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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. A, 13 septembre 2012, n° 11-08369

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Rapido (SAS)

Défendeur :

Manival, Sodev (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vouaux-Massel

Conseillers :

Mme Conte, M. Bresson

Avocats :

SCP Garrigue, Garrigue, SCP Capdevila, Vedel-Salles, Mes Senmartin, Delafond, Celestre, Aussilloux

TGI Montpellier, prés., du 17 nov. 2011

17 novembre 2011

EXPOSE DU LITIGE

Suivant facture en date du 16 avril 2008, M. Norbert Manival a fait l'acquisition d'un camping-car de marque Rapido pour un montant de 68 279 euro auprès de la société TPL, aux droits de laquelle vient la société Sodev, laquelle exerçait en qualité de concessionnaire Rapido.

Le 30 avril 2009, M. Manival adressait au vendeur un courrier recommandé afin de l'informer des désordres observés au niveau de la carrosserie en dépit du faible kilométrage et de la date de mise en circulation du véhicule.

Après prise en charge des réparations par le constructeur, la SAS Rapido une nouvelle déformation de la carrosserie était apparue au niveau des fenêtres de la salle d'eau et de la chambre.

Une première mesure d'expertise était diligentée à la demande de l'assureur et l'expert concluait que les défauts étaient consécutifs à une intervention non conforme de la société Rapido lors de la reprise en garantie des premiers défauts constatés courant août 2009.

Le fabricant refusant d'y remédier, M. Manival a, suivant acte d'huissier en date du 6 octobre 2010, sollicité du juge des référés la désignation d'un expert judiciaire. L'expert judiciaire a conclu à l'existence de vices cachés et a chiffré à 30 146,56 euro le coût des travaux de reprise.

Par actes des 20 et 27 septembre 2011, M. Manival a attrait les sociétés Rapido SAS et Sodev SAS devant le Juge des référés du Tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de les voir condamnés au paiement de ladite somme.

Suivant ordonnance en date du 17 novembre 2011, le juge des référés a condamné la SAS Rapido à payer à M. Norbert Manival une provision de 30 146,56 euro et a condamné la SAS Rapido à payer à M. Manival, d'une part, et à la SAS Sodev d'autre part, une somme de 750 euro en indemnisation de leurs frais irrépétibles et l'a enfin condamnée aux dépens de l'instance.

Suivant conclusions notifiées le 9 mai 2012, auxquelles la cour renvoie expressément pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SAS Rapido demande à la présente juridiction d'infirmer l'ordonnance entreprise, de manière à ce que M. Manival soit débouté de toutes ses demandes et soit condamné à lui restituer la somme versée en vertu de l'exécution provisoire. Elle sollicite par ailleurs la condamnation de M. Manival à lui verser une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. La société appelante fait notamment valoir que, dans la mesure où M. Manival n'est plus propriétaire du véhicule qu'il a revendu en septembre 2011, seule une action estimatoire est envisageable ; qu'à cet égard, le seul préjudice qu'il pourrait subir est celui d'une revente du véhicule en deçà du prix qu'il aurait pu en obtenir, si le véhicule n'avait pas été affecté de désordres ; qu'en l'espèce, M. Manival ne justifie d'aucun préjudice, et notamment de ce qu'il aurait revendu le véhicule à une somme inférieure à 36 200 euro, correspondant au montant Argus de revente de ce modèle de véhicule pour la période allant de septembre à décembre 2011.

Dans des écritures notifiées le 29 mai 2012, auxquelles la Cour se réfère expressément, M. Manival conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf à voir condamner la SAS Rapido à lui verser une indemnité complémentaire de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. M. Manival fait notamment valoir que tant le rapport d'expertise que l'aveu du fabricant confirment l'existence d'un défaut de fabrication généralisé et non pas esthétique comme le prétend ce dernier ; que l'action fondée sur les vices cachés n'est pas subordonnée à la propriété du bien, objet de la garantie ; que si l'action rédhibitoire est rendue impossible par la perte de la propriété, l'action estimatoire est toujours possible.

