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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 6 décembre 2012, n° 11-03537

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Lecordier

Défendeur :

Segur (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Besse

Conseillers :

Mmes Beauvois, Vaissette

Avocats :

Mes Debray, Ricard, Boussard, Roland

T. com. Pontoise, 4e ch., du 29 mars 201…

29 mars 2011

La SARL Ségur immatriculée en avril 2005 au registre du commerce et des sociétés commercialise des vêtements et des accessoires de luxe sous la marque Vicomte Arthur (VA) nouvellement créée par Arthur de Soutrailt.

A compter de septembre 2007, la société Ségur a convenu avec M. Yves Lecordier d'un contrat d'agence commerciale avec pour mission la prospection et le développement des ventes de ces produits sur un secteur géographique qui lui a été attribué.

Le 18 juillet 2008, la société Ségur a annoncé à M. Lecordier la fin de leur collaboration au 31 décembre 2008 comme résultant d'une rupture amiable et proposé les modalités contractuelles applicables jusqu'à cette date.

En suite de la contestation émise par M. Lecordier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 juillet 2008, la société Ségur a résilié le contrat d'agent commercial de M. Lecordier avec un préavis d'un mois débutant à première présentation du courrier.

M. Yves Lecordier a assigné la société Ségur devant le Tribunal de commerce de Pontoise par acte d'huissier du 6 juillet 2009 sollicitant notamment le paiement de diverses indemnités et de commissions.

Par jugement rendu le 29 mars 2011, le tribunal de commerce a principalement condamné la société Ségur à payer à M. Lecordier les sommes de 2 623 euro au titre de son préavis et de 9 194 euro à titre d'indemnité d'éviction, l'a débouté de sa demande d'indemnité pour rupture brutale ainsi que de celle de faire injonction à la société Ségur de fournir l'intégralité de ses éléments comptables et de désigner un expert aux fins d'établir le compte des commissionnements dus.

M. Lecordier a interjeté appel de ce jugement et par dernières conclusions signifiées le 3 octobre 2012 demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

- condamner la société Ségur à lui payer,

* une indemnité compensatrice en application des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, qui doit être évaluée au minimum à deux années de commissions, calculée sur la base des trois derniers mois d'activité, soit la somme de 60 000 euro à parfaire,

* une indemnité complémentaire en considération de sa contribution à la création ex nihilo de la marque Vicomte Arthur, qui doit être évaluée à une année de commissions, soit la somme de 60 000 euro,

* une indemnité de 15 000 euro en réparation du préjudice moral subi ;

- faire injonction à la société Ségur de fournir l'intégralité des éléments comptables nécessaires à l'établissement des comptes de commissionnement sur le secteur qui lui était attribué, depuis le mois de septembre 2007, sous astreinte de 500 euro par jour de retard ;

- condamner la société Ségur à produire le décompte de toutes les opérations passées jusqu'à la date de rupture effective du contrat, et à lui verser les commissions correspondantes, dont le montant peut être provisoirement évalué à la somme minimum de 22 230 euro, auxquelles il a un droit acquis, le tout sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir;

- condamner la société Ségur à lui payer une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il rappelle et soutient en substance que :

- compte tenu de sa réputation dans le commerce de détail de vêtements dans lequel il dispose d'un carnet d'adresses particulièrement fourni, il a grandement contribué à ouvrir à la marque Vicomte Arthur l'accès au secteur des boutiques multi-marques, secteur sur lequel il est représentant d'autres marques connues telles que par exemple " Scotch & Soda " et à l'implanter auprès de distributeurs importants,

- le tribunal s'est mépris en raisonnant à son égard comme s'il avait été salarié de la société Ségur,

- la société Ségur ne justifie pas du prétendu non-respect des consignes de prospection et de vente malgré des recommandations et mises en garde répétées, l'augmentation rapide du chiffre d'affaires de 2007 à 2008 démontre les efforts fournis pour promouvoir la marque, la société Ségur ne rapporte pas la preuve de ses griefs à son encontre,

- il a droit en vertu de l'article L. 134-6 du Code de commerce au paiement des commissions acquises sur toutes les commandes passées jusqu'au 31 août 2008 sur son secteur alors qu'il rapporte la preuve que la société Ségur n'a pas hésité à démarcher elle-même ses clients dès le début du mois d'août 2008 et a refusé ses commandes, il doit être fait injonction à la société Ségur de produire tous les justificatifs permettant de calculer le montant des commissions ainsi acquises ou à défaut un expert sera désigné,

