Cass. crim., 19 décembre 2012, n° 12-81.494
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
M. Soulard
Avocat général :
M. Bonnet
Avocats :
SCP Odent, Poulet, Me Ricard
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formé par la société X, la société Y, contre l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Paris, en date du 3 janvier 2012, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visite et saisie effectuées par l'administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire commun aux demanderesses et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3 du Code pénal, L. 450-4 du Code de commerce, 5 du Code civil, 7 de la Déclaration des Droits de l'Homme et 7 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a déclaré régulières les opérations de visites et de saisies effectuées le 13 décembre 2007 dans les locaux situés <adresse 1>, <adresse 2> et <adresse 3>, Courcouronnes 91009 Evry ;
"aux motifs que : - 1) sur le premier moyen selon lequel "la demande d'extension des investigations a été formulée par des personnes qui n'avaient pas compétence pour ce faire" : - qu'il résulte d'un procès-verbal n° 81 dressé le 13 décembre 2007 à 9 h 40 en application des articles L. 450-4 et L. 470-6 du Code de commerce et clos à 22 heures 15 et de deux procès-verbaux de notification n° 83 dressé (sic) le même jour respectivement à 9 heures 40 et à 14 heures en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce : - que les opérations de visite et de saisies ont débuté le 13 décembre 2007 à 9 heures 40, au <adresse 1> Courcouronnes BP 75 91002 Evry où les inspecteurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont été reçus, en présence de M. Boudinet et M. Henault officiers de police judiciaire, par M. A, occupant des lieux qui leur a indiqué que les services liés aux produits frais étaient situés dans un bâtiment situé à une autre adresse, à savoir <adresse 2> et <adresse 3>, Courcouronnes 91009 Evry ; - que M. Henault, officier de police judiciaire, a contacté, en présence de M. A, à 10 h 15 Mme Horeau, juge des libertés et de la détention au Tribunal de grande instance d'Évry qui n'a pu leur répondre puis toujours en présence de M. A à 10 h 45, qui les a autorisées (sic) oralement à se rendre sur place dans les locaux de la société Carrefour Hypermarchés situés <adresse 2> et <adresse 3>, Courcouronnes 91009 Evry pour effectuer les opérations de visite et de saisie, ce qu'ils ont fait ; qu'en cours de visite, l'ordonnance rectificative d'adresse est parvenue aux enquêteurs par télécopie ; qu'un deuxième procès-verbal de notification a alors été dressé en date du 13 décembre 2007 à 14 heures ; que les enquêteurs se sont donc transportés sur les lieux de la seconde adresse, en présence de M. A qui a alors désigné pour le représenter M. B, directeur des produits frais hypers France et M. C, directeur des achats charcuterie et fromages ; qu'il ressort des procès-verbaux que les scellés ont été posés dans les locaux de la société Y situés <adresse 2> et <adresse 3>, Courcouronnes 91009 Evry sur la base de l'autorisation orale reçue à 10 h 45 ; que d'ailleurs, M. Rodriguez ne conteste pas ce fait mais émet les réserves suivantes dans le procès-verbal : "Je précise que les scellés ont été posés dès 11 h 45 alors que l'ordonnance autorisant la visite et la saisie dans les locaux de <adresses 2, 3> m'a été notifiée à 14 heures", M. C émettant les mêmes réserves ; que la société X soutient tout d'abord que la demande d'autorisation de se rendre à l'adresse indiquée par M. A a été formulée par des personnes qui n'avaient pas compétence pour ce faire à savoir ni l'officier de police judiciaire ni les agents de la DGCCRF : a) Sur la compétence de l'officier de police judiciaire : que la société X expose que l'officier de police judiciaire n'est compétent que pour tenir le juge informé du déroulement des visites et saisies alors que le procès-verbal en date du 13 décembre 2007 mentionne bien que c'est l'officier de police judiciaire M. Henault qui a contacté le juge des libertés et de la détention au Tribunal de grande instance d'Evry ; qu'elle ajoute que le fait que l'ordonnance rectificative mentionne que la requête orale a été présentée par Mme Lacour, M. Pierorazio, Mme Sarouda, M. Léon et Mme Deguilly, inspecteurs de la DGCCRF habilités pour effectuer les visites et saisies, "fait naître un doute plus que sérieux sur l'auteur réel de la demande d'extension des investigations" ; que [cependant] Mme Horeau, juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance d'Evry indique expressément dans son ordonnance de (sic) 6 décembre 2007: "Désignons : - M. Boudinet, lieutenant, - M. Henault, brigadier, officiers