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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 11 septembre 2012, n° 11-01394

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Jacky Frères (SARL)

Défendeur :

Trouvat, Bely

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Billy

Conseillers :

MM. Leclercq, Morel

Avocats :

SCP Forquin Remondin, SCP Briffod/Puthod, SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, SCP Chantelot-Noel

TGI Bonneville, du 15 avr. 2011

15 avril 2011

Faits et procédure

Selon un bon de commande du 2 juin 2005 M. Trouvat et Mlle Bely ont acheté à la société Jacky Frères un véhicule automobile neuf de type 4x4 de marque Nissan modèle Pick-up D 22 pour le prix de 25 700 euro.

Le 9 juillet 2008, après avoir parcouru 63 147 kilomètres, le véhicule a présenté une panne de moteur (casse des coussinets et fissuration d'une bielle par défaut de lubrification).

La société Nissan a refusé toute intervention en garantie.

Les acheteurs, par courrier recommandé du 26 août 2008, ont alors invoqué la garantie des vices cachés auprès de leur vendeur la société Jacky Frères.

Par ordonnance du 5 février 2009 le juge des référés a désigné un expert en la personne de M. Colombier, lequel a déposé son rapport le 12 janvier 2010.

C'est ainsi que, par acte du 22 mars 2010, M. Trouvat et Mlle Bely ont assigné la société Jacky Frères devant le Tribunal de grande instance de Bonneville en annulation de la vente, restitution du prix et paiement de dommages intérêts.

La défenderesse a résisté en soutenant qu'il n'y avait pas de vice caché et que le dommage provenait du non-respect des préconisations du constructeur relatives à la fréquence des vidanges et du changement du filtre à huile.

Par jugement du 15 avril 2011 le tribunal :

- dit recevable l'action rédhibitoire,

- débouté la société Jacky Frères de ses demandes,

- prononcé la résolution pour vice caché de la vente,

- ordonné la restitution du véhicule par les demandeurs et du prix de 27 500 euro par la défenderesse dans le mois de la signification du jugement,

- dit que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 22 mars 2010,

- condamné la société Jacky Frères à payer à M. Trouvat et à Mlle Bely la somme de 3 751,12 euro à titre de dommages et intérêts pour les préjudices matériels et financiers et la somme de 2 000 euro pour le préjudice moral,

- débouté M. Trouvat et Mlle Bely du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Jacky Frères à leur verser la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

La société Jacky Frères a relevé appel de ce jugement.

Prétentions et moyens des parties

La société Jacky Frères demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- subsidiairement de rejeter toutes demandes de dommages et intérêts complémentaires,

- de condamner M. Trouvat et Mme Bely à lui verser la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- qu'il ressort de l'expertise qu'il n'y a pas de vice caché mais simplement une conception particulière, "à l'ancienne" du moteur nécessitant le respect scrupuleux de vidanges tous les 10 000 kms, préconisation que n'ont pas respectée les acquéreurs, qui n'ont même pas fait une vidange tous les 20 000 kms, ni surveillé leur niveau d'huile et dont la carence est donc à l'origine du dommages,

- que les dommages et intérêts réclamés ne sont pas justifiés.

M. Laurent Trouvat et Mlle Stéphanie Bely demandent à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et dit que la somme de 27 500 euro porterait intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 22 mars 2010,

- de condamner la société Jacky Frères à leur verser la somme de 27 500 euro au titre de la restitution du prix de vente du véhicule, sous astreinte de 50 euro par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- de leur ordonner de restituer le véhicule dès restitution du prix de vente,

- de condamner la société Jacky Frères à leur payer la somme de 29 715,64 euro à titre de dommages et intérêts,

- de condamner la société Jacky Frères à leur payer la somme de 956,80 euro par mois de février 2010 jusqu'à remboursement du prix d'achat du véhicule,

- de dire que les frais de gardiennage sont à la charge de la société Jacky Frères,

- de condamner la société Jacky Frères à leur verser la somme de 4 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils font valoir :

- que l'expert relève que les particularités techniques du moteur étaient de nature à compromettre sa fiabilité sur le long terme, s'il ne faisait pas l'objet d'un entretien et d'une surveillance plus assidue que sur un moteur contemporain, ces particularités n'ayant pas été portées à la connaissance de M. Trouvat, l'avarie provenant d'un défaut de lubrification qui ne serait pas survenu en l'absence des particularité conceptuelles du moteur, de sorte qu'il y a bien vice caché, ou défaut de conformité ou dol, le vendeur ne leur ayant pas fourni d'information et délivré un manuel d'entretien conforme aux préconisations, la vente devant être résolue et le prix de vente restitué,

- qu'ils sont fondés à solliciter en outre la réparation de leurs préjudices matériels et moral :

* coût du crédit contracté pour acheter le véhicule : 3 965,76 euro,

* coût de l'assurance : 1 995,65 euro et de la carte grise : 330 euro,

* aménagements réalisés sur le véhicule : 4 201,83 euro,

* privation de jouissance : 17 222,40 euro outre une somme de 956,80 euro par mois de février 2010 jusqu'à restitution du prix d'achat du véhicule,

* préjudice moral : 2 000 euro,

* frais de remorquage et de gardiennage.