- il a droit à l'indemnité compensatrice de rupture prévue par l'article L. 134-12 à hauteur de 2 ans de commissions, il pouvait légitimement espérer une augmentation constante et exponentielle de ses résultats et il est justifié de lui allouer une indemnité complémentaire de ce chef évaluée a minima à 30 000 euro,

- il a subi un important préjudice moral du fait de la brutalité de la rupture et de ces circonstances qui doit être indemnisé.

Par dernières conclusions signifiées le 15 octobre 2012, la société Ségur demande à la cour à titre principal de débouter M. Lecordier de son appel et d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de dire que le mandat de M. Lecordier a pris fin le 31 août 2008 sans qu'aucune indemnité complémentaire ne lui soit due, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement, en toute état de cause, de condamner M. Lecordier à lui payer 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir essentiellement que :

- elle n'a jamais souhaité évincer M. Lecordier de l'ensemble de ses droits mais n'a pu trouver d'accord avec ce dernier sur un montant d'indemnité satisfaisant l'intéressé,

- sur les modalités de calcul de l'indemnité de rupture, le tribunal a très justement observé que la durée des rapports contractuels constitue " un critère essentiel dans l'évaluation de l'indemnisation ", et retenu en conséquence comme base de calcul la moitié de la durée effectuée du contrat, le bénéfice qu'elle a tiré de l'activité de M. Lecordier est très limité et l'absence de préavis effectué par M. Lecordier ne saurait lui être imputée puisqu'elle lui a offert de réaliser un préavis long pour lui permettre de finir sa saison, ce qu'il a refusé,

- elle a précisé à M. Lecordier qu'elle entendait faire de sa marque une marque haut de gamme et mis en place une communication extrêmement stricte et a privilégié systématiquement la notion de luxe, la vente doit donc se faire en respectant le positionnement sur le luxe,

- il est apparu très rapidement que M. Lecordier vendait dans tout son réseau quelle que soit la qualité des revendeurs les produits Vicomte Arthur, c'est ainsi que les produits se sont retrouvés soit dans des jeanneries, soit chez des bradeurs, ce qui résulte des rapports de visite qu'elle verse aux débats, elle a donc mis en garde M. Lecordier, puis devant ces mises en garde vaines a rompu le contrat,

- elle produit les chiffres détaillés des commissions payées à M. Lecordier et les pièces à l'appui, elle a réclamé à de nombreuses reprises les factures de M. Lecordier pour le régler, ce qu'il n'a jamais fait à compter de mai 2008,

- elle a fait preuve d'une grande mansuétude à l'égard de M. Lecordier, le préjudice subi par M. Lecordier ne peut en l'espèce être calculé sur la base de deux années de commission alors que ce dernier n'avait qu'un an d'ancienneté, le préjudice subi est faible au regard de la moyenne des commissions perçues sur la période du 1er septembre 2007 au 31 août 2008, la cour ne pourra que limiter très strictement l'indemnisation de M. Lecordier,

- M. Lecordier devra être débouté de ses autres demandes, il ne peut prétendre avoir été surpris de la rupture alors que la société Ségur l'avait averti à plusieurs reprises.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

Discussion :

Sur l'indemnité compensatrice de rupture du contrat d'agent commercial

C'est la société Ségur qui a pris la décision et l'initiative de résilier le contrat d'agent commercial conclu avec M. Lecordier suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 juillet 2008.

En application des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, sauf si la cessation du contrat est provoquée par sa faute grave ou résulte de son initiative, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou sa maladie, l'agent commercial a droit en cas de cessation de ses relations avec le mandant, à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Force est de constater en premier lieu que si la société Ségur conclut à l'infirmation du jugement et au débouté de M. Lecordier de toutes ses demandes, elle ne qualifie pas dans ses écritures, de faute grave, exclusive du versement de l'indemnité de résiliation, les manquements reprochés à son agent commercial.

