Cass. crim., 20 novembre 2012, n° 11-88.583
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
M. Pers
Avocats :
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, SCP Blanc, Rousseau, SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Le Bret-Desaché
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par M. X, la société Y, contre l'arrêt de Cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 13 octobre 2011, qui, pour pratiques commerciales trompeuses, a condamné le premier, à six mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d'amende, la seconde, à 200 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire commun aux demandeurs et les mémoires en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-1-1, L. 213-1 et L. 213-6 du Code de la consommation, 111-3 du Code pénal, 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen et 7 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 593 du Code de procédure pénale, contradictions de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X et la société Y coupables de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ;
"aux motifs que l'opération commerciale réalisée par les deux prévenus sous couvert d'un sondage d'opinion, consistait en réalité en une vente avec livraison immédiate de collection de pièces de monnaie à laquelle était inséparablement liée celle d'autres séries de pièces livrables ultérieurement ; que si la vente de la série d'euros finlandais était explicitement annoncé (sic) celle des collections numismatiques qui lui étaient indissociablement attachée était signalée par un encart figurant en bas de page au verso du document publicitaire rédigée (sic) en très petites polices de caractères dont le libellé ne peut prêter qu'à confusion, puisqu'il y est précisé que la commande de la première série de pièces donne le droit à son auteur de recevoir les autres séries de pièces, laissant planer un doute sur la portée de son engagement pouvant aussi bien viser une commande ferme qu'un simple droit à se porter acquéreur ultérieurement d'une série de pièces ; que, par ailleurs, les documents publicitaires incriminés comportent trois adresses différentes dont une située en France" pouvant laisser croire qu'il s'agissait d'une opération commerciale réalisée à partir de la France à destination de consommateurs français, alors que cette action était conduite par la filiale suisse de la société du (sic) droit allemand HMK ; que dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a retenu les deux prévenus dans les liens de la prévention l'opération commerciale présentée sous forme de sondage dissimulant une vente annoncée de telle manière que l'acquéreur était trompé sur la portée de son engagement, vente dont par ailleurs la conclusion était encouragée par la promesse d'un cadeau récompensant non la réponse au sondage mais en réalité la commande de marchandises proposées constituant l'objet véritable de cette communication publicitaire ; qu'il convient donc de confirmer le jugement sur la culpabilité ;
"1) alors que, l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'il en va ainsi lorsque les appréciations des faits sont en contradiction avec le caractère légal appartenant à ces faits ; qu'en relevant que l'opération commerciale en cause consistait en une vente à laquelle étaient indissociablement liées d'autres ventes, la cour d'appel a caractérisé la contravention de vente forcée prohibée et réprimée, par renvoi de l'article R. 122-1 du Code de la consommation, par l'article R. 635-2 du Code pénal ; qu'en statuant ainsi, tout en retenant que les demandeurs avaient commis le délit de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 121-1 du Code de la consommation et a privé sa décision de base légale ;
"2) alors que, à titre subsidiaire, nul ne peut être puni par une peine qui n'est pas prévue par la loi ou, le cas échéant, le règlement ; que l'article L. 121-6, alinéa 1, du Code de la consommation, par renvoi à l'article L. 213-1 du même Code, dispose que l'amende encourue par une personne physique est de 37 500 euros ; que L. 121-6 du Code de la consommation, par renvoi à l'article 131-8 du Code pénal, dispose que l'amende encourue par une personne morale est égale au quintuple de celle encourue par une personne physique ; qu'en condamnant la société Y à une amende de 200 000 euros, alors que l'amende encourue par une personne morale est de 187 500 euros, la cour d'appel a violé les articles précités, ensemble le principe de la légalité des peines.
