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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 17 octobre 2012, n° 11-05434

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gautier (SAS)

Défendeur :

Unical France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dos Reis

Conseillers :

MM. Gallais, Samuel

Avocats :

SCP Duval Bart, Mes Bart, Bodineau, Thirion-Casoni

T. com. Rouen, du 24 oct. 2011

24 octobre 2011

La société Gautier, qui achète à la société Unical des chaudières qu'elle installe chez des particuliers, ayant été destinataire de nombreuses réclamations de ses clients relatives aux dysfonctionnements apparus sur ces chaudières, a refusé de régler la somme de 8 456,33 euro qu'elle restait devoir à la société Unical en règlement du solde de facturations, dans l'attente du règlement des litiges l'opposant tant à ses clients qu'à la société Unical.

C'est dans ces conditions que la société Unical a, suivant acte extra-judiciaire du 24 janvier 2011, assigné la société Gautier à l'effet de la voir condamner au paiement de la somme de 8 456,33 euro assortie des intérêts au taux légal au taux contractuel de 11 % à compter de l'assignation et qu'à titre reconventionnel, la société Gautier a conclu à sa condamnation au paiement de la somme de 13 601,49 euro à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 24 octobre 2011, le Tribunal de commerce de Rouen a :

- au visa des articles 1134 du Code civil, L. 441-6 du Code de commerce, 515, 696 et 700 du Code de procédure civile, condamné la société Gautier à payer à la société Unical la somme de 8 456,33 euro assortie des intérêts au taux de 11 % à compter de l'assignation,

- dit que l'origine des litiges et le lien de causalité entre les demandes des clients finaux et le fournisseur de chaudières ne pouvaient être déterminés,

- débouté la société Gautier de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Gautier à payer à la société Unical la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, entiers dépens en sus.

La société Gautier a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la cour, par dernières conclusions du 20 juin 2012, de :

* au visa de l'article 1147 du Code civil, des articles 695, 696 et 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Unical au paiement des sommes de 13 601,49 euro en principal et de 30 000 euro à titre de dommages-intérêts, outre 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, entiers dépens en sus.

La société Unical prie la cour, par dernières conclusions du 8 juin 2012, de :

* au visa des articles 1641 et suivants du Code civil,

- dire prescrite l'action de la société Gautier,

- subsidiairement, vu l'absence de preuve de sa responsabilité dans les litiges invoqués par la société Gautier, débouter celle-ci de ses demandes,

- la condamner au paiement de la somme de 8 456,33 euro assortie des intérêts au taux de 11 % par application de l'article L. 441-4 du Code de commerce,

- lui donner acte de ce qu'elle a procédé au paiement de cette somme dans le cadre de l'exécution provisoire ordonnée par le premier juge,

- condamner la société Gautier au paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, entiers dépens en sus.

Ceci exposé, la Cour

Sur la demande en paiement de la société Unical

La société Gautier ne contestant pas devoir à la société Unical la somme de 8 456,33 euro correspondant à la fourniture d'une chaudière au mois de mai 2005, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de cette somme dont il n'y a pas lieu de déduire l'avoir de 2 415,29 euro, proposé par la société Unical au mois de mars 2010 à titre commercial, dès lors que cette proposition n'est pas renouvelée par la société Unical dans le cadre du présent litige ;

Quant aux intérêts assortissant cette condamnation, ils seront fixés au taux de 11 % sollicité par la société Unical, dès lors que, selon L. 441-6 du Code de commerce 'Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire' et que les conditions de règlement figurant au verso des bons de commande produits aux débats (Conditions générales de vente) indiquent 'Tout retard donnera lieu à l'application, au profit d'Unical France, d'un intérêt de retard selon les dispositions légales en vigueur le taux des pénalités est le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne majoré de 7 points', en sorte que le taux de 11 % est justifié au regard des conditions de règlement contractuelles et n'équivaut nullement à une clause pénale comme le soutient subsidiairement la société Gautier ;

Il n'y a pas lieu de décerner l'acte requis, sans incidence sur la solution du litige ;

Sur la demande reconventionnelle de la société Gautier

Au soutien de son appel, la société Gautier indique qu'elle n'agit pas sur le fondement des vices cachés mais sur celui de la responsabilité contractuelle, qu'à supposer que son action soit requalifiée en action en garantie pour vices cachés, elle n'en serait pas moins recevable pour avoir été exercée à bref délai, dès lors que le tribunal a relevé que les réclamations émises par ses clients avaient été émises dans un délai compatible avec celui de l'article 1648 du Code civil et que les propositions d'extension de garantie ou de changement de pièces de la société Unical ont retardé l'engagement d'une action en justice ; sur le fond, elle estime rapporter suffisamment la preuve des pannes récurrentes ayant affecté les chaudières vendues par la société Unical par les réclamations de ses clients et les mails échangés avec la société Unical, laquelle a proposé de lui consentir un avoir en contrepartie des désordres dont elle était informée ;

