CA Douai, 2e ch. sect. 1, 12 décembre 2012, n° 10-02649
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Altinnova (SAS)
Défendeur :
Marbralor Loisirs (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Parenty
Conseillers :
Mme Delattre, M. Brunel
Avocats :
SCP Congos, Vandendaele, Mes Colpaert, Alary
Vu le jugement du Tribunal de commerce d'Arras en date du 5 février 2010 qui a condamné la société Altinnova à payer à la société Marbralor Loisirs la somme de 11 532,58 euro au titre d'une commission non réglée et de l'indemnité conventionnelle de rupture attachée à un contrat d'agence conclu le 31 mars 2006 et rompu par le mandant le 12 juillet 2007 ;
Vu la déclaration d'appel de la société Altinnova en date du 12 avril 2010 ;
Vu la déclaration d'appel de la société Altinnova en date du 15 avril 2010 ;
Vu l'ordonnance de jonction du 4 novembre 2010 ;
Vu les dernières conclusions de la société Altinnova en date du 7 mai 2012 demandant la réformation du jugement ; elle fait valoir que, s'agissant de la commission revendiquée à hauteur de 1 878,87 euro sur l'affaire dite du syndicat du lac Blanc, elle ne serait due contractuellement qu'à supposer que l'Auberge du Vallon réponde aux critères contractuels d'établissement privé gérant une délégation de service public ou bénéficiant d'un contrat en régie avec une collectivité locale, le montant de la commission étant toutefois limité à la somme de 697,72 euro dès lors qu'il s'agit d'une commande non pas initiée par l'agent mais livrée sur son secteur ; s'agissant de la demande d'indemnité de résiliation, elle en sollicite le rejet et observe que Marbralor Loisirs réclame une indemnisation sur la base de deux ans d'activité alors que la relation contractuelle n'a duré qu'un peu plus de 17 mois de telle sorte qu'il y a lieu en toute hypothèse de limiter l'indemnité due à la somme de 6 948,18 euro sous réserve que, conformément à l'article L. 134-12 alinéa un du Code de commerce il soit justifié par l'agent du préjudice subi par lui ;
Vu les dernières conclusions de la société Marbralor Loisirs en date du 8 septembre 2011 demandant la confirmation du jugement outre la condamnation de la société Altinnova à lui payer 1 500 euro à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire ; s'agissant du montant de la commission revendiquée par elle, elle explique que l'affaire conclue avec la société du lac Blanc qui a pour activité l'exploitation de toute entreprise de téléski, entre dans la définition de la clientèle qui lui était confiée sans qu'il y ait lieu de tenir compte du fait que la vente, en l'espèce, a été effectuée par le biais d'une société tierce, Marbralor Loisirs reprochant à ce titre à son mandant un comportement dolosif destiné à éluder ses droits ; elle s'oppose à toute réduction du montant de la commission en faisant valoir que c'était bien à son initiative que l'affaire avait été conclue ; s'agissant de l'indemnité de résiliation, elle indique qu'aucun manquement à ses obligations ne peut lui être reproché, seule une faute grave pouvant en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce faire disparaître son droit à indemnisation et elle conteste la méthode de calcul de la société Altinnova ;
Vu l'ordonnance de clôture du neuf octobre 2012 ;
SUR CE
Attendu que les circonstances de fait ont été complètement et exactement énoncées dans le jugement déféré auquel la cour entend en conséquence renvoyer à ce titre ; qu'il sera seulement rappelé que la société Marbralor Loisirs a conclu le 31 mars 2006 avec la société Altinnova un contrat d'agent commercial à durée indéterminée pour la diffusion d'équipement de lavage et entretien de bicyclettes ("station-service vélo") sur un territoire déterminé ; que par lettre du 12 juillet 2007, Altinnova a mis fin au contrat d'agence motif pris d'un développement insuffisant du chiffre d'affaires ;
Sur le montant des commissions restant dues ;
Attendu que la société Marbralor Loisirs demande à ce titre le paiement d'une commission relative à l'affaire dite du Lac Blanc ; que la société Altinnova lui refuse le paiement de la commission au motif que l'équipement a été vendu non pas à une collectivité publique ou un établissement privé gérant une délégation de service public, conformément aux prévisions contractuelles, mais à un revendeur de cycles, la société Bouticycles Passion Service ; que toutefois il résulte de l'ensemble des documents produits que cette société a immédiatement revendu cet équipement, acquis par elle auprès d'Altinnova en juin et juillet 2007, à la société Auberge du Vallon qui, sous l'appellation "Lac Blanc Tonique" exploite non seulement une activité de bar et de restauration mais également un téléski ; que la cour ignore, au vu des documents produits, suivant quelles modalités juridiques le téléski est exploité; qu'il y a lieu toutefois de considérer, en l'absence de tout autre élément contraire produit par Altinnova, que cette société participe au service public local et relève donc de la clientèle confiée à l'agent commercial en tant qu'établissement privé gérant une délégation de service public ou bénéficie d'un contrat en régie avec une collectivité locale; que le droit à commission de l'agent doit donc être retenu ; qu'il importe peu que l'agent ait participé ou non de près ou de loin à la vente de l'équipement, son droit à commission étant défini à l'article neuf du contrat d'agence comme "acquis à l'agent sur l'ensemble des ventes effectuées dans son secteur que les commandes aient été transmises par lui ou soient parvenues autrement au mandant" ; qu'il suffit de constater que la vente est intervenue pendant la durée du contrat, dans le secteur géographique qui y est défini au profit d'une clientèle confiée à l'agent ;
