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Décisions

CA Agen, 1re ch. civ., 5 septembre 2012, n° 11-01901

AGEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Rahim

Défendeur :

Auto Sun (SAS), General Motors France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boutie

Conseillers :

Mmes Prache, Blum

Avocats :

SCP Tandonnet, Mes Gauthier, Cosset, Llamas, Le Douarin

TGI Agen, du 18 oct. 2011

18 octobre 2011

Le 7 août 2006, Monsieur Habib Rahim a acquis sous garantie auprès du garage Auto Sun 47 un véhicule de marque Opel Vectra affichant un kilométrage de 88.177 moyennant un prix de 9 832 euro.

Fin 2007, après avoir parcouru 8 013 kilomètres, le véhicule est tombé en panne de boîte de vitesse.

Le juge des référés du Tribunal de grande instance d'Agen par ordonnance du 9 septembre 2008 a ordonné une expertise confiée à Monsieur Jean-Paul Vasseur, expert automobile.

Le rapport a été déposé le 27 juillet 2009.

Par acte du 28 janvier 2010, Monsieur Rahim a fait assigner sur le fondement de la garantie des vices cachés la société Auto Sun 47, cette dernière a appelé à la cause par acte du 17 mars 2010 la société General Motors en sa qualité de constructeur.

Le Tribunal de grande instance d'Agen par jugement du 18 octobre 2011 a :

- Rejeté la demande de Monsieur Habib Rahim,

- Dit que la société General Motors était le vendeur initial du véhicule Opel Vectra,

- Déclaré recevable la mise en cause de la société General Motors par la société Auto Sun 47,

- Déclaré les demandes de la société General Motors à l'égard de la société Auto Sun 47 non attraite à la cause irrecevables,

- Rejeté les demandes de la société Auto Sun 47 et de General Motors,

- Condamné la société General Motors à payer à la société Auto Sun 47 la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par acte en date du 2 novembre 2012, Monsieur Habib Rahim a relevé appel.

Par conclusions signifiées le 27 janvier 2012 auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, Monsieur Rahim demande de :

- Infirmer le jugement,

- Homologuer le rapport d'expertise,

- Prononcer la résolution de la vente,

- Condamner la société Auto Sun 47 aux sommes suivantes :

- 9 600 euro : prix d'achat

- 323 euro : carte grise

- 14 160 euro indemnité d'immobilisation

Le tout avec intérêts de droit à compter du 21 août 2008.

- 5 000 euro : dommages et intérêts

- 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir :

- que le rapport d'expertise met en évidence que les dommages ne sont pas récents,

- qu'il est rapporté que la société Auto Sun 47 connaissait la défectuosité depuis le 15 septembre 2006,

- qu'un vendeur professionnel a une présomption irréfragable de connaissance du vice de la chose vendue.

En réponse, la société Auto Sun 47 conclut au débouté, elle demande à titre subsidiaire de :

- Réduire à de plus justes proportions l'indemnité d'immobilisation,

- Débouter l'appelant de sa demande de dommages et intérêts,

- Faisant droit à l'appel incident condamner la société General Motors à la relever indemne,

- Lui allouer une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir :

- qu'elle ne dépend pas du réseau commercial Opel,

- que le véhicule a été mis sur le marché par la société Automobiles Aquitaine Midi-Pyrénées (AAMP),

- qu'elle n'a récupéré le véhicule que sur reprise d'un client, qu'elle n'a procédé qu'à un simple entretien, que les autres entretiens ont été réalisés par AAMP,

- que suivant le rapport d'expertise le vice pour Auto Sun était indécelable,

- que ne faisant pas partie du réseau de distributeur elle n'a jamais était destinataire du courrier du 15 septembre 2006,

- que le sous acquéreur dispose d'une action directe contre le vendeur originaire.

En réplique, par conclusions signifiées le 27 mars 2012 auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, la société General Motors France demande de :

- Dire que la preuve d'un vice caché n'est pas rapportée,

- Dire que la société AAMP non attraite à la cause a seule engagé sa responsabilité,

- Débouté Monsieur Rahim et Auto Sun 47 de leurs demandes.

Subsidiairement :

- Dire que les demandes indemnitaires ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir :

- que la société Auto Sun 47 ne fait pas partie de son réseau de distribution,

- que pour que la preuve du vice caché puisse aboutir contre le constructeur, il faut que le vice ait préexisté à la vente intervenue entre lui et son distributeur,

- qu'elle a, dès la connaissance du défaut relevé, procédé à une campagne de rappel de tous les véhicules, dont fait partie le véhicule incriminé,

- que seule la société AAMP a engagé sa responsabilité.

Enfin, elle demande de lui allouer une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 juin 2012.

SUR CE, LA COUR

- Sur l'existence d'un vice caché :

Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Le vice doit préexister à la vente, il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché.

Dès lors que le défaut de la chose vendue rend celle-ci impropre à sa destination, il n'y a pas lieu de rechercher si un tel vice a été déterminant dans le consentement de l'acheteur pour que le vendeur soit tenu à la garantie.

L'expert indique aux termes de son rapport que la panne a pour origine la "défaillance totale de la boîte de vitesse".