La société Unical réplique que l'action exercée par la société Gautier est irrecevable dès lors qu'elle s'analyse comme un action en vices cachés qui n'a pas été engagée dans le délai de l'article 1648 du Code civil, soit dans les deux années à compter de la découverte du vice ; sur le fond, elle fait valoir que la société Gautier ne démontre pas la réalité des défectuosités invoquées, n'ayant jamais demandé le remplacement des chaudières dans le cadre de la garantie contractuelle ; à cet égard, la mise en œuvre de la garantie contractuelle offerte par la société Unical dans le cadre de la fourniture de chaudières étant étrangère à l'action estimatoire exercée subsidiairement par la société Gautier, il est sans intérêt d'examiner si cette garantie a été ou non recherchée par ladite société ou si elle a été effectivement accordée ;

Suivant les articles 1641 et suivants du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix s'il les avait connus ;

Ainsi que le fait valoir à juste titre la société Unical, le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les articles 1641 du Code civil, en sorte que la société Gautier ne peut, pour éluder ces dispositions, fonder sa demande sur la responsabilité contractuelle du vendeur ; l'action sera donc examinée au regard de la garantie légale des vices cachés due par le vendeur à l'acquéreur ;

Selon l'article 1648 du Code civil, l'action rédhibitoire doit être engagée dans les deux années de la découverte du vice : au cas d'espèce, les réclamations des clients de la société Gautier se sont échelonnées entre les mois de novembre 2009 et janvier 2011, en sorte que la société Gautier a bien engagé l'action, par conclusions reconventionnelles du 14 mars 2011, dans les deux années de la découverte des vices, cette découverte des vices dans leur ampleur étant caractérisée par le nombre des protestations formulées, la précision des dernières d'entre elles récapitulant les nombreuses défectuosités constatées ainsi que et la nature et la récurrence des dysfonctionnements survenus, affectant plusieurs pièces et organes des chaudières litigieuses ;

L'action est donc recevable ;

Les lettres adressées à la société Gautier par ses clients (M. Hemet, Bourabaa, Kherchouche, Mme Lacaille, M. Vinault) prouvent la réalité et la consistance des vices cachés, affectant, notamment, les brûleurs et d'autres organes internes des chaudières ; au demeurant, la société Unical, en réponse à un mail de la société Gautier du 2 mars 2010 récapitulant les difficultés rencontrées auprès de Mme Lacaille, dont la chaudière avait explosé, a consenti un avoir de 2 415,29 euro et a proposé une réfaction de prix sur une gamme de chaudières neuves, reconnaissant ainsi, implicitement mais nécessairement, les défectuosités des chaudières fournies, en sorte que la société Gautier établit que les désordres sont en relation avec les vices des chaudières vendues par Unical France et non imputables à une mauvaise installation de sa part, comme le suggère l'intimée ;

La société Gautier justifie avoir dû changer chez l'un de ses clients une horloge de régulation, ajouter un vase d'expansion, changer une anode de magnésium et poser un filtre, intervenir à quatre reprises au domicile d'un autre client, changer chez un troisième un brûleur, remplacer chez un quatrième trois platines électroniques, deux extracteurs, deux brûleurs et un vase d'expansion, le tout pour un coût totalisant 10 521,49 euro auquel il convient d'ajouter 3 080 euro de main d'œuvre ; toutefois, l'action estimatoire n'ouvrant droit à l'acquéreur qu'à une réduction de prix correspondant à la différence entre le prix réglé et celui qu'il aurait versé s'il avait connu les vices, la cour, réformant le jugement dont appel, condamnera la société Unical à régler à la société Gautier la somme de 7 000 euro à titre de réduction de prix, eu égard au prix moyen unitaire d'une chaudière (entre 2 000 et 4 000 euro environ selon les factures produites) et au nombre de chaudières défectueuses incriminées (sept) ;

Enfin, la société Gautier a subi, en raison des nombreuses et récurrentes pannes des chaudières fournies par la société Unical, un préjudice commercial indéniable et une atteinte grave à sa réputation, qui seront justement réparés par l'allocation, en sus des 7 000 euro correspondant à l'indemnité des vices cachés, d'une somme de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts, dès lors qu'en sa qualité de professionnelle, la société Unical doit être réputée avoir eu connaissance des vices affectant ses chaudières ;

L'équité commande de condamner la société Unical à payer à la société Gautier la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, entiers dépens en sus ; en revanche, le jugement sera réformé en ce qu'il a condamné, à tort, la société Gautier à payer à la société Unical la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus ;

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Au fond, réforme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Gautier de ses demandes reconventionnelles et en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Unical la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus, Statuant à nouveau de ces chefs, Dit recevable et bien fondée l'action engagée par la société Gautier sur le fondement des vices cachés, Condamne la société Unical à payer à la société Gautier les sommes de 7 000 euro à titre de réduction de prix et de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts, La condamne également à verser à la société Gautier la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Confirme le jugement pour le surplus, Ordonne compensation entre les dettes et créances réciproques des parties, Rejette toute autre demande, Condamne la société Unical aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.