de police judiciaire territorialement compétents, pour assister aux opérations de visite et de saisie qui devront se dérouler dans les locaux de l'entreprise suivante, sises à : Y <adresse 1>, Courcouronnes BP 75, 91002 Evry et les entreprises du même groupe sises à la même adresse ; ordonnons aux officiers de police judiciaire désignés de nous tenir informé de leur déroulement" ; que c'est exactement ce qu'a fait M. Henault ; que par ailleurs, il résulte du procès-verbal de notification du 13 décembre 2007 à 14 heures dressé par les cinq inspecteurs de la concurrence, de la consommation et de la répression (sic) puisque débutant par la mention "Nous soussignés et signés par eux cinq sous la mention les auteurs du procès-verbal, que les appels ont été passés en présence de M. A, occupant des lieux et en leur présence, procès-verbal dans lequel il est indiqué : (...) Mme Claire Horeau nous a autorisés verbalement à nous rendre dans les locaux de la société Y situés <adresse 2> et <adresse 3>, Courcouronnes 91009 Evry pour effectuer les opérations de visite et de saisie", en nous signifiant que M. Henault a tenu informé le juge des libertés et de la détention des éléments nouveaux relatifs aux adresses comme il devait le faire mais également qu'il ne s'agissait pas d'un simple entretien entre lui et le magistrat mais plutôt d'une conférence téléphonique puisque l'ordonnance rectificative a d'abord été formulée le 13 décembre de manière orale à 10 h 45 par téléphone dont l'amplificateur était branché pour que M. A puisse en prendre connaissance, (étant rappelé qu'elle l'a été ensuite par écrit, par télécopie parvenue postérieurement et notifiée à 14 heures) ; que c'est la raison pour laquelle l'ordonnance rectificative indique que la requête orale a été présentée par les inspecteurs des impôts (sic) et qu'il ne saurait être considéré que la demande a été formulée par l'officier de police judiciaire comme le prétend la société X ; que la première branche du moyen n'est donc pas fondée ; b) sur la compétence des agents de la DGCCRF : - que la société X soutient que les agents de la DGCCRF n'avaient pas d'avantage compétence pour demander l'autorisation aux motifs que "la seule personne habilitée à solliciter une ordonnance d'autorisation auprès d'un juge des libertés et de la détention était M. Marcellesi lui-même, les autres fonctionnaires désignés par celui-ci (dont ne font en toute hypothèse pas partie les personnes mentionnées dans l'ordonnance rectificative du 13 décembre 2007) étant seulement habilitées à procéder aux visites et saisies dans les locaux mentionnés dans la demande d'enquête parmi lesquels ne figurent pas les locaux de la société X situés <adresse 2> et <adresse 3>, Courcouronnes 91009 Evry" ; qu'il ressort [cependant] de la note, ayant pour objet la demande d'enquête, du ministère de l'Economie des Finances et de l'Emploi en date du 29 novembre 2007 et signé (sic) de M. Parent, directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes agissant pour le ministre et par délégation, que : "M. Marcellesi, directeur inter-régional, chef de la DNECCRF, mènera la présente enquête et pourra, en tant que besoin, lui-même ou tout fonctionnaire de catégorie A désigné par lui pour le représenter saisir le magistrat compétent pour obtenir l'autorisation de visite et de saisie prévue par l'article L. 450-4 du Code de commerce et faire procéder aux dites opérations dans les locaux des entreprises, associations, organismes professionnels auprès desquels la preuve de telles pratiques anticoncurrentielles pourrait être recueillie" ; qu'il en résulte que c'est à bon droit que le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris, par ordonnance du 4 décembre 2007, a pu faire droit à la demande d'autorisation judiciaire de visite domiciliaire puisqu'elle était présentée par une personne compétente pour le faire et qu'il a par ailleurs pu être donné commission rogatoire à d'autres juges des libertés et de la détention compétents territorialement dont le juge des libertés et de la détention d'Evry, "qui exerceront, chacun pour ce qui le concerne, le contrôle sur les opérations de visite et de saisie jusqu'à leur clôture et désigneront le ou les officiers de police judiciaire territorialement compétents" ; que c'est à juste titre que seuls sont mentionnés les officiers de police judiciaire, car à la différence de ceux-ci les agents de la DGCCRF ne sont pas nominativement désignés par le juge des libertés et de la détention autorisant les saisies ; que M. Marcellesi a été autorisé à bénéficier du concours de ses homologues directeurs inter-régionaux respectifs, procéder aux actes nécessaires et que lui-même et ceux-ci peuvent, désigner ensuite si besoin est, et chacun pour ce qui le concerne, les agents relevant de leur autorité ; qu'ainsi, les enquêteurs de la DGCCRF pouvaient dès l'instant qu'ils étaient désignés par leurs directeurs inter-régionaux respectifs procéder à tous les actes nécessaires à l'exercice du droit de visite domiciliaire, notamment solliciter l'ordonnance rectificative susvisée, puisqu'il s'agit d'actes d'exécution de l'ordonnance du 4 décembre 2007 ; qu'en conséquence, les agents de la DGCCRF étaient compétents pour demander l'autorisation de se rendre à l'adresse indiquée par M. A et que la deuxième branche du moyen n'est donc pas fondée ; 2) sur le deuxième moyen relatif à la compétence du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance d'Evry : - que la société X soutient que l'ordonnance principale ne donnait pas délégation aux magistrats agissant sur commission rogatoire de modifier d'eux-mêmes l'étendue des opérations sur lesquelles ils exerçaient leur contrôle et que la demande aurait dû être présentée devant le juge des libertés et de la détention au Tribunal de grande instance de Paris ; que sur ce fondement, elle sollicite l'annulation des investigations effectuées sur la base de l'ordonnance rectificative ; que [cependant] le juge ayant reçu commission rogatoire pour désigner un ou plusieurs officiers de police judiciaire chargés d'assister aux opérations de visite et saisie et de le tenir informé de leur déroulement, est compétent pour statuer sur la modification de la situation des locaux à visiter dès lors qu'ils se trouvent dans son ressort, étant précisé qu'en l'espèce il ne s'agit pas d'étendre le champ des investigations comme l'indique la société X, celui-ci étant resté le même, mais de procéder à ces investigations à la bonne adresse, l'adresse indiquée par l'occupant des lieux permettant de satisfaire à l'ordonnance du 4 décembre 2007 ; que ce moyen sera donc rejeté ; 3) sur le troisième moyen soulevé, à titre subsidiaire par la société X selon lequel les investigations ont en réalité été effectuées en l'absence de tout acte judiciaire les autorisant : - que la société X expose que sur la seule base d'une autorisation orale, des investigations ont été effectuées, y compris la pose de scellés, qu'il s'est écoulé plus de deux heures entre la pose desdits scellés et la notification formelle de l'ordonnance rectificative et que pendant ce laps de temps des enquêteurs ont procédé à des saisies de documents, et en conclut que dès lors que les enquêteurs ont pénétré dans les locaux de X situés savoir <adresse 2> et <adresse 3>, Courcouronnes 91009 Evry puis ont procédé à des investigations sans autorisation régulière, ils se sont rendus coupables d'une voie de fait, ce qui rend inéluctable, sur ce fondement, l'annulation des investigations effectuées ; que [cependant] il ressort du procès-verbal de visite et de saisie que : - l'autorisation qui ne concernait que l'adresse des locaux, a été donnée oralement le 13 décembre 2007 à 10 h 45 ; - M. A, occupant des lieux, a eu connaissance de cette autorisation puisque l'amplificateur était branché ; - l'autorisation a été confirmée par écrit et notifiée à 14 heures ; - durant ce délai les enquêteurs ont apposé les scellés et procédé à la seule visite du bureau de M. B ; que dès lors que l'occupant des lieux étant (sic) présent, qu'il avait pris connaissance à 9 h 40 des deux premières ordonnances qui lui ont été notifiées, qu'il a eu connaissance dès 10 h 45 des dispositions de l'ordonnance rectificative concernant seulement un autre bâtiment situé dans la même rue, à une adresse que lui-même a indiqué aux enquêteurs, le principe du contradictoire a été respecté et il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense ; qu'en conséquence, la procédure de visite et de saisie réalisée sous le contrôle des OPJ était régulière et ne constituait nullement une voie de fait ; que dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de ce chef est inopérant ; 4) sur le quatrième moyen soulevé à titre subsidiaire, selon lequel la saisie de certains documents n'entrent (sic) pas dans le champ de l'enquête tel que défini par l'ordonnance principale : - que la société X expose que le champ de l'ordonnance principale est précis et déterminé et qu'il vise clairement et exclusivement le secteur de la commercialisation de la viande de volaille alors que d'une part, parmi les documents papiers saisis à Evry, plusieurs concernent des marchés de produits différents de celui de la volaille, plus précisément celui du lapin et un concernant celui de l'assaisonnement pour charcuterie et d'autre part concernant les saisies