Motifs

Attendu qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire Colombier que l'avarie ayant affecté le véhicule litigieux résulte d'un défaut de lubrification qui ne serait pas survenu en l'absence des particularités conceptuelles de son moteur, de nature à compromettre sa fiabilité sur le long terme s'il ne faisait pas l'objet d'un entretien et d'une surveillance plus assidue que sur un moteur contemporain, particularités n'ayant pas été portées à la connaissance de M. Trouvat ;

Attendu que la nécessité d'entretenir une chose suivant des modalités particulières pour ne pas compromettre sa fiabilité ne constitue pas un vice caché affectant cette chose ;

Qu'en l'absence de preuve d'un défaut d'information volontaire de la part du vendeur sur les périodicités d'entretien requises, le dol ne peut être invoqué ;

Attendu, en revanche qu'il appartenait au vendeur de remettre à l'acquéreur une notice d'entretien conforme aux périodicités exigées par les particularités du moteur du véhicule, soit une vidange tous les 10 000 kms, ce qu'il n'a pas fait puisque la notice qu'il lui a fournie était en rédigée en langue espagnole et ne prévoyait un entretien que tous les 20 000 kms ;

Attendu qu'il s'agit d'un défaut important de conformité justifiant la résolution de la vente, la restitution du prix par le vendeur et la restitution corrélative du véhicule par les acquéreurs et l'allocation de dommages et intérêts si les préjudices allégués par les acquéreurs sont établis ;

Attendu que les acquéreurs estiment qu'ils sont fondés à solliciter au titre de leurs préjudices matériels et de leur préjudice moral :

* coût du crédit contracté pour acheter le véhicule : 3 965,76 euro,

* coût de l'assurance : 1 995,65 euro et de la carte grise : 330 euro,

* aménagements réalisés sur le véhicule : 4 201,83 euro,

* privation de jouissance : 17 222,40 euro outre une somme de 956,80 euro par mois de février 2010 jusqu'à restitution du prix d'achat du véhicule,

* préjudice moral : 2 000 euro,

* frais de remorquage et de gardiennage ;

Attendu, en ce qui concerne le coût du crédit contracté pour l'achat du véhicule, soit la somme de 3 976,76 euro, que les acquéreurs ne peuvent en demander le remboursement, faute de lien de causalité adéquat, puisqu'ils ont pu jouir sans difficulté du véhicule pendant plus de trois ans et effectuer plus de 63 000 kms avec lui ;

Attendu que les acquéreurs ont, en revanche, droit au remboursement de la carte grise, soit la somme de 330 euro ;

Qu'en ce qui concerne le coût de l'assurance, il y a lieu de relever que, pour l'année 2008, la prime était due jusqu'au 9 juillet 2008, date de la panne et de l'immobilisation du véhicule dans les locaux de la société Jacky Frères, et que pour les années 2009 et 2010, ils avaient la possibilité de suspendre le contrat d'assurance, de sorte que seule une somme de 421,12 euro (part d'assurance correspondant à la période 2008 postérieure à la panne) doit faire l'objet d'une indemnisation ;

Attendu, en ce qui concerne les aménagements, parmi lesquels se trouve d'ailleurs un pare buffle non légal et des pneus qui sont des pièces d'usure, il y a lieu, en l'état de ce que les intéressés ont pu en jouir pleinement du véhicule pendant plus de trois ans, d'en laisser le coût à leur charge ;

Attendu, en ce qui concerne la privation de jouissance d'une durée de 18 mois, en l'absence de justificatif de la location alléguée à hauteur de la somme mensuelle de 986,80 euro et compte tenu de ce que les intéressés auraient pu faire l'acquisition d'un autre véhicule plus tôt, il y lieu de limiter cette indemnisation à 3 000 euro ;

Attendu que compte tenu des tracas induits par la panne et la procédure judiciaire, les acquéreurs ont subi un préjudice moral devant être indemnisé à hauteur de la somme de 2 000 euro ;

Attendu que faute de justificatifs, la demande au titre des frais de remorquage et de gardiennage ne peut prospérer ;

Attendu que les demandes des appelants au titre de l'astreinte et du remboursement d'une somme de 956,80 euro par mois jusqu'à remboursement du prix d'achat du véhicule ne sont pas justifiées ;

Qu'il y a lieu simplement de condamner la société Jacky Frères à leur restituer la somme de 27 500 euro au titre du prix de vente du véhicule, outre intérêts légaux à compter du 22 mars 2010, date de l'assignation valant mise en demeure de payer ;

Par ces motifs : LE TRIBUNAL, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris, sauf à dire que la résolution de la vente est prononcée pour défaut de conformité et non pour vice caché, Y ajoutant, condamne la société Jacky Frères à payer à M. Laurent Trouvat et Mlle Stéphanie Bely, indivisément, la somme de 27 500 euro, correspondant à la restitution du prix du véhicule, outre intérêts légaux à compter du 22 mars 2010, Condamne la société Jacky Frères à payer à M. Laurent Trouvat et Mlle Stéphanie Bely, indivisément, la somme de 1 500 euro en dédommagement de leurs frais irrépétibles d'appel, Rejette les autres demandes, Condamne la société Jacky Frères aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon.