CE, juge des référés, 17 septembre 2012, n° 362330
CONSEIL D'ÉTAT
Ordonnance de référé
PARTIES
Demandeur :
Vivendi Universal (Sté)
Défendeur :
Autorité de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
SCP Piwnica Molinié, SCP Baraduc Duhamel
Vu la requête, enregistrée le 30 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Groupe Canal Plus, dont le siège est 1, place du spectacle à Issy-les-Moulineaux (92130), et la société Vivendi Universal, dont le siège est 42, avenue de Friedland à Paris Cedex 08 (75380) ; les requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision, prise par l'autorité de la concurrence, n° 11-D-12 du 20 septembre 2011 relative aux engagements figurant dans la décision autorisant l'acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus ;
Elles soutiennent que :
- la demande de suspension de l'exécution de la décision du 20 septembre 2011 conserve son objet, dès lors notamment que la suspension des effets de cette décision entraînerait, par voie de conséquence, la suspension de la décision du 23 juillet 2012 ;
- la condition d'urgence est remplie, la décision litigieuse entraînant des répercussions difficilement réversibles sur la situation financière des sociétés requérantes ;
- les injonctions prononcées par l'Autorité de la concurrence, dans sa décision du 23 juillet 2012, prise à la suite de la nouvelle notification de l'opération de concentration consécutive au retrait prononcé par la décision du 20 septembre 2011, sont particulièrement contraignantes et disproportionnées et auront des effets irréversibles dès le commencement de leur exécution ;
- les injonctions relatives à la cession de la participation détenue dans Orange-Cinéma-Séries, tout comme les injonctions alternatives, emportent pour elles des effets graves et irréversibles qui caractérisent une situation d'urgence ;
- les injonctions relatives aux pratiques contractuelles du Groupe Canal Plus sur les marchés amont de l'acquisition de droits l'obligent à adapter la plupart des contrats conclus sur ces marchés, ce qui emporte pour lui des conséquences irréversibles ;
- la mise en œuvre de l'injonction relative à la publication d'une offre de référence obligerait le Groupe Canal Plus à conclure des contrats de distribution en application de cette offre qui s'appliqueront pendant de nombreuses années, et emporte donc des conséquences difficilement réversibles ;
- la mise en œuvre de l'injonction relative au dégroupage des chaînes cinéma du Groupe Canal Plus conduirait à un affaiblissement durable de l'attractivité du bouquet CanalSat pendant une période de 3 à 5 ans, sans qu'une décision d'annulation permette de revenir sur ces contrats ;
- la mise en œuvre de l'injonction relative à la valorisation des exclusivités de distribution par plateforme propriétaire, qui remet en cause le modèle économique et la stratégie commerciale de CanalSat, présente un caractère irréversible ;
- l'injonction relative aux obligations de séparation juridique et comptable imposées au Groupe Canal Plus impose des coûts de restructuration particulièrement élevés et place donc le groupe et ses filiales dans une situation très difficile ;
- la plupart des injonctions sont d'application immédiate ou doivent être mises en œuvre dans un calendrier d'exécution très bref qui s'impose à elles, ce qui porte une atteinte grave et irréversible à leurs intérêts ;
- la décision du 23 juillet 2012 préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts du secteur et place les acteurs des différents marchés de la télévision payante dans une situation d'insécurité juridique majeure ;
- il n'existe aucun motif d'intérêt général justifiant l'exécution immédiate de la décision du 23 juillet 2012 de l'Autorité de la concurrence ;
- il existe des doutes sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Code de commerce ;
Vu le Code de justice administrative ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ; qu'en vertu de l'article L. 522-3 du même Code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée ;
2. Considérant que présentent un caractère d'urgence de nature à justifier la suspension d'une décision par le juge des référés les demandes concernant les mesures dont l'exécution porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ;
3. Considérant que, par décision du 30 août 2006 , le ministre de l'Economie a autorisé les sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi Universal à regrouper au sein de la société Canal Plus les activités de la télévision payante TPS et du groupe Canal Plus ; que, par une décision du 20 septembre 2011 , l'Autorité de la concurrence a décidé de retirer, sur le fondement de l'article L. 430-8 du Code de commerce, cette autorisation et a prononcé une sanction pécuniaire de 30 millions d'euros ; qu'à la suite de cette décision, les requérantes ont procédé à une nouvelle notification de l'opération de concentration ; que, par une décision du 23 juillet 2012, l'Autorité de la concurrence a délivré une nouvelle autorisation qu'elle a assortie de nouvelles injonctions ; que les requérantes demandent, par la présente requête, la suspension de la décision du 20 septembre 2011 ;
4. Considérant qu'eu égard au délai qui s'est écoulé depuis la date de la décision litigieuse, à son objet propre ainsi qu'aux effets qu'elle a déjà produits et à l'existence d'une demande de suspension, présentée par les requérantes sur le fondement de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative, à l'encontre de la décision du 23 juillet 2012, la circonstance que les injonctions dont cette dernière décision assortit l'autorisation accordée aux requérantes seraient de nature à porter à leurs intérêts, ainsi qu'à ceux du secteur, une atteinte grave et immédiate n'est pas de nature à créer une situation d'urgence ; qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune urgence ne s'attache à la suspension de la décision critiquée ; que la requête à fin de suspension présentée par les sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi Universal ne peut donc être accueillie ;
ORDONNE
Article 1er : La requête des sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi Universal est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Groupe Canal Plus et à la société Vivendi Universal. Copie en sera transmise à l'Autorité de la concurrence.