informatiques, certains documents traitent également de produits lapins ; qu'elle ajoute, qu'en dépit de la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris du 28 juin 2011, elle continue à considérer que le secteur lapin n'était pas un secteur sur lequel la DGCCRF avait pu réunir des présomptions de pratiques anticoncurrentielles et que, en conséquence, les documents relatifs au lapin sont sans rapport avec l'objet de l'enquête de telle sorte que les documents ayant été appréhendés en dehors du champ prescrit par l'ordonnance principale et n'ayant strictement aucun rapport avec les agissements visés, leur saisie doit être annulée et leur restitution ordonnée ; que [cependant] : - s'agissant des documents concernant le lapin, - il apparaît que le site Internet du service des Nouvelles des Marchés (rattaché au ministère de l'Agriculture) cite dans sa rubrique : "marchés : - "Rungis Volailles" du 22 février 2008, le lapin parmi d'autres espèces telles le canard ou le poulet ; - le lexique de l'Agriculture par Terralies définit la volaille (oiseaux (...)) en précisant qu"en magasin, le lapin est considéré comme une volaille" ; - il en résulte ainsi qu'il a d'ailleurs été jugé (arrêt Paris 28 juin 2011 - 10-14868) que si le lapin n'est à l'évidence pas zoologiquement une volaille, il doit être considéré comme tel sur le plan économique s'agissant en particulier de la commercialisation et il ne peut être soutenu que les documents soumis au juge ayant autorisé la saisie n'évoquaient pas le lapin ; - s'agissant du document concernant l'assaisonnement pour charcuterie correspondant au scellé n° 3, cote 41, celui-ci fait partie d'un ensemble plus vaste de 41 documents répertoriés dans le procès-verbal sous une forme identique à savoir : "télécopie du (...) Soldes accords commerciaux 2006 fournisseur (...) ", les 41 autres documents concernant la volaille au sens large ; - qu'il en résulte que la saisie du document visé n'est pas étranger (sic) à l'autorisation accordée dans la mesure où la saisie de cet ensemble est légitime puisqu'il contient des éléments pour partie utile (sic) à la preuve des agissements recherchés ; qu'en conséquence, les documents visés par la société X n'ont pas été appréhendés en dehors du champ prescrit par l'ordonnance principale ; qu'il convient donc de débouter la société X de l'ensemble de ses demandes ;
"1) alors que, selon les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce applicables à l'espèce, dans le cadre d'une enquête demandée par le ministre chargé de l'Economie, les enquêteurs ne peuvent procéder à des opérations de visites et de saisies que sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention sur demande d'un directeur interrégional, désigné par le directeur général de la DGCCRF, délégué du ministre de l'Economie ; qu'il en résulte que les enquêteurs ne sont pas investis du pouvoir de représenter le demandeur et ne peuvent se substituer à lui pour demander une autorisation de visites et de saisies ; qu'en l'espèce, pour établir que les enquêteurs étaient compétents pour demander au juge des libertés et de la détention commis rogatoirement une autorisation de visites et de saisies dans un autre local que ceux visés dans l'ordonnance principale, l'ordonnance attaquée relève que l'ordonnance principale a été établie à bon droit et qu'elle n'avait pas à désigner nominativement les enquêteurs, que la commission rogatoire était régulière, que le chef de la DNECCRF pouvait se faire représenter par ses homologues directeurs interrégionaux et que, dès lors qu'ils étaient désignés par ces derniers, les enquêteurs pouvaient procéder à tous les actes nécessaires, notamment solliciter une ordonnance rectificative ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants et erronés, la cour d'appel a privé, par insuffisance de motifs, sa décision de base légale et a violé l'article L. 450-4 du Code de commerce ;
"2) alors que, aux termes de l'article L. 450-4 du Code de commerce, lorsque les opérations de visites et de saisies qu'il autorise ont lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance, le juge des libertés et de la détention, saisi d'une demande d'autorisation par un directeur interrégional de la DGCCRF, délivre une commission rogatoire pour exercer le contrôle sur lesdites opérations au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel doit s'effectuer la visite ; que seul le juge des libertés et de la détention qui rend l'ordonnance principale est donc compétent pour autoriser les opérations de visites et de saisies ; que les règles de compétence sont d'ordre public ; que, selon les dispositions de l'article 152 du Code de procédure pénale, le juge