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Décisions

CA Besançon, 2e ch. civ., 17 octobre 2012, n° 10-03310

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Racine, Leberre

Défendeur :

Laird

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sanvido

Conseillers :

MM. Theurey-Parisot, Hua

Avocats :

SCP Dumont-Pauthier, SCP Leroux Bruno & Caroline, Mes Hervouet, Bauer

TGI Besançon, du 16 nov. 2010

16 novembre 2010

Faits et prétentions des parties

Le 16 décembre 2006, M. Sébastien Racine et Mme Maud Racine née Leberre ont acquis auprès de M. Jacques Laird un véhicule Porsche Carrera 911 3.21 Jubilé, mis pour la première fois en circulation le 15 avril 1988 et qui présentait 124 915 kms au compteur, au prix de 24 500 euro.

Se plaignant de la persistance de divers dysfonctionnements électriques malgré une première intervention facturée par leur garagiste à hauteur de 403,47 euro, les époux Racine ont avisé leur compagnie d'assurance qui a mandaté M. Yvon en qualité d'expert ; le 19 juillet 2007, ce dernier a examiné à leur domicile le véhicule qui a ensuite été confié le 30 juillet 2007 au Garage Leger à Blois, lequel a émis le 8 octobre 2007 une facture de réparation à hauteur de 1 301,56 euro.

L'assureur de M. Jacques Laird a souhaité la mise en œuvre d'une expertise amiable contradictoire, réalisée le 24 janvier 2008, sans permettre aux parties de se rapprocher de sorte qu'une expertise judiciaire, sollicitée par les époux Racine a été ordonnée par le Juge des référés de Blois le 1er juillet 2008.

M. Berny, expert commis a établi un rapport écrit de ses investigations le 29 juin 2009.

Agissant selon exploit du 5 novembre 2009, M. et Mme Racine ont fait assigner M. Jacques Laird en résolution de la vente de ce véhicule pour vices cachés, et en paiement de divers dommages et intérêts.

Par jugement du 16 novembre 2010, le Tribunal de grande instance de Besançon a :

- débouté M. Sébastien Racine et Mme Maud Racine née Leberre de toutes leurs demandes comme non fondées,

- débouté M. Jacques Laird de sa demande de dommages et intérêts, comme non fondée,

- condamné M. Sébastien Racine et Mme Maud Racine née Leberre à payer à M. Jacques Laird la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. Sébastien Racine et Mme Maud Racine née Leberre à payer les frais et dépens de l'instance.

Sur ce,

Vu la déclaration d'appel déposée le 28 décembre 2010 par M. et Mme Racine,

Vu les conclusions récapitulatives n° 3 déposées le 14 2012 par M. Jacques Laird,

Vu les conclusions récapitulatives n° 2 déposées le 13 juin 2012 par M. et Mme Racine, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé des moyens et des prétentions respectifs des parties, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile,

Vu les pièces du dossier,

Vu l'ordonnance de clôture du 3 juillet 2012,

Motifs de la décision

M. et Mme Racine ne sollicitent plus la résolution de la vente litigieuse, ayant opté à hauteur d'appel en faveur de l'action estimatoire offerte par les dispositions de l'article 1644 du Code civil ; ils réclament à ce titre remboursement d'une somme totale de 16 835,82 euro correspondant au montant des factures de réparation qu'ils ont acquittées, aux frais de remise en état du moteur, aux frais d'huissier ainsi qu'aux frais d'assurance qu'ils ont été contraints d'exposer sans pouvoir jouir normalement de leur acquisition.

Ils soutiennent en substance que le véhicule était bien affecté au moment de la vente de vices cachés le rendant impropre à un usage conforme à sa destination, s'agissant d'une part de désordres d'ordre électrique et d'autre part d'une consommation excessive d'huile conduisant à des mises à niveau incessantes et au remplacement régulier d'une bougie constamment encrassée et calaminée.

La cour écartera en premier lieu des débats le "rapport circonstancié" établi le 9 février 2011 par M. Yvon ( pièce n° 33) ainsi que le procès-verbal de constat daté du même jour ( pièce n° 34 ) produits par les appelants ; il n'est en effet pas acceptable, pour la loyauté des débats, que des parties s'autorisent à faire procéder de leur propre initiative et alors que l'instance judiciaire est en cours, à une réunion non contradictoire menée par un expert non judiciaire à des fins techniques importantes (en l'occurrence le démontage et le contrôle du moteur) privant par la même leur adversaire et le juge de tout moyen de contrôler la pertinence des constatations de ce technicien, quand bien même elles auraient été réalisées en présence d'un huissier de justice dont les compétences en matière de mécanique automobile restent d'ailleurs à démontrer ; il serait également tout à fait vain de solliciter l'avis de M. Berny sur ces constatations, ainsi que le suggèrent les époux Racine, le véhicule ayant selon eux été réparé depuis.

