Livv
Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. B, 26 juillet 2012, n° 11-00057

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Farthouat

Défendeur :

Automobiles Palau (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cheminade

Conseillers :

MM. Crabol, Boinot

Avocats :

SCP Le Barazer, d'Amiens, Mes Delas, Sammarcelli

TGI Bordeaux, 5e ch. civ., du 5 janv. 20…

5 janvier 2011

Vu le jugement rendu le 7 décembre 2010 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux, au vu d'un rapport d'expertise judiciaire du 1 décembre 2008 réalisé par Bernard Rodière, qui a condamné la société par actions simplifiée Automobiles Palau à payer à Rose-Marie Farthouat les sommes de 1 518,45 euro en réparation de son préjudice matériel, de 1 500 euro en réparation de son trouble de jouissance et de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, qui a débouté les parties du surplus de leurs demandes, qui a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, et qui a condamné la société Automobiles Palau aux dépens, en ce compris les frais d'expertise ;

Vu la déclaration d'appel de Rose-Marie Farthouat du 5 janvier 2011 ;

Vu les dernières écritures de la société Automobiles Palau, contenant appel incident, signifiées et déposées le 11 août 2011 ;

Vu les dernières écritures de l'appelante, signifiées et déposées le 12 septembre 2011 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 31 janvier 2012 ;

DISCUSSION :

Selon bon de commande du 21 mars 2006 et facture du 31 mars 2006, Rose-Marie Farthouat a acheté à la société Automobiles Palau un véhicule d'occasion de marque Iveco type Daily 35C9, immatriculé 9429 QA 33, mis pour la première fois en circulation le 25 janvier 2001, pour un prix de 11 600 euro TTC. La société Automobiles Palau a effectué une révision du véhicule avant de le livrer et a accordé une garantie contractuelle de trois mois à l'acheteuse.

Au mois de mai 2006, il est apparu que le véhicule consommait une quantité excessive de liquide de refroidissement, défaut auquel la société Automobiles Palau n'a pu remédier. Le 8 février 2007, le véhicule n'a pu démarrer et a dû être remorqué dans un garage à La Hume, commune de Gujan-Mestras (33). La société Automobiles Palau a refusé d'intervenir en raison de l'expiration de la garantie contractuelle.

Rose-Marie Farthouat a obtenu la mise en œuvre d'une expertise amiable et contradictoire (rapport de la société BCA du 12 juin 2007), puis d'une expertise judiciaire (rapport de Bernard Rodière du 1er décembre 2008). Les deux experts ont conclu dans le même sens, en indiquant que le véhicule présentait deux défauts de fonctionnements, à savoir :

- d'une part une consommation régulière du liquide de refroidissement due au mauvais état du radiateur de refroidissement qui avait fait l'objet d'une réparation sommaire, à l'aide de mastic, au niveau de la fixation de sa durite supérieure, réparation qui n'avait pas réussi à supprimer une fuite, alors que le radiateur aurait dû être remplacé,

- d'autre part un décalage de la courroie de distribution d'environ quatre dents par rapport au repère de la pompe à injection, dû à une erreur de la société Automobiles Palau qui n'avait pas suffisamment respecté la tension de cette courroie lors de son remplacement avant la livraison du véhicule.

Les techniciens ont précisé que le second défaut était à l'origine de la panne du 8 février 2007. L'expert judiciaire a évalué les travaux de remise en état à la somme de 1 518,45 euro TTC à la date du sinistre.

Au vu de ces rapports, Rose-Marie Farthouat a fait assigner la société Automobiles Palau le 5 août 2009 devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux, pour faire prononcer l'annulation de la vente, sur le fondement de la garantie des vices cachés, et obtenir la restitution du prix, ainsi que des dommages et intérêts.