commis rogatoirement ne peut effectuer que les actes dont l'exécution est précisée par le juge mandant ; qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris a commis rogatoirement, conformément à l'article L. 450-4 du Code de commerce, un juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance d'Evry pour qu'il exerce " le contrôle des opérations de visite et de saisie jusqu'à leur clôture et " qu'il désigne " le ou les officiers de police judiciaire territorialement compétents " ; que le juge des libertés et de la détention commis rogatoirement a, sur la seule demande des agents de la DGCCRF, autorisé la visite d'un local supplémentaire, les enquêteurs ayant opéré une visite infructueuse dans le local désigné par l'ordonnance principale ; que, pour déclarer la seconde visite et les saisies régulières, l'ordonnance attaquée a retenu que le juge des libertés et de la détention commis rogatoirement était compétent pour l'autoriser ; qu'en statuant ainsi, au prix d'une dénaturation de la commission rogatoire et alors même que l'extension du champ des investigations ne pouvait être demandée que par le directeur interrégional au juge des libertés et de la détention mandant, seul compétent en matière d'autorisation, Mme la déléguée du premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 450-4 du Code de commerce et a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
"3) alors que, selon les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, les visites et saisies ne peuvent être effectuées que sur autorisation judiciaire du juge des libertés et de la détention dont l'ordonnance doit être notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal ; que le droit au respect du domicile édicté par l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, qui s'applique aux personnes morales, commande de subordonner à une autorisation judiciaire préalable les visites domiciliaires et les saisies, les interventions de la puissance publique dans la sphère d'activité privée de toute personne devant, en raison du principe de la légalité, avoir un fondement légal et être effectuées selon les modalités prévues par la loi ; qu'en l'espèce, après avoir établi que l'ordonnance rectificative, notifiée oralement dans un local qui venait d'être visité et dont aucune copie n'a ainsi pu être délivrée, n'avait été notifiée formellement sur place à l'occupant des lieux qu'après que des opérations de visite et de saisies avaient commencé, Mme la déléguée du premier président de la Cour d'appel de Paris a considéré que la procédure suivie était régulière, les droits de la défense ayant été respectés ; qu'en statuant ainsi, alors même qu'en pénétrant dans un local sans être munis d'une autorisation formelle les enquêteurs ont violé le droit au respect du domicile et commis une voie de fait, tout en constatant que l'ordonnance rectificative ne répondait pas aux conditions fixées par l'article L. 450-4 du Code de commerce, Mme la déléguée du premier président de la Cour d'appel de Paris n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles et le principe susvisés ;
"4) alors que, selon les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, l'ordonnance d'autorisation fixe les limites de l'objet de l'enquête ; que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que les jugements doivent être motivés ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de restitution des documents relatifs à la viande de lapin, sur les motifs d'un arrêt de la Cour d'appel de Paris ayant assimilé, sur le plan économique, le lapin à la volaille, alors même qu'aucun texte à valeur normative n'opère cette assimilation, Mme la déléguée du premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 450-4 du Code de commerce et a entaché sa décision d'un défaut de motifs" ;
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches : - Attendu que l'occupant des lieux ne peut, à l'occasion d'un recours concernant le déroulement des opérations de visite et saisie, mettre en cause la validité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé lesdites opérations sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce ; d'où il suit que le grief est irrecevable ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches : - Attendu que, pour dire régulières les opérations pratiquées dans les locaux de la demanderesse, l'ordonnance attaquée prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation quant au lien existant entre les documents saisis et l'autorisation accordée, le juge a justifié sa décision ; qu'ainsi, le moyen, pris en ses autres branches, doit être écarté ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
Rejette les pourvois.