Sur les désordres électriques :

S'agissant de la fuite au niveau des gicleurs de lave-glace vers les organes électriques, la cour constate à la suite du premier juge que rien dans l'expertise de M. Berny ne permet de considérer que ce désordre est antérieur à la vente. Les époux Racine ne justifient en effet avoir alerté M. Jacques Laird sur l'existence de dysfonctionnement à ce niveau qu'à compter du mois d'avril 2007 alors même qu'il pleuvait abondamment le jour de l'acquisition, réalisée, de surcroît, après un essai d'environ 55 kms. Si l'étanchéité des gicleurs n'était pas assurée au moment de la vente, au point de favoriser même des infiltrations d'eau de pluie, les conséquences de ce défaut auraient dû normalement les amener à réagir beaucoup plus rapidement.

Il en est de même concernant l'anomalie du siège avant et des clignotants dont l'antériorité à la vente n'est aucunement démontrée.

Concernant les dysfonctionnements du climatiseur et de l'alarme anti-démarrage, évoqués pour la première fois au mois de juillet 2007, il convient en premier lieu de relever que l'expert judiciaire n'a rien pu constater par lui-même, les réparations ayant été effectuées par le garage Leger après constatation et diagnostic de M. Yvon qui a préconisé le remplacement du moteur de ventilation défectueux, ainsi que du système anti-démarrage selon lui réparé et modifié de manière inadaptée.

M. Berny, qui après examen des différentes pièces remplacées confirme la défaillance du moteur de ventilation et qualifie l'installation électrique de l'alarme de "défectueuse" et "bricolée", ne précise toutefois aucunement en ses conclusions sur quels éléments techniques il se fonde pour considérer que ces anomalies étaient antérieures à la vente.

Les acquéreurs ne démontrent pas en conséquence, alors que la charge de la preuve leur incombe, l'existence d'un quelconque vice caché à ce titre et c'est à juste titre que le premier juge les a déboutés sur ce point.

Sur la surconsommation d'huile :

Elle est évoquée pour la première fois le 24 janvier 2008 lors de l'expertise amiable contradictoire.

Il convient en premier lieu de rappeler qu'il s'agit d'un véhicule de collection, dont le démarrage doit s'effectuer à chaud et qui avait parcouru 124 915 kms le jour de la vente ; il est également établi que ce type de véhicule, compte tenu de la conception de son moteur, présente une forte consommation d'huile qui peut atteindre 1,5 litre pour 1 000 kms.

Il convient également de souligner que le contrôle technique effectué le 1er décembre 2006, soit très peu de temps avant la vente, n'a révélé aucune anomalie et que M. Jacques Laird justifie par ailleurs avoir fait entretenir son véhicule par un concessionnaire Porsche, ce qui n'est pas le cas des époux Racine.

M. Racine a présenté à M. Berny lors du premier examen du véhicule le 22 octobre 2008, six bougies dont l'une très calaminée (celle du 1er cylindre moteur), encrassées par de l'huile moteur ; un second examen effectué le 10 avril 2009 alors que le véhicule avait effectué 807 kms a révélé une consommation de 2 litres d'huile, ce qui demeure assez éloigné des 5 litres pour 1 500 kms annoncés lors de l'expertise amiable du 24 janvier 2008.

L'expert judiciaire, comme d'ailleurs les experts de compagnie d'assurance ont noté la présence au démarrage de fumée et d'odeur d'huile brûlée ; il précise en outre qu'une fois chaud le moteur boîte au ralenti et donne des à-coups et conclut que le véhicule n'a pu se dégrader à ce point après avoir parcouru 5 062 kms ; il en déduit qu'il existait donc bien une surconsommation d'huile lors de la vente.

Si l'existence de ce vice lors de la vente, peut être considéré comme juridiquement établi au vu de ces conclusions, il convient toutefois de rappeler que le vendeur ne peut être tenu, selon l'article 1641 du Code civil, que des défauts cachés de la chose vendue.

Or, le dysfonctionnement décrits par M. Berny, moteur froid et moteur chaud, sont manifestement très perceptibles, y compris par un néophyte en matière de mécanique automobile de sorte qu'ils n'ont pu échapper aux acquéreurs lors de la vente ou à tout le moins dans les jours qui ont suivi.

Le caractère caché de ce vice n'est donc pas démontré en l'état des conclusions de l'expertise judiciaire.

Sur les demandes :

Les constatations ci-dessus commandent le rejet de toutes les demandes de M. et Mme Racine.

Leur action, bien que non fondée n'est pas abusive et M. Jacques Laird sera débouté de sa demande indemnitaire sur ce point.

Il serait en revanche contraire à l'équité de lui laisser supporter seul l'entière charge de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement rendu le 16 novembre 2010 par le Tribunal de grande instance de Besançon, Y ajoutant, Ecarte des débats les pièces n° 33 et 34 communiquées par M. et Mme Racine, Déboute M. et Mme Racine de l'ensemble de leurs demandes Déboute M. Jacques Laird de sa demande de dommages et intérêts, Condamne M. et Mme Racine à verser à M. Jacques Laird la somme de mille cinq cents euro (1 500 euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Les condamne aux entiers dépens, avec possibilité de recouvrement par la SCP Leroux, Avocats, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.