Par le jugement déféré, rendu le 7 décembre 2010, le tribunal a estimé que la preuve de défauts cachés se trouvait rapportée, qu'ils étaient le fruit des interventions inappropriées de la société Automobiles Palau, mais qu'ils ne constituaient pas des vices rédhibitoires dans la mesure où les réparations préconisées par l'expert judiciaire devaient permettre d'y remédier pour un coût modeste. Indiquant que la société Automobiles Palau avait manqué à son obligation contractuelle de résultat de réparateur, il l'a condamné à payer à Rose-Marie Farthouat le prix des réparations, outre une indemnité pour trouble de jouissance.

Rose-Marie Farthouat, qui a relevé appel, soutient qu'elle apporte la preuve de vices cachés. Elle prie en conséquence la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, de prononcer la résolution de la vente et de condamner la société Automobiles Palau à lui payer les sommes de 11 600 euro, montant du prix de vente, de 13 000 euro en réparation de son préjudice de jouissance, et de 10 691,95 au titre des frais de gardiennage du véhicule, immobilisé depuis le 8 février 2007 au garage de La Hume.

La société Automobiles Palau, qui relève appel incident, conclut à l'infirmation du jugement et au débouté de la demanderesse, au motif que les dysfonctionnements allégués ne sont pas susceptibles de rendre le véhicule impropre à sa destination et qu'il peut y être apporté remède par une simple intervention.

Attendu que selon l'article 1641 du Code civil, "le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus" ; qu'il résulte de cette définition que les vices cachés doivent être antérieurs à la vente et d'une certaine gravité ;

Attendu en l'espèce que si le second défaut analysé par les experts présente le degré de gravité requis, puisqu'il est à l'origine de la panne du 8 février 2007 depuis laquelle le véhicule litigieux est immobilisé, l'expert judiciaire ayant précisé que "le véhicule est inapte à la circulation depuis son immobilisation" (page 9 de son rapport), en revanche il ne constitue pas un vice antérieur à la vente, dans la mesure où il ressort des constatations concordantes des deux techniciens qu'il résulte d'une erreur de la société Automobiles Palau qui, lorsqu'elle a changé la courroie de distribution du véhicule au cours de la révision réalisée entre la vente et la livraison, n'a pas suffisamment respecté la tension de cette courroie ; que ce défaut ne constitue donc pas un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil, car il est postérieur à la vente ;

Attendu par ailleurs que si le premier défaut, à savoir une fuite de liquide de refroidissement due au mauvais état du radiateur, est manifestement antérieur à la vente, l'expert judiciaire ayant précisé que le radiateur aurait du être remplacé lors des opérations de révision, en revanche il ne présente pas le degré de gravité requis ; qu'en effet, une fuite sur une durite, défaut mineur et banal sur un véhicule d'occasion, n'était pas susceptible de rendre le véhicule impropre à son usage, l'expert judiciaire ayant d'ailleurs noté qu'il avait parcouru "10 486 kilomètres en un peu moins de 11 mois d'utilisation" (page 9 de son rapport), ni de diminuer cet usage dans une proportion telle que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il l'avait connu ; qu'il ne constitue donc pas un vice caché au sens du texte précité ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que Rose-Marie Farthouat ne démontre pas que le véhicule en litige soit atteint de vices cachés au sens des articles 1641 et suivants du Code civil ; que comme elle fonde ses prétentions exclusivement sur ces textes, et non sur la responsabilité contractuelle du garagiste réparateur, il y a lieu d'infirmer le jugement et de la débouter de toutes ses demandes ;

Attendu que Rose-Marie Farthouat succombant en son action, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ; qu'aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Automobiles Palau ;

Par ces motifs : LA COUR : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit Rose-Marie Farthouat en son appel et la société Automobiles Palau en son appel incident ; Infirme le jugement rendu le 7 décembre 2010 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux ; Statuant à nouveau : Déboute Rose-Marie Farthouat de son action en garantie des vices cachés dirigée contre la société Automobiles Palau ; Déboute la société Automobiles Palau de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Rose-Marie Farthouat aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire. Dit que les dépens de l'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.