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la clause pénale était excessive comme très supérieure à la marge brute que la société Brasserie Les Vosges pouvait dégager de cette relation commerciale ;
Mais considérant que la somme allouée ne peut davantage être admise dès lors que son montant est supérieur au bénéfice prévisible de la société Brasserie Les Vosges ;
Qu'il convient en conséquence de limiter cette pénalité contractuelle à la somme de 15 000 euro et de confirmer les autres dispositions du jugement, concernant le point de départ des intérêts, leur capitalisation et l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles exposés par la société Brasserie Les Vosges ;
Considérant que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris du chef du quantum de la condamnation prononcée ; Statuant à nouveau, Condamne M. Martinelli à payer à la société Aprolia - Brasserie Les Vosges la somme de 15 000 euro à titre de clause pénale ; Confirme pour le surplus les dispositions du jugement non contraires au présent arrêt ; Condamne M. Martinelli aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.