Attendu en revanche qu'il apparaît, en l'état des documents produits, que la société Bouticycles Passion Service n'a revendu à la société Auberge du Vallon qu'une partie de l'équipement, la facture établie le premier août 2007 mentionnant exclusivement une station de lavage de bicyclettes alors que les factures d'achat auprès d''Altinnova faisaient mention d'un poste de lavage et d'un atelier de réparation ; qu'en toute hypothèse, l'assiette de la commission de l'agent doit être limitée, en fonction des stipulations du contrat d'agence au seul montant hors-taxes de la vente intervenue, de façon indirecte, auprès de la société Auberge du Vallon qui seule peut être considérée comme participant à l'exécution du service public ; que la facturation étant intervenue pour la somme de 6 482, 02 euro, la rémunération de la société Marbralor Loisirs doit être fixée à 9 % de cette somme soit 583,38 euro, la commission de 18 % due en fonction de l'article neuf B étant réduite de moitié lorsque la commande n'a pas été initiée par l'agent ; qu'en l'espèce, les documents produits par la société Marbralor Loisirs qui se limitent à des documents manuscrits établis par elle-même ne sont pas de nature à établir qu'elle ait été à l'initiative de cette affaire, ce que conteste la société Altinnova ; que la société Altinnova sera donc condamnée à payer à la société Marbralor Loisirs la somme de 583,38 euro hors-taxes soit 697,72 euro TTC au titre des commissions non réglées ; que cette somme portera intérêt à compter du 6 février 2008 avec capitalisation annuelle dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ; que le jugement sera réformé à ce titre.
Sur l'indemnité de résiliation ;
Attendu que la société Altinnova dans la lettre de rupture envoyée à la société Marbralor Loisirs le 12 juillet 2007, si elle lui a fait grief d'une insuffisance d'activité, n'a toutefois entendu se prévaloir d'aucune faute grave qui seule serait de nature, en application de l'article L. 134-13 du Code de commerce , à supprimer son droit à indemnisation du fait de la rupture du contrat ; qu'une telle faute grave n'est pas plus invoquée devant la cour ; qu'en toute hypothèse il sera rappelé que l'insuffisance de résultats ne constitue pas à elle seule une telle faute ;
Attendu que, au terme de l'article 134-12 alinéa 1 du Code de commerce : "En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi." ; que le préjudice subi s'apprécie au regard notamment de la durée du contrat ; qu'il ne peut être raisonnablement soutenu que le préjudice serait identique lorsque la rupture intervient après de nombreuses années de relations contractuelles et lorsque cette relation n'a duré que peu de temps, sauf à ce que l'agent établisse qu'il a procédé à des investissements ou qu'il a supporté des frais importants en début d'activité, éléments non établis ni même véritablement allégués en l'espèce ; que le contrat a duré un peu plus de 17 mois ; que si l'agent justifie avoir contacté plus d'une vingtaine de clients potentiels, seules deux ventes ont été réalisées ; qu'au regard de l'investissement consenti par l'agent et de la durée de la relation contractuelle, le préjudice subi par celui-ci doit être arrêté à la somme de 5 720,92 euro correspondant au montant TTC des commissions acquises pendant la période d'exécution du contrat soit 522 jours sans qu'il y ait lieu d'étendre cette indemnisation à une période de deux ans ; que la société Altinnova sera condamnée à lui payer cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2008 avec capitalisation annuelle dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ; que le jugement sera réformé à ce titre ;
Attendu que, dès lors qu'il est fait droit même très partiellement à l'argumentation de la société Altinnova, la demande de dommages intérêts pour appel abusif et dilatoire de la société Marbralor Loisirs ne peut qu'être rejetée de la même façon qu'elle avait été rejetée en première instance à juste titre ;
Attendu qu'il serait inéquitable que la société Marbralor Loisirs conserve à sa charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la présente instance devant la cour et devant le premier juge ; que la société Altinnova sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe, Réforme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive de la société Marbralor Loisirs et, statuant à nouveau pour le surplus, Condamne la société Altinnova à payer à la société Marbralor Loisirs - la somme de 697,72 euro TTC au titre des commissions non réglées, - la somme de 5 720,92 euro TTC au titre de l'indemnité de résiliation, Dit que l'ensemble de ces somme portera intérêt au taux légal à compter du 6 février 2008 avec capitalisation annuelle dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Altinnova à payer à la société Marbralor Loisirs la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Altinnova aux dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.