Dans des écritures en date du 2 mai 2012, la société Sodev SAS conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise. Elle expose notamment qu'elle n'est intervenue qu'en qualité de revendeur ; que le défaut allégué est un défaut de conception antérieure à la vente entre la société Rapido et la société Sodev ; que le fabricant est seul responsable de la qualité des premières réparations et dès lors, seule et entière responsable des désordres affectant le camping-car acquis par M. Manival ; qu'en conséquence, seule la SAS Rapido peut être tenue au paiement de dommages et intérêts. Elle sollicite la condamnation de la société Rapido, ou de tout autre succombant, à lui payer une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile, le président peut en référé accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Or, c'est à bon droit que le premier juge a tout d'abord écarté comme non sérieuse la difficulté qui tiendrait, selon la société Rapido, fabricant, à la date d'apparition du vice affectant le camping-car (à savoir, selon l'expertise : une déformation notable des panneaux latéraux au-dessous des baies et des grilles d'aération et se traduisant par un "gondolement" de la tôle) ; qu'il a pu ainsi relever, au vu des documents fournis, que cette date est à l'évidence postérieure (d'un an environ) à la vente, et que le vice lui est antérieur, puisqu'il s'agit, de l'aveu même du fabricant du véhicule (page 13 du rapport de l'expert judiciaire) d'un défaut de conception des panneaux mis en œuvre pour la construction, puis pour la première réparation du véhicule (prise en charge par le fabricant), ce qui suffit, pour caractériser le vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil, avec une évidence suffisante pour que le juge des référés puisse statuer sans excéder ses pouvoirs.

Alors que le fabricant opposait encore le caractère purement esthétique de ce vice, le juge des référés a rappelé à juste titre qu'il résultait de l'expertise qu'à terme le véhicule deviendrait impropre à son usage, dès lors qu'à la suite des déformations constatées sur les parois du véhicule, des problèmes d'entrée d'eau vont immanquablement apparaître ; que se trouve ainsi justifié, sans contestation possible, la nécessité, selon l'expert, de remplacer les deux panneaux latéraux par des panneaux renforcés nouvelle génération (la réparation faite une première fois par le fabricant avec des panneaux d'ancienne génération ayant généré les mêmes désordres que ceux apparus après la vente), et donc de déposer l'intérieur complet, de déshabiller les deux côtés, de reposer les vitrages et l'intérieur complet, de réaliser l'étanchéité et de remonter l'ensemble (p. 25 du rapport de l'expert judiciaire) ; que n'est dès lors pas sérieuse la contestation élevée par la société Rapido quant au montant des travaux de réparation que l'expert, selon un chiffrage détaillé (p. 26 du rapport), a évalué à 30 146,56 euro et qui n'a dès lors nullement le caractère "exorbitant" que lui prête le fabricant.

C'est encore à juste titre que le premier juge a considéré que si l'acquéreur, M. Manival, avait opté pour l'action estimatoire - alors que l'article 1644 du Code civil lui donnait le libre choix entre action rédhibitoire et action estimatoire - , le fabricant ne pouvait pas pour autant lui imposer une réparation en nature qu'il refusait.

La circonstance, à présent invoquée en cause d'appel par le fabricant, que M. Manival ne soit plus propriétaire du véhicule défectueux pour l'avoir cédé (à un revendeur professionnel) en septembre 2011 (soit trois ans après son acquisition et postérieurement aux opérations d'expertise) ne peut avoir pour unique conséquence que de priver l'acquéreur de la faculté d'exercer l'action rédhibitoire, action que ce dernier, en tout état de cause, a délaissé au profit de l'action estimatoire, comme l'y autorisait l'article 1644 du Code civil.

Or, l'action estimatoire devant permettre de replacer l'acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n'avait pas été atteinte de vices, celui-ci est fondé à demander la restitution du prix correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier aux vices, peu importe les conditions dans lesquelles celui-ci a pu ultérieurement procéder lui-même à la revente de ce véhicule.

Il s'ensuit que l'obligation de la SAS Rapido, fabricant, de régler à l'acheteur du véhicule camping-car, M. Norbert Manival, la somme, à titre provisionnel, de 30 146,56 euro, sur le fondement de l'article 1644 du Code civil, ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise de ce chef.

C'est par ailleurs à juste titre et par des motifs que la cour adopte, que le premier juge a dit n'y avoir lieu à condamner, la société Sodev SAS, vendeur intermédiaire, au paiement d'une quelconque provision. L'ordonnance sera également confirmée sur ce point.

L'équité commande en outre de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de M. Norbert Manival et de la SAS Sodev pour les montants qui seront indiqués dans le dispositif du présent arrêt.

DECISION

Par ces motifs : LA COUR, Déclare l'appel recevable en la forme ; Au fond, confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne la société SAS Rapido à verser à M. Norbert Manival une indemnité de 2 000 euro et une indemnité de 1 000 euro à la société SAS Sodev sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (en sus des indemnités allouées sur le même fondement par le premier juge) ; Condamne la SAS Rapido aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Garrigue, avocat postulant, de la SCP Capdevilla-Vedel-Salles, avocat postulant, par application de l'article 699 du Code de procédure civile.