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Décisions

CA Pau, 1re ch., 17 octobre 2012, n° 11-03287

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bages

Défendeur :

Trade 64 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Castagne

Conseillers :

M. Augey, Mme Beneix

Avocats :

SCP Longin-Longin-Dipeyron-Mariol, SCP Duale-Ligney, Mes Vermote, Verliat

TI Bayonne, du 10 août 2011

10 août 2011

Faits et procédure

Considérant que la cause de l'accident dont il a été victime provient de vices cachés affectant le fonctionnement du scooter qu'il avait acquis le 13 décembre 2007, au prix de 698 euro auprès de la SARL Trade 64, M. Bages a fait assigner son vendeur par acte du 30 septembre 2010, devant le Tribunal d'instance de Bayonne, en remboursement du prix d'achat et paiement de dommages et intérêts.

Suivant jugement du 10 août 2011 le tribunal a déclaré l'action forclose en application de l'article 1648 du Code civil et a débouté la SARL Trade 64 de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts et en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Bages a relevé appel de cette décision suivant déclaration au greffe en date du 9 septembre 2011.

Moyens et prétentions des parties

M. Bages dans ses dernières écritures en date du 16 décembre 2011, conclut sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, à la réformation du jugement, à la recevabilité de l'action en l'absence de prescription et à la condamnation de la SARL Trade 64 à lui payer les sommes de 698 euro correspondant au prix d'achat du scooter, 4 000 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et perte d'emploi et 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient que, suivant courrier du 18 septembre 2008, le vendeur a constaté les défauts du scooter et s'est engagé à le reprendre. Cette reconnaissance de son obligation de reprendre le véhicule constitue une reconnaissance du vice caché, de sorte qu'en application de l'article 2240 du Code civil, la prescription a été interrompue. Il convient donc de constater l'interversion de la prescription qui devient une prescription de droit commun de cinq ans.

Et, la reconnaissance du vice caché exclut le débat sur l'origine du vice.

La SARL Trade 64 dans ses dernières écritures en date du 27 janvier 2012, conclut à la confirmation du jugement et donc à la forclusion de l'action en application de l'article 1648 du Code civil. Subsidiairement, elle conclut au débouté des demandes et reconventionnellement, sollicite l'allocation de la somme de 2 000 euro en réparation de la gêne subie et du préjudice moral qui lui a été causé ainsi que la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que le scooter vendu a été livré en kit, M. Bages en a assuré seul le montage et la mise en route. Bien que l'expertise qu'il a fait diligenter, ait été non contradictoire, la SARL Trade 64 a, dès les premières réclamations, écrit le 21 janvier 2008, qu'elle acceptait la reprise du scooter et le remboursement du prix. Cette proposition, réitérée selon courrier du 18 septembre 2008, est demeurée sans effet, jusqu'à l'assignation du 30 septembre 2010.

La demande est forclose pour ne pas avoir été présentée dans le délai de l'article 1648 du Code civil de deux ans à compter de la découverte du vice, le 5 juin 2008, date du dépôt du rapport d'expertise de l'expert mandaté par l'assureur de M. Bages.

Si la cour jugeait que le courrier du 18 septembre 2008 avait interrompu ce délai conformément à l'article 2240 du Code civil, il conviendrait de faire application de l'article 2231 par lequel l'interruption du délai de prescription fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien, qui en tout état de cause serait expiré le 18 septembre 2010, soit avant l'assignation du 30 septembre 2010.

Subsidiairement, elle soutient que l'origine du vice n'est pas démontrée, alors que M. Bages a assuré le montage du scooter livré en kit, sans disposer d'une qualification reconnue en matière mécanique, qu'il a reconnu avoir chuté à l'arrêt, ce qui constitue une cause possible des dysfonctionnements apparus depuis et qu'il se plaint non pas des conséquences d'un vice caché mais des dommages occasionnés par sa chute.

Les demandes indemnitaires sont exagérées au regard de la proposition qui avait été faite initialement et en l'absence de preuve justificative voire d'un lien de causalité.

Ainsi il est démontré la mauvaise foi de M. Bages, dont l'objectif est de battre monnaie tout en continuant à utiliser le scooter litigieux.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2012.

Motivation

En vertu de l'article 1648 du Code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice et l'action en réclamation contre le vendeur, est enfermée dans le délai de cinq ans à compter de la livraison. L'acheteur qui découvre l'existence d'un vice caché de la chose vendue, doit donc engager son action en garantie des vices cachés, contre le vendeur dans les cinq ans de la vente et dans les deux ans de la découverte du vice.

Ce délai est interrompu en application de l'article 2240, par la reconnaissance du débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrit.

En l'espèce, la vente est intervenue le 13 décembre 2007 et le rapport d'expertise amiable du 5 juin 2008 fixe la date de découverte du vice.

Par courrier du 18 septembre 2008, le vendeur a confirmé sa proposition antérieure en date du 21 janvier 2008, par laquelle il acceptait de "reprendre le scooter". Ce courrier qui constitue la reconnaissance par le vendeur du droit de son créancier, a interrompu le délai pour agir.

Toutefois, ce courrier n'opère pas une interversion de prescription, en application de l'article 1648, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 17 février 2005, substituant le délai d'action de deux ans à la notion antérieure de "bref délai", et de l'article 2231, qui dispose que l'interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.

Dès lors, M. Bages disposait d'un délai de deux ans à compter du 18 septembre 2008 soit jusqu'au 18 septembre 2010 pour agir en garantie des vices cachés à l'encontre de son vendeur.

L'assignation du 30 septembre 2010 est donc tardive. Le jugement qui a déclaré l'action irrecevable comme étant prescrite, doit en conséquence être confirmé.

L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à réparation que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou une erreur grossière équipollente au dol, insuffisamment caractérisé en l'espèce. La SARL Trade 64 sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de la SARL Trade 64, la totalité des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme de 800 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Confirme le jugement du Tribunal d'instance de Bayonne en date du 10 août 2011 en toutes ses dispositions ; - Déboute la SARL Trade 64 de sa demande de dommages et intérêts ; - Condamne M. Bages à verser à la SARL Trade 64 la somme de 800 euro (huit cents euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne M. Bages aux dépens d'appel ; - Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.