"3) alors que, à titre subsidiaire, la publicité peut être trompeuse lorsqu'elle porte sur l'identité des promoteurs ou des prestataires ; qu'il en va ainsi dans l'hypothèse où l'annonceur donne une adresse fictive, fausse ou omet de l'indiquer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que, en fournissant trois adresses différentes, dont une en France, les demandeurs avaient entendu laisser croire aux consommateurs que l'opération commerciale était nationale ; qu'en statuant ainsi, alors que les demandeurs indiquaient clairement dans la publicité que A, dont il était mentionné l'adresse postale à Roissy ainsi que l'adresse Internet, était une marque déposée de Y dont le siège est à Taegerwilen en Suisse, ce dont il résultait que l'identité de l'annonceur ne prêtait à aucune confusion, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;
"4) alors que, à titre subsidiaire, pour être trompeuse la publicité doit porter sur des éléments dont la liste limitative est prévue par l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a établi que la publicité était de nature à induire en erreur le consommateur sur la portée de son engagement concernant l'achat ultérieur de collections numismatiques ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas visé un élément limitativement énuméré par la loi et a violé l'article L. 121-1 du Code de la consommation" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 132-24 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, contradictions de motifs, manque de base légale, ensemble les principes de la responsabilité personnelle, de personnalité des peines et de la personnalisation des peines ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d'amende et la société Y à une amende délictuelle de 200 000 euros ;
"aux motifs que sur la sanction, l'analyse des réponses faites par les consommateurs aux questions de la DGCCRF montrent (sic) que cette campagne publicitaire ciblait principalement les personnes âgées plus vulnérables à ces tromperies ; que, par ailleurs, il s'agissait d'une opération commerciale de grande ampleur puisque la diffusion s'est étendue à l'ensemble du territoire national, a eu lieu du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, et a touché plusieurs milliers de personnes ; qu'enfin, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, la société HMK, dont le gérant au moment des faits était M. X, fait partie du groupe Y dont le responsable M. Y a déjà été condamné pour des faits similaires le 19 novembre 2008 ; que cette société était donc, comme le souligne le premier juge, parfaitement au fait de la réglementation applicable en France ; qu'il convient, dès lors, en répression, de condamner M. X, dont le casier judiciaire ne comporte aucune condamnation, à six mois d'emprisonnement avec sursis et à 15 000 euros d'amende et la société Y à une amende délictuelle de 200 000 euros, et d'ordonner, en outre, à la charge des prévenus la publication par extraits du présent arrêt dans les quotidiens Le Parisien et Le Monde, sans que le montant de chaque publication ne puisse excéder 1 500 euros ;
"1) alors que, selon les dispositions de l'article 132-24 du Code pénal, la juridiction prononce les peines en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; qu'en l'espèce, pour fixer le quantum de la peine, la cour d'appel a relevé qu'elle avait déjà condamné pour des faits similaires le responsable du groupe auquel appartient la société demanderesse, dont le gérant était le demandeur au moment des faits ; qu'en statuant ainsi, en se fondant sur des éléments non prévus par la loi, la cour d'appel a violé l'article 132-24 du Code pénal, ensemble le principe de la personnalisation des peines ;
"2) alors que, aux termes de l'article 121-1 du Code pénal nul n'est responsable que de son propre fait ; que le principe de la personnalité des peines, prolongement du principe de la responsabilité personnelle, postule que seule la personne déclarée pénalement responsable doit subir les conséquences de sa condamnation ; qu'en retenant, pour établir la responsabilité pénale des demandeurs et rentrer en voie de condamnation, que le responsable du groupe auquel ils appartiennent avait été condamné pour des faits similaires, la cour d'appel a violé l'article 121-1 du Code pénal, ensemble les principes de responsabilité personnelle et de personnalité des peines" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du Code civil, 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, ensemble le principe de réparation intégrale, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Y à payer, in solidum avec M. X, diverses sommes aux parties civiles ;
"aux motifs que s'agissant de l'action civile, des parties civiles sollicitant à leur égard la confirmation pure et simple du jugement déféré, le tribunal au vu des pièces justificatives produites a fait une exacte appréciation de leur préjudice, de telle sorte qu'il convient sur ce point de confirmer la décision déférée ; que le tribunal a omis de statuer sur la demande de M. Z ; qu'il convient de réparer cette omission ; qu'au vu des justificatifs produits une somme de 500 euros lui sera alloué en réparation de son préjudice ;
"alors que, le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que les articles 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et 459 du Code de procédure pénale commandent aux juges du fond de répondre aux moyens péremptoires soulevés par les parties ; qu'en confirmant la décision des premiers juges ayant condamné la société Y à indemniser les parties civiles, alors même que la demanderesse invoquait, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel et de ce chef délaissées, que les consommateurs, qui, à l'instar notamment de M. B, se considéraient induits en erreur, avaient vu leur compte régularisé et avaient pu conserver les marchandises, la cour d'appel, qui a accordé aux prétendues victimes une indemnisation excédant le montant de leur préjudice, a violé l'article 1382 du Code civil et le principe de la réparation intégrale et a entaché sa décision d'un défaut de motifs" ;
Les moyens étant réunis ; - Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, et sur le troisième moyen : - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de pratiques commerciales trompeuses dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer les préjudices en découlant ; d'où il suit que les griefs, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que, hormis les cas expressément prévus par la loi, les juges ne sont pas tenus de motiver spécialement le choix de la sanction qu'ils appliquent dans les limites légales ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 111-3 du Code pénal ; - Attendu que, selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu qu'après avoir déclaré la société HMB GMBH coupable de pratiques commerciales trompeuses, l'arrêt attaqué la condamne à 200 000 euros d'amende ;
Mais attendu qu'en prononçant une amende dont le montant excède le maximum prévu par les articles L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation et 131-38 du Code pénal, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ; d'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs : I - Sur le pourvoi de M. X : Le Rejette ; II - Sur le pourvoi de la société Y : Casse et annule, en ses seules dispositions relatives à la peine d'amende prononcée à l'encontre de la société Y, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 13 octobre 2011, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Dit que l'amende à laquelle la société Y a été condamnée, en raison des délits dont elle a été déclarée coupable, est de 187 500 euros ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.