Pour justifier des griefs articulés tenant au mauvais placement des produits par rapport au positionnement de la marque Vicomte Arthur, notamment en "jeannerie" ou chez des bradeurs ou magasins d'usine, la société Ségur produit les comptes-rendus de la tournée faite avec M. Lecordier du 8 au 11 avril 2008 et de la "tournée faite en solo" du 16 au 17 juillet 2008.

S'agissant du compte-rendu de la tournée effectuée avec M. Lecordier, le positionnement des clients est considéré comme bon dans toutes les boutiques visitées déjà clientes - sauf chez Blue Jean à Tourcoing - avec la mention pour cette dernière : "positionnement : ne correspond pas à VA car jeaner bas de gamme".

Il faut observer qu'il a été précisé qu'à la suite de cette visite, les prix de vente ont été corrigés et que tout a été modifié, que la boutique va être refaite entièrement, ce qui démontre la volonté de l'exploitant d'atteindre le niveau le positionnement adéquat.

Pour la visite et le déjeuner cher Luxe et Création à Roubaix, il est précisé que le positionnement est intéressant et atypique et le reste du commentaire est positif relevant le fort potentiel du point de vente.

Chez Keitel à Lille ou chez British House à Versailles, le positionnement n'est pas en cause ; ce sont les conditions de présentation des produits qui ne sont pas jugées bonnes, ne mettant pas suffisamment en valeur la marque. Il n'est nullement démonté que la visite de M. Lecordier n'aurait pas permis d'arriver aux améliorations souhaitées et ces quelques observations négatives sur la présentation des produits n'ont rien d'anormal, s'agissant d'une marque récemment créée qui doit affirmer et affiner son image auprès des boutiques qui la diffusent depuis peu de temps.

Il ne peut être reproché à M. Lecordier le mauvais positionnement de boutiques ayant seulement demandé à représenter VA et pour lesquelles n'est pas établi qu'il ait donné son accord pour leur entrée dans la clientèle des distributeurs.

S'agissant du compte-rendu de tournée du 16 au 17 juillet 2008, il conclut en effet que bon nombre de boutiques visitées ne correspondent pas au positionnement de VA. Cependant, cette tournée a été organisée hors la présence de M. Lecordier, la veille du courrier du 18 juillet 2008 annonçant à M. Lecordier la volonté de la société Ségur de trouver un accord sur la fin de contrat. L'auteur de ce document ne s'étant au surplus pas identifié, il ne peut être exclu comme le soutient M. Lecordier que ce rapport de visite ait été établi pour les besoins de la cause et en tout cas, sans laisser le temps à M. Lecordier de remédier aux griefs qui y sont formulés.

Or, la société Ségur n'apporte pas la preuve de recommandations antérieures et répétées qui n'auraient pas été suivies d'effet, des plaintes alléguées émanant de clients fidèles et de la perte de ses clients dont elle fait état dans son mail du 7 juillet 2008.

La société Ségur a au surplus en connaissance de ces comptes-rendus de visite, proposé à M. Lecordier un préavis jusqu'au 31 décembre 2008 dans son courrier du 18 juillet 2008 pour lui permettre de finir la saison, puis accordé un préavis d'un mois, durée prévue par l'article L. 134-11 pour la première année du contrat, ce qui démontre qu'elle n'a pas considéré que ces manquements reprochés à M. Lecordier étaient constitutifs d'une faute grave privative de préavis en application de ce même article.

Les actes de dénigrement dont la société Ségur fait mention dans ses conclusions seraient postérieurs à la résiliation et à l'expiration du préavis et sont en conséquence indifférents quant à l'appréciation de la faute alléguée.

M. Lecordier a donc droit à l'indemnité de l'article L. 134-12.

Sur les commissions

Conformément à l'article L. 134-6 du Code de commerce, l'agent commercial a droit non seulement aux commissions calculées sur toute opération commerciale lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsqu'une opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre mais également lorsqu'il a un secteur géographique, à une commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur.

En outre, en vertu de l'article L. 134-7, il a droit également à une commission pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.

Il n'est pas discuté qu'en l'espèce, M. Lecordier s'était vu attribuer un secteur géographique incluant région parisienne, Haute Normandie, Picardie et Pas-de-Calais, et que son taux de commission était de 15 %.

M. Lecordier sollicite qu'il soit fait injonction à la société Ségur de fournir l'intégralité des éléments comptables nécessaires à l'établissement des comptes de commissionnement sur le secteur qui lui était attribué depuis le mois de septembre 2007.

