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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 17 octobre 2012, n° 12-02515

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Crossroads (SARL)

Défendeur :

Barbet, Geulin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dos Reis

Conseillers :

M. Gallais, Mme Holman

Avocats :

Mes Benoit, Bril

CA Rouen n° 12-02515

17 octobre 2012

Le 11 juillet 2005, M. Serge Barbet et Mme Cécilia Geulin, son épouse, ont acquis auprès de la société Crossroads, pour le prix de 42 500 euro, un véhicule d'occasion Mercedes de type ML 270 CDI.

Faisant état d'anomalies de fonctionnement, ils ont sollicité en référé une expertise ; l'expert commis par ordonnance du 5 octobre 2006, M. Froute, a déposé son rapport le 26 avril 2010.

Par acte du 3 novembre 2010, les époux Barbet ont assigné devant le Tribunal de grande instance d'Évreux, sur le fondement de la garantie des vices cachés, la société venderesse aux fins de résolution de la vente.

Par jugement du 13 avril 2012, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal considérant que, contrairement à ce que sollicite la société Crossroads, il n'y a pas lieu à annulation du rapport d'expertise ni à contre-expertise, mais qu'est établi un vice caché, connu de la vendereresse, et rendant le véhicule impropre à son usage, a prononcé la résolution du contrat et condamné la société Crossroads à restituer aux époux Barbet la somme de 42 500 euro et à leur payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité de 2 500 euro ainsi qu'à supporter les dépens.

La société Crossroads a, le 23 mai 2012, relevé appel de cette décision et, par ordonnance du 25 mai 2012, a été autorisée à assigner les intimés à jour fixe.

La société appelante a fait délivrer assignation le 7 juin 2012 aux époux Barbet et fait valoir pour l'essentiel qu'elle fournit un avis technique démontrant l'incohérence du rapport d'expertise judiciaire, que celui-ci n'établit pas la survenance d'un accident avant la vente, qu' en tout état de cause les défauts allégués n'empêchent pas le véhicule de circuler et que celui-ci subit une dépréciation anormale dans la mesure où les époux Barbet ne respectent pas leurs obligations de gardiennage et d'entretien courant.

Elle sollicite en conséquence l'infirmation du jugement, l'annulation du rapport d'expertise et une contre-expertise.

À titre principal, elle demande que les époux Barbet soient déboutés de l'ensemble de leurs prétentions et, à défaut, le véhicule n'étant pas impropre à son usage, qu'il lui soit donné acte de son offre de réparation à hauteur de 14 781,91 euro.

À défaut, elle entend qu'il soit jugé que le véhicule litigieux s'est déprécié de 32 911 euro par l'usage des époux Barbet et qu'il lui soit donné acte de son offre de le reprendre pour un prix de 9 589 euro.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation solidaire des époux Barbet à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans leurs conclusions du 19 juillet 2012, les époux Barbet soutiennent essentiellement que l'avis technique invoqué par l'appelante est inopérant alors que celle-ci, au cours des opérations d'expertise, n'a jamais adressé le moindre dire critiquant le contrôle de châssimétrie, que la preuve de l'impropriété du véhicule est rapportée et que la société Crossroads n'est pas fondée à obtenir une indemnité liée à l'utilisation ou à l'usure de celui-ci.

Ils concluent ainsi à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Crossroads au paiement d'une somme complémentaire de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce, la Cour,

Attendu qu'il doit être rappelé que la garantie des vices cachés invoquée par les époux Barbet est due par le vendeur, suivant les dispositions de l'article 1641 du Code civil, " à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus " ;

Attendu que, compte tenu des éléments résultant des pièces produites et de cette définition du vice, la Cour est en mesure de trancher le litige sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans la discussion instaurée par les appelants relativement à la pertinence des conclusions du rapport d'expertise de M. Frouté ;

Attendu que si, curieusement, aucune des parties n'a fourni les documents contractuels afférents à la vente du véhicule qu'elles s'accordent à fixer au 11 juillet 2005, il convient de considérer parfaitement plausible l'affirmation de la société Crossroads selon laquelle, à cette date, le véhicule avait parcouru 18 566 km ; qu'en effet, celui-ci a été mis en circulation le 21 octobre 2003 et, d'après le relevé fourni à l'expert judiciaire par Mercedes Daimler Chrysler France (annexes 5 et 6 du rapport), il avait parcouru le 12 mai 2005 (soit deux mois avant la vente) 16 481 km et, le 7 septembre 2005 (soit deux mois après la vente), 22 855 km;

Or attendu qu'il ressort des pièces produites par les intimés que, lors du contrôle technique du 27 octobre 2007, le compteur affichait 49 177 km et, lors du contrôle technique suivant, du 3 novembre 2009, il affichait 66 079 km ;

Qu'ainsi, entre juillet 2005 et novembre 2009, les époux Barbet ont parcouru, avec le véhicule litigieux, près de 50'000 km ;

Qu'ils ont continué à rouler avec celui-ci tout en sollicitant, après le dépôt du rapport d'expertise, la résolution de la vente puisque la facture qu'ils communiquent du 31 mai 2012 fait état d'un kilométrage de 77 325 km, soit encore 11 000 km de plus qu'en novembre 2009 ;

Attendu que la démonstration est par là - même faite que le véhicule Mercedes n'est ni impropre à sa destination ni même que son usage en serait réduit ; que la preuve est ainsi rapportée que les défauts invoqués (dysfonctionnements sur la planche de bord, les équipements de bord, les équipements de protection de personnes et défauts sur les garnitures) n'ont nullement empêché les époux Barbet de circuler avec celui-ci sans difficultés alléguées ni constatées de sorte qu'il ne peut être considéré comme atteint d'un vice répondant à la définition de l'article 1641 susvisé et que ne peut être sollicitée la résolution de la vente ; que le jugement doit en conséquence être réformé ;

Attendu que les conditions de la garantie des vices cachés n'étant pas réunies, les époux Barbet doivent être déboutés de l'ensemble de leurs prétentions ; qu'ils devront en conséquence supporter tant les dépens de première instance, incluant les frais de référé et d'expertise, que d'appel et verser à la société Crossroads, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité équitablement fixée à 2 500 euro ;

Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris, Déboute M. Serge Barbet et Mme Cecilia Geulin, son épouse, de l'ensemble de leurs prétentions, Les condamne in solidum à verser à la société Crossroads la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Les condamne in solidum aux dépens de première instance, incluant les frais de référé et d'expertise, et d'appel avec droit de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.