Il conclut qu'au "moment de la vente, le véhicule était entaché d'un vice caché de plusieurs ordres :

- conception du radiateur n'assurant pas une fiabilité suffisante,

- panne anormale à ce kilométrage,

- fuite interne du radiateur non visible de l'extérieur".

Enfin, l'expert précise que "l'on ne peut retenir un manque d'entretien, la boîte de vitesses ayant été vidangée avec respect de la périodicité préconisée par le constructeur".

A cet égard, le constructeur lui-même la société General Motors avait constaté la défectuosité liée à la défaillance des joints assurant l'étanchéité des raccords de circulation d'huile au niveau du radiateur et a mené à partir du 15 septembre 2006, une campagne de rappel des véhicules incriminés au rang desquels figure celui de Monsieur Rahim, toutefois ladite campagne ne visant que son réseau de distribution, la société Auto Sun 47 n'en a pas été destinataire.

Par suite, le véhicule Opel était bien au moment de la vente entaché d'un vice caché le rendant impropre à son usage.

- Sur la mise en cause Auto Sun 47 :

Le vendeur professionnel qui propose de surcroît une garantie commerciale au rang desquels se place Auto Sun 47 reste tenu des défauts de conformité du bien du contrat et des vices rédhibitoires, il est censé connaître le vice dont l'automobile est affectée sans qu'il soit possible de renverser cette preuve irréfragable.

En conséquence, Monsieur Rahim est fondé à obtenir réparation auprès d'Auto Sun 47.

- Sur l'action récursoire de la SAS Auto Sun 47 :

Il n'est pas contestable que le vice existait dès la mise en circulation du véhicule puisque du propre aveu de General Motors elle a engagé une campagne de rappel des véhicules défectueux dont le numéro de série de celui de Monsieur Rahim faisait partie.

Il n'est pas plus discutable que Sun Auto 47 n'a conservé le véhicule que du 6 juillet au 7 août 2006, l'expert a relevé à ce titre qu'elle n'a procédé à aucun réparation permettant de déceler le vice, qu'elle n'a fait qu'un simple entretien alors qu'il aurait fallu déposer la boîte de vitesse pour constater les désordres, de sorte qu'il doit être considéré que le vice était indécelable même pour un vendeur professionnel tenu à la présomption de connaissance, sachant de surcroît que Auto Sun 47 n'a pas été destinataire de l'information quant au rappel des véhicules, dont l'information n'a été diffusée que dans le réseau des revendeurs Opel.

En conséquence, General Motors qui a la qualité de constructeur peut donc être mise en cause par tous sous acquéreurs, qui dispose d'une action directe, qui ne démontre pas que Monsieur Rahim ait été tenu informé du rappel des véhicules, sera tenue de relever indemne la SAS Auto Sun 47 de toutes condamnations prononcées à son encontre.

- Sur les demandes indemnitaires :

L'acheteur dispose à son choix de l'action estimatoire lui permettant de conserver la chose et d'obtenir la restitution d'une partie du prix et l'action rédhibitoire entraînant la résolution de la vente.

L'expert a relevé que la panne est anormale à ce kilométrage, de sorte qu'elle ne peut être imputée à l'usure du véhicule dont il est dit par ailleurs que l'entretien a été réalisé dans le respect de la périodicité préconisée par le constructeur.

Les vices relevés dont le coût de la réparation est estimé par l'expert à plus des deux tiers du prix d'achat ne peuvent être considérés comme négligeables, ce d'autant que rendant le véhicule impropre à sa destination ils ouvrent à son propriétaire le choix d'obtenir l'indemnisation de toutes les conséquences dommageables subies par l'acquéreur du véhicule.

En conséquence, Monsieur Rahim sera indemnisé comme suit :

- Prix d'achat : 9 600 euro,

- carte grise : 232 euro,

- indemnité d'immobilisation : Monsieur Rahim qui ne justifie d'aucun frais à ce titre est débouté de ce chef de demande,

- Dommages et intérêts : il ne peut être sérieusement contestable que Monsieur Rahim qui a été privé d'un moyen de locomotion, a été tributaire du bon vouloir de son entourage tant familial que professionnel pour se déplacer est en droit d'obtenir une indemnisation d'un montant fixé qui est évalué à 3 000 euro.

Les sommes ainsi allouées porteront intérêts à compter de l'assignation au fond du 28 janvier 2010, date à laquelle les demandes indemnitaires ont été formulées.

Succombant, la société Auto Sun 47 est condamnée à payer à Monsieur Rahim la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré, Statuant de nouveau : Prononce la résolution de la vente, Condamne la SAS Auto Sun 47 à payer à Monsieur Habib Rahim les sommes de : - 9 600 euro au titre de la résolution de la vente, - 232 euro au titre des frais de carte grise, - 3 000 euro à titre de dommages et intérêts, Dit que les condamnations prononcées ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2010, Déboute Monsieur Habib Rahim de sa demande au titre de l'indemnité d'immobilisation, Condamne la SAS Auto Sun 47 à payer à Monsieur Habib Rahim une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Auto Sun 47 aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise et autorise Maître Gauthier et Maître Llamas à recouvrer les leurs conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la SAS General Motors a relever indemne la SAS Sun Auto 47 des condamnations prononcées à son encontre.