Il convient de constater que la société Ségur a versé aux débats l'ensemble des factures qu'elle a émises au cours des années 2007 et 2008 relatives au dossier de M. Lecordier accompagné des décomptes récapitulatifs.

Sur la période du 1er septembre 2007 au 30 juin 2008, M. Lecordier n'émet aucune critique du calcul de ses commissions et ne conteste pas qu'il les a perçues.

Les récapitulatifs produits et les factures sur cette période sont suffisants pour établir la clientèle de la société Ségur sur le secteur de M. Lecordier au jour de la rupture du mandat d'agent commercial, ce dernier ne prétendant pas avoir élargi sa clientèle sur la période entre début juillet et fin août 2008.

Il peut être ainsi retenu que M. Lecordier a droit à commission sur toutes les ventes facturées dans ce secteur géographique et auprès de ces clients jusqu'à fin décembre 2008, ce qui est un délai raisonnable après la cessation du contrat d'agence, prenant en compte à la fois la saisonnalité du prêt-à-porter et le décalage normal entre la commande et la facturation pour englober l'ensemble des opérations commerciales sur lesquelles il peut prétendre à commissionnement en application des articles précités.

Il est versé aux débats par la société Ségur pour la période à compter de juillet 2008 :

- un décompte des ventes réalisées du 1/07/2008 au 31/08/2008 pour un CA de 3 084,60 euro et les factures afférentes concernant trois clients,

- un décompte pour septembre 2008 pour un CA de 3 750,50 euro et les factures afférentes, devant être relevé que les factures 083148 et 083094 émises à l'égard de Park Avenue à Chantilly ont été comptabilisées respectivement pour 27 et 787,50 euro alors qu'elles sont en réalité de 729 et 2 063 euro, sans explication sur cette différence, ce qui conduit à retenir un CA rectifié de 5 728 euro,

- un décompte récapitulatif sur les ventes réalisées pour la période postérieure et jusqu'au 31 décembre 2008 et les factures afférentes faisant apparaître un CA de 59 975,80 euro.

Le montant des ventes réalisées ouvrant droit à commission pour M. Lecordier s'établit donc à 68 788,40 euro du 1er juillet au 31 décembre 2008 et le montant des commissions à 10 318,26 euro.

La société Ségur ne peut pas opposer à M. Lecordier le fait qu'il n'aurait pas émis de factures de commissionnement sur cette période alors qu'elle ne justifie pas lui avoir adressé les récapitulatifs mensuels des ventes réalisées au vu desquels il devait établir ses factures de commissions.

La seule circonstance que les pièces produites ne sont pas certifiées par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes ne suffit ni à prouver leur caractère parcellaire ni à les priver de leur force probante alors même qu'elles sont présentées de façon tout à fait identiques qu'elles concernent la période antérieure au 1er juillet non discutée et celle postérieure.

Par ailleurs, les factures prétendument manquantes dont fait état M. Lecordier sont incluses dans le dernier décompte et les trois derniers décomptes récapitulatifs produits pour la période à compter du 1er juillet 2008 font apparaître comme il l'indique dans ses écritures des livraisons dans des boutiques d'Evreux, Amiens et Lille, sans cependant que les seules indications qu'il fournit puissent permettre de considérer qu'il y en aurait d'autres non prises en compte.

M. Lecordier prétend que le montant des commissions devrait s'élever à 22 300 euro sans expliquer comment il arrive à cette somme.

En l'absence de critiques étayées et précises par M. Lecordier des pièces produites qui permettent de calculer le montant des commissions dues, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande d'injonction et d'expertise.

La société Ségur sera condamnée à lui payer la somme de 10 318,26 euro au titre des commissions lui restant dues.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Ségur à payer une somme à titre de préavis, étant relevé que M. Lecordier ne sollicitait pas de somme à ce titre devant le premier juge.

Sur l'indemnité de résiliation

L'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial prévu par l'article L. 134-12 est destinée à réparer l'entier préjudice résultant pour l'agent commercial de la perte du mandat.

Il doit être tenu compte pour la fixer de toutes les rémunérations acquises par l'agent peu important qu'elles proviennent de clients qu'il a lui-même apportés ou pas.

Le montant total du chiffre d'affaires réalisé grâce à l'intervention de M. Lecordier s'est élevé à 168 143,90 euro (24 438 euro en 2007, 74 917,50 euro sur le premier semestre 2008 et 68 788,40 euro sur le second semestre 2008).

La progression du chiffre d'affaires entre les 4 derniers mois de 2007 et le premier semestre 2008 démontre que M. Lecordier a apporté sa contribution à la prospection et au développement des produits commercialisés par la société Ségur, même s'il a nécessairement bénéficié des retombées de l'exposition médiatique grandissante du créateur et de la marque.

Il ne résulte pas en revanche des pièces produites par M. Lecordier qu'il ait contribué à la création ex nihilo de la marque Vicomte Arthur. L'évolution du chiffre d'affaires réalisé par la société Ségur créée en 2005 démontre que la société était très en forte croissance dès le début de l'année 2007 et M. Lecordier n'a joué aucun rôle dans la création de la marque, tout au plus a-t-il contribué à sa diffusion.

Compte tenu de la progression du CA réalisé sur le premier semestre 2008 et du secteur géographique qui lui était attribué qui avait un fort potentiel, M. Lecordier pouvait légitimement espérer une progression de sa rémunération, cependant modérée d'une part par le fait que certains de ses clients ne semblaient pas en effet correspondre au positionnement de la marque VA et que leur compte a été résilié, d'autre part par la disparition de certains d'entre eux comme Madelios, cité par M. Lecordier comme grand compte.

S'il est communément admis que le préjudice d'un mandat d'agent commercial puisse être réparé par une somme équivalente à deux années de commission, le préjudice réellement subi peut être moindre notamment en raison de la brièveté de la durée de la relation contractuelle.

En l'espèce, alors que M. Lecordier était déjà agent commercial multi-marques et ne justifie pas avoir engagé d'investissements spécifiques pour l'exécution de ce contrat, compte tenu de la brève durée d'exécution du mandat, l'entier préjudice résultant de la cessation du contrat d'agent commercial de M. Lecordier sera justement réparé par une indemnité de 18 000 euro.

M. Lecordier ne justifie pas par ailleurs du bien-fondé de sa demande d'indemnité complémentaire de 60 000 euro qui figure dans le dispositif de ses écritures sans être pour autant motivée et explicitée dans le corps de ses écritures alors que l'indemnité fixée répare déjà la perte des gains qu'il pouvait légitimement espérer.

La société Ségur sera condamnée au paiement de la somme de 18 000 euro à titre d'indemnité compensatrice.

Le jugement sera réformé sur le quantum de l'indemnité allouée.

Sur les autres demandes de M. Lecordier

C'est à juste titre que le tribunal a considéré que la rupture brutale du mandat invoqué par M. Lecordier ne pouvait donner lieu à une indemnisation supplémentaire alors que la société Ségur a accordé à son agent commercial le mois de préavis légal pendant la première année de mandat et que M. Lecordier ne démontre pas que les circonstances de la rupture lui auraient causé un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'indemnité compensatrice de résiliation.

Par ailleurs, M. Lecordier ne justifie pas de circonstances particulières vexatoires ou outrageantes ou d'une atteinte à son image dans la profession résultant notamment du refus de livrer deux clients émanant de la société Ségur le 5 août 2008, d'autant qu'il semble qu'au moins l'un d'entre eux ait bien été livré, qui lui auraient causé un préjudice moral.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Les dépens seront à la charge de la société Ségur qui succombe.

L'équité commande de la condamner à payer à M. Lecordier une indemnité complémentaire de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Ségur à payer une indemnité de préavis, a débouté M. Yves Lecordier de sa demande au titre des commissions dues et sur le quantum de l'indemnité compensatrice de cessation du contrat d'agent commercial. Statuant à nouveau de ces chefs, Condamne la société Ségur à payer à M. Yves Lecordier la somme de 10 318,26 euro au titre des commissions lui restant dues. Condamne la société Ségur à payer à M. Yves Lecordier la somme de 18 000 euro à titre d'indemnité compensatrice de la cessation du contrat d'agent commercial. Confirme le jugement entrepris pour le surplus. Y ajoutant, Condamne la société Ségur aux dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Condamne la société Ségur à payer à M. Lecordier une indemnité complémentaire de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute la société Ségur de